Nul Parc Ailleurs

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« C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages.
Le mec, au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien.
Mais l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »

Les lecteurs les plus anciens auront reconnu cette phrase du film « La haine » de Mathieu Kassovitz, avec Vincent Cassel. Un grand film, un film noir, comme celui qu’on nous propose depuis le début de cette Coupe du monde au PSG (non, je ne parlerai pas des barbouzes, des écoutes téléphoniques et de la surveillance de nos propres joueurs dans cet article, promis). Car, fait étrange, au bout de deux jours de compétition, on apprenait que le Qatar envisageait de céder 10 à 15% de son capital à d’autres investisseurs. Ah ? Tiens donc. Il paraît que c’est à cause du fair-play financier. Mouais. Une semaine plus tard, Nasser Al-Khelaïfi nous sortait une nouvelle bombe : le PSG pourrait quitter le Parc des Princes. QSI qui a déjà investi 70 millions pour le moderniser, propose… 40 millions pour le racheter.

40 millions pour le Parc des Princes ? Vraiment ? 40 millions pour l’âme du sport français depuis le début des années 70, pour les souvenirs de Platini face à la Hollande, de Jen-Pierre Rives en sang et de tant d’autres immenses talents ? 40 millions pour un joyau architectural sans égal ? Ce n’est pas un affront mais ça y ressemble sérieusement. Proposer une telle somme pour le Parc des Princes, cher Nasser, c’est honteux. Le Parc ne vaut pas un Leandro Paredes, comme l’a rappelé Emmanuel Grégoire. Le Parc ne vaut pas moins que David Luiz, que Julian Draxler, que Mauro Icardi, que Vitinha ou Achraf Hakimi. Et il a raison. Tout comme le PSG ne valait pas 64 millions, dont quelques uns dans la poche des Sarkozy, ces grands « amoureux » (sic) du PSG qui se sucrent au passage.

Donc, si le Parc ne vaut pas 40 millions, pourquoi cette proposition de Nasser et de QSI ? C’est pas le Marché aux puces ici. Ils sont un peu juste malgré leurs fonds souverain de 320 milliards ? 320 milliards, c’est abstrait tant la somme est énorme mais pour visualiser, c’est le prix de 1440 Neymar. De quoi voir venir. Alors pourquoi ce chiffre mesquin, ridicule, hors de propos ? Car ils ont déjà décidé de partir.

Economiquement, ça se comprend. De plus en plus de grands clubs disposent d’un stade qui leur appartient, beaucoup ont décidé de faire table rase du passé, Highbury n’est plus, vive l’Emirates Stadium. Parmi les pistes, on évoque la possibilité de racheter le Stade de France (qui est un beau stade mais en rien un stade de foot tant l’ambiance s’échappe de partout) ou de faire construire, notamment à la place de l’hippodrome de Saint-Cloud. C’est dire si on se soucie de l’aspect populaire du PSG et des moyens de transports pour y accéder mais c’est une autre histoire.

Supporters du PSG, nous savons tous que l’un des objectifs majeurs du Qatar pour redorer son blason était cette Coupe du monde qui se tient actuellement. Un grand succès, tant humain qu’écologique que populaire. Mais il est étrange, pour ne pas dire suspicieux, que depuis l’ouverture de ce grand raout mondial, tant de nouvelles infos nous arrivent sur le PSG alors qu’en général, elles sont plus bouclées que le Masque de fer dans sa geôle de la Bastille (un peu avant que ça devienne bobo et trendy).

Alors pourquoi maintenant ? Pourquoi ces fuites ? Pourquoi ce calendrier ? Rien n’est innocent avec QSI. Nous le savons tous. Je n’ai pas la réponse mais peut-être avez-vous un avis ?


En attendant et pour rappeler l’importance de ce stade à ceux qui en douteraient ou auraient la mémoire courte, voici un premier souvenir qui prouve s’il en était besoin à quel point cette enceinte a été construire pour écrire l’histoire, Celle du PSG.


On est vraiment des cons. Et en plus, on passe pour ce qu’on est, des cons, dans toute l’Europe. Franchement, perdre un match 3-0 sur tapis vert car on a oublié que Lolo mèche rebelle en l’air à l’arrière du crâne Fournier était sous le coup d’une suspension quand on l’a aligné sur le terrain au match aller, c’est pas sérieux.

Résultat des courses, on perd 3-2 sur gazon mais 3-0 sur tapis vert. Misère. L’équipe titre « Une boulette à 70 patates ». Au Real, à Barcelone, à Milan, à Manchester, à Munich, on se pisse dessus de rire. Paris n’est plus magique, Paris est burlesque, risible, tragique.

En me rendant vers le Parc à pied (12 minutes pile chronométrées, pas assuré, chant sur les lèvres et écharpe au cou), je repère, comme toujours, les premiers signes de la ferveur. Je vois les premiers maillots, drapeaux, je regarde ce peuple dont je faire partie sortir de droite et de gauche, se conglomérer. Les regards sont fermés. On est vraiment des cons. 3-0 minimum, on peut le faire mais c’est sacrément piège. Suffit d’un premier but par l’adversaire et on est morts. En plus d’être très cons.

