Interview

Jean-Michel Badiane, le coeur qui parle

14 ! C’est le nombre de saisons qu’il a passées au Paris Saint-Germain, de 1992 à 2006… Arrivé au club à l’âge de 9 ans, il y a côtoyé 2 Ballons d’Or, connu des hauts, des bas, signé pro, vibré au Parc, comme supporter, puis comme joueur, et même marqué, une fois. En fait, il a connu toutes les divisions avec Paris, du district à la Ligue des Champions. Jean-Michel Badiane est un enfant du club qui s’est construit avec le PSG. De toutes ses années Rouge et Bleu, il nous en parle avec le cœur.

– – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Jean-Michel, comment avez-vous intégré le Paris Saint-Germain ?

Jean-Michel Badiane : J’avais 9 ans, et je jouais au foot à Neuville/Oise (95) depuis l’âge de 7 ans et demi. Au début de ma 2ème saison à Neuville, je me blesse en jouant au quartier sur le bitume : fissure au genou, jambe dans le plâtre, etc. Pendant ce temps, mon oncle qui jouait en D2 à Louhans-Cuiseaux cherchait à se rapprocher de la région parisienne, et pourquoi pas la N2/N3 du PSG, l’équivalent de la CFA aujourd’hui.

Et donc je l’accompagne à une journée d’entraînement. Il y a des jeunes de ma catégorie d’âge qui s’entraînent mais moi je suis dans mon coin avec mon ballon, je ne calcule pas trop. L’éducateur me demande si cela m’intéresse de venir jouer au PSG. J’ai dû répondre quelque chose comme : « Si mes parents veulent bien, oui. Il faut que je leur demande ». Et mes parents, ils supportent le club depuis toujours. Ils m’ont répondu : « oui si tu veux, c’est avec plaisir ».   

Virage : Et ensuite, que se passe-t-il pour vous ?

JMB : Je participe à un match amical. Je me rappelle cela s’était bien passé, on gagne 6-0. Je n’avais pas encore de licence avec le PSG. Après on a un peu « bataillé » avec le club de Neuville. C’était si on peut dire mon 1er clash avec comme agent : ma mère (rires). Le club a dû faire une lettre de sortie pour que je puisse prendre une licence au PSG.

Virage : On vous connaît défenseur central, mais vous avez débuté attaquant de pointe ?

JMB : Oui j’ai commencé numéro 9. Ensuite, j’ai reculé progressivement, mais toujours dans l’axe.

Avec sa collection personnelle dans le vestiaire de la CFA du PSG : U10, U13, U15, 1er match en L1, saison 2005-2006, Finale Coupe de France 2006 OM-PSG , EdF Espoirs Euro 2006
Avec sa collection personnelle dans le vestiaire de la CFA du PSG : U10, U13, U15, 1er match en L1, saison 2005-2006, Finale Coupe de France 2006 OM-PSG , EdF Espoirs Euro 2006

Virage : A 9 ans, que représente le PSG pour vous ?

JMB : Je suis né à Paris (9ème arrondissement), je me sens Parisien depuis toujours en fait. J’aime énormément le foot et aussi j’avais une idole, George Weah. Il venait de signer à Paris. Je regardais un peu toutes les équipes à la télé mais je me rappelle que je n’aimais pas Marseille. Dans la famille, on n’aimait pas l’OM (sourires). Mes parents ont toujours suivi le PSG.

Virage : Quand on est enfant, porter ce maillot a-t-il quelque chose de particulier ?

JMB : Ben moi, le truc qui m’a le plus marqué, c’est que tu te rends compte que même à 9-10 ans, porter le maillot du PSG, c’est quelque chose de très clivant. Tu sens que les gens aiment, ou n’aiment pas, mais que le PSG ne laisse pas indifférent. Parfois, tu vas ressentir une sorte d’admiration, c’est l’image du club, par rapport aux pros… A 9 ans, tu ne comprends pas trop. Et à l’opposé, on a aussi les fois où on se fait insulter. Cela m’a fait bizarre les 3 premiers mois. Tu peux marcher, te balader et entendre « allez l’OM ». Les éducateurs nous ont appris à être indifférents aux insultes et parfois, jouer là-dessus pour nous motiver, c’est le côté « seuls contre tous ». Il fallait répondre sur le terrain, mais pas ailleurs.

Virage : D’autres choses vous ont-elles marqué à vos débuts ?

Avec le maillot saison 1981-1982 (n°9, Dominique Rocheteau)
Avec le maillot saison 1981-1982 (n°9, Dominique Rocheteau)

 JMB : C’est vrai que moi, j’avais du mal à aller vers les autres, et je me rappelle que le gardien Jordan Brinster, avait été d’une grande gentillesse quand je suis arrivé, il m’a fait visiter le camp des Loges, il m’a beaucoup parlé. S’il n’était pas venu me voir je serais peut-être encore tout seul (sourires). Je me rappelle aussi que notre éducateur Monsieur Jarry remettait chaque mois au joueur le plus « méritant » un ballon dédicacé par les pros, ou un maillot « historique » du PSG. J’ai eu la chance d’avoir des maillots « RTL », que j’ai gardés.

Virage : Dans votre 1ère équipe du PSG à 9 ans, y a-t-il d’autres des coéquipiers qui sont devenus pros ?

JMB : Il y a Mounir Obbadi, Houssine Kharja qui sont toujours en activité. Ils sont devenus pros, mais pas à Paris. Ils étaient de Chanteloup-les-Vignes (78), on rentrait ensemble après les matches, avec mes parents.

Virage : Vos parents vous accompagnaient à tous les matches ?

JMB : Oui. Je suis d’origine sénégalaise et dans la famille, il y a 2 choses auxquelles on ne touche pas : la lutte sénégalaise et le foot ! (sourires). Il y avait 99% de chances pour que mes parents me suivent. Ils étaient derrière moi. Ils n’ont pas raté un match, et ma mère, jamais un entrainement. Il y a des parents qui restaient dans la voiture, ma mère était au bord du terrain. Elle ne disait rien, elle était juste là. On habitait Vauréal, à côté de Cergy Pontoise et Vauréal – Saint-Germain c’était 40 kms aller-retour 3 fois par semaine, plus les matches.

Là où je me rends compte que mes parents étaient derrière moi, c’est que mon père travaillait beaucoup : quand il finissait son 1er travail, comptable au Crédit Mutuel, il était pilote d’avion dans le privé. Son seul jour de repos, c’était le dimanche, et il allait voir son fils jouer au foot. De ce côté là j’avais de la chance. J’ai eu beaucoup de chance aussi, mes parents étaient derrière moi sans jamais me faire ressentir : « tu dois devenir un joueur pro ».

Sur l’état d’esprit,
ils savaient que je ne rigolais pas

Virage : A quel moment avez-vous pensé pouvoir en faire votre métier ?

JMB : La 1ère fois, c’est quand j’ai été pris à l’INF (1996-1999, etc). Les éducateurs nous disent souvent que tout le monde n’y arrive pas, qu’il y a beaucoup d’appelés, peu d’élus. Moi tous les jours, à partir de l’INF je me disais : « tu dois faire en sorte de devenir pro ».

Virage : Vous y avez toujours cru ?

JMB : Quand on commence le foot, on n’y pense pas trop sérieusement. En plus en U11, il y avait 5 équipes au PSG, je jouais en équipe 3… avec Franck Bentolila (actuel coordinateur de la Youth League pour Paris., ndlr) C’était une superbe saison, super ambiance… C’est plus quand tu rentres à l’INF, que tu es en équipes de France jeunes, que tu y crois de plus en plus.

Virage : Vous avez régulièrement été capitaine et ce jusqu’en CFA, cela renforce-t-il votre sentiment d’appartenance au club ?

JMB : Pas plus. Je ne sais pas trop comment expliquer, mais je me suis toujours senti « PSG ». Je n’avais pas besoin de dire « j’aime Paris », d’avoir un brassard, un signe extérieur, je me sens parisien et voilà. Après porter le brassard, c’est une responsabilité, mais je ne devais pas forcer ma nature. Le plus important, c’était que tous les joueurs intègrent l’état d’esprit PSG. En CFA tous les jeunes Boukary Dramé, Rudy Haddad… c’était mes potes, mais sur l’état d’esprit, ils savaient que je ne rigolais pas (sourires). 

Virage : Votre 1er match au Parc, c’était quoi ?

JMB : Le tout premier, je ne me rappelle plus exactement j’avais 7-8 ans, c’était avec la MJC de mon quartier. Le 1er dont je me souviens vraiment, c’est PSG-Real (1993), avec mon père. Il avait eu des places avec son CE. On était bien placés en plus, en latéral, derrière l’un des deux bancs. C’était fou. Quand Zamorano marque, il y a eu un gros silence dans le stade. Et après Antoine Kombouaré qui vient délivrer le Parc. C’était magique.

La fameuse passe en retrait du défenseur
La fameuse passe en retrait du défenseur

Virage : Chaque jour, ou presque, vous croisiez les pros au camp des Loges ?

JMB : Oui, c’est sûr que c’est une chance. Sous l’ère Canal+ il n’y avait que des internationaux dans l’équipe. Et surtout George Weah, mon idole depuis tout petit.

Virage : Avez-vous pu l’approcher, lui parler ?

JMB : Je n’aurais jamais osé lui parler. La 1ère fois c’est lui qui est venu me voir. C’était lors d’un entrainement des pros. J’y allais avec mon père, on se mettait juste derrière le grillage et on regardait. C’était un peu la « carotte » avec mon père, il me disait : « si tu as 15 ou 16 à l’école, on ira voir un entrainement ». S’il m’avait dit, je sais pas par exemple : « je t’achète une paire de Nike », cela m’aurait moins motivé. Je crois que j’aimais plus voir les pros s’entraîner, que d’aller aux matches.

Virage : Que vous a dit George Weah ?

JMB : Un des adjoints d’Artur Jorge, Nambatingue Toko, qui connaissait un peu mon père, va dire à George Weah : « le petit là, il est d’origine sénégalaise, il joue avec les équipes jeunes du PSG », et là George Weah vient me dire bonjour et il dit : « c’est toi le futur Weah », je ne sais plus trop ce que j’avais répondu… J’étais impressionné. C’est une star, mais d’une très grande simplicité et gentillesse.

Souvent, avant qu’il parte en mise au vert à domicile, le vendredi, il venait nous voir à l’entraînement, pendant ¼ d’heure, 20 minutes. Il avait toujours un petit mot gentil, il y a des gens qui croyaient que c’était mon père. Une fois après un match il vient et me dit : « Bonne chance pour la suite petit Weah ». Comme les gens croyaient que c’était mon père, il jouait le jeu. Moi je ne démentais pas, ni ne confirmais (sourires)

"Mister" George Weah
« Mister » George Weah

Virage : Quel match vous a le plus marqué en jeunes ?

JMB : Un tournoi en U11 à Gournay, un gros tournoi international. On arrive en finale face au Milan AC, c’était une très grosse équipe, on gagne 1-0. Au delà du match, c’est l’organisation, les kinés, la logistique… qui m’a marqué. Je me disais « tout ça pour des jeunes ? ».

Virage : Durant vos 14 années Rouge et Bleu, vous en passez 3 à l’INF Clairefontaine (1996-1999) ?

JMB : Oui de 13 à 16 ans je passais la semaine à l’INF, le vendredi mes parents venaient me chercher, je jouais le dimanche avec Paris et ils me ramenaient à Clairefontaine après. La 1ère année ça allait car je connaissais bien les joueurs, la suivante en 15 ans nationaux, j’étais le plus jeune, mes coéquipiers passaient toute la semaine ensemble à Verneuil, au centre de préformation. Je suis toujours réservé, ce n’était pas évident pour moi. Même si tout le monde faisait en sorte que je sois à l’aise. Paradoxalement, j’étais content car je jouais en équipe 1ère, et avec mon cousin, Issa Djeme. La 3è année, j ‘étais à l’INF 7j/7.

Je me suis dit : « vas-y, on ne sait jamais »

Virage : Comment se passe une sélection pour l’INF ?

JMB : Plusieurs tests se sont déroulés à Clairefontaine en 1995-1996. C’était une saison un peu charnière : soit j’intégrais le centre de préformation du PSG, soit l’INF, soit j’étais pris nulle part. Pour les 2, il fallait passer des tests. A la fin à l’INF, ils en gardent 25. Si un jour tu manques un test car tu es malade, blessé, où que tes parents ne peuvent pas t’emmener, c’est fini, pas de séance de rattrapage. Pour un des tests, j’étais fiévreux, je ne m’étais pas entrainé depuis 4 jours, mais je me suis dit : « vas-y, on ne sait jamais ». Dans les tests, il y a de tout : test de vitesse, technique, détente, capacité de résistance, mental : il faut s’imposer face à des gens qu’on ne connaît pas. A l’époque j’étais milieu de terrain mais je jouais un peu partout dans l’axe ,défenseur, milieu et attaquant.

Virage : Comment apprenez-vous votre sélection ?

JMB : Un mois après le dernier test à peu près, Sébastien Thierry mon entraineur, qui m’avait inscrit au test, me dit tout simplement : « tu es pris à l’INF promotion 1996, et aussi Verneuil, tu as un choix à faire ». Moi à la base je voulais rester à Verneuil au centre de préformation, avec mes amis. Je n’avais pas envie de revivre d’être le petit nouveau comme quand je suis arrivé au club à 9 ans…

Virage : Et puis, la maman de Selim Benachour a su trouver les mots ?

JMB : Oui voilà. Selim était à l’INF depuis 2 ans. Sa mère connaissait bien mes parents, qui lui disent : « Jean-Michel préfère rester avec ses amis à Verneuil ». Ce à quoi elle répond : « Non mais il faut qu’il aille à l’INF, il va être très bien là-bas, l’internat est très bien, les équipements supers, et Thierry Henry, Nicolas Anelka, ils ont fait l’INF ». Au final je choisis l’INF et en plus je retrouve mon meilleur pote, mon meilleur ami dans le foot encore aujourd’hui, Jérémy Aliadière. C’est le seul vrai ami que j’ai dans le football. Nos parents s’entendent très bien aussi.

Selim Benachour
Selim Benachour

Virage : De retour à Paris, vous signez votre 1er contrat ?

JMB : J’intègre le centre de formation au camp des Loges, j’ai 16 ans et je signe un contrat Espoirs de 5 ans. En fait le PSG me propose assez tôt ce contrat car la 3è année à l’INF, je n’appartenais plus au club et j’étais libre de m’engager où je voulais. Cela s’est fait naturellement car je voulais rester au PSG.

Virage : Quel était votre 1er salaire ?

JMB : C’était encore en francs (sourires) et la 1ère année c’était entre 15 000 et 20 000 F, ce qui fait à peu près 3 000 euros par mois. C’était un contrat progressif sur 5 ans. La 1ère chose que j’ai payée avec : le câble. Je ne voulais pas rater un seul match : j’ai pris C+, Canal Sat… toutes les chaînes qui passaient du foot.

Virage : A quel âge et comment choisissez-vous votre 1er agent ?

JMB : A partir des équipes de France jeunes, en 16 ans nationaux, on a pas mal de sollicitations, j’ai eu d’abord Pape Diouf comme agent. Un coéquipier en équipe de France, qui l’avait comme agent, me l’a présenté. Après, j’ai eu Christophe Mongai, c’est avec lui que je signe mon 1er contrat pro. Ensuite je suis retourné dans la structure de Pape Diouf, avec Pierre Frelot. A chaque fois mes parents ont reçu les agents, et ils ont choisi avec moi.

Virage : Y a-t-il eu des rencontres, des approches improbables ?

JMB : De la part d’agents, pas spécialement, mais après au niveau des « intermédiaires », il y a de tout et n’importe quoi, peut-être encore davantage à Paris, ou dans des grandes villes/clubs. On peut te proposer de rencontrer telle ou telle femme, d’organiser tes vacances, de tout faire à ta place en quelque sorte.

Virage : Racontez-nous votre 1er entrainement avec les pros !

JMB : C’était en 2000. J’étais encore au centre et l’entraîneur, c’était Philippe Bergeroo. C’est l’époque des Okocha, Ducrocq, Luccin, Dalmat, Laurent Robert, Anelka… J’ai 17 ans, je me dis c’est bien, c’est une nouvelle étape, mais comme d’habitude je parlais très peu, j’étais dans mon coin… Là encore, j’ai eu beaucoup de chance de tomber sur des joueurs comme Nico Anelka, Jay-Jay Okocha, Peter Luccin, qui m’ont tout de suite mis à l’aise. Ensuite Luis Fernandez est arrivé, j’ai fait les matches amicaux avec l’équipe.

Peter, Nico et Laurent
Peter, Nico et Laurent

Virage : En 2003-2004, c’est votre 12ème saison à Paris, et vous signez pro !

JMB : Oui cette saison-là, je suis dans le groupe tout le temps. A la base je n’aurais pas dû car pendant l’été on me propose un contrat pro, mais la base salariale était inférieure à mon contrat Espoirs. On m’invite à retourner avec la CFA. Puis j’ai appris, plus tard, qu’Alain Cayzac avait dit à Vahid (Halilhodzic) : « Jean-Michel est un enfant du club, il a toujours été respectueux ». Vahid me convoque ensuite pour retourner dans le groupe. Je fais toute la saison avec les pros, et je signe professionnel en fin de saison. Je signe 3 ans, en même temps que Franck Dja Djedje, au Parc. Le lendemain, on était présentés à la presse ensemble.

Il n’y aura aucun problème avec le jeune

Virage : Votre 1er match en pro, c’est bien à Toulouse ?

JMB : Oui le 21 août 2004, lors de la 3ème journée. Je me souviens en conférence de presse avant le match, José Pierre-Fanfan (défenseur et capitaine, ndlr) me met à l’aise il dit : « il n’y aura aucun problème avec le jeune ». Alain Roche m’avait appelé aussi : « tranquille, tu joues ton match comme d’habitude ». Du coup j’ai abordé la rencontre à peu près de la même façon, j’avais la pression mais pas plus qu’avant.

Virage : Un mois plus tard, rebelote mais en Ligue des Champions

JMB : On perd 2-0 à Moscou (29/09/2004), c’est vrai que de ce soir-là je me rappelle du froid, et de la défaite. Le lendemain, j’avais fait Luis sur RMC, j’étais dans mon quartier avec des potes. Ils me disaient : « sérieusement tu ne te rends pas compte tu viens de jouer un match de C1, avec Paris, tu étais là sur le terrain pendant la musique tout ça. » Moi sincèrement je restais bloqué sur la défaite.

Virage : Avez-vous davantage profité de la Ligue des Champions ensuite ?

JMB : Cette saison-là, c’était compliqué en Coupe d’Europe. Face à Chelsea à domicile, malheureusement on perd 3-0 mais l’ambiance au Parc m’a marquée ce soir-là. Et aussi face à Porto le but de Charly Coridon, son coup du scorpion, je l’ai vu depuis le banc… Impressionnant.

Virage : Vous aussi, vous avez déjà marqué au Parc, face à Troyes !

Après le but face à Troyes
Après le but face à Troyes

JMB : (Sourires) Ce n’est pas le même but, mais oui un but de la tête en Coupe de la Ligue face à Troyes (26/10/05). On gagne 4-1, je marque le 4ème but après Edouard Cissé et un doublé de Pedro Pauleta. On menait 4-0 (76’), j’avais eu le droit à mon nom scandé par le Kop Ultra, ça fait bizarre et très plaisir. Mes parents étaient là, ils étaient aussi contents. Moi bien sûr j’étais content d’avoir marqué, mais plus heureux pour la qualif. Et ce qui m’a touché aussi c’était de voir les mecs super contents pour moi dans le vestiaire, c’était vraiment cool.

Virage : A Paris vous avez côtoyé 2 Ballons d’Or, George Weah puis Ronaldinho ?

JMB : Oui Ronaldinho venait de devenir Champion du monde avec le Brésil. Il était impressionnant de facilité et en plus il ne donnait pas la pleine mesure de son immense talent à l’entraînement. Il en gardait sous le pied. Lui comme George Weah, ce sont de très grands joueurs, également très simples. J’ai fait des sorties avec Ronnie, des restaus tranquille. Peut-être que les journaux en rajoutaient un peu sur ses soirées, lui se fichait totalement de ce que la presse écrivait. Bon, ça lui est déjà arrivé de venir au décrassage en rentrant de soirée, mais à d’autres joueurs aussi, et dont on a jamais parlé !

Les médias, les critiques, ça glissait sur lui. Quand j’étais à Sedan, j’allais parfois à Barcelone le week-end, je l’ai revu, avec son préparateur physique, toujours la même simplicité. Nicolas Anelka un jour m’a dit : « tu verras dans ta carrière, tu n’auras jamais de problèmes avec les grands joueurs ». Weah, Okocha, Ronnie, Nicolas Anelka, Pauleta, Gaby Heinze, Mario Yepes etc : ce sont tous de supers mecs, très simples.

Et c’est Bernard Mendy
qui met le but la victoire

Virage : Quels PSG-OM vous ont le plus marqué ?

