Balles neuves

par

Nous avions connu la déroute sans honneur, la honte et le ridicule.
Hier soir, c’était encore autre chose.


Notre première mi-temps, mais peut-être que cette nuit douloureuse a brouillé mes souvenirs, a été parfois magique, nous avons couru ensemble, joué ensemble, nous avons multiplié les passes lumineuses, les situations dangereuses, même Bakker avait le ballon qui lui collait au pied. Marquinhos a marqué, de la tête, sur corner. Comme un clin d’oeil à notre destin. On y était. Tous. Au front, vaillants et pugnaces. J’étais fier, et, je vous l’avoue, presque déstabilisé. Paris était à sa place, conquérant, volontaire et habité. Il aurait alors fallu enfoncer le clou, éteindre la bande à De Bruyne. Tuer. Et puis, cette seconde mi-temps… Le néant.

Rien, absolument rien. Mbappé dans tous les mauvais coups, Marco en emploi fictif, Gueye en guerrier perdu, aucune occasion, une fatigue de plomb sur nos épaules, City jouait à la passe à dix, tranquille, attendant le bon moment pour planter ses banderilles. Et ça n’a pas manqué. Deux buts idiots, vraiment évitables et l’obligation d’un exploit pour y croire encore. Les torses bombés ont été remplacés par des têtes basses, des regards hagards, une brume de cauchemar s’est abattue sur le Parc et sur nos rêves. Nous ne savons plus gagner à domicile. Ce virus merdique, cette absence d’âmes en tribunes…

Mardi, nous saurons. Mardi, nous quitterons peut-être la compétition sans avoir pu inverser la tendance. Nos statistiques à l’extérieur disent pourtant autre chose. United, Barcelone, Munich, nous avons démontré à l’Europe qu’en déplacement, le PSG ne tremblait pas, plus. Tout reste possible. La joie d’une finale promise dans les yeux de Guardiola à la fin du match m’a offert quelques secondes d’espoir. L’arrogance mancunienne était là, palpable. Ils avaient marqué deux fois au Parc, la messe était dite. La confiscation du ballon par les Anglais était un billet pour la Turquie fin mai.
Paris est-il condamné ?

Personne ne peut répondre à cette question. Hier soir, il y avait quelque chose de sidérant, oui, quelque chose qui existe au delà de la normalité. Avons-nous considéré qu’après les éliminations des deux ogres catalan et bavarois, City n’était qu’une formalité ? Avons-nous péché par orgueil (tous ces supporters aveuglés qui parlaient déjà du Real en finale…) ? Nos stars sont capables de ce genre d’erreurs morales. Mauricio n’avait jamais aussi mal coaché, nos valeurs sûres ont foiré dans les grandes largeurs leur match aller mais rien ne dit qu’elles récidiveront mardi.

Je crois qu’on peut compter sur la fierté de Mbappé et Neymar, sur leur volonté de faire mentir l’évidence. Je repense soudain à cette demi-finale entre l’Ajax et les Spurs, ce renversement miraculeux, Lucas qui trompe les dieux et qualifie les siens en finale. Il faudra au moins ça. Nous pourrions par exemple mal débuter, encaisser rapidement un but avant de déferler et d’arracher une victoire historique. Le PSG n’ignore rien des soirées continentales renversantes, des matchs suffocants et libérateurs. Bien-sûr, il faudra encore monter au front sans unité nationale, avec une bonne partie des Français qui croisera les doigts pour notre chute définitive. Il faudra encaisser l’ironie de caniveau de tous ces journalistes anti-parisiens qui, hier soir, jubilaient presque. Nous serons une nouvelle fois seuls contre tous.

Et puis avant tout cela, il y a Lens ce week-end. Nous pourrions tout perdre en une semaine. Saison blanche. Et terriblement sèche… Ce serait atroce et c’est tout à fait envisageable. J’imagine mal nos sénateurs motivés comme jamais contre les Sang et Or. Et pourtant… La guerre se gagnera là aussi. En refusant de se soumettre à la fatalité.
C’est une saison décidément étrange. C’est un monde illisible. C’est le deuxième acte qui va commencer. Éteignez vos portables, fermez vos grandes gueules. Paris respire encore.


Jérôme Reijasse

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de