Le brouhaha augmente, les klaxons des voitures empêtrées dans le bordel autour du Parc aussi, les cornes de brume leur répondent. Quelques doigts. La tension est là. La nuit nous ouvre ses bras. Je retrouve mon frère au point habituel. Il claque la bise, grogne un truc, mâchoire fermée. Presque en silence, comme en rentrant dans une cathédrale, nous passons les barrages, montons quatre à quatre les escaliers, pas sûr, décidé. H bleu, rang F, place 23 pour moi, 24 pour lui.

Dernier escalier, la lumière explose, éblouit comme toujours, le terrain vierge attend l’événement, l’entraînement se termine. Peu de mots chez les joueurs en direction des vestiaires, peu de mots dans les tribunes. Tension palpable. Le Parc se remplit en flots, tout le monde est en place en cette fin de mois d’aout. Nous sommes plus de 42 000. Nous sommes derrière vous. Nous sommes avec vous.

Les deux équipes rentrent sur le terrain. On jauge les premières attitudes, les premiers pas, les visages des joueurs pour avoir une indication de leur esprit. 11 blocs. 11 blocs tournés vers un seul objectif. Ça sent bon, ça augure bien. Mais avec ce PSG, comme toujours, on ne sait jamais. C’est pour ça qu’on est là. C’est comme ça qu’on l’aime, ce club. Le meilleur, le pire, l’incroyable et le pathétique. Le foot, quoi.

Raì psg steaua 1997
© Icon Sport

Revault, Ngotty, Roche, Domi, Algerino, Leonardo, Le Guen, Raï, Simone. Maurice se rejoignent, forment un cercle. Quelques mots de Raï, très peu et les corps se séparent tout en restant incroyablement soudés. Il y’a une énergie autour d’eux, une impalpable concentration d’envie collective.

L’arbitre se dirige d’un pas cadencé au centre du terrain, donne le ballon et le coup d’envoi. Le Parc acclame ses gladiateurs, les pousse dès les premières secondes. Maurice rue comme un taureau pour contrer un premier ballon. Une immense clameur rageuse et spontanée tonne dans les travées. Cette hargne du premier duel galvanise le Parc. Et Raï qui en rajoute avec une tentative de passe en retourné du milieu du terrain. Incroyable. Irrésistible. Energisant.

Toute l’équipe prend place dans le terrain adverse. À chaque balle récupérée par les Roumains, le Parc siffle comme un seul homme, stridente tentative de déstabilisation collective. Et ça marche, les rouges font n’importe quoi, s’emmêlent les pinceaux, ratent leurs quelques contres, bafouillent leur football. Les contacts sont rugueux, on n’est pas là pour planter des tomates.

La pluie s’en mêle, juste ce qu’il faut pour pour accélérer le tempo. Leonardo, Gava et Raï combinent soyeusement sur la pelouse humide, le numéro 10 de la Seleçao trouve dans un trou de souris Algerino qui se foire mais se reprend, repasse à Raï qui administre un amour de centre vers Simone et Maurice, secoué comme un sac de chiffon par son défenseur. Coup de sifflet. Penalty ! 2e minute, penalty !

Molosse mythique fait de sang et de béton

Mon frère m’écrase les côtes, grogne de plus belle, lève le poing, espère, sait que ça va aller. Et ça va aller, Raï a déjà pris le ballon sous le bras. Le Parc chante, le Parc pousse, le Parc est dans ses pas à chaque foulée vers le point de pénalty. Le Parc retient son souffle quand il lance sa course. Le Parc explose quand le ballon fait trembler les filets, exulte quand Raï récupère le ballon et revient vers le centre du terrain levant un poing rageur. C’est pas fini ! Non, ça ne fait que commencer. Et le Parc tout entier le fait savoir, tremblant, vibrant, grondant. Le Parc fissure l’adversaire en deux aussi sûrement qu’un coup de foudre. Ils sont finis. À chaque nouvelle attaque, à chaque une-deux, le Parc resserre son emprise sur l’adversaire. Le Parc est un boa constrictor, le Parc ne lâchera jamais. La tête de Raï sur corner enterre vite les Roumains, les autres buts de Simone, de Allez Florian, allez mon petit bonhomme Maurice et le triplé de Raï sont autant de clous dans le cercueil d’un adversaire pas verni.

Le Parc n’a jamais été plus vivant que ce soir là. Nous étions les organes, l’équipe, les muscles et le Parc, les os. 42686 spectateurs, 22 joueurs et un douzième homme. Un molosse mythique fait de sang et de béton qui renaît parfois à l’occasion et qui mérite toute notre considération (coucou Nasser).

Raì PSG Steaua 1997
© Icon Sport

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