JMB : En pro, il y la victoire 2-3 au Vélodrome (10/11/2004*) en Coupe de la Ligue, la 8ème de suite face à Marseille, 3 jours après PSG-OM (2-1) au Parc, on va au Vélodrome avec pas mal de titulaires au repos. On est rapidement menés 2-0, Branko Boskovic égalise juste avant la pause, puis doublé de Branko. Et c’est Bernard Mendy qui met le but la victoire (89’). C’était magique. J’ai eu la chance d’être titulaire. Je me souviens à la fin du match, on va célébrer la victoire avec nos supporters. C’était fort. A titre personnel, après ce match, je reçois ma 1ère convocation en équipe de France Espoirs, France – Pays-Bas.

Et sur Paris les 2-3 mois qui ont suivi, on sentait vraiment l’impact que cette victoire avait eu. Une fois, avenue de la Grande Armée, je grille un feu rouge involontairement, je ne l’avais pas vu. La police m’arrête, me dit : « bravo pour le match à Marseille, allez vous pouvez y aller » (sourires). Au restau, dans la rue, c’était un peu pareil, et ça fait chaud au cœur.

En 2006, la victoire en finale de Coupe de France, au Stade de France (2-1). J’étais sur le banc, cela reste un très grand moment aussi ! L’ambiance au stade, la Mairie de Paris, les supporters : ce 29 avril reste gravé.

Virage : En jeunes aussi, les OM-PSG , c’était électrique ?

JMB : Ah oui. Je me rappelle d’un tournoi international 13 ans à Donges près de Nantes. Toutes les équipes dormaient dans un énorme dortoir. Et on a eu la bonne idée de nous mettre juste à côté de l’OM. Le 1er soir, je ne sais plus pourquoi mais il y a eu une bagarre générale entre Parisiens et Marseillais. On a dû nous séparer, puis nous changer de place. On s’est retrouvés à côté des Girondins de Bordeaux. Quelle que soit la catégorie, il y a toujours eu une rivalité. Les insultes sur le terrain, les coups aussi, on était conditionnés pour cela. 

Avec Edouard Cissé en coupe face à l'OM de... Fabrice Fiorèse
Avec Edouard Cissé en coupe face à l’OM de… Fabrice Fiorèse

Virage : En 2006, vous quittez le PSG, est-ce un regret de ne pas vous y être imposé ?

JMB : J’aurais aimé jouer le plus longtemps possible dans le club que j’aime. Jouer au Parc à domicile, c’est rare et déjà je suis heureux de l’avoir connu. Après des regrets, oui et non car à l’époque, je revenais de l’Euro Espoirs au Portugal et j’avais besoin de jouer. J’avais 23 ans. Le PSG recrute alors Sammy Traoré. J’ai compris que je devais partir pour avoir du temps de jeu. Nantes, Valenciennes, Sedan me suivaient. Je signe à Sedan en fin de mercato, cela s’est fait très vite. Trop vite ? Au début cela se passait bien, et puis j’ai vécu des moments compliqués là-bas.

*Marseille : Barthez – Lizarazu, Meïte, Déhu, Ferreira – Pedretti, Battles, E.Costa – Bamogo, Luyindula (Marlet, 78e), Koke (Fiorèse, 66e). Entr. : Anigo // PSG : Alonzo – Ateba, Badiane, Helder, Pierre-Fanfan, Pichot, Mendy – Benachour, Boskovic (Ibisevic, 73e), Cissé – Ljuboja (Ogbeche, 65e). Entr. : Halilhodzic.

Un grand merci à Thierry Morin pour nous avoir ouvert les portes du CFA Omnisports PSG

Sébastien Parraud

Il a une bonne gueule, parle bien, est supporter du PSG mais il a surtout réalisé le documentaire événement « PSG : ET DIRE QUE CE CLUB A FAILLI NE PAS EXISTER » .
On revient avec lui sur cette aventure incroyable à bien des niveaux.

 – – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Que raconte ce documentaire ?

Sébastien Parraud : Il raconte la genèse du PSG, à savoir : quand et comment est né le club, qui en sont les fondateurs et qui a posé les premières pierres. Même si la date de création officielle du club est en 1970, l’idée a été pensée en amont. Du coup le documentaire part de 1969 jusqu’au rachat du club par Daniel Hechter.

Virage : Quand est-ce que le documentaire sera disponible et comment ?

SP : Il le sera à partir du 14 décembre en exclusivité sur le site www.spicee.com


crédits : Spicee

Virage : Qu’est ce qu’il apporte de plus par rapport aux autres documentaires déjà sortis sur le PSG ?

SP : Cette période là n’a jamais été traitée. Ceux qui connaissent bien le club pensent généralement au plus loin jusqu’au gang des « chemises roses », la période Hechter avec Jean-Paul Bemondo, Francis Borelli et Alain Cayzac. Mais rares sont les personnes de notre génération qui peuvent parler de la période qui a précédé cette dernière. Et surtout comment a été monté le club. L’idée était donc de rendre à Cesar ce qui appartenait à Cesar, de retrouver les premières fondations, les premières racines du club. Et puis en tant que réalisateur, il était aussi important pour moi de montrer que depuis sa création jusqu’à aujourd’hui, on parle toujours du même club, qu’il y a un fil conducteur. Ce documentaire n’est pas une « vieillerie » mais une histoire qui raconte les débuts.

Pierre Phelipon, Jean Djorkaeff, Jean-Pierre Destrumelle, Jean-Claude Bras, Roland Mitoraj
Pierre Phelipon, Jean Djorkaeff, Jean-Pierre Destrumelle, Jean-Claude Bras, Roland Mitoraj

Virage : Qui est à l’origine de ce documentaire ?

SP : C’est Jean-Noël Touron. Il ne vient pas du monde des media. Il était commercial chez SFR et il est passionné par le PSG. En tant que fan il s’est posé la question de savoir qui était derrière la création du club. Il a amassé tout un tas d’informations à ce sujet mais ne savait pas comment mettre le tout en images. C’est par le biais d’un ami qu’on a été mis en relation. Je l’ai aidé à refaire le puzzle et, à partir des informations dont on disposait, j’ai écrit une histoire à raconter.

C’est grâce à De Gaulle si le PSG est né

Virage : Qu’est-ce qui lui a donné envie de produire ce documentaire alors que ce n’est pas son métier ?

SP : C’est juste la passion. Il était même prêt à co-produire le documentaire. Il a entamé des démarches auprès de Canal+ et de France 3 qui n’ont pas suivi. France 3 a d’ailleurs refusé en argumentant qu’il n’y avait pas de femmes dans le documentaire et qu’ils en avaient besoin pour leur panel… Difficile d’inventer des protagonistes qui n’ont pas existé… Il était du coup un peu désemparé et ne savait plus à qui le proposer. C’est là que je suis intervenu en proposant le projet à Spicee qui est une Web TV. Comme le documentaire n’est pas 100% sportif mais raconte surtout une histoire humaine, un fait de société, une histoire politique, ça a fonctionné.

Virage : Pourquoi politique ?

SP : C’est grâce à De Gaulle si le PSG est né. Car lorsqu’il décide de raser le Parc pour faire passer le périphérique, il impose de faire reconstruire un stade à condition qu’il y ait une équipe résidente à Paris pour le rentabiliser. Et il confie le dossier à une équipe de professionnels.

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Virage : Le processus de production a-t-il été long ?

SP : Il y a eu un travail d’écriture et de re-écriture de la trame. Et puis un gros travail de recherche d’archives, d’images, de vidéos. On a par exemple les premières images en couleur du PSG, filmées en super 8 par un fan, que personne n’a jamais vues. Sans parler des personnes à contacter pour monter des interviews pertinentes et les recherches de financement. Globalement on a commencé à tourner début février 2016. Mais à partir de là ça a été très vite car le PSG nous a très rapidement ouvert les portes. On a eu des journées de tournage au Camp des Loges, au Parc des Princes, un accès au siège du club, aux archives. J’ai été très agréablement surpris par l’accueil du PSG

Virage : Le fait d’être toi même supporter du PSG t’a-t-il aidé dans la préparation de ce film ?

SP : Il n’y a eu aucun parti pris de ma part. Même si le PSG est le club de mon coeur, je me sens capable de faire le même travail pour un autre club historique comme Saint-Etienne, l’OL, même Marseille. Du moment qu’il y a une histoire à raconter. Mais c’était vraiment plaisant de le faire sur le PSG car j’ai appris des choses. On a tourné dans un Parc des Princes vide, j’ai passé des nuits à scruter des archives de l’INA et je suis tombé sur des trésors. C’était super jouissif.

Virage : Les personnes interviewées ont été difficile à convaincre ?

SP : Non. Jean-Noël les avait déjà contacté en amont et ils étaient tous super partants.

Daniel Hechter est obligé de
réclamer ses places au Parc

Virage : Tu as senti un attachement fort au club chez ces personnes ?

SP : Oui mais… Tous les premiers protagonistes de l’histoire du club ont un brin d’amertume. Ils sont toujours amoureux du club mais surtout de la période qu’ils ont connue. Ils suivent le PSG à chaque match, mais ils regrettent que le club ne fasse pas plus appel à eux, qu’il n’y ait pas un peu plus de respect des anciens, une reconnaissance. Par exemple Daniel Hechter est obligé de réclamer ses places au Parc alors que théoriquement il y a 2 places qui lui sont réservées à chaque match. Daniel Hechter quand même, président du club, créateur du maillot historique…

Patrick Levasseur (Kiné), Robert Vicot, Just Fontaine, Daniel Hechter - Saison 1973-74
Patrick Levasseur (Kiné), Robert Vicot, Just Fontaine, Daniel Hechter – Saison 1973-74

Virage : De ton point de vue, la création du PSG est-elle un cas unique dans le football moderne ?

SP : En France oui mais pas dans l’histoire du football moderne. Pour la simple et bonne raison que le PSG a été monté sur le principe des socios.

Virage : En effet, vous racontez le rôle qu’a joué le président mythique du Real Madrid, Santiago Bernabéu, dans la création du PSG avec ce concept de socios. Tu étais au courant de cette histoire ?

SP : Absolument pas. Je l’ai appris par Jacques Ferran que nous avons interviewé. Ancien grand journaliste sportif à l’Equipe, il a aujourd’hui 96 ans mais se souvient de tout. Je ne te raconte pas toute l’histoire, le public la découvrira dans le documentaire mais la conclusion c’est que le PSG n’est ni plus ni moins que le fils du Real Madrid. Alors on aime ou on aime pas le Real mais le projet a été construit sur le même modèle. Un modèle ancré dans le peuple.

Jacques Ferran
Jacques Ferran

Virage : Cet attachement populaire a été important ?

SP : Oui et j’ai voulu montrer que le PSG a toujours été un club populaire. Populaire mais bourgeois à la fois. Il y a toujours eu cette ambivalence. Toutes les classes parisiennes se retrouvaient dans une même enceinte, dès le départ et encore aujourd’hui.

Sans l’énergie et l’enthousiasme de ces personnes, le PSG n’aurait jamais existé

Virage : Qu’est-ce qui t’a marqué le plus lors de la préparation de ce documentaire ?

SP : L’insouciance. L’insouciance des joueurs qui ont rejoint le club comme Jean Djorkaeff et de ceux qui ont monté le club. Sans l’énergie et l’enthousiasme de ces personnes, le PSG n’aurait jamais existé et on aurait pas le PSG d’aujourd’hui. Il y avait un rapport humain assez incroyable entre les joueurs et les dirigeants.
Et puis parce qu’on parle aussi de football moderne, ce qui m’a marqué c’est que le PSG a été un club visionnaire dès le début. La stratégie économique des fondateurs n’est pas celle d’un club de foot de l’époque. Elle est celle d’une vraie entreprise. Guy Crescent*, a notamment développé le club comme un vrai business. Il était le patron de Calberson à l’époque, il ne venait pas du sport mais a appliqué des principes qui fonctionnent en entreprise. Il a fait basculer le PSG dans l’ère professionnelle dans une période charnière pour le football français, celle où Fernand Sastre** a repensé le foot professionnel et amateur français.

* Membre fondateur du PSG, président du club en 1971 puis président du Paris F.C. de 1973 à 1975
** Secrétaire général de FFF de 1969 à 1972, membre du conseil du PSG de 1970 à 1972
Pierre Bellemare, Guy Crescent, Harold Kay - 1er février 1970
Pierre Bellemare, Guy Crescent, Harold Kay – 1er février 1970

Virage : Pourquoi Denis Podalydès en voix narratrice ?

SP : Il y a eu plusieurs options envisagées. J’aurais bien aimé Nicolas Duvauchelle car c’est un vrai fan et parce qu’il incarne la nouvelle génération. Et j’aimais bien l’idée de mélanger le passé avec une voix jeune. Mais Nicolas a du partir sur le tournage d’un film au moment où on a eu besoin de lui. On a aussi pensé à Roschdy Zem mais il était pris par la réalisation de son film. On a continué nos recherches pour trouver quelqu’un de différent par rapport aux voix habituelles, avec une voix posée. Jean-Noël nous a proposé Denis car il est supporter, certes récent, mais supporter du PSG et amateur de football. Il a été littéralement sur le cul quand il a découvert le docu en salle de montage.

Virage : Vous avez prévu d’envoyer une copie à Nasser ?

SP : Oui c’est en cours. On est en train de faire la traduction car il en voulait une copie en anglais. Nasser est au courant du projet et c’est lui qui a demandé personnellement une copie.

Virage : Et à Zlatan ?

SP : Je ne suis pas sûr que ça l’intéresse…

Guy Crescent entouré des "Socios" du PSG. Avril 1970
Guy Crescent entouré des « Socios » du PSG. Avril 1970

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Guillaume Warth

Guillaume Warth a été abonné deux ans en tribune Auteuil jusqu’à la dissolution des associations en 2010. Il faisait partie du collectif « PICOL CREW » et a sorti un ouvrage graphique sincère intitulé « SUPPORTERS », retraçant ses années au Parc avec ses potes. On revient avec lui sur cette belle époque.

 – – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Comment est née ta passion pour le PSG ?

Guillaume Warth : Ça a commencé en regardant les matchs à la télé à partir du collège, c’est à ce moment là que je me suis mis à supporter le PSG. Puis mon père m’a emmené voir un match, là j’ai découvert les animations en tribune et ça m’a plu. Par la suite je suis allé au match avec les potes.

Virage : C’est l’ambiance qui t’attirait ?

GW : Deux choses m’attiraient, le club et l’ambiance. Le premier truc c’était le foot. Ensuite c’était vraiment la fête avec les potes. L’adrénaline aussi. Bon il faut avouer que parfois je forçais un peu trop sur l’apéro et je ne me souvenais plus tellement du match.

Virage : Comment es-tu devenu abonné ?

GWJ’ai été deux saisons au Parc des Princes. La première année je n’étais pas abonné, soit j’achetais mes places ou un pote absent me prêtait sa carte. Et pour la saison 2009-2010, j’ai pris mon abonnement en tribune Auteuil Rouge.

guillaume-warth

Virage : Tu faisais partie d’un groupe de supporters qui s’appelait le « Picol Crew ». Ça vient d’où ?

GWC’est pas vraiment un groupe de supporters, on est avant tout une bande de potes originaires de Taverny, dans le Val D’Oise. Avec mes potes d’enfance, on jouait souvent au foot dans un square de la ville. D’autres plus âgés que nous, traînaient déjà à cet endroit pour prendre l’apéro : c’était les premiers membres du « Picol Crew ». Certains d’entre eux allaient déjà au parc. Au fil des années on a intégré ce groupe, puis par la suite on s’est retrouvé à une bonne dizaine pour se rendre aux matchs.

Virage : Le groupe existe-t-il encore ?

GWOui toujours, en fait c’est un groupe d’une soixantaine de personnes qui se réunit pour des occasions festives (anniversaire, match, concert). Il y a notamment des soirées « Caddie » toujours organisées. Le concept est simple, lorsque c’est ton anniversaire, (et que ça fait quelques années qu’on traîne ensemble) tu paies un caddie rempli d’alcool que le groupe se partage lors d’une soirée. Et en cadeaux tu gagnes ton maillot du PSG floqué au nom du « Picol Crew ». C’est notre manière d’officialiser notre mercato.


Picol Crew Day | Colonel’s Birthday par blackstuntprod

Virage : Vous faisiez aussi les déplacements avec ce groupe ?

GW : Perso une seule fois mais mes potes plus anciens en faisaient occasionnellement dans l’année.

Virage : Pourquoi avoir réalisé « SUPPORTERS » ?

GWL’année où j’ai été abonné, j’étais en prépa artistique. Mon projet de prépa était focalisé sur les supporters. La plupart des dessins qu’on retrouve dans le livre sont issus des carnets de cette période. Je n’ai pas poursuivi mes études d’art. Et c’est quatre ans plus tard, en voulant prendre des cours d’aquarelle, que j’ai rencontré Marie Ange Le Rochais. En voyant ces carnets, elle m’a mis en contact avec l’éditrice et m’a incité à sortir cet ouvrage. Elle m’a accompagné sur tout le projet.

Virage : Ton livre évoque tout un parcours d’avant, pendant et après match. Ca te manque cette ambiance ?

GW : Il y a des moments de nostalgie, j’ai des frissons quand je regarde les vidéos d’époque, mais aujourd’hui je suis complètement passé à autre chose. Je vis en province et je suis sur un projet d’auto suffisance alimentaire.

Virage : Un match t’a marqué en particulier ?

GWMon Premier match au Parc bien sur, PSG-Sochaux (14 mai 2005), avec une égalisation à 2-2 dans les 5 dernières minutes (Armand & Yepes). Le stade commençait à se vider, les gens râlaient… Mais avec l’égalisation, j’ai senti l’énergie qui existait dans un stade de foot… Magnifique, cela avait un air de victoire ! Et en tant que supporter, le PSG-ASSE en 2009 m’a vraiment marqué. Avec un 3-0 pour Paris, une putain d’ambiance au Parc. Ce soir là on pouvait vraiment dire qu’il y avait le feu en tribune, car je me souviens de sacrées flammes sortant de la fosse au début du match !

Virage : Un joueur ?

GWSur mon année d’abonnement, Sylvain Armand, car c’est le seul qui est venu jeter son maillot en tribune Auteuil lorsque j’étais abonné. Ça fait plaisir de ressentir un peu de considération venant d’un joueur !

guillaume-warth-virage

Virage : Pour toi le parc c’est fini ? Le PSG aussi ?

GW : Depuis 2010 et le plan Leproux oui. Pour le PSG-Sochaux qui a suivi le plan, toute cette ambiance sécuritaire, et la manière dont les informations ont été traitées dans les média… Ainsi que la position du club face à ses supporters, tout cela m’a dégouté.  J’avais un profond sentiment d’injustice. 

Virage : Comment expliquer un choix aussi radical ?

GWUn truc s’était cassé, comme une déception amoureuse, je ne pouvais pas continuer à rester là, à l’aimer, après avoir été cocu de la sorte. C’est dur à dire mais j’en suis content aujourd’hui. Quand je vois ce qu’ils ont fait du PSG, moi qui suis contre toute cette mondialisation, j’ai l’impression que ce club est l’image de toutes ces dérives.

Virage : Tu es toujours graffeur-dessinateur ?

GW : Le graph toujours, surtout quand je remonte à Paris avec les potes.  Mais clairement je ne suis plus aussi actif que dans le passé. Et puis comme je te le disais je suis passé à autre chose. Par contre je continue d’essayer de développer mon dessin, avec l’inspiration de mon nouvel environnement.

(c) Outsider Mag
(c) Outsider Mag
Les illustrations de cet article ont été reproduites avec l'aimable autorisation de Guillaume Warth, auteur de "Supporters" (Edité par Des Ronds dans l'O et toujours disponible)
Les illustrations de cet article ont été reproduites avec l’aimable autorisation de Guillaume Warth, auteur de « Supporters » (Edité par Des Ronds dans l’O et toujours disponible)

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Big John de Paname

Big John de Paname, 1m 97, plus de 100 kilos. Des mensurations à faire pâlir Zlatan et Peter Crouch réunis. L’ancien physio du club select Le Baron vient de sortir un ouvrage au titre éponyme où il raconte ses meilleurs souvenirs de la nuit parisienne.  L’occasion rêvée de parler foot et nightclubbing avec un vrai fan du PSG.

 – – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Pourquoi Big John ? C’est quoi ce surnom ?

Big John : Au début des années 2000, j’étais basketteur professionnel. Je participais à un tournoi et il me fallait absolument avoir un surnom. Comme Jonathan c’est mon prénom et que j’étais déjà grand et costaud à l’époque, Big John est venu tout de suite.

Virage : « De Paname » c’est parce qu’il y a une confrérie des Physios et qu’il faut préciser d’où on vient ?

BJ : Non… Ça c’est à cause de Facebook. Quand tu dois créer ton profil il faut donner ton nom de famille et je ne voulais pas donner mon nom. Comme je suis parisien de naissance et de descendance, Paname pour moi était une évidence.

Virage : Y a un centre de formation des physios ?

BJ : Y a pas vraiment de centre de formation. C’est plutôt du genre : un club se retrouve en galère un soir, met quelqu’un à la porte et tu sais tout de suite si cette personne pourra faire ce métier ou pas. Le tout c’est d’écouter le conseil des anciens et après c’est à toi d’imposer ta personnalité. Mais très honnêtement c’est pas un métier qui est à la portée de tout le monde.

(c) Mika Cotellon
(c) Mika Cotellon

Virage : Commet tu t’es retrouvé à faire ce taf ?

BJ : J’étais grand, j’ai toujours eu un peu de tchache, de la répartie. On dit souvent que les grands balèzes c’est pas fait pour communiquer, et bien moi c’était le contraire. Du coup ça a été très facile pour moi à gérer.

Virage : Tu ne fais plus l’entrée du Baron ?

BJ : Non, le Baron est fermé actuellement. Il y a eu un changement de propriétaire et puis ça faisait 10 ans que j’y étais donc il était temps de faire autre chose. Je vais sans doute reprendre du service dans la nuit mais sous d’autres formes.

Tu dois savoir envoyer au bon endroit
et au bon moment

Virage : Chez les physios on est fidèle à son club ? Ou c’est comme dans le foot, mercenaire ?

BJ : Un vrai mercato a lieu tous les étés. C’est la période qui précède l’ouverture de nouveaux clubs. Perso, j’ai toujours été dans la fidélité. A partir du moment où je me sens bien dans un endroit, pas de raison de partir. C’est pour ça que je suis resté si longtemps au Baron. Comme je le dis souvent : « Tu sais ce que tu quittes, mais tu ne sais pas ce que tu gagnes »… J’en connais beaucoup qui sont partis au plus offrant et qui se sont retrouvés dans des clubs qui se cassaient la gueule au bout de 2-3 mois et qui se retrouvaient du coup au chômage.

Virage : A chaque rentrée, y a donc un vrai un mercato à Paname ?

BJ : Oui, chaque année j’ai été démarché par 2-3 clubs à l’intersaison et à la rentrée. Mais oui, il y a un vrai marché car les bons physios à Paris se font très rares.

Virage : Un physio c’est pas une espèce de défenseur central en fait ?

BJ : Si je devais faire un parallèle avec le foot, c’est un mélange de défenseur central, de gardien de but et de recruteur ! Tu dois déjà recruter tes clients, être sur qu’ils vont dans la logique artistique de ton club, ensuite assurer la sécurité d’où le rôle de gardien de but et de défenseur en même temps, et finalement si il y a des problèmes avec les clients, tu es un peu attaquant de pointe car tu dois savoir envoyer au bon endroit et au bon moment…

Virage : En fait tu es partout sur le terrain, tu es une espèce de Leonardo quoi…

BJ : Ah ah, oui, c’est un petit peu ça. Je mets des coups d’épaule pour barrer les routes.

Virage : Question arroseur arrosé, tu t’es déjà fait foutre dehors d’un club ?

BJ : Virer d’un club ,non. Refuser l’entrée, oui. La dernière fois c’était il y a environ 3 ou 4 ans. C’était un club de la rue de Ponthieu. Le physio m’a recalé d’une manière assez irrespectueuse. Mais j’ai réussi à garder mon calme.

(c) Mika Cotellon
(c) Mika Cotellon

Virage : Tu es conscient qu’après les flics, les parents et Cyril Hanouna, vous êtes les pires ennemis de la jeunesse ?

BJ : Peut être même juste après les flics. A partir du moment où tu es de l’autre côté du cordon, les gens ne te voient plus comme un humain mais comme le mec qui les empêche d’aller faire la fête. Ceux qui rentrent sont toujours cools avec toi mais ceux que tu refuses ou que tu mets dehors, ça vire vite aux insultes et plus.

Virage : Avant ça, c’était quoi ta vie ?

BJ : De base, j’étais basketteur professionnel. J’ai joué à Paris, à Nancy, à Bayonne, à Cognac et j’ai même joué une saison à Marseille… Et ouais j’ai vécu un an à Marseille !

Virage : Supporteur de Paris depuis quand ?

BJ : Depuis le début des années 90. En fait j’ai commencé à supporter le PSG après la finale perdue de Marseille à Bari en 1991. Y avait un tel engouement derrière Marseille… Je ne comprenais pas car moi j’étais parisien et j’ai eu comme un sentiment de révolte. J’ai eu envie de supporter mon équipe, ma ville et l’endroit où je grandissais.

Virage : Un souvenir de match en particulier

BJ : Il en a plein comme tout le monde. Dans les souvenirs classiques il y a le PSG-Real en Ligue des Champions.. Mais le but que je retiens le plus c’est le but de Bruno Rodriguez face à l’OM en 1999. On les prive du titre en les battant et j’étais au Parc ce soir-là.

Virage : Un joueur qui t’a marqué ?

BJ : Si je devais m’identifier à un joueur, ce serait Raí. Il est resté au PSG alors qu’il avait des offres de toute l’Europe. Le mec a décidé de rester fidèle à ses couleurs et à son club. Ça me représente bien puisque je suis resté fidèle au même club.

Lavezzi c’était un gros sorteur,
gros fêtard, gros consommateur

Virage : Des habitudes en tribune ? Abonné ou invité ?

BJ : Je viens de me désabonner et j’achète des places ponctuellement. En général, j’essaie d’acheter du côté tribune Paris car c’est là que la majorité de mes potes sont abonnés. Je n’aime pas la tribune Borelli parce que je la trouve morte. Et puis avec le retour des ultras, il y a un peu plus d’ambiance du côté de mon quart de Virage Paris / Auteuil.

Virage : Tu n’as jamais joué de ton statut pour rentrer gratos au match ?

BJ : Il m’est arrivé d’avoir des places avant l’ère qatarie, mais le jour où on a su qu’on avait signé Zlatan, c’est devenu compliqué d’avoir des places. A l’époque je n’avais pas encore d’enfant donc je pouvais gérer mon agenda facilement. J’étais donc abonné. C’était un kif. Mais maintenant que j’ai 2 enfants, je me contente des matchs du dimanche soir.

Virage : Mythe ou réalité : Lavezzi, King de la nuit parisienne durant ses années PSG ?

BJ : Lavezzi c’était un gros sorteur, gros fêtard, gros consommateur. Mais d’une très grande gentillesse. Il plaisantait toujours avec toi, toujours le sourire, super poli. Il se comportait super bien à l’intérieur. Il est venu 5 ou 6 fois au Baron. Mais il faisait aussi d’autres boîtes de nuit  ! Nenê, gros fêtard aussi !

(c) Mika Cotellon
(c) Mika Cotellon

Virage : Parmi l’effectif actuel du PSG, tu fais rentrer qui et tu sors qui de ton club ?

BJ : Si toute l’équipe vient, personnellement je les fais tous rentrer ! Je me vois pas refuser mon équipe de coeur. Maintenant si c’est un joueur que j’aime bien qui vient avec sa femme je le fais rentrer également. Mais si c’est un joueur qui vient avec ses potes et qu’ils ne correspondent pas à l’endroit, ce sera non pour moi, PSG ou pas. J’ai déjà refusé des footballeurs qui venaient accompagnés de toute une bande de potes.

Virage : Les footeux en club, ça vient seul ou accompagné ?

BJ : Les sud-américains viennent souvent entre eux. 3-4 pas plus. Le vrai problème ce sont les jeunes joueurs français qui viennent avec la bande de potes avec qui ils ont grandi. Ce sont souvent des mecs de Paris ou de banlieue. Tu vas avoir 1 ou 2 footeux et puis 7 ou 8 potes. Beaucoup de clubs les refusent en soirée.

Je vais les recaler juste pour te foutre la rage

Virage : La caricature du jeune joueur incontrôlable ?

BJ : Pas les joueurs mais plus les potes. Les joueurs ont un pouvoir d’achat élevé qui leur permet de commander 5 à 6 bouteilles, mais leurs potes ne savent pas boire, se bourrent la gueule comme pas possible et tu as toujours le risque que l’un d’entre eux déborde et foute le bordel, devienne lourd avec les meufs, avec le staff.

Virage : En vrai les footeux, ça picole et ça fume en club ?

BJ : Ça picole oui, et y en a pas mal qui fument aussi. Mais je vais te prendre mon exemple personnel. Quand j’ai commencé à jouer pro en basket, je devais avoir 18 ans et ça correspond au moment ou j’ai commencé à fumer. Quand j’ai intégré le groupe pro, les gars qui étaient là depuis 10 ans buvaient et fumaient ! J’allais en boîte de nuit avec ces mecs là, on sortaient, on buvait, on fumait !

Virage : Une anecdote PSGiste au Baron ?

BJ : J’en ai une mignonnette. Un soir, Lavezzi, Verratti et des amis à eux se pointent au Baron. Ce soir-là, je n’étais pas à la porte du club. C’était un collègue à moi qui faisait l’entrée et il était supporter de l’OM. Il m’appelle et me dit : « Je vais les recaler juste pour te foutre la rage ». Je lui réponds « Non, non, tu les fais rentrer ! ». J’appelle le patron en parallèle pour être sur qu’il les fasse rentrer mais, coup de chance, il se trouve que ce soir-là, c’était une soirée gay ! Quand ils ont vu la clientèle qui sortait du club,Lavezzi de lui même a dit « Non merci, on va aller ailleurs finalement… ». Malgré ça, mon collègue a posté un truc sur Facebook en se vantant d’avoir refusé l’entrée à des joueurs parisiens…

Virage : Dans une interview, tu déclares : « Les vrais riches ne se mélangent pas. Et lorsque votre club est situé dans les beaux quartiers, les gros dépensiers sont indispensables pour pérenniser l’affaire ». une spéciale pour Nasser ?

BJ : Ah ah, alors tu sais quoi, Nasser n’est jamais venu au Baron mais une fois il est passé devant. Il marchait, il se baladait seul dans l’avenue Marceau. En plus, il était en doudoune. Quand il est passé, je ne l’ai pas reconnu tout de suite mais on s’est dit bonjour et là je l’ai reconnu. Je lui ai dit : « Président ? ». Il m’a souri. On a discuté 20 secondes, je l’ai remercié pour ce qu’il faisait pour Paris et puis il a continué son chemin. Dingue.

BIG JOHN DE PANAME
Anne Carrière Editions
Déjà disponible
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Fabrice Pancrate

C’est au Minipong à Pigalle que nous avons donné rendez-vous à Fabrice Pancrate, ancien ailier droit du PSG de 2004 à 2009. Quoi de mieux qu’un ancien bar de passes pour évoquer sa carrière.

 – – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Alors tu viens d’où Fabrice ?

Fabrice Pancrate : Je suis né dans le 14ème à Paris puis j’ai grandi à Aulnay Sous Bois puis ensuite j’ai bougé à Villepinte.

Virage : Comment le foot est arrivé dans ta vie ?

FP : Par passion, je regardais le foot à la télé avec mon père, j’avais même pas Canal à l’époque. On allait chez mes oncles mater les matchs. Puis j’ai aimé ce sport, je l’ai pratiqué dans la cour de récréation même si le football US m’a pas mal branché aussi mais il n’y avait pas de championnat en France. Et puis il y a eu les matchs de Coupe d’Europe de l’OM, il faut bien le dire, qui m’ont bien motivé. Waddle, Pelé, c’était fort.

Virage : Tu parles de l’OM mais tu suivais aussi le PSG ?

FP : A l’époque, en banlieue, très peu étaient pour le PSG. Moi le premier quand j’étais petit. Mais après j’ai été bercé par les années Valdo, Ginola, Weah, c’était énorme.

Virage : Quand tu signes au PSG, est-ce qu’on peut alors parler de consécration ?

FP : Du temps s’était écoulé avant que je ne signe au PSG. D’ailleurs je voudrais préciser un truc avant. Il faut bien dissocier l’oeil du supporter de celui du joueur pro, de l’acteur. La passion tu l’as dans les deux cas, mais quand c’est ton métier et qu’il faut gagner ta vie avec, ce n’est pas pareil. Signer au PSG c’était aussi une question de challenge. J’ai toujours voulu jouer dans un grand club, vivre des émotions à guichet fermé. Donc quand la proposition du PSG est arrivée, whooo, le summum, gars. Je me suis dis, je ne lâche pas l’affaire !

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Beau débordement sur le cousin de Serge Aurier

Virage : Tu étais au Mans à ce moment-là ?

FP : Oui et le président ne voulait pas me laisser partir. J’ai fait le forcing, j’ai été loin. Ma face du ghetto est ressortie à ce moment-là. Avec le recul je regrette ce que j’ai dit au président du Mans. Mais j’étais sur une autre planète. En plus, Le Mans descendait en Ligue 2. On leur avait offert la Ligue 1, j’étais venu pour gratuit et on me refuse le PSG, à moi, un titi parisien, la tour Eiffel sur le côté là ! T’es fou !
Et puis il faut voir d’où je venais. Le trajet parcouru ! J’ai commencé à Louhans Cuiseaux, j’ai été formé là bas. J’aurais pu commencer au Red Star ou au Racing mais je voulais quitter la banlieue. Le vivier ici était tellement énorme. Et puis, à la fin, on a tous des trajectoires différentes mais on a le même but. Regarde Rothen, avec qui j’ai joué, lui il a été formé à Caen et on s’est retrouvé tous les deux à Paris finalement.

Je voyais des vaches partout, je me demandais ce que je foutais là

Virage : Louhans, ça reste un bon souvenir ? (question improbable)

FP : Ca a été mes plus belles années de footeux. On était dans une ville de 5.000 habitants, complètement paumée. On a fait les 400 coups. Je ne te cache pas qu’au bout d’un mois je voulais me barrer. Je voyais des vaches partout, je me demandais ce que je foutais là. A 19h, tous les volets étaient fermés… Mais bon, tu encaisses et tu bosses. Et puis j’ai rencontré des autres jeunes qui venaient de toute la France, j’ai beaucoup appris. Ca m’a sorti de ma mentalité parisienne, de banlieusard.

Virage : Pour revenir à ta carrière au PSG, là aussi de bons souvenirs ?

FP : Déjà, c’est le club où je suis resté le plus longtemps dans ma carrière. 5 ans avec un prêt de 6 mois au Betis Séville et de 1 an à Sochaux. Mais oui, j’ai connu les hauts et les bas, les joies, les peines.

Virage : En terme de bon souvenir, tu as notamment participé à la fameuse finale gagnée contre l’OM lors de la Coupe de France 2006.

FP : Je l’ai regardé encore hier sur Youtube ! J’ai même appelé Bona (Bonaventure Kalou) avec qui je suis resté en contact même si il est rentré en Côte d’Ivoire. On s’est dit : « Tu te souviens frérot de ce match, c’est resté à vie ». Je donnerais n’importe quoi pour revenir en arrière, j’te jure.
Et puis c’était un match plus important qu’il n’y parait. Cette année-là, l’entraineur (Laurent Fournier) s’était fait virer alors qu’on était à 3-4 points de la tête. Il y a eu une totale incompréhension du public d’autant que c’était un ancien de la maison. Ok, il n’avait pas un charisme de ouf mais il était de l’épopée Weah, Le Guen et ça passait. En plus ils recrutent Guy Lacombe, qui était un entraîneur très tacticien, caractériel, mais surtout formateur, donc pas trop le profil pour Paris. Du coup on finit 9ème. Ce match c’était le seul moyen pour réussir notre saison. Le stade était plein à craquer, on n’avait pas le choix il fallait gagner. Sur le premier but, Edouard Cissé met la pression à Taiwo qui fait une erreur de relance, et Bona met une frappe… Pfff le stade a explosé. Et puis le but de Vikash, lui qui avait une frappe de mouche… Grosse émotion.

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Droit au bus Sabri

Le Parc, cette enceinte fermée,
cette acoustique, c’est fou

Virage : Puisqu’on parle d’émotion dans un stade, jouer au Parc des Princes, tu peux nous en dire plus ?

FP : Quand tu savais que tu avais un objectif à atteindre, des résultats à avoir et des buts à marquer, et là je fais référence au match de Coupe de l’UEFA contre Twente (4-0 pour Paris le 18 décembre 2008), tu savais que le Parc était derrière toi, tu le sentais te pousser. C’est pour ce genre d’ambiance que tu joues au football, que tu joues dans ce club. Je me rappelle de ce match : je presse d’entrée de jeu comme un fou, je fais des allers-retours, des centres. Je sors lessivé. Sur le dernier but de Luyindula, tout le monde est sorti du banc de touche en courant, j’ai cru que le stade allait s’écrouler. A une époque, on parlait de délocaliser le PSG au Stade de France pour faire plus de recette. Mais tu ne peux pas ! Le Parc a une âme, même si l’ambiance est pourrie aujourd’hui. Mais j’espère qu’avec les débuts d’accords trouvés avec les ultras, le Parc va retrouver sa flamme. N’importe quel joueur te le dira : le Parc, cette enceinte fermée, cette acoustique, c’est fou.

Virage : Il y a aussi des mauvais souvenirs forcément.

FP : Je me rappelle de réunions avec les supporters au moment du plan Leproux, où c’était super chaud quand les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les mecs nous disaient de mouiller le maillot, mais, gars, quand tu rentres sur le terrain, tu le mouilles le maillot. Ce n’est pas parce que tu portes l’écusson du PSG que tu vas gagner tous tes matchs. Parfois tu rencontres meilleur que toi ou tu n’as pas bien appliqué les consignes. Il n’y a que le Barça ces dernières années qui pouvait se permettre de tout gagner ou Lyon à l’époque où ils volaient. Et puis c’est un sport qui se joue à 11, voir à 16 avec le banc. Or, à Paris, la pression est telle que la technique ne suffit pas. Il faut aussi des qualités mentales énormes, un collectif.

Virage : Tu as déjà vu des mecs lâcher ?

FP : Pas lâcher, mais j’ai vu des mecs perturbés. Quand ça commençait à siffler dans les tribunes ou que la presse était mauvaise, je ne citerai pas de noms, mais tu ne jouais plus à 11 sur le terrain.

Virage : En même temps on a connu des périodes assez ternes en terme de recrutement et de présidence.

FP : Je vais te dire une chose. Quand un président est intronisé, rentre dans le vestiaire et que les premières paroles de son discours c’est : « Moi ce n’est pas le foot qui m’intéresse. Je n’aime pas le foot mais on m’a donné une mission et on va essayer de travailler ensemble. » et ça devant tous les joueurs et l’encadrement, tu te dis « Qu’est ce que tu fous là, frère ? Vas-y, reste pas ici ». Pour moi Blayau c’était vraiment une erreur malgré tout le respect que j’ai pour lui. C’est le pire président qu’on ait eu. (Dépité) Même si tu n’es pas fan du club, tu ne peux pas avoir ce genre de discours.

Il n’aimait pas faire durer ses discours,
c’était plus : « On doit gagner et basta »

Virage : Parlons de tes partenaires de l’époque. Pedro Miguel Pauleta…

FP : (Il nous coupe) c’est mon gars lui !

Virage : Il était comment comme capitaine ?

FP : Il était capitaine par son aura, son statut. Il fédérait parce que c’était un grand. Au Parc, c’était une légende dont on se souviendra encore longtemps. Même si Ibra a effacé ses records, Pedro ça reste l’Aigle des Açores. Il n’était pas un capitaine comme Deschamps, c’est à dire un homme de parole. Lui, c’était un homme d’actes. Il n’aimait pas faire durer ses discours, c’était plus : « On doit gagner et basta ».

Virage : C’était un vrai N°9 égoïste ou pas ?

FP : Tu ne peux pas être un grand attaquant sans être égoïste. Regarde Ibra, sur certains matchs ils ont été obligés de dénaturer le jeu pour lui donner des ballons. Je disais à mes potes « Mais regardez comment ils sont en train de boycotter Cavani ! ». Le plus flagrant c’est la saison dernière contre Troyes où ils gagnent 9-0. Sur ce match, si je suis Cavani, je rends mon maillot et je vais en tribune. J’étais tout seul chez moi et je me disais « Quelle bande d’enculés, téma ce qu’ils font ! ». Je me souviens du but d’Ibra où Cavani fait une course de 60 mètres et où Kurzawa ne lui fait pas la passe et attend qu’Ibra remonte du milieu de terrain pour lui donner le ballon. A ce moment Cavani est hors jeu tellement il a été vite et le pire c’est qu’Ibra le met ce but ! Tu peux rien lui dire.

psg-om
Jéjé, Popo & Fafa

Virage : Tu es donc un défenseur de Cavani, en connaissance de cause vu le poste que tu as occupé ?

FP : Cavani c’est un grand joueur. Tout le monde le voulait quand il était au Napoli. Il est venu à Paris, a joué à un poste qui n’est pas le sien, a fermé sa gueule et a mis une quinzaine de buts la première saison. Ils sont rares à avoir ces stats. Les stats d’un mec excentré c’est 5-6 buts et 5-6 passes. Quand tu es au-dessus, comme Michel Bastos à Lille avec 13 buts et 13 passes, c’est exceptionnel.

Virage : Et Sammy Traore ?

FP : C’était mon deuxième gars. Je l’ai perdu de vue d’ailleurs.

Virage : Avec son légendaire slalom, est-ce qu’on ne s’est pas trompé sur son vrai niveau technique ?

FP : Sammy, la technique ce n’était pas trop son fort mais il jouait avec ses propres qualités. C’était l’agressivité, les grands compas, le jeu de tête. Quand il jouait à Nice il était difficile à passer. Quand lui et Abardonado étaient en défense centrale, il fallait aller y jouer au Stade du Rey, c’était compliqué. Ils mettaient des coups de coude dans la tête, c‘était méchant. Du coup quand Guy Lacombe est arrivé au PSG, il voulait un taulier en plus de Rozehnal et Yepes. Et ça l’a fait avec Sammy. Et puis, tu sais, à Paris, c’est comme en politique : tant que tu es dans les primaires tu plais à tout le monde, mais dès l’instant où tu es élu, on va te chercher la merde, on va décortiquer toutes tes erreurs. Du coup, dès que Sammy est arrivé à Paris, ce n’était plus le Traoré de Nice. Dès qu’il ratait un contrôle, tout le monde se moquait de lui… Après, il n’a pas fait une mauvaise carrière à Paris. Il est resté dans son registre, il a fait quelques bourdes aussi.

Quand il te mettait des pains,
il t’arrachait tout

Virage : Durant ta carrière quels joueurs t’ont impressionné ?

FP : Au PSG, parmi les défenseurs, c’est la dureté de José-Pierre Fanfan qui m’a le plus marquée. Quand on partait en duel face à lui à l’entraînement et quand j’étais dans la queue des attaquants, je disais aux mecs : « Passez avant moi ! ». José, il était sec et lourd. C’était un bison. Quand il te mettait des pains, il t’arrachait tout ! D’un point de vue technique, ce qui m’a marqué quand on faisait des conservations c’était l’entente entre Charly Coridon et Danijel Ljuboja. C’était fort. Charly était très technique, on l’a oublié, et Danijel c’était un super jeu au sol, la conservation du ballon dos au but.

Virage : En 2008 tu es prêté à Sochaux, la fameuse année où le club a failli descendre en Ligue 2. Comment tu as vécu le truc ?

FP : Je n’aurais pas voulu être à leur place. Je les avais souvent au téléphone. Ils me racontaient l’ambiance au Camp des Loges. Tous les jours les supporters étaient là et mettaient la pression. Ils ont même déglingué la Porsche de Sylvain Armand. Quand je dis déglingué, il lui ont fait un vrai lifting ! Ludo Giuly s’était fait insulté et voulait se battre avec eux. Il y a même des joueurs qui se planquaient dans le coffre de leur voiture en partant du Camp ! Mais ce dont je me souviens le plus c’est le dernier match face à Sochaux à Bonal*. Le match du maintien pour Paris.

* Paris doit absolument gagner le match pour se maintenir en ligue 1

Virage : Tu as pu jouer le match ?

FP : J’ai dit au coach (Francis Gillot à l’époque) « Coach, moi je joue ! Me faites pas le coup de me mettre sur le banc » Et pourtant c’était un crève-coeur car j’étais prêté sans option. Mais avec Gillot je jouais tous les matchs donc c’était bon.

Virage : Quelle était l’ambiance avant le début du match ?

FP : C’était une ambiance de mort ! J’ai vu la peur sur le visage des joueurs parisiens, la crainte, le stress. Il n’y a pas assez de mots pour te décrire le truc. Sans compter la présence des Boulogne Boys qui ont menacé de tout casser avant le match si les CRS ne les laissaient pas passer. Franchement si Paris descendait, c’était une émeute en rentrant.
Je me souviens aussi que la veille du match, on était à l’hôtel avec d’autres joueurs de Sochaux d’origine parisienne ou ayant joué au PSG (Boukary Dramé, Stéphane Dalmat, Nicolas Maurice-Belay) et tous les quatre on se regardait en se disant, « C’est pas possible que Paris descende ! » Mais ils me disaient aussi : « On n’y est pour rien nous », et je leur répondais : « Mais frérot j’y retourne après mon prêt moi ! ». Et puis le jeudi avant le match, il y a aussi Sammy Traoré qui m’appelle et qui me dit « Ça va frérot ou bien ? Dis, les coachs m’ont demandé de t’appeler. Tu le joues pas le match, hein ? ». Je lui ai répondu : « Mais tu es fou, bien sûr que je vais le jouer ». D’autant qu’avec Sochaux on venait de faire une belle série. On revenait de loin, on avait été à la cave et on était revenu. Tout le monde nous voyait descendre. On a fait une série de 10 ou 12 matchs sans perdre avec Gillot.

Fabrice barré par Papus
Fabrice barré par Papus

Arrête tes conneries Mario,
c’est moi, c’est Fabrice !

Virage : Et durant le match, comment ça se passe ?

FP : C’était dingue. Sur une action d’attaque, je me fais balancer dans la surface par Mario Yepes. Tout le monde réclame le penalty mais l’arbitre ne siffle pas. Je suis assis par terre et Mario se rapproche de moi et m’insulte « Hijo de puta, comment tu oses courir comme ça (avec l’accent colombien s’il vous plait), t’as pas honte ? ». Je dis à Mario « Mais d’où tu m’insultes toi ? Arrête tes conneries Mario, c’est moi, c’est Fabrice ! » Et pourtant Mario c’est mon gars. Il me répond : « Si t’étais vraiment mon pote tu me ferais pas ça ! ». Puis c’est le tour de Jérôme (Rothen) qui passe et qui me dit « Hé Fabrice, arrête de courir, t’es vraiment un enculé ». Pour se finir par Pedro qui vient me voir : « Fabrice c’est pas possible, t’es vraiment un enculé (avec l’accent portugais) ». Mais j’étais dans mon truc, je l’avais un peu mauvaise d’avoir été prêté. De toutes façons pendant un match , il n’y a plus d’ami. Mais bon, de toi à moi, en deuxième mi-temps je l’ai joué tranquille. Je ne faisais pas d’appels tranchants dans l’axe, mais des appels extérieurs. Avec des centres pour le gardien… Je peux le dire maintenant… En revanche, il y a un joueur de Sochaux qui était à fond. Je ne donnerai pas son nom, mais c’est lui qui égalise pour Sochaux… Quand il a marqué, il a hurlé : « Bande d’enculés, (avec l’accent africain) on va vous niquer, vous allez descendre ! ». J’ai été le voir et je lui ai dit « Oh ça va, calme toi »… Ah ah. C’était le seul excité à Sochaux dans ce match.

Virage : Parlons du PSG d’aujourd’hui, que penses-tu du cas Ben Arfa ?

FP : Je ne veux pas trop commenter le truc, mais selon moi il y a un accord entre le coach et lui. En gros, il faut qu’il retrouve son poids de forme avant de devenir titulaire. On l’a vu à Nice, il était déjà bien enrobé dans son maillot. Il marchait sur le terrain et accélérait uniquement quand il le fallait. A Paris, il ne peut pas se le permettre car tous les projecteurs sont braqués sur lui. T’inquiète, quand il reviendra bien, il bouffera la place des autres. Nasser n’a pas mis 15 millions sur ce joueur pour ne pas le faire jouer.

Virage : Et si aujourd’hui tu étais le patron du club, quelle serait ta première mesure ?

FP : je ré-engage Leonardo. Le club est en manque d’image. Léo, il n’est resté qu’un an au club, mais il a laissé une image intacte. Et puis les débuts du PSG sous l’aire QSI, c’est lui. C’est un peu la pièce du puzzle qui manque aujourd’hui. Je le mettrais manager général direct. Donc ça veut dire que si tu l’engages, il y en a d’autres qui sautent. Tu vois ce que je veux dire…

Master P
Fabrice « Master P » 2016

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James de l’ADAJIS

Le 22 septembre, les associations de supporters du PSG (l’ADAJIS et le C.U.P.) rencontraient la direction du club. Entretien avec James, porte parole de l’ADAJIS, pour évoquer ces discussions qui pourraient marquer le retour de la ferveur au Parc.

L'interview a été menée le 27 septembre, soit 2 jours avant la rencontre entre le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, et le préfet de police de Paris, Michel Cadot, afin d’évoquer la possibilité d'un retour des ultras au Parc des Princes.

Virage : Peux-tu nous expliquer comment est né l’ADAJIS (Association de défense et d’assistance juridique des intérêts des supporters)  ?

James : Au départ ce sont des supporters du PSG qui ont l’idée de monter un forum « Liberté pour les abonnés » pour rassembler les gens qui n’étaient pas inscrits dans les associations de supporters. Ce qu’on appelait à l’époque les lambdas. Les mêmes qui peuplaient les virages et les quarts de virage et qui ont été exclus en 2010 suite au plan Leproux.

Virage : C’était un forum sur le web ?

James : Oui et personne ne se connaissait au départ. A l’image des virages, tu avais de tout dans ce forum. Quand le forum a été lancé, les fondateurs ont fait un mini casting avec ceux qui avaient fait les remarques les plus pertinentes sur le site dans le but de monter une association. On s’est donc retrouvé un soir d’aout 2010 aux abords du parc pour mieux se connaitre. Le but de cette future association était de faire des propositions au club car on savait que le plan Leproux était transitoire. Ca avait du sens. Très vite, l’association s’est montée en octobre 2010 et les adhésions ont commencé. On est arrivé à plus de 500 membres en peu de temps et on a monté un dossier avec nos propositions.

Virage : Le club a été réceptif à votre démarche ?

James : Oui et quand les qataris ont racheté le club, on a eu une entrevue avec Jean-Claude Blanc en 2011 mais les discussions se sont arrêtées brutalement. Aujourd’hui on sait que le blocage venait surtout d’Antoine Boutonnet, le directeur de la DNLH (Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme créée en 2009) et du directeur de la sécurité du PSG, Jean-Philippe d’Hallivillée. Mais aussi d’Hermann Ebongué, vice-président de SOS Racisme, qui avait positionné sa société Sportitude auprès du PSG et qui n’avait aucun intérêt à ce que les discussions avancent entre le club et nous. Bref, Jean Claude Blanc avait d’autres choses à gérer et on s’est retrouvé dans une impasse.

Virage : Comment ça se passe alors pour votre association ?

James : Mal car très vite on est devenu une cible avec des procédures, des interdictions administratives de stade, notamment pour notre président. Du coup il y a eu découragement et l’association a été dissoute. Mais on a gardé un petit noyau de gens motivés en créant un rassemblement informel, comme le faisaient alors les autres ultras en France, sans structure officielle pour éviter d’en prendre plein la gueule.

(c) ADAJIS
(c) ADAJIS

Virage : Mais sans structure officielle difficile d’avancer sérieusement ?

James : On a vite atteint certaines limites effectivement. Déjà, il était difficile de participer tous ensemble à des discussions et réflexions sans cadre précis. Par ailleurs, quand on montait des opérations de collectes ou qu’on percevait des dons pour financer nos actions, nous n’avions pas la possibilité d’avoir un compte bancaire… On a donc remonté une association mais surtout pour défendre nos droits. On a été rejoint par des avocats qui nous ont permis de nous professionnaliser, on a commencé à travailler très sérieusement sur notre communication avec les media pour changer notre image et faire passer clairement nos messages. Ca a changé la donne, on ne s’est plus laissé faire et L’ADAJIS est née fin 2013.

Virage : Mais vous défendez uniquement les supporters du PSG ?

James : Oui mais on n’accepte pas les dossiers qui concernent les violences, les discriminations, la consommation de drogue etc… Par ailleurs, lorsque l’ADAJIS s’est montée on a continué à avoir des réflexions sur des propositions au cas où un jour on aurait un interlocuteur pour en discuter.

Les transitions c’est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser. Et à Paris peut être que cette transition ne s’est pas bien faite

Virage : Existe-t-il d’autres associations de ce genre en France ?

James : Oui. Pour commencer nous faisons partie de l’Association Nationale des Supporters. Au sein de cette association on retrouve Lutte Pour Un Football Populaire à Saint-Etienne, l’ADDSUNA à Nantes. Bref ça commence à exister ailleurs. Mais nous sommes précurseurs en la matière.

Virage : A quoi ressemblent les membres de l’association aujourd’hui ?

James : Les profils sont différents mais il y a beaucoup de lambdas. Plutôt trentenaires et quarantenaires en majorité mais on a aussi des jeunes qui ont commencé à supporter le club après le plan Leproux et qui n’ont jamais connu l’ambiance des virages d’avant 2010.

Virage : Tu as l’impression que le phénomène ultra veut encore dire quelque-chose aujourd’hui à Paris ?

James : Oui, ça existe toujours, mais ça n’a plus rien à voir avec les années 80/90 car ce n’est plus le même contexte. La culture ultra prend en compte les évolutions de la ville, de la société. Mais la passion dans son mode extrême existe encore, vraiment. Il y a même une forme de renouveau je trouve, avec une vraie nouvelle génération. Comme dans tout, les transitions c’est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser. A Paris peut être que cette transition ne s’est pas bien faite.

Virage : D’où l’intérêt de repenser le rôle ultra mais en gardant la philosophie de base ?

James : Oui, car un groupe de supporters organisés en association est important surtout pour les plus jeunes qui n’ont parfois jamais été confrontés à une logique de groupe, avec ses règles, ses responsabilités, une répartition des tâches. Bref amener un cadre à ceux qui en ont le plus besoin. Et pour moi c’est ce qu’on a oublié dans le passé.

Virage : Qu’est ce qui motive les gens qui rejoignent l’ADAJIS de ton point de vue ?

James : La passion du PSG bien-sur mais le premier moteur c’est la volonté de retrouver une vraie ferveur au Parc.

(c) ADAJIS
(c) ADAJIS

Virage : A titre personnel qu’est-ce qui t’a amené à mener ce combat ?

JamesAu début c’est la passion et puis c’est ma vie, ça rythmait ma vie. Par exemple, je ne prenais pas de vacances en août parce que c’était la reprise du championnat. J’ai des enfants mais même vis à vis d’eux je m’organisais pour assister aux matchs. Pareil pour le boulot, si le match était à 17h, mes boss savaient que j’y allais… C’était le rituel. Et puis surtout le plan Leproux nous a touchés directement car lorsque tu as des enfants, tu n’as plus le temps de chercher des places en aléatoire. Le stade pour nous c’était une deuxième famille. On se retrouvait avant le match, on discutait, on était ensemble. Ca a tout cassé et j’ai pris ça comme une injustice même si avec le recul je trouve ça moins injuste aujourd’hui. Mais pour moi il fallait faire quelque chose.

VirageEst-ce que finalement tout ce qui s’est passé depuis le plan Leproux n’était pas un mal nécessaire pour repartir sur de bonnes bases ?

JamesOui, c’est ce qu’on s’est dit mais pour avoir un début de discussion il faut être deux et le PSG n’était pas encore prêt à discuter. Il y a une volonté aujourd’hui de relancer le débat de la part du club, même si ils ne sont pas encore vraiment prêts de mon point de vue. Pour nous aussi ça a été utile car ça nous a permis de nous réunir.

Le club a clairement expliqué aux autorités que sa volonté était d’avancer
sérieusement sur ce dossier

Virage : Parlons maintenant du RDV que vous avez eu avec la direction du club et le C.U.P (Collectif Ultra Paris) le 22 septembre dernier dans les locaux du parc des Princes. Qui était présent ?

JamesCôté PSG, il y avait Jean-Claude Blanc et Frédéric Longuépée, le directeur général adjoint du club. De l’autre, il y avait Cyril Dubois, un de nos avocats, Romain Mabile, le président du C.U.P, Michael Tommasi, président de l’ADAJIS et vice président du C.U.P. et moi-même en tant que porte parole de l’ADAJIS.

Virage : Avez vous senti une réelle volonté du club d’avancer sur un retour des Ultra lors de cette réunion ?

James : C’était une prise de contact, mais c’était surtout pour bien affirmer la volonté du club de façon officielle. Jean-Claude Blanc nous expliqué que des démarches avaient été engagées par le club auprès de la préfecture et du ministère, qu’un dossier avait été laissé au ministère et que les choses suivaient leur cours. Il nous a expliqué que le contexte était difficile et qu’il se voyait mal avancer sans le concours des autorités, ce qui est une évidence pour nous. Mais en tous cas, le club a clairement expliqué aux autorités que sa volonté était d’avancer sérieusement sur ce dossier.

Virage : Il y avait un ordre du jour pour cette réunion ?

James : Il n’y en avait pas. La chose principale à retenir c’est qu’à présent on a un interlocuteur principal. C’est Jean-Claude Blanc et sur deux volets : sur la façon d’organiser le retour des supporters et sur le choix du référent.

Virage : Qu’est ce que ce référent ?

James : Il y a une loi qui est passée (NDLR) qui oblige les clubs à avoir un référent en interne chargé d’assurer des échanges avec les associations locales de supporters. C’est vraiment un sujet en soit, d’ailleurs la Ligue va à priori organiser des réunions avec les clubs en octobre à ce sujet. Chaque club aura sa façon de fonctionner pour définir qui sera son référent. Ça peut être une seule personne, ou une équipe complète. Ca dépend aussi de la taille du club. Mais la philosophie c’est que cette personne ne dépende pas du chef de la sécurité comme ça avait été le cas dans le passé à Paris. Ce sont deux personnes différentes au sein du club qui répondent toutes les deux à la direction sur les mêmes prérogatives. Mais j’ai du mal à croire que vu le passif et les moyens dont dispose le PSG, on ne soit pas précurseur dans ce domaine.

NDLR : Le Parlement a définitivement adopté en avril 2016, par un dernier vote des députés à l'unanimité, une proposition de loi (La Loi Larrivé) sur la lutte contre le hooliganisme dans le football et pour la création d'un « supportérisme à la française ». Le texte instaure dans chaque club professionnel un référent chargé d'assurer des échanges avec les associations locales de supporters, une exigence de longue date de l'UEFA. Au niveau national, le texte crée une instance du supportérisme.

Virage : D’autres sujets ont été abordés ?

James : On a parlé des problèmes actuels lors des déplacements, des annulations à la dernière minute… On leur a aussi expliqué qu’on organisait des déplacements en contre -parcage avec les autorités (à Caen et à Monaco cette année). Le meilleur exemple c’est Rennes l’année dernière où on a même signé un contrat écrit avec la préfecture. D’habitude on s’arrange « en off » mais, cette fois-ci, il y avait vraiment un contrat. On a insisté sur le fait qu’il était important pour le club de s’intéresser à ces déplacements et de les organiser avec les représentants des supporters. Par exemple, lors d’un déplacement tu peux avoir des tensions entre les supporters qui sont dans le parcage officiel et ceux qui sont en contre-parcage. Ca peut même se produire au Parc entre différentes franges de supporters. C’est là que notre rôle est important pour régler ces problèmes.

Virage : Mais tu n’es jamais à l’abris du fait que certains ne suivent pas les directives dans les virages.

James : Oui c’est sur, mais au moins tu as un cadre et un dialogue qui est renoué de façon claire.

Il faut arrêter les punition collectives. Si un supporter a fait une connerie, c’est sa responsabilité et pas
celle de ceux qui l’entourent

Virage : Quelle est alors la démarche à suivre pour vous aujourd’hui ?

James : Déjà ne pas aller trop vite. Faire un bilan précis de la situation actuelle au Parc et en déplacement. Comment se passent la billetterie et les placements en tribune. Comment s’organise la gestion de la sécurité dans les tribunes entre les supporters et les responsables de la sécurité… Il est important d’avoir une analyse sur l’ensemble des ces points avant de rentrer dans le vif de la discussion. Par exemple, sur les aléatoires au Parc, je ne suis pas sûr que le club ait vraiment analysé comment gérer les placements en tribune entre les gens déjà abonnés, les places mises à disposition des offres partenaires, des opérations de promotion ponctuelles… Car le retour des groupes de supporters nécessite qu’ils soient tous ensemble en tribune. Il faut aussi arrêter les punitions collectives. Si un supporter a fait une connerie, c’est sa responsabilité et pas celle de ceux qui l’entourent. Ça déresponsabilise totalement celui qui commet la faute puisque c’est l’ensemble de la tribune qui est punie. Là-dessus on a été bien d’accord. Bref on est en train de préparer un dossier complet destiné au futur référent.

(c) ADAJIS
(c) ADAJIS

Virage : Vous vous êtes fixés un timing ?

James : On a déjà envoyé un document au club en expliquant la philosophie d’une référent vue par les associations de supporters après avoir consulté le ministère, la Ligue et la FFF. On a d’ailleurs fait une demande d’agrément pour l’ADAJIS pour obliger le club à nous consulter sur le choix du référent. Mais ce n’est pas pour mettre des bâtons dans les roues du club, c’est surtout car on connait le sujet par coeur et qu’on veut être partie prenante du débat.

Virage : Tu sais si le club a déjà une idée de qui pourrait être ce référent ?

James : A ce jour non.

Virage : Parlons à présent plus de ton parcours personnel de supporter. Tes premiers souvenirs remontent à quand ?

James : Mon tout premier souvenir c’est PSG-ASSE en finale de coupe de France en 1982. Premier vrai truc vécu à la télé, c’est la finale contre Nantes en 1983 et premier match au Parc c’est contre Nantes en 1986. J’étais en présidentielle mais à l’époque il n’y avait pas vraiment de tribune, on se mettait où on voulait. C’était clairsemé mais Boulogne faisait déjà du bruit et je suis resté bloqué là dessus.

Virage : Ton plus beau match au Parc ?

James : Mon vrai grand souvenir c’est PSG-Galatasaray en 1996. En proportion tu devais avoir 10000 supporters turcs et 15000 parisiens. Mais ça a été une ambiance de dingue. On perd 4-2 à l’aller. Et les gens ne se souviennent plus aujourd’hui mais les coupes d’Europe, et la Coupe des Coupes c’était super difficile. Quand tu te tapais Parme ou La Corogne, tu te tapais du lourd. Même le Celtic ! Aujourd’hui tu tires le Celtic c’est un match de CFA ! Et on a gagné 4-0 au Parc ! C’était un truc de fou. En plus à l’extérieur du Parc c’était un peu la guerre totale avec les turcs. Quand tu arrivais au Parc, tu avais l’impression d’être encerclé mais à l’engagement ça chantait tellement que les turcs se sont tus ! Enorme.

Virage : Et le joueur qui t’a marqué le plus ?

James : C’est pas pour faire l’ancien combattant mais Sušić c’était un truc de fou. J’étais tellement fan de lui que j’ai été content qu’il marque lors de France-Yougoslavie (19 juin 1984 lors de l’Euro). Il faisait des trucs à l’époque sur des petits périmètres, il se retournait, faisait des crochets, des passes, marquait des coup francs, des buts alors qu’il était milieu… Si tu associes toutes ces spécificités, alors tu peux le comparer aux meilleurs d’aujourd’hui et ils ne sont pas beaucoup. Et ce mec était au PSG. Et la longévité, 9 ans au club !

Lil’Mike

C’est dans son Home-Studio parisien que Lil’Mike nous reçoit.
En pleine production du prochain album des Birdy Nam Nam « Dance Or Die » (Sortie le 16 septembre), il revient sur ses souvenirs d’abonné en tribune Auteuil.

– – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Tu as grandi où ?

Lil’Mike : Dans une cité à à Vigneux sur Seine dans l’Essonne

Virage : Ton premier match au parc ?

Lil’Mike : J’ai un doute en fait. Je ne sais pas si j’ai commencé à y aller avec la maison de quartier ou si c’était pour la demi-finale de Ligue des Champions PSG-Milan AC où j’étais juste derrière les cages en tribune Auteuil.

Virage : Quel match a servi pour toi de déclic définitif pour devenir supporter du PSG ou t’as tout simplement rendu fou amoureux de ce club ?

(c) Marco Dos Santos
(c) Marco Dos Santos

Lil’Mike : J’étais déjà piqué avant d’aller au stade. En bas de chez moi il y a des gars qui étaient pour Marseille, d’autres pour Paris. Une majorité était pour Marseille quand même. Mais le premier match qui m’a marqué c’est le PSG-Real (1993) que j’ai suivi à moitié en crypté sur Canal et à moitié à la radio. Je me souviens globalement de cette époque, celle de Weah, c’est ce qui m’a fait m’accrocher au club.

Virage : Quel joueur a marqué ta vie de supporter ?

LilMike : Ma vie de supporter ? J’ai été abonné plus tard et le meilleur joueur à ce moment là c’est Peguy Luyindula alors tu vois c’était difficile de s’attacher à un joueur, le plaisir était ailleurs, dans les tribunes. Mais le premier joueur que j’ai aimé c’était Eric Cantona, mais ça n’a rien à voir avec Paris en fait. Après à Paris celui qui m’a marqué c’est Weah. C’était incroyable mais trop court.

Virage : Combien de temps es-tu resté abonné au Parc ?

Lil’Mike : Je suis resté abonné 3 saisons, les 3 dernières avant le plan Leproux. Mais avant j’y allais beaucoup avec la maison de quartier car le conseil régional donnait des places.

Virage : Le plan Leproux, c’est ce qui a mis fin à ton abonnement ?

Lil’Mike : Vu que j’étais abonné en virage, c’est ce qui a amené la fin pour tout le monde.

Virage : Tu es resté en contact avec tes potes d’Auteuil, ou c’est un peu comme les copains de Lycée qu’on perd de vue ?

Lil’Mike : A la base j’y allais car des potes à moi y allaient aussi. A un moment j’ai lâché le foot et du coup je n’y suis plus allé. Mais c’est via ces mêmes potes que je suis retourné au Parc. Donc ça reste des potes car on l’était déjà avant.

Maintenant Thiago Silva va rester
le patron du vestiaire

Virage : Le départ de Zlatan ça t’inspire quoi ? Un mal pour un bien ?

Lil’Mike : Il faut que je te dise déjà qu’avant qu’il ne signe à Paris c’était un de mes joueurs préférés. Comme Canto. L’idée qu’il signe à Paris ça me rendait dingue. Les années qu’il a passé ici c’était juste la folie. Pour moi il a marqué l’histoire du club. Mais le fait qu’il s’en aille c’est effectivement un mal pour un bien. Tout tournait trop autour de lui. Il avait une emprise trop importante sur l’équipe. Maintenant Thiago Silva va rester le patron du vestiaire. Et j’espère que ça laissera plus de place à Pastore. Car selon moi c’est Zlatan qui a empêché de jouer Pastore alors qu’il mérite d’être le leader de l’équipe. Le schéma tactique n’était pas en sa faveur.

Virage : Puisqu’on parle tactique, qu’as-tu pensé du travail de Laurent Blanc depuis son arrivée ?

Lil’Mike : A vrai dire j’étais déçu qu’ils ne gardent pas Ancelotti, c’était une erreur incroyable. Après Laurent Blanc, déjà c’est un marseillais. Un marseillais dans le coeur et il retournera à ses amours de jeunesse après le PSG. Après avec l’équipe qu’il a eu à gérer, j’ai du mal à imaginer qu’ils gagnent moins de titres sans lui. Je n’ai pas l’impression que Laurent Blanc ait imprimé sa patte sur le jeu du PSG. Concrètement c’est Zlatan qui décidait de beaucoup de choses et c’est sans doute pour ça que Zlatan l’a remercié aussi chaleureusement lorsqu’il est parti. Au contraire ce que je dirais c’est qu’il n’a pas pris ses couilles, il n’a pas fait jouer suffisamment Marquinhos, et il nous a fait un 3-5-2 mémorable face à City, pour moi il ne restera que ça… (soupir)

Virage : Quel joueur actuel te fait le plus plaisir ?

Lil’Mike : J’adore Pastore, Di Maria, Verratti parce que je suis supporter de l’Italie en fait. Verratti c’est notre crack et j’ai l’impression qu’il pourrait faire toute sa carrière au PSG, en plus de sa sympathie naturelle et de son talent, j’ai donc un faible pour lui.

Virage : Et inversement un qui t’agace ?

Lil’Mike : (longue réflexion) Lucas… Il a du talent mais il manque de régularité. Après humainement, même Aurier j’ai pas envie de lui jeter une pierre de plus.

Virage : En France une équipe honnie ? A part Marseille bien sur ?

Lil’Mike : Après Marseille il y a Lyon car c’est une grande équipe du Championnat de France. Mais franchement, le championnat de France il n’y a plus de suspens, du coup ça n’a pas vraiment d’intérêt. Difficile de répondre à cette question…

Virage : Et en Europe ?

Lil’Mike : J’étais content qu’on tombe sur Madrid cette année. On aurait pu les taper mais bon… Trop d’erreurs.

Contre City, c’était infernal d’entendre les anglais gueuler si fort

Virage : Tu essayes de retourner au parc malgré ton planning avec les BNN ?

Crazy B, DJ Need, Lil'Mike (c) Nicko Guihal
Crazy B, DJ Need, Lil’Mike (c) Nicko Guihal

Lil’Mike : J’y suis retourné quand j’ai officié en tant que DJ au Parc pendant une saison. Mais ça a brisé quelque-chose. Car tu passes de l’autre côté du décor. Et c’est encore plus difficile d’y retourner quand tu vois l’ambiance. Ça fait plus de peine qu’autre chose. Contre City, c’était infernal d’entendre les anglais gueuler si fort. En même temps j’ai respecté car ces supporters sont réputés pour être assez bouillants en déplacement et ils ont répondu présent. Mais avec les supporters du parc de l’époque, des matchs à domicile comme celui là, on n’en perd pas un !

Virage : L’ambiance en tribune, j’imagine que pour un ancien des KOP ça doit te faire mal au coeur, tu préconiserais quoi pour solutionner en partie le problème ?

Lil’Mike : Le problème il est politique. Il est dans l’affrontement de deux groupes qui ne seront jamais d’accord. A vrai dire c’est mort, je suis assez pessimiste à ce sujet. Comme en Angleterre, les stades sont voués à s’éteindre. Les fumis, les tambours, c’est voué à disparaitre. Mais clairement ça manque de bordel dans les stades aujourd’hui (soupir).

Virage : Le nouveau maillot, un avis ?

Lil’Mike : J’aime bien en vrai. Mais je trouve que ça manque d’extravagance. Je ne suis pas de ces supporters qui veulent que rien ne change. C’est Paris, c’est une ville très inspirée par la mode, ça doit avoir une classe qui s’assume, il faudrait des maillots de oufs. Mais bon les ultras sont souvent un peu trop conservateurs en général.

Virage : Parlons musique, le Deejaying, est-ce que ça s’apparente en terme de répétition des enchainements à ce que peuvent travailler les footballeurs d’après toi ?

Lil’Mike : Le parallèle existe quand on prépare un nouveau concert. L’objectif est d’avoir des automatismes. Comme les joueurs qui au fil des entrainements savent où se placer par rapport aux autres.

Virage : Et Crazy B (membre fondateurs des BNN), c’est un peu votre Carlo Ancelotti ?

Lil’Mike : (Rires) ouais carrément !

Virage : Si tu devais choisir un joueur du PSG pour intégrer les BNN et remplacer DJ Pone qui est parti tu choisirais qui ?

Lil’Mike : (Penseur) Je ne prendrais pas Zlatan parce qu’on s’embrouillerait, c’est sûr ! Mais certainement Aurier ou Lucas, ils m’ont l’air bien festif.

Virage : Il y a 3 ans tu composais « PSG Anthem ». Un hymne non officiel électro. Est-ce que ça t’a ouvert des portes au PSG ? Notamment pour mixer avant l’entrée des joueurs au parc ?

Lil’Mike : Non pas spécialement. Ce truc je l’ai fait de façon informelle et je l’ai mis sur le net. En fait les gens du club cherchaient à s’attacher les services d’un DJ et les gens qui s’occupaient de moi en booking à l’époque étaient en relation direct avec le club. Du coup ça s’est fait naturellement vu mon attachement au club. Je l’ai fait au Parc pour le dernier match lors du titre en 2013. Puis après ça on m’a proposé de le refaire la saison suivante. J’ai accepté avec plaisir.

Etre là quand Beckham sort en pleurs, c’était au delà de tout

Virage : Quel a été ton ressenti lorsque tu as pris les platines sur la pelouse du parc ?

(c) Marco Dos Santos
(c) Marco Dos Santos

Lil’Mike : C’était autre chose que monter sur scène. J’avais pas l’impression d’être vraiment à ma place. J’estime en fait que c’est à la base le boulot des supporters de mettre l’ambiance. Et j’imaginais plus un truc en mode NBA, hyper Hip Hop, avec de l’attitude. Mais ça ne plaisait pas trop aux équipes du PSG. Ils considéraient que je jouais plus pour les gens de la corbeille. Alors que la plupart des gens qui sont dans le foot écoute du Rap. Les gens qui regardent le foot, ils ne sont pas trop fans de David Guetta ou de musique électronique. Donc naturellement je l’aurais fait comme ça d’autant que j’ai tendance à être un peu radical.

Virage : Mais tu as apprécié ce moment malgré tout ?

Lil’Mike : Ouais, c’était carrément au delà de ce que j’imaginais. J’étais comme un gosse. Je rentrais par l’entrée des joueurs, le simple fait d’être là, dans ces couloirs, c’était ouf. Voir le match du bord de la pelouse à 3 mètres des joueurs, être là quand Beckham sort en pleurs, c’était au delà de tout. C’est pour ça que retourner ensuite en latéral tout en haut, pas pouvoir de fumer de garette-ci…

Virage : Tu continues à porter des maillots du PSG quand tu mixes avec les BNN ou tu t’es calmé ?

Lil’Mike : (Amusé) J’essaye maintenant d’éviter toutes les provocations. Même si des fois ça me dépasse. J’essaye de me détacher de cette part de mon image car les gens n’ont pas forcément toujours le second degré pour capter qu’il n’y a aucune haine derrière tout ça. Même si je continue à « hoster » et à être un peu punk quand je prends le micro sur scène. En me moquant un peu du public… En fait c’est jamais fait avec mauvaise intention mais c’est parfois mal perçu. Ca m’a causé beaucoup de soucis…

Virage : Ca ne t’est jamais arrivé de te faire embrouiller à cause de ça ? Notamment le maillot sur scène.

Lil’Mike : Jamais, mais les autres membres du groupe m’ont déjà demandé de l’enlever une fois quand on jouait près de Marseille.

Virage : Lorsque tu mixes sur scène, tu peux faire le parallèle avec les joueurs sur le terrain, qui sont au centre de toutes les attentions ?

Lil’Mike : Le parallèle c’est qu’il faut être présent à l’instant T. Il faut se mettre dans le concert, au début il y a une certaine tension, les 5 premières minutes il faut bien les passer sinon le reste du concert peut mal se passer.

Virage : En tournée, tu en profites pour aller à des matchs quand tu te retrouves dans des villes de foot, ou pas le temps ?

Lil’Mike : Avec la technologie on peut regarder le match sur son téléphone ou sur son ordi. C’est ce que je fais car malheureusement on a rarement l’occasion d’aller voir des matchs. Souvent quand on est en Angleterre ou en Espagne, j’essaye de demander des places mais c’est souvent très compliqué.

Comme si on donnait le ballon d’or à Ben Arfa au lieu de le donner à Ronaldo

Virage : En 2007 sort le premier maxi Dancefloor des BNN « Trans Boulogne Express ».
Venant de la part d’un ancien d’Auteuil, ça sent quand même la provoc’ non ?

Lil’Mike : Nan ça n’a rien à voir, ça parle plus des travelos que des gars du Kop (rigolade)

Virage : En 2010, les BNN remportent le prix de la révélation électronique ou Dance de l’année, aux Victoires de la musique. Quand tu as eu le trophée, tu t’es senti au ballons d’or ?

Lil’Mike : Pas du tout, je l’ai très mal vécu. J’étais trop déglingué. Le présentateur (Nagui) n’avait pas été agréable, ça m’avait mis dans un très mauvais mood. Mauvais souvenir… En plus, la vérité, c’était comme si on donnait le ballon d’or à Ben Arfa au lieu de le donner à Ronaldo. A l’époque c’était David Guetta qui pétait tout dans le monde. On prend toujours les choses comme elles viennent surtout quand c’est agréable mais on avait un minimum de recul pour se dire que ce n’était pas la victoire de la musique la plus méritée, en tout cas pas sous cette forme. On méritait plus la victoire du Live.

Virage : Le nouvel album des BNN, c’est toi qui le produit, et c’est une première. T’as l’impression de passer titulaire au poste de numéro 10, tu as la pression ?

Lil’Mike : De Ouf… Carrément. C’est une grosse pression. En plus j’ai pas forcément une confiance en moi démesurée, donc j’appréhende un peu. Je donne le meilleur, je suis là tôt à l’entraînement, je repars le dernier, j’fais des heures sup’, j’travaille les coups francs ah ah…

Virage : Si le club te demandait de travailler sur un titre d’ouverture au parc, tu fonces ? Un remix de « Oh Ville Lumière » ?

Lil’Mike : « Oh ville lumière » c’était génial quand c’était chanté par les supporters, mais là ils ont refait le truc pour l’entrée des joueurs, mais pour être franc, la mélodie n’est pas la même, il y a des fausses notes, c’est invivable de l’entendre… J’y mettrais un truc de modernité, pas d’agressivité mais un truc qui ait du charisme et qui s’assume. Un truc à la Fenerbahçe, je ne sais pas tu as déjà vu l’entrée des joueurs là bas, il y a une tension incroyable et pas seulement dans les Kops, dans tout le stade ! Tout le monde chante !

Virage : Dernière question, tu penses qu’on a une chance de gagner l’Euro, même avec un hymne composé
par David Guetta ?

Lil’Mike : En fait j’espère qu’ils ne vont pas gagner l’Euro.. Je ne remets pas de la non sélection de Hatem Ben Arfa, j’ai envie de chialer carrément. Je trouve ça totalement injuste, c’est dégueulasse, dégueulasse vraiment… En vrai j’aimerais bien qu’ils fassent quelque chose même si tu l’as compris je suis plus supporter de l’Italie. Mais suis tellement déçu que je n’ai pas envie de les supporter…

Album "Dance Or Die" Sortie le 16 septembre 2016
Album « Dance Or Die »
Sortie le 16 septembre 2016

Robin Leproux

Resté deux ans à la tête du PSG, il est le président du fameux plan qui porte
encore son nom. Retour sur une blessure qui ne s’est jamais refermée
et sur un amour toujours vivace du football.


Avant de commencer l’interview Robin Leproux a tenu à nous faire lui même une introduction sur son parcours personnel.


(c) Julien Rideau
(c) Julien Rideau

Robin Leproux : Je viens d’un milieu très modeste. Mon grand père paternel était chauffeur de taxi à Paris, mes grands parents maternels étaient cafetiers à Blois. Mon père a commencé sa carrière comme ouvrier chez Simca. D’ailleurs, jusqu’au jour où il est décédé, il savait à peine écrire. Ensuite il a été barman puis avec ma mère il ont géré le Golf Drouot (célèbre club de rock parisien) pendant 27 ans mais ils n’ont jamais été propriétaires du lieu, ils ont toujours été employés.

J’ai donc toujours vécu dans un milieu populaire parisien, à la cité des 3 Bornes dans le 11ème à Paris, à l’époque où ce n’était pas du tout bobo, et ensuite Porte d’Asnières. Attention il n’y avait pas du tout de misère, je n’ai jamais manqué de rien et je passais mon temps à jouer au foot. J’ai pris ma première licence à 11 ans et j’ai lâché ma dernière licence l’année dernière. 45 ans de licence !

On m’a souvent dit que je ne connaissais rien au foot, surtout quand je suis arrivé au PSG, sauf que je j’y jouais depuis 45 ans ! Et vu mon attache parisienne, mon club ça a toujours été le PSG. Je regardais le Red Star que j’aimais bien, mais c’était surtout le PSG. Quand j’habitais Porte d’Asnières, je descendais à la gare de Pont Cardinet prendre le petit train jusqu’à à la gare d’Auteuil pour aller aux matchs au Parc.

Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche

Mon parcours c’est celui de quelqu’un qui est passionné par le foot, par le fait de jouer au foot et qui a du arrêter car ça a cassé de partout. A 40 ans, quand j’ai pris la présidence de RTL, je venais de me faire les croisés et je suis arrivé avec des béquilles. Il fallait que j’arrête car ça devenait pathétique. Mais j’étais un footballeur convenable…

Virage : A quel poste ?

Robin Leproux : Défenseur de devoir… Vous voyez ce que je veux dire ? J’avais d’ailleurs une relation très forte avec Antoine Kombouaré et Alain Roche, je leur disais qu’on ne jouait pas au même niveau, mais au même poste.

Virage : Vous avez joué dans quels clubs ?

Robin Leproux : Quasiment tous les clubs de la région parisienne. En Nationale Une, La Salésienne de Paris, Clichy, Levallois…

Virage : Aucune fidélité au maillot !

Robin Leproux : (rires) A la fin à Rueil. Bref, j’ai continué le foot. Normalement, les gens s’arrêtent quand ils fondent une famille, etc… mais tous les dimanches matin j’y étais. Enfin, tout ça pour dire que je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche et que mon attachement à Paris et au club est naturel.

Virage : Pourtant nous n’avons pas de souvenir de ce genre de critiques à votre égard ?

Robin Leproux : C’était surtout quand j’ai pris mes fonctions au club. Quand on n’a pas de parcours dans le foot professionnel, les gens, voire certains journalistes, ont tendance à se dire « il vient un peu de nulle part, donc il a été parachuté… » mais les journalistes ne sont pas sensés savoir que j’ai 45 ans de football amateur derrière moi.

Virage : Comment êtes-vous arrivés au club ?

Robin Leproux : C’est un hasard de chez hasard, car je ne connaissais pas Sebastien Bazin (alors à la tête de Colony Capital, un fond propriétaire du PSG). Il y avait des problèmes avec Charles Villeneuve. Un jour, pendant un match du dimanche, il y a un gars qui me dit qu’il a rendez-vous avec un administrateur d’une des boites de Bazin et qu’il cherche un patron pour le PSG parce que Charles ne peut pas rester président… Et là, je suis comme un fou !
Donc j’ai fini par passer des entretiens avec plusieurs administrateurs et actionnaires. Je connaissais aussi Emmanuel Chain (animateur et producteur TV) qui connaissait bien Bazin. Emmanuel Chain a dit à Bazin que j’étais pro, carré, que je réussissais un truc quand on me confiait une mission managériale. Ca s’est passé comme ça.

Je te propose ma démission avant d’engager le club dans des trucs très lourds

Virage : Quelle est la fonction réelle d’un président de club de foot ?

(c) Julien Rideau
(c) Julien Rideau

Robin Leproux : Il y a différents cas de figure, certains sont actionnaires, d’autres propriétaires ou de passage. Le club n’avait plus d’argent quand je suis arrivé. J’en avais parfaitement conscience. J’ai donc dit à Sébastien Bazin « Ecoute, j’ai fait ma pelote par mes jobs d’avant, mes filles sont élevées, tu vas me payer via ma boite 10.000€ HT (environ 7.000€ net) et j’aurai une petite prime si on se qualifie pour la coupe d’Europe, et c’est tout. Le jour où tu vendras le club, il y a de grande chance que je me fasse virer. A ce moment là, si tu as des sous, tu me paieras une soulte, pour qu’on ne se foute pas de moi ».

Virage : C’était contractuel ?

Robin Leproux : Oui, ça l’était. Je ne savais pas à qui ils allaient le revendre, ni à combien, ce n’était pas mon affaire. Je n’étais pas actionnaire.

Virage : Mais vous saviez que votre mandat allait être très court ?

Robin Leproux : Oui, car je n’étais pas naïf. Puisqu’il n’y avait pas d’argent et que ce n’était pas le métier de Colony Capital à l’époque de perdre de l’argent, il n’y avait pas de vocation à rester éternellement.
Pour revenir sur cette question importante du rôle d’un président, là il s’agissait d’un rôle de président mandataire social, donc quelqu’un qui a un pouvoir au sens de la loi, qui est responsable et donc qui décide. Je devais donc décider d’une stratégie élaborée avec l’actionnaire. L’actionnaire peut décider de vous virer immédiatement mais tant que j’étais en fonction je décidais des choses, des transferts, de la communication, de tout.

Virage : C’était donc vous le boss ?

Robin Leproux : A 100% oui. C’est pour ça que je vais devoir tout assumer sur les sujets sur lesquels vous allez m’interpeller. Notamment sur les événements liés aux tribunes. J’ai d’ailleurs proposé à l’époque ma démission à Sébastien Bazin. Je lui ai dit « Ecoute, ce qui est arrivé est trop grave, j’ai envie de faire une série de choses, mais je te donne ma démission si tu l’acceptes, tu mettras qui tu voudras, tu feras ce que tu voudras mais je te propose ma démission avant d’engager le club dans des trucs très lourds sur lesquels tu ne serais pas d’accord ». Il a refusé ma démission et je suis allé donner ma conférence de presse historique, qui doit être encore sur YouTube…

Virage : Et pour les transferts c’était pareil ? Vous aviez votre mot à dire d’un point de vue sportif ?

Robin Leproux : C’est pareil, c’était moi qui signait.

Virage : Vous avez proposé des joueurs ? Vous aviez des idées ?

Robin Leproux : Je vais être très clair, Nenê c’était moi. Attention, Nenê ce n’était pas un coup de génie. Meilleur passeur et deuxième meilleur butteur du championnat et on avait été obligé de se séparer de Jerôme Rothen, donc on n’avait plus aucun gaucher. J’avais un entraineur très fort en terme de caractère (Antoine Kombouaré) et, quand je lui ai proposé, Nenê il n’était pas contre. Je ne me serais jamais permis d’imposer mes choix ou de faire des caprices sans en parler à l’entraineur.
De plus à l’époque on a eu un petit budget de recrutement, 8 millions d’euros ! Donc Nenê 5 millions, Bodmer 2,5 millions et Tiéné 0,5 million… Et ça n’a pas été facile de convaincre l’actionnaire de dépenser ces 8 millions, ils avaient tellement dépensé d’argent avant qu’ils n’avaient plus envie.

Ils ont l’adresse de la femme du contrôleur de gestion, la cousine du jardinier…

Virage : Vous venez de l’univers des media et des maisons de disques. Vous avez vu des similitudes entre gérer un label, un media et un club de foot ?

Robin Leproux : Ca sert énormément sur deux plans. Le premier c’est celui de la communication. le PSG c’est la seule entreprise de France où tous les matins dans un pays jacobin, centralisé, où vous avez deux pages dans le Parisien sur votre société. Il y a 7 journalistes du Parisien qui ne travaillent que sur le PSG ! Ils ont l’adresse de la femme du contrôleur de gestion, la cousine du jardinier… Je ne plaisante pas ! Ils font leur travail pour savoir ce qui se passe dans le club. Donc avoir l’expérience des conséquences du poids de ce que l’on dit est important.

Le second élément c’est de travailler avec des gens très exposés médiatiquement. Des gens avec de l’ego. Le foot professionnel c’est un sport d’équipe avec une addition d’egos. Il y des codes à bien comprendre. Par exemple vous ne pouvez pas stigmatiser un joueur. Si vous racontez dans la presse que vous n’êtes pas content de l’un ou de l’autre vous risquez de casser la relation que vous avez avec un joueur et plus que ça.

Virage : Comme le fait Aulas ?

Robin Leproux : Jean Michel, il a tout fait si j’ose dire. Quand je suis arrivé au PSG, au bout d’un mois, il me traitait de puceau…

Virage : Et quelle était votre relation avec les joueurs, est-ce que vous les fréquentiez au quotidien ? Est-ce que c’est comme un prof de collège, remplaçant 3 semaines, qu’on ne respecte pas ?

(c) Julien Rideau
(c) Julien Rideau

Robin Leproux : Pas du tout. Je les voyais très souvent. J’allais au moins deux fois par semaine au Camp des Loges et j’ai fait tous les matchs. Sauf un ou j’avais 41 de fièvre. Le match qui a lieu à Lyon où Edel renvoie sur Gomis (la fameuse boulette qui permet à l’OL d’égaliser à la 87ème), j’ai cru qu’avec la température j’avais une hallucination…

Donc j’étais à tous les matchs, les joueurs sentaient ma présence et j’ai toujours pensé qu’un club aussi exposé que Paris devait avoir un duo Entraineur-Président qui fonctionne. Vous êtes là en soutien de l’entraîneur et ça s’est très bien passé avec Antoine, très vite. Avec les joueurs, j’avais un rapport de proximité mais on n’était pas copain. Je les vouvoyais, je pouvais plaisanter mais je leur disais tout le temps qu’il n’y avait pas de pression, que la pression était pour nous. Vous ne pouvez pas, lorsque vous avez des messages très lourds à faire passer 2-3 fois dans la saison dans le vestiaire, vous permettre d’être proche à ce point. Je préparais mes discours, c’était de la scénographie, c’était écrit presqu’au mot près. J’ai beaucoup aimé tous mes joueurs, j’avais un bon groupe, des gars comme Claude Makelele c’est fantastique. J’ai eu de la chance.

Virage : De votre point de vue, est-ce que le PSG a été l’une de vos expériences professionnelles les plus difficiles ?

Robin Leproux : Oui. Avec RTL. Quand je suis arrivé à la radio elle avait perdu 40% de son audience en 6 mois, dans un pays développé ça n’existe pas… Le PSG, ça a été plus dur surtout lorsqu’on a une part de responsabilité dans le décès de quelqu’un. Je dis « une part de responsabilité » car si j’avais demandé de jouer ce fameux match à huis clos (PSG-OM, le 28 février 2010), il serait peut être encore vivant (Yann Lorence, décédé suite à des incidents entre supporters de Boulogne et Auteuil ce soir là). Cette saison là on avait déjà joué 3 matchs à huis clos. Ca sentait mauvais, on en était arrivé à un tel point entre les tribunes…

Virage : Mais vous ne croyez pas que ce huis clos n’aurait pas empêché les protagonistes de se retrouver ailleurs pour se « fighter » ?

Robin Leproux : Non car ça n’aurait pas été facile de le faire de la même manière.

Je me souviens d’éditoriaux qui disaient qu’il fallait dissoudre le PSG

Virage : On imagine donc que les discussions sur la refonte de la philosophie des tribunes ont commencé à partir de cet événement tragique ? Ou est-ce qu’il y a déjà eu des réflexions avant ?

Robin Leproux : Très bonne question… Quand je suis arrivé au PSG, comme je l’ai dit, il n’y avait plus de sous, alors je me suis dit « il n’y a pas de raison, on est à Paris, il faut amener des marques qui investissent, qui soient partenaires ». Je suis donc allé voir les agences, les annonceurs, mais on m’a répondu « Robin, on t’aime beaucoup mais on n’engagera pas nos clients et nos marques avec un club raciste et violent ». Ça c’était avant le drame de Yann Lorence. Je me suis pris le truc dans la tronche. Déjà là on s’est dit qu’il fallait que les choses changent parce qu’on allait dans le mur progressivement.

A la mort de Yann Lorence, l’événement a été très largement commenté par la presse, les politiques. Je me souviens d’éditoriaux qui disaient qu’il fallait dissoudre le PSG, qu’il fallait empêcher le PSG de jouer les coupes nationales car les villes qui l’accueillaient était en état de siège, etc.. etc… On était obligé d’en tenir compte car ça remontait jusqu’à la place Beauvau ! On était dans une situation où notre club pouvait disparaître. Alors qu’est ce que l’on fait ?

Virage : Vous aviez été à l’hôpital voir Yann Lorence ?

Robin Leproux : Oui et j’ai été très choqué. J’y suis allé deux fois. Je n’ai pas trop envie d’en parler. J’y ai vu un homme en train de mourir entouré de sa famille… C’est là que ça a renforcé ma décision de responsabilité. J’ai d’ailleurs promis à son père de faire bouger les choses.

Virage : On se souvient quand même de gens qui se satisfaisaient de ce décès à cause des possibles orientations politiques de Lorence, etc…

Robin Leproux : Je me fichais des tendances politiques de chaque tribune. Le problème c’est que ces tribunes étaient en train de s’entretuer (ton ferme). Les défauts de chaque tribune sont une chose, mais on n’en n’était plus là, car le seul sujet c’était comment résoudre le problème après deux morts en trois ans ! On se devait de trouver une solution pour qu’il n’y ait plus d’autres morts et que le club ne disparaisse pas !

Virage : Vous vous êtes senti seul lorsqu’il a fallu prendre ces décisions ?

Robin Leproux : Oui

J’étais donc seul et c’était normal

Virage : Les pouvoirs publics n’avaient-ils pas moyen d’intervenir en amont et à la suite de ce drame ?

Robin Leproux : Sachez tout d’abord que lorsque j’ai présenté le plan que je voulais mettre en oeuvre, il y a eu une prise de conscience et une aide sincère, appliquée, volontaire des services de police et de la préfecture. C’est sûr.

Mais au moment où il y a le drame et on te dit « comment tu résous le problème ? », ce n’est pas à la police de régler le problème, la preuve, elle n’a pas réussi à le faire après vingt ans d’échauffourées.
La responsabilité de l’écriture de la partition que vous voulez voir exécuter par les gens de la société civile, de la police, des pouvoirs publics, c’est à vous de l’imaginer. J’étais donc seul et c’était normal.

Virage : D’où le plan Leproux. (1)

(c) Julien Rideau
(c) Julien Rideau

Robin Leproux : Oui et je l’assume pleinement, je suis obligé de l’assumer. On me dit souvent que je suis tout le temps en train de me justifier. Et bien oui absolument. J’étais président de ce club. Et il faut aussi dire la vérité, je les ai faite les réunions avec les associations de supporters, avec tous les groupes Ultra d’Auteuil, de Boulogne. Ils ne voulaient pas venir ensemble d’ailleurs.
Je leur ai demandé ce qu’on pouvait faire, mais la seule réponse que j’ai eu c’est qu’il fallait faire de plus petits groupes en tribune. En gros on ne m’a pas proposé de réelles idées. J’avais même nommé des médiateurs très proches au club. Alain Cayzac d’un côté, Franck Borotra de l’autre, ont dialogué avec ces groupes pour me donner un feedback et pour trouver des solutions ensemble. Mais je n’ai pas eu d’autres propositions que réduire la taille des groupes…

(1) Pour « pacifier et restaurer l’image du club » Robin Leproux a présenté en juillet 2011, une série de mesures pour endiguer la violence des supporters du PSG. il a décidé de supprimer les abonnements en tribune Auteuil, Boulogne et G pour 6 mois. Il a aussi attribué de façon aléatoire des places dans la partie basse de ces tribunes. Les places, derrière les buts, sont devenues gratuites pour enfants, et à tarif réduit pour les femmes. Dans la partie médiane de ces tribunes, il y avait la volonté de créer une « tribune famille » et une autre « invitation PSG » pour « permettre aux familles d’assister aux matchs dans un environnement apaisé ».

Virage : Mais du coup c’est l’intégralité des deux virages qui a été punie.

Robin Leproux : Au départ l’idée de l’abonnement aléatoire en virage n’a été imposée que pour six mois. C’était pour que les gens se mélangent. Alors oui un abonné d’Auteuil pouvait se retrouver en tribune Boulogne, mais il n’aurait pas été le seul d’Auteuil, les ultras m’ont bien sur fait part de ce risque. Mais comment gérer au cas par cas ? Je savais que mon plan n’était pas parfait, je savais que j’allais emmerder douze mille personnes à cause de six-cents autres personnes, mais encore une fois, je n’avais pas d’autres solutions.

Virage : Pour revenir sur les pouvoirs publics, comment expliquer qu’il n’y ait pas eu de policiers présents lors du drame, un soir de PSG-OM ?! Tout le monde connaissait les rivalités entre tribunes, les groupes violents, pourquoi rien n’a été fait pendant des années. Pourquoi ne pas virer ces six-cents individus du Parc ?

Robin Leproux : Je ne pouvais pas me substituer aux forces d’ordre, car ça n’était pas de ma responsabilité de président du club. Bien sur j’étais aux courant des problèmes. Pendant des années ça n’a pas été bien géré et il n’y a pas eu d’idée des pouvoirs publics. Mais ce n’était pas à moi de gérer le maintien de l’ordre policier.
En résumé le club organise sa vente de billets dans le Parc. C’est tout ce qu’il peut faire pratiquement. Tout le reste c’est la force publique. Le club ne pouvait pas décider d’expulser certains supporters du stade. Le club ne pouvait prendre des décisions que sur ce qu’il maitrisait en direct, donc le placement en tribune.

Virage : Mais aujourd’hui on constate que le club prend des initiatives contraires avec par exemple des interdictions de stade pour les matchs à l’extérieur. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Robin Leproux : Je ne peux pas vous répondre là dessus car je ne suis plus en charge aujourd’hui et je n’y ai pas réfléchi. A l’époque j’étais dans un logique de stopper les violences et de sauver le club. Je ne savais pas quelles seraient les suites données au plan quatre ou cinq ans plus tard. Aujourd’hui j’ai juste la chance de pouvoir aller à tous les matchs au parc et de voir une équipe avec des joueurs fabuleux au PSG et je suis comme un bambin en tribune.

Je suis obligé de vivre avec. C’est un poids

Virage : Vous imaginez ce que donnerait l’ambiance au Parc avec l’équipe actuelle et les virages d’antan ? C’est un immense gâchis non ?

Robin Leproux : Oui mais j’avais pourtant dit aux ultras non violents qu’il ne fallait pas bouder le stade, car la nature a horreur du vide. Mais lorsque j’ai rétabli les abonnements dès janvier, beaucoup ne sont pas revenus. Ils m’en voulaient tellement, ils étaient tellement dans leur logique de revenir dans LEUR tribune que le stade s’est rempli sans eux et sans cette ferveur. J’en suis le premier déçu.
Je rappelle que ce n’était pas une annulation des abonnements, mais une suspension pour six mois. J’ai toujours respecté les ultras. Ce n’est pas un plan qui a été mis en place sans dialogue. Je n’ai jamais menti. J’ai dit ce que j’allais faire, les abonnements ont été remis en place en janvier mais ça tout le monde l’a oublié.

Virage : Y a-t-il eu une pression de l’actionnaire pour nettoyer avant la vente ?

Robin Leproux : Je n’aurais jamais accepté ce poste si ça avait été le cas. Ce n’est pas dans ma philosophie. Sébastien Bazin ma recruté car il savait que j’étais un développeur. J’ai amorcé le développement de M6, j’ai sorti RTL de l’ornière, j’étais là pour faire grandir le PSG. Sur la partie vente du PSG je vais vous répondre très vite. J’étais patron du club, j’étais virable à n’importe quel moment mais je n’étais pas le propriétaire. J’étais au courant des discussions avec le Qatar mais je n’étais absolument pas partie prenante. Ca ne me regardait pas. La preuve, j’ai été viré un mois après l’arrivée des qataris. Ce qui est normal.

Virage : Aucune pression de la part de Nicolas Sarkozy ?

Robin Leproux : Absolument pas !

Virage : Est-ce ça vous a gêné, ou est-ce que ça vous gêne encore que votre nom soit associé à ce plan ?

Robin Leproux : Je suis obligé de vivre avec. C’est un poids. Il faut que je m’en explique jusqu’à la fin de mes jours d’autant que les infos sont souvent erronées. Je ne suis pas venu au PSG pour laisser un plan de sécurité derrière moi.

Virage : Est-ce que vous aurez un soulagement le jour ou chaque abonné pourra choisir sa place, ce qui commence à être le cas pour cette nouvelle saison ?

Robin Leproux : Oui, lorsque les gens n’auront plus aucune arrière pensée en s’abonnant où ils voudront, on pourra se dire qu’on a réussi.

Mais il y a une chose dont on n’a pas parlé. Vous l’avez compris, j’ai une conscience sociale très forte. On me faisait le procès d’intention de dire que je faisais ce plan pour augmenter le prix des places. Le plan avait des conséquences économiques importantes à l’époque. Le stade était vide puisqu’il y avait un refus de revenir de la part des douze-milles abonnés. J’ai donc proposé à Sébastien Bazin qu’on fasse demi-tarif pour les femmes, gratuit pour les enfants de moins de 16 ans, qu’on fasse des tribunes familles, etc… Parce que je voulais qu’on attire une population qui puisse venir au stade sans violence, qui pouvait venir voir un PSG-OM en famille pour 24 euros, et c’était important de le faire en même temps.

Et j’ai réussi à obtenir l’accord de mon actionnaire. C’était la contre-partie au fait d’emmerder les douze-milles autres personnes, et que ceux qui voulaient revenir quand même n’auraient pas l’impression de se faire racketter.

Virage : Vous qui êtes un très bon communiquant, comment expliquez vous que l’annonce de ce plan se soit si mal passée ?

Robin Leproux : Parce que le plan était très brutal. Je comprends cette tristesse. Par exemple lors du dernier match de la saison, lorsque l’on perd face à Montpellier au Parc, je me suis permis de demander à la Police de ne pas évacuer suite à l’occupation des tribunes par les supporters mécontents. On n’allait pas rajouter une charge policière à cette situation. Les gens sont partis à trois heures du mat’ et il n’y a pas eu de problème. Tout le monde a été raisonnable.

On n’est pas habitué à avoir la responsabilité de la vie et de la mort de personnes

Virage : On sent quand même que vous avez été très affecté par ce plan, que ça vous touche encore.

(c) Julien Rideau
(c) Julien Rideau

Robin Leproux : J’ai été marqué personnellement. J’y ai beaucoup réfléchi. Je ne suis pas allé au PSG pour faire ce plan. J’ai été marqué par ce que j’ai vu, ce lynchage… On n’est pas des militaires. On n’est pas habitué à avoir la responsabilité de la vie et de la mort de personnes. Quand j’étais président de RTL, un de nos journalistes est mort dans une attaque de convoi en Afghanistan. En tant que président de la station j’avais le pouvoir de lui interdire de partir, mais les journalistes veulent toujours y aller. C’est pour ça que je me suis posé la question sur le supporter en me disant que si j’avais dit à la police que ce match était à haut risques, donc huis clos, il serait encore vivant.

Virage : Mais auriez vous vraiment pu changer la donne ? L’ultra-violence existe toujours dans le football moderne.

Robin Leproux : On essaye de placer des curseurs, de trouver des solutions. J’ai fait ce que j’ai pu, c’était choquant pour la communauté des passionnés du PSG, j’en conviens.

Virage : Vous n’avez jamais songé à écrire un livre à ce sujet ?

Robin Leproux : Mais plus personne ne lit de livres ! Je pense que c’est mieux aujourd’hui dans l’ère digitale que cette interview soit relayée sur le net pour relancer le débat. Et qui sait, au court d’une de ces discussions, on me dira peut être quelle était la solution à adopter.
Je n’ai donné aucune interview depuis que j’ai quitté le club. Ce n’est pas anecdotique de donner cette interview aujourd’hui à un site de fans incontestables du PSG. Si je fais un media plus traditionnel, on ne peut pas dialoguer aussi longtemps comme on le fait maintenant.

Virage : Il vous arrive d’être reconnu dans la rue et d’être ennuyé par des individus.

Robin Leproux : Très rarement. Je tombe parfois sur des ultras qui me disent que je les ai virés du Parc, mais on arrive toujours à débuter une discussion comme on en a une ici aujourd’hui.

On a tout eu ! La Grippe A ! La fracture ouverte de Greg Coupet !

Virage : Votre plus beau souvenir sportif ?

Robin Leproux : C’est la Coupe de France. Les deux saisons que je fais au club, on va en finale de la Coupe de France. Et puis l’année du Plan, il fallait qu’on gagne face à Monaco. Vous n’imaginez pas ce qu’on vivait avec Antoine Kombouaré.

Les deux seules années de ma vie où je n’ai pris aucun plaisir, uniquement de l’angoisse, ce sont mes années au PSG. A chaque match, je ne parlais que si on perdait. Sinon c’est Antoine qui parlait. J’ai un souvenir horrible d’une défaite face à Lorient où j’ai le président de la République à côté de moi (Nicolas Sarkozy), où on perd 3-0 à la mi-temps contre les Merlus. C’est le seul match où je suis descendu dans le vestiaire à la mi-temps. Non pas pour les engueuler mais pour leur tenir un discours complètement différent. Je leur ai dit « les mecs vous étiez les meilleurs dans la cour d’école, à l’école de foot, et là c’est n’importe quoi, vous n’allez pas en prendre six alors vous allez m’en mettre un ou deux et puis on verra… »

Virage : Ca a fini à combien ?

Robin Leproux : 3-0, comme quoi ils écoutaient leur président… Mais on n’en a pas pris 6. Les gars ne savaient plus où ils habitaient. Et que voulez vous que l’entraîneur dise. Pourtant Antoine est un gars costaud. Et vous vous dites « qu’est ce que je vais dire à la presse après et au Président de la République » ?

Virage : D’autres souvenirs du genre ?

Robin Leproux : On a tout eu ! La Grippe A ! La fracture ouverte de Greg Coupet ! Là je sens que c’est grave alors je descends et je vois le Greg avec sa fracture, le doc arrive et lui réduit la fracture en direct. C’était le professeur Rolland dont c’est la spécialité. Il a attendu qu’un bloc se libère pour l’opérer à 2 heures du mat’ ! Greg est d’ailleurs revenu très vite car c’est un vrai athlète… Mais le plus beau souvenir ça reste la victoire face à Monaco en Coupe de France (2010). Là j’étais en lévitation car tout le stress est parti… Il fallait qu’on gagne pour se qualifier en coupe de l’UEFA. Je me souviens d’Antoine, la tête dans les mains, complètement vidé.

Virage : Y a-t-ils des joueurs qui vont ont marqué avant et pendant votre présidence ?

Robin Leproux : Quand j’étais gamin, Dahleb, Susic et puis ensuite Ronnie. Et parmi les joueurs avec qui j’ai travaillé il y avait Claude Makelele et Ludo Giuly. Claude était exemplaire.

Quand on a joué ce match de quart de finale de coupe à l’extérieur face à Auxerre, l’AJA était deuxième du championnat, et on jouait là bas soit disant à huit-clos. Il y avait une centaine de supporters auxerrois. On a passé le match à se faire insulter. J’étais tellement énervé que j’ai regardé tout le match dans leur « club-house » sinon ça allait mal se passer. Et on les bat aux pénos. Claude avait senti le match, il avait parlé dans le vestiaire…

Il y a eu aussi Nenê. C’était exactement le genre de joueur qu’on aime à Paris. Il aurait pu rester une saison de plus. Il a mis des buts magnifiques, c’est lui qui faisait le spectacle alors qu’on vivait des moments durs. Pour 5 briques ! Alors que Bordeaux avait mis 6 briques pour Ben Khalfallah…

Virage : Vous retournez souvent au Parc ?

Robin Leproux : Je vais à tous les matchs.

Virage : Quel rapport avec vous avec les qataris ? Ils vous demandent des conseils ?

Robin Leproux : Je n’en ai pas, je les connais mais ça s’arrête là. Je ne fais pas partie de l’équipe dirigeante du PSG, je n’y travaille pas et je ne fais partie d’aucun conseil. Peut être que dans dix ans je reviendrai au PSG et je ferai le boulot…

Virage : Votre départ du club s’est passé comment ?

Robin Leproux : Normalement. Je connais le monde des affaires : nouvel actionnaire, nouveaux managers, donc le président d’avant prend ses cliques et ses claques, ils n’avaient pas besoin de m’envoyer un bristol.

Virage : Vous auriez voulu rester ?

Robin Leproux : Je pense que ça n’était pas possible. En même temps c’était mieux comme ça car les qataris avaient les coudées franches avec ce qu’ils voulaient faire du club.

Virage : Avec le recul vous reprendriez ce poste de président du PSG ?

Robin Leproux : Difficile à dire avec le décès de Lorence. Et puis on dit souvent que la télé rend fou, mais le football c’est un cran au dessus. De plus c’est un monde très fermé, où tout le monde se protège. Toute la communauté, les entraîneurs, les joueurs, les dirigeants… Le foot devrait s’ouvrir un peu plus.

Virage : Et des envies de présider un autre club ?

Robin Leproux : Ma ville c’est Paris. C’est ça ma réponse.


 

Julien Cazarre

Le phénomène Julien Cazarre. Tour à tour membre du collectif Action Discrète sur Canal+, trublion sur RMC dans « L’After Foot » et « Luis Attaque », chroniqueur de haute volée sur M6 dans « 100% Foot », puis dans « J+1 » sur Canal+ Sport.

Il est l’homme qui a réussi à réconcilier humour et football. Nous l’avons rencontré en plein Euro pour parler sans concession de football, de Blaise Matuidi et de son amour du PSG en particulier.

 – – – – [ Interview ] – – – –

Virage : Question importante pour commencer. T’es plutôt Javier Pastore ou Branko Bošković ?

Julien Cazarre : Alors il y a deux salles, deux ambiances, on va pas se mentir. Branko Bošković fait partie de ces joueurs qui, pour un événement ont sauvé leur apparition au Paris-Saint-Germain. Comme Amara Diané a sauvé son apparition grâce à un doublé magnifique contre Sochaux.

Branko Bošković a mis un doublé contre l’OM au vélodrome en Coupe dont un lob sur Barthez improbable, sur une frappe à moitié ratée. Donc rien que pour ça je le mets presque au même niveau. Parce que Pastore, si on passait contre Chelsea il y a trois ans, il était au même niveau grâce à son but. Si demain Pastore met un but décisif je le mets au même niveau que Bošković, il y a encore de la pression !

Virage : Zlatan…

Julien Cazarre : (il nous coupe) Oui ? Merci au revoir. Merci pour tout.

Virage : C’est un peu dommage qu’il se barre, parce que c’était un bon client en terme de médias et surtout qui va le remplacer à son poste de comique en chef ?

Julien Cazarre : Personne, je pense qu’il n’y a pas d’équivalent. Que même au-delà du niveau tu n’as pas un mec qui est équivalent à part Mourinho en entraineur qui peut te faire autant parler. Parce que même quand il est parti d’Italie, ils ne l’ont pas remplacé, en Espagne ils ne l’ont pas remplacé, parce que il n’y a pas d’équivalent.

On peut trouver plus fort au niveau foot mais au niveau « chauffadou », « boulard », le mec c’est un clown. Mais je pense qu’on était arrivé au bout du système. Je pense que c’est bien qu’il parte, on avait fait le tour. Et que ça marche aussi parce que c’était le meilleur. Et que quand tu montres des limites, ben pfff. C’est un peu comme Joey Barton, il était marrant quand il est arrivé à Marseille mais comme il était nul, au bout d’un moment, c’est bien de traiter les autres de travelos mais si tu ne mets pas un pied devant l’autre, en fait tu n’es pas crédible.

Virage : Tu es réputé pour tes interventions dans « J+1 » avec des accents de black, de rebeu, de caillera. Tu n’as jamais eu de problèmes avec la direction de ce point de vue là ?

Cazarre-2 Julien Cazarre : Au début oui avec l’ancienne direction qui disait « ah quand même… » et je répondais : « c’est marrant les seuls mecs que ça choque c’est jamais les noirs. C’est toujours des mecs comme toi avec un costume propre sur eux, qui viennent de Bretagne ou de Picardie ». Chaque fois que je croise un black, je n’en ai jamais un qui me dit « dis donc c’est abusé ». Rien, jamais. C’est parce qu’en fait toi tu penses que ces mecs là n’ont pas d’humour. Parce que si je fais un accent du sud-ouest ou italien, tu penses que ce mec a de l’humour pour le comprendre mais pas celui qui est d’origine africaine. Détrompe toi, il trouve ça aussi drôle que quand je fais l’accent du sud-ouest. Ça le fait marrer parce qu’il a de l’humour. Contrairement à ce qu’on peut penser.

Virage : Ça t’est arrivé de prévenir un des invités de l’émission que tu allais le vanner ?

Julien Cazarre : Jamais, jamais ! Par exemple, Kurzawa, j’ai été assez loin sur son père et sa mère, c’était assez trash. Il est à moitié polonais et à moitié antillais. Je lui ai demandé comment une polonaise et un antillais ont pu se rencontrer ? J’imaginais le truc : un soir de match, elle est complètement bourrée parce qu’elle est polonaise. Elle est à la vodka, elle finit à 3 grammes. Elle est récupérée par des brancardiers pour aller à l’hôpital. Donc un brancardier antillais, une polonaise, une histoire d’amour, roule ma poule (Rires). Je lui ai dit « Est-ce que j’ai bon ? » Il me répond « Presque »(Rires) je peux te dire qu’en régie, ça coinçait un peu.

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Virage : Et tu n’as pas eu de problème avec la SPA pour les coccinelles ?

Julien Cazarre : Au contraire, je pense que j’ai fait beaucoup pour la cause des coccinelles. Si demain il y a un stade qui doit se construire à un endroit où il y a des coccinelles, j’ai fait beaucoup pour que ce stade ne soit pas construit.

Un mec qui aime la pétanque déjà à son âge, c’est qu’il est bon esprit.

Virage : On comprend que quand tu écris tes textes tu es plutôt libre, pas de consigne particulière.

Julien Cazarre : Zéro ! Le problème c’est qu’à chaque fois qu’ils m’ont donné des consignes, j’ai fait pire. Donc ils se disent « c’est soit on le vire, soit on le garde » donc ils me laissent faire. Pour l’instant, j’ai énormément de chatte, personne ne me dit rien. Et aussi parce que je suis dans des émissions qui sont à des horaires où il n’y a pas d’enjeux. Déjà l’année prochaine, comme on change d’horaire et de chaîne, peut-être que ça va moins bien passer. Mais c’est pas grave, ça va passer quand même.

Virage : Puisqu’on parle d’émission, tu ne crois pas qu’Action Discrète pourrait être présentée par Thiago Motta ?

Julien Cazarre : Si il pourrait ! Par rapport à son masque tu veux dire ou son attitude ?

Virage : Motta pas Silva !

Julien Cazarre : Ah oui, parce que c’est une crapule, une petite s***** ?

Virage : Oui, c’est toujours discret avec lui.

Julien Cazarre : Oui oui ! Busquets pourrait être dedans aussi ! Je trouve qu’on sous-estime beaucoup Busquets. J’ai vu le premier match de l’Espagne lors de l’Euro. Mais c’est une p*** ! Et comme il a l’air de regarder toujours ailleurs (il fait mine regarder ailleurs) « Attends, excuse moi c’est là-bas que je regardais » ! Tu te dis mais c’est extraordinaire ! Et Motta c’est vrai qu’il est pas mal mais il est moins discret que Busquets. Il perd de la discrétion, il vieillit.

Virage : Est-ce qu’il y a des joueurs avec qui tu t’entends bien en particulier ? Des gens avec qui il y a un deuxième degré dans l’émission ?

Julien Cazarre : C’est compliqué parce que ceux qu’on a choisi d’inviter dans J +1 sont tous dans l’esprit. C’est pas forcément des vedettes. J’ai trouvé que Bauthéac était un mec plutôt rigolo. Un mec qui aime la pétanque déjà à son âge, c’est qu’il est bon esprit. C’est pas un délire de footballeurs. Dès que c’est un mec qui sort un peu du Gangsta Rap Canada Dry c’est cool… parce que ces mecs là, qui jouent les cailleras sont souvent partis dans des centres de formation à 12 ans, donc ils n’ont même pas eu le temps de devenir des cailleras, c’est un peu une posture. C’est complètement mytho, il n’y en a aucun qui peut se revendiquer de ça. Mais bon, ils aiment bien ce côté rap, wesh, ils en font des tonnes, mais quand ils sont chez eux avec maman, t’inquiète pas que c’est fini. Honnêtement, j’ai plutôt des bons contacts avec les footballeurs, après c’est pas mes amis.

Virage : Est-ce que c’est pas compliqué de choper des gars pour le lundi soir en direct sur Canal+ Sport ? 

Julien Cazarre : C’est compliqué mais comme on ne vise pas forcément les vedettes, ça va. Parce que les vedettes ce n’est pas forcément les meilleurs clients. Ils vont faire attention à ce qu’ils vont dire. C’était plus compliqué au début quand l’émission n’était pas connue, pas forcément aimée du monde du foot. Tandis que maintenant les mecs veulent venir. Même si il y en a à qui on dit « fais attention tu vas te faire tailler en pièces », ils savent que c’est bienveillant, que même quand on taille c’est bienveillant. On est des beaufs comme eux, on n’est pas différent, on ne se prend pas pour des intellos.

S’il me donne le même chèque qu’à Laurent Blanc, je pars, je rends mon badge.

Virage : Est-ce qu’un jour on a un espoir d’avoir Fabrice Pancrate en intervenant dans J +1 à la place par exemple de Eric Carrière ?

Julien Cazarre : Écoute on ne va pas lui en demander trop à notre Fabrice, moi je l’aime mon Fabrice. Je trouve qu’il a trouvé sa place, il a quand même sa tribune, alors que Zlatan n’a pas sa tribune au Parc, même si ça a été évoqué. Eh bien lui, Fabrice a une tribune à J +1 ! Il y a une tribune Fabrice Pancrate et une tribune coccinelle donc c’est quand même pas rien. Il a quand même été le premier à avoir le banc d’or, deux années d’affilée d’ailleurs. C’est quelqu’un d’important, il ne faut pas galvaudé Fabrice, il ne faut pas le mettre à un rôle de palette, il mérite mieux que ça. C’est une icône Fabrice Pancrate.

Virage : Tu nous confirmes donc que J+1 reprend à la rentrée ?

Julien Cazarre : Je te le confirme. Enfin, on a été confirmé comme Laurent Blanc a été confirmé après son 4ème titre, donc si tu veux (rires)… c’est pas le même patron mais … Quand on te re-signe pour 2 ans, je croyais que c’était une bonne nouvelle et ben pas sûr… Après je tiens à prévenir Vincent Bolloré, s’il me donne le même chèque qu’à Laurent Blanc, je pars, je rends mon badge, il n’y aucun problème.

Virage : Donc ce n’est pas Hanouna qui va te remplacer ?

Julien Cazarre :  Non malheureusement. De toute façon, on n’a pas les moyens d’avoir un plateau assez grand. Ca coûte trop cher les émissions d’Hanouna, nous on ne peut pas, trop de fluo, trop de lumière, trop de musique, trop d’intervenants, on n’a pas les moyens. Nous, c’est très confidentiel.

Virage : La légende dit que tu prépares tes textes à la dernière minute, juste avant l’émission, est-ce que c’est vrai ?

Julien Cazarre : Une partie, c’est vrai. Mais le medley de fin, pour le coup c’est vraiment à la dernière minute. Le montage final est fait 1 heure avant l’émission, donc je me le revois vite fait. Le texte n’est même pas préparé, je sais plus ou moins ce que je vais dire, c’est semi-improvisé. Parce que si je devais apprendre un texte, le taper, ce serait ingérable et il n’y aurait pas la même spontanéité. Il y a un côté imparfait mais ça garde de la spontanéité du coup. Par contre ce que je dis à l’invité, ça vient 10 minutes avant.

Virage : Le fait de connaître bien le foot, est-ce que ça aide pour faire des vannes. Du coup tu passes moins pour un clown ?

Julien Cazarre : Je pense que c’est ça qui fait la différence. Il y a des mecs qui sont 10 fois plus drôles que moi mais le foot est un milieu très particulier, c’est un milieu de connaisseurs, de fans. Si t’as pas les référents… Tu vois par exemple, aussi bonnes et drôles soient-elles, les vannes d’un Nicolas Canteloup, ça marchera moyen, parce qu’on le sent qu’il n’aime pas le foot. Et il va te sortir le truc qu’on a entendu 20 fois ou qui est évident. Sorti de Zahia et Ribéry… ça va pas aller loin.

Notamment pourquoi les Guignols étaient bons sur le foot pendant des années, c’est parce que c’était des vrais, vrais bœufs du foot. Il y a un des anciens auteurs de Guignols qui est mon voisin au Parc des Princes.

Un mec qui ne connaît pas le foot, s’il fait des vannes sur le foot, il va se ramasser et c’est pour ça qu’il n’y en a pas tant que ça. Honnêtement des mecs dans le milieu de l’humour qui sont à bloc foot, ça va être Lecaplain où tu sens que lui, il est vraiment à bloc et peut-être Malik Bentalha. Après les autres… peut-être Arnaud Tsamère mais sauf que ces mecs là, ils ont une vie très remplie dans leur one-man show donc ils n’ont pas le temps et puis finalement c’est facile, je n’ai pas de concurrent. Et le meilleur moyen d’être le meilleur, c’est d’être le seul.

C’est-à-dire tout ce qui n’est pas Paris, c’est ce qu’on appelle un petit club.

Virage : On l’a retiendra celle-là. Et du coup, chez Canal, il y a d’autres supporters du PSG à part toi, parce qu’il y a quand même une grosse réputation de supporters de l’OM là bas ?

Julien Cazarre : C’était avant ça, c’était les vieux, ils ont tous dégagé. Avant, il y avait beaucoup de supporters de Saint-Étienne… ils sont morts de vieillesse. Après il y a eu beaucoup de supporters de l’OM et le problème c’est qu’il y en a beaucoup qui sont partis… Qui est-ce qui reste ? Je peux pas trop balancer quand même…

Moi je suis pour l’outing sur ça, il y en a marre… attends dans les autres pays c’est pas un soucis… Je vais pas trahir un secret en disant que Karim Bennani, qui vient de Marseille … a plutôt tendance à supporter l’Olympique. Après les autres, il n’y en a pas tant que ça. Il y a beaucoup de supporter d’autres clubs

Virage : Stéphane Guy ?

Julien Cazarre : Il supporte Alençon… je crois qu’il aimait bien le PSG avant le Qatar, je ne sais pas s’il était supporter mais il aimait bien. Après il y a beaucoup de mecs qui supportent des petits clubs, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas Paris, c’est ce qu’on appelle un petit club. Mais des supporters du PSG et de l’OM, il n’y en a pas tant que ça à Canal aujourd’hui.

Virage : Puisqu’on parle de journalistes engagés ou d’anciens sportifs devenus journalistes, Di Meco, ça se passe comment à RMC ?

Julien Cazarre : Très bien, excellemment, c’est même devenu un copain pour le coup. Tu vois je n’en ai pas beaucoup dans ce milieu, mais c’est un pote Di Meco. Le problème c’est que Di Meco, c’est chiant, tu le détestes, tu le détestes toute ta vie et puis tu le rencontres et tu te dis « merde j’aurais pas du le rencontrer » parce que quand tu le connais, tu ne peux pas le détester. Et pourtant c’est vraiment un Marseillais pur jus avec tout ce qu’il y a de détestable, mais non, j’y arrive pas.

Virage : Dugarry en vrai, il déteste vraiment le PSG ou c’est juste une façade.

Julien Cazarre : Et bien tu sais quoi, Dugarry, je ne le connais pas vraiment, je le connais comme ça, je l’ai vu quelques fois mais je ne le connais pas personnellement.

Virage : Et ça te dirait un jour d’avoir ton émission ? Ce serait quoi le concept ?

Julien Cazarre : Alors j’aurais bien répondu à la 2ème partie de ta question mais comme la 1ère partie c’est non, voilà. Je n’ai absolument pas envie d’avoir mon émission, ça ne m’intéresse pas du tout. Je passe, je m’en vais, ça me va très bien.

Virage : Et une web-série ?

Julien Cazarre : Oui, en fait je suis plus parti pour écrire. Alors je jouerai encore dans des trucs parce que ça me fait marrer mais plus au théâtre. Enfin je te dis ça mais là j’ai joué un petit rôle récurrent dans une série pour M6 qui s’appelle « Commissariat Central ». C’est un rôle un peu barré, c’est pour ça que ça m’a fait marrer de le faire. Je joue le rôle d’un préfet, un gros con. C’est marrant dès qu’il y a un rôle de gros con à jouer, on m’appelle, même pas eu de casting, je suis le seul rôle de la série qui a été pris sans casting. Donc ça me fait marrer mais c’est le premier truc que je sais faire, que j’aime faire. Le foot c’est un peu une parenthèse dans ce que j’ai fait.

J’ai fait 7 ans sans Parc des Princes pour elle, pour quel résultat ? Elle s’est barrée.

Virage : Comment ta vie a basculé, pourquoi es-tu devenu supporter du PSG ?

Julien Cazarre : Je t’explique. Je suis né à Paris, Je suis né rue des Princes, dans une maternité qui était en face du Parc des Princes. Le hasard total puisque ma mère n’aimait pas le foot, mon père n’aimait pas le foot, personne dans ma famille n’aimait le foot et ceux qui aimaient le sport aimaient le rugby. Tu sais des fois, c’est spontané, c’est à l’école, le côté rebelle à 2 balles. Je kiffais le foot et ma première histoire d’amour c’est pas le PSG, c’est l’équipe de France puisque on ne voyait pas le PSG à la TV. Je suis de 1974, moi c’est 1982, c’est 1986, c’est l’équipe de France et après avec Canal, le PSG. Mais le problème c’est que je ne pouvais pas aller au Parc avant d’avoir 17 ans parce que j’avais personne pour y aller, j’avais pas un père ou un oncle pour m’y amener donc c’est pour ça que mon 1er abonnement c’est 1991 et pas avant.

Virage : Et aujourd’hui tu vas encore souvent au Parc et dans quelle tribune ?

Julien Cazarre : Alors je vais non seulement souvent au Parc mais j’y vais tout le temps parce que j’y suis abonné. J’y étais abonné jusqu’en 2004/2005, et j’ai arrêté d’y aller  pour une nana, je te rassure elle est loin… J’ai fait 7 ans sans Parc des Princes pour elle, pour quel résultat ? Elle s’est barrée. Et là je me suis dit mauvaise idée, je me suis réabonné du coup. Et là je suis re-abonné là où tu vois bien, c’est-à-dire en tribune anciennement I Bleu Bas. J’ai même pas le nouveau nom d’ailleurs, je ne m’en rappelle plus.

Virage : Tribune Paris

CazarreJulien Cazarre :  J’étais pendant des années à Auteuil. Au départ quand j’ai commencé, il n’y avait personne, c’était les débuts, les débuts des Tigris Mystic, l’ambiance est venue petit à petit. PSG-Real a été un déclencheur pour moi, j’avais jamais vu une ambiance pareille dans un stade, surtout au Parc. Mais si j’étais là, c’est parce que je n’avais pas d’oseille, sinon je serais allé ailleurs. J’en avais rien à foutre de chanter, je ne chante pas au stade donc je ne vais pas gueuler sur le mec qui chante pas parce que… Tu sais il y a beaucoup de mecs qui gueulent sur le fait que ça ne chante pas mais ils ne chantent pas eux mêmes. Donc le seul mec qui peut gueuler c’est le mec qui chante parce que le mec qui ne chante pas, il vient au spectacle et il veut qu’on chante pour lui. Je ne suis pas mytho, je ne chante pas au stade, je suis complètement concentré, je me bouffe les ongles, je regarde le match. Au bout d’un moment, je commence à insulter parce que c’est la base, j’hurle mais c’est vraiment des éructations liées au match, voilà. Je reprends un peu les chants avec les autres par moment, par bribes, quand ça chauffe. Mais je suis pas là 90 min. dos au Parc en train de faire « oh, oooh » j’ai pas la force, ça m’intéresse pas. Donc ce que je veux c’est bien voir le match et tu ne vois bien le match quand t’es au milieu, pas quand t’es dans le virage. Le but de Kombouaré contre le Real, je l’ai entendu, je l’ai pas vu, j’étais trop loin, j’étais en face. Ils pouvaient pas marquer de ce côté ces cons, non, ils ont marqué côté Boulogne. Bon j’ai vu le but de Weah et le but de Zamorano qui a glacé le Parc à 3-1 mais sinon tu vois quedal.

Virage : Et ton numéro d’abonné qui te sert de leitmotiv dans l’émission, c’est ton vrai numéro d’abonné ?

Julien Cazarre : Non, malheureusement.

On voyait rien d’autre donc on criait Sandjak pendant tout le match.

Virage : Un mythe s’écroule.

Julien Cazarre :  Un mythe s’écroule, parce qu’ils m’ont demandé mon numéro d’abonné mais je ne le connaissais pas et il fallait qu’ils aient la réponse tout de suite. Donc j’ai donné ce numéro au hasard.

Virage : Du coup tes premier souvenirs au Parc, c’est quoi ?

Julien Cazarre : Hors PSG-Real ? Car PSG-Real est arrivé assez vite… Alors mes premiers souvenirs c’est qu’on était en bas, on voyait rien, la mi-temps où le PSG attaquait, on ne voyait rien donc il ne se passait rien et on voyait Sandjak qui s’échauffait et qui ne rentrait jamais. Il y avait aussi Cloarec et Pierre Reynaud. C’étaient les 3 mecs qui ne rentraient jamais mais qui s’échauffaient en face de nous, donc je me rappelle qu’on arrêtait pas de gueuler « Sandjak, Sandjak », parce qu’il était là mais… on aurait bien chanté autre chose. Mais on voyait rien d’autre donc on criait Sandjak !  pendant tout le match. Et la bicyclette d’Amara Simba, on nous l’a racontée parce qu’elle était de l’autre côté encore, contre Lille. Au Parc, on m’a raconté beaucoup de buts.

Virage : Et ton pire souvenir ?

Julien Cazarre : Il y en a un très mauvais avec l’équipe de France. France-Israël, et encore, je ne pensais pas que c’était décisif à ce moment là, c’était avant France-Bulgarie. Ce que j’ai très mal vécu avec le PSG, c’est l’OM de Ribéry qui vient nous mettre une branlée. Sammy Traoré qui se fait bouger, ah c’était dur, très dur.

Virage : Ravanelli, le penalty, t’y étais ?

Julien Cazarre : Oui j’y étais, c’est marrant parce que c’était du côté Auteuil et j’étais juste derrière pour une fois. Et franchement j’ai gueulé mais je pensais qu’il y avait penalty, donc c’est dur d’en vouloir à l’arbitre. Et Ravanelli te dit encore aujourd’hui que si on regarde bien, il se met un croc en jambe parce que l’autre lui touche le pied avant (rires), comme quand tu fais ça à ton pote en haut de l’escalier et que tu lui tapes la jambe pour qu’il tombe.. bon écoute Rabésandratana dit que non…`

Virage : Est-ce que tu joues au foot ?

Julien Cazarre : Oui je fais des urbans maintenant. Sur les grands terrains, ça me fait chier parce qu’en fait tu joues contre des mecs que tu connais pas. Et t’es pas à l’abri qu’un mec se croit en Ligue des Champions et te pète le genou. J’ai déjà perdu les deux, j’ai déjà eu les croisés à chaque genou. Donc l’urban c’est très mauvais pour les articulations mais je joue qu’avec des mecs que je connais. Je fais toutes les semaines un urban.

Virage : A quel poste ?

Julien Cazarre : Pour te donner une idée moi c’est un peu entre Matuidi et Matuidi. Avec la même élégance.

Virage : Ok, le contrôle de balle tout ça…

Julien Cazarre : Non, détrompe toi, Matuidi c’est un mec qui n’est pas élégant mais c’est pas un mec pas technique. Il fait des passes vers l’avant… Non, non, très mauvaise vision de Matuidi ! La technique, ce n’est pas que dribbler, ce n’est pas que Marco Verratti. La technique c’est savoir par exemple quand tu fais une passe entre les lignes qui va pile dans la course d’un mec, ce que fait hyper bien Matuidi, c’est de la technique. Quand t’es en retard sur le mec mais que tu es le premier à mettre le pied sur le ballon, comme un mec est le premier à taper en natation quand il casse en sprint, c’est de la technique. C’est la manière de gérer sa course. T’as l’impression que le mec est toujours en retard et il a toujours la balle à la fin. Il n’a pas une technique de dribbleur, une technique à la numéro 10, mais il a une vraie technique parce qu’il a une super vision du jeu et il a un sens de la passe extra. J’hallucine de la façon dont il casse les lignes avec ses passes. Il y a des supers dribbleurs qui ne font jamais ça.

Blaise, il a des défauts mais il amène quelque chose que les autres n’ont pas.

Virage : C’est pas vraiment ce qu’on lui demande non plus ?

Julien Cazarre : Ben si, tu te trompes. Le problème c’est que toi, comme tous les gens racistes (rires), le fait qu’il soit noir t’a induit en erreur. Tu te dis « encore un negro, il ne sait rien faire de ses 10 doigts de pied »Blaise, il a des défauts mais il amène quelque chose que les autres n’ont pas. Tous les ans quand on fait l’équipe, on se dit, « bon on va enlever Matuidi évidemment, on va mettre un autre mec » mais tous les ans il est là le mec.

Virage : Mais est-ce qu’on peut gagner la Ligue des Champions avec 3 milieux ?

Julien Cazarre : Ca veut rien dire ça. Je reste convaincu qu’on gagnera pas la Ligue des Champions avec les autres dans l’état actuel des choses. Dans les autres pays, si Matuidi était Sud Américain, on dirait qu’il a de la « grinta », qu’il est indispensable. On fait un blocage en France avec ce genre de joueur là.

Ceux qui ne l’aiment pas, je trouve qu’ils ne se rendent pas compte que t’as une équipe de danseuse au PSG et que quand il n’est pas là ou en méforme, on a l’impression d’être à la rue et de ne pas avoir le ballon. Contre City, « oh merde, qu’est-ce qui se passe on n’existe pas les mecs », ben il est pas là Matuidi. Tu prends la flotte, toutes les danseuses qui se la racontent avec le ballon, qu’est-ce qu’ils font ? Ben ils ne sont pas là, on ne les voit plus les mecs. Le Barça, avant de se passer d’un vrai n°6, ils ont du mettre 10 ans avant d’avoir une maturité technique telle, que même s’ils prenaient 2 buts, ils en mettaient 4.

Nous, on ne met pas 4 buts quand on prend 2 en coupe d’Europe. Je suis le 1er à dire que le jour où on pourra se passer de Matuidi, c’est qu’on sera tellement sûr de nous, qu’on pourra se dire « nous on peut s’en prendre des buts, on en mettra ».

Mais regarde contre City, t’en prends 1, t’es éliminé. L’année dernière contre Chelsea, match retour, ils ont eu une occas’, 1 but. A chaque fois que nos adversaires ont une occas’ ils marquent. Est-ce que tu peux te permettre de ne pas avoir un chien de la casse au milieu qui va faire le lien entre tout le monde ? Regarde Evra, on vient de s’apercevoir qu’il était nul en équipe de France. Non c’est juste que d’habitude, Matuidi le couvre. Ben là, Blaise n’est pas en forme. On imagine un PSG Play-Station et je comprends, mais aujourd’hui on n’a pas les moyens.

Virage : On a pourtant les moyens de faire ce que faisait le Real avec Di Maria. A 3 mecs…

Julien Cazarre : Ils ne jouent pas au même poste. Parce que eux quand ils ont Di Maria, ils ont Xabi Alonso. Toi t’as pas Xabi Alonso, t’as Marco Verratti qui prend énormément de risque. Tu vois ce que je veux dire. L’année où ils enlèvent Makelele. Ils se sont dit que Makelele, « à part ratisser le ballon et le donner à Zidane… ». Ils te l’enlèvent, ils mettent Beckham à la place… terminé. 8 ans d’affilé sans passer les 8ème de finale, 8 ans d’affilé ! Nous on nous fait chier parce qu’on a fini 3 ans en quart. 8 ans d’affilé sans passer les 8ème de finale quand ils ont perdu Makelele ! Donc quand tu le perds, il faut être sûr que derrière les mecs assurent.

Je trouve qu’aujourd’hui des mecs comme Pastore, ils ont tous les mêmes défauts. Ils sont géniaux mais ils perdent beaucoup la balle, alors tu te dis oui mais ils peuvent faire un geste génial. Mais t’imagines dans un match si tout le monde fait ça ? La Belgique, c’est pareil. Des individualités mais pas d’équipe. Quand tu regardes l’Italie, rigoureux, et hop tu mets tout le monde à l’amende. Mais si un jour on me dit qu’on est sur Toni Kroos, là je dis oui. A la place de Verratti. Mais si t’as Verratti, tu ne peux pas te passer de Matuidi parce qu’il fait un boulot que l’autre ne fait pas. Pour finir, ça me fait penser à Milan, ils avaient des supers virtuoses mais ils avaient Gattuso et c’était bien qu’il soit là des fois. Ça permet aux autres de pouvoir être géniaux et de ne pas se prendre la tête.

Virage : Pour en revenir à ta grande carrière de footballeur, tu penses que comme tous les autres tu finiras au Variété Club de France ?

Julien Cazarre : Sûrement pas, je déteste ce genre de truc. Ca me gonfle. « On n’a un point commun, on est connu », c’est quoi ce délire ? C’est quoi le concept, ah on est connu. C’est comme les Enfoirés mais ça rapporte rien aux pauvres (rires), il y a tous les défauts mais pas les qualités.

Je n’ai aucun souci sur le côté « c’était mieux avant », t’aimes le PSG ou t’aimes pas le PSG, tu choisis pas.

Virage : Est-ce qu’aujourd’hui tu préfères le PSG QSI ou le PSG Colony ?

Julien-CazarreJulien Cazarre : Déjà c’est pas pareil. Le pire pour moi c’est Colony, c’est-à-dire que Colony Capital, si t’es un vrai supporter du PSG, ça doit être la pire époque, parce que c’est le cynisme. C’est-à-dire que c’est pas beaucoup plus classe que le Qatar, mais c’est quand même des fonds de pension, donc c’est ce qui gangrène l’économie mondiale. Les qataris vendent du gaz. Alors on aime ou on n’aime pas mais là on parle de mecs qui font partie du concept qui gangrène l’économie mondiale. Ils viennent, ils en ont rien à foutre, juste pour faire de l’immobilier, ils restent 4 ans, ils investissent que dalle et ils se barrent en ayant fait plus ou moins une plus-value sur la vente. Si c’est pas ça les pires années. Je préfère le PSG Qatari, les mecs arrivent, ont un vrai projet pour le club. Et puis je n’ai aucun soucis sur le côté « c’était mieux avant », t’aimes le PSG ou t’aimes pas le PSG, tu choisis pas.

Je ne sais pas comment tu arrives, tout d’un coup, en fonction du président, à dire « je ne suis plus supporter », ça me fascine. C’est con mais je considère qu’un club c’est un peu comme la famille. Quand t’es amoureux de ton club, ben c’est comme ta mère. Si elle se remarie avec un con c’est pas pour ça que t’aimes plus ta mère. T’aimes pas ton beau-père, ben c’est pas grave t’aimes pas ton beau-père mais c’est ta mère. Ben moi le PSG c’est pareil.

Ils ont sûrement plein de défaut les Qataris mais ils sont arrivés, ils n’ont pas changé le nom du stade. Tout les autres qui donnent des leçons ont changé le nom des stades, même le Vélodrome. Le Parc des Princes, ça s’appelle pas le Parc du Prince Al-Thani, bon. Les couloirs du club, c’est les mêmes. Ils ont fait venir Leonardo. Ils ont changé le sigle mais Canal quand ils sont arrivés, ils ont enlevé la Tour Eiffel. Ils ont mis P, S et G en décalé, c’est quand même bien pire. Je trouve que le procès qui est fait aux Qataris est injuste… Ou alors, on ne tourne pas autour du pot et on le dit carrément « on ne veut pas du Qatar, on ne veut pas des Arabes qui ont du pétrole parce que ceci, cela », voilà.

Virage : Autre polémique, la banderole au Stade de France contre Lens, ça t’inspire quoi ?

Julien Cazarre : Sur les ch’tis moi ça m’a fait rire. Après ça dépend, si les mecs qui les font, sont des mecs potentiellement violents et que derrière, il y a un truc… mais sinon par exemple la banderole sur les ch’tis j’ai trouvé ça drôle, et beaucoup de gens ont trouvé ça drôle. Et puis comme on sortait de « Bienvenue chez les Ch’tis » avec Dany Boon, ce con là qui est venu nous faire des leçons de morale et qui connaît rien au foot, il ne connait même pas le milieu des ultras… Le maire de Lens a été reçu par le Président de la République quand même, t’imagines où on va.. Donc moi ça m’a fait marrer. J’aime le PSG même si demain c’est détenu par des fonds nazis (rires).

Virage : Puisqu’on parle politique, à ton avis il existe des joueurs de gauche ?

Julien Cazarre : Le principe d’un joueur de foot de gauche, c’est impossible. C’est des mecs qui n’ont pas le temps d’être de gauche, ils n’ont pas le temps de se faire une opinion de rébellion qu’ils paient déjà l’ISF. Donc pendant que toi t’es au lycée et que t’as envie de faire Nuit Debout, lui il veut juste payer moins d’impôt au même âge. Donc un footballeur de gauche c’est rare et c’est admirable parce qu’il n’y a aucune raison.

Virage : Vikash Dhorasoo il est de gauche non ?

Julien Cazarre : Pour le connaître si ça c’est la gauche, on est tranquille les gars. On va pas être emmerdés. Le grand soir, ce sera pour le lendemain et pas trop tôt si possible ! Mais même lui, il en rigole un peu, il sait très bien que c’est ultra bobo son délire. Cette obsession du mec gaucho, ultra qui veut absolument rendre le foot intéllo, là où il n’y a pas besoin. Et surtout il faudrait rendre le foot au peuple ? Mais il n’appartient pas à quelqu’un d’autre a priori. Quand tu vas dans un stade de foot, c’est quand même plutôt le peuple, c’est pas encore l’intelligentsia en masse.

Virage : Un prono pour l’Euro ?

Julien Cazarre : J’ai beaucoup de mal… Je suis assez agréablement surpris de ne pas m’être trompé sur la Belgique, j’étais persuadé qu’elle était ultra surcôtée. Quoiqu’ils fassent, je pense qu’elle est surcôtée parce qu’ils ont de très bons joueurs mais ils ne savent pas jouer ensemble. Pour moi Wilmots est limité. Ils pourront toujours gagner des matchs parce qu’ils ont des mecs tellement dingues à part Hazard qui est une arnaque. Je trouve que ce n’est pas une vraie équipe. Sinon j’aime bien la Croatie, je trouve ça pas mal, et on ne se méfie pas trop d’eux. Évidemment tu as l’Espagne, l’Allemagne où ça se ballade, ça ira évidemment pas loin du bout. Et les Anglais qui ne sont pas forcément ridicules parce qu’ils ont une belle dynamique (sic). A condition qu’ils ne misent pas trop sur Sterling qui pour moi est un genre de Coman mais en pas intelligent, en bête.

Virage : Et un pronostique pour demain soir (L’interview a lieu le jour de France-Albanie) ?

Julien Cazarre : Je serai à Marseille, au Vélodrome, j’serai pas chez moi à la différence de Blaise Matuidi (rires). Je pense qu’il n’y a plus la crispation du 1er match, donc 3 points. L’Albanie, ils sont cuits parce qu’ils ont beaucoup donné. Et il n’y a pas Cana donc à un moment donné si tu ne gagnes pas facilement. Mets des plots sinon, mets des plots (rires). Je vois une victoire par au moins 2 buts d’écart sinon (bien vu)… En plus il n’y aura pas Pogba, et c’est terrible à dire parce que c’est un joueur génial. Mais quand t’es à son poste, c’est pas comme si tu étais attaquant. Il y a des postes où tu ne peux pas te permettre de perdre autant de balles quand t’es au cœur du jeu, même si tu fais un geste de temps en temps. Non mais trop de coiffure, trop de pompe…

Luis Fernandez

C’est l’hiver, il fait frisquet dehors mais chaud à l’intérieur de la rédaction de RMC Info Sport. C’est l’infâme Julien Cazarre qui nous a arrangé le RDV avec le légendaire N°8 du PSG, le chien fou, le râleur, le tâcleur, le capitaine, le jouooor, l’entrainooor, Luis, le même dont le prénom (Luis, Luis, Luis…) raisonne encore dans les travées du parc des Princes.

Il arrive, fidèle à son image, un taureau, tête en avant, la démarche rapide. Il annonce la couleur : « Les gars, on a 30 min. après je prends l’antenne, alors on y va ! » S’en suit une discussion où il répond à toute vitesse, sans calculer… comme le joueur qu’il était… à l’instinct.

– – – – [ Interview ] – – – –

Virage: Pour commencer on aimerait que vous nous racontiez votre histoire avec Paris, qui a connu plusieurs épisodes. Déjà votre arrivée en tant que joueur.

Luis Fernandez: D’abord j’intègre le centre de formation du PSG, j’arrivais de ma banlieue des Minguettes à Lyon. J’avais fait 2, 3 essais dans des clubs. J’ai eu un avis favorable pour faire un essai au PSG. Et après, tu sais, quand tu as la chance de pouvoir passer un essai, tu fais tout pour le réussir.

Il fallait que je prenne en marquage individuel Maxime Bossis,… Quand tu es jeune, tu joues là où on te le demande.

Virage: C’était un vrai choix pour vous Paris ?

Luis Fernandez: Non. Dans mon enfance aux Minguettes, j’avais un monsieur qui me suivait de près. Il a décidé d’écrire lui même des lettres aux clubs pour moi. Ca a commencé par Avignon, ensuite Nancy, et le troisième c’était le PSG. Et comme je travaillais à l’époque dans une usine, c’était difficile pour moi de sortir, de me libérer. Ca a commencé par Avignon mais ça n’a pas été concluant. Ensuite j’ai été à Nancy, ils étaient favorables, mais j’avais la nationalité espagnole. Et la troisième possibilité c’était le PSG.

Virage: Et à l’époque c’était uniquement 2 étrangers par équipe ?

LuisFernandez2Luis Fernandez: Oui c’était 2 étrangers par club en tant que professionnel, aspirant ou stagiaire. Et finalement le PSG a su me faire signer une licence amateur étrangère. J’ai pu commencer ma formation avec Pierre Alonzo (le père de Jérôme Alonzo) qui était le directeur du centre de formation, et c’est là que l’histoire commence… Et après il faut bosser, montrer de la volonté, surtout quand tu sors de l’usine et que tu as cette chance à saisir. Pour moi c’était une grande fierté d’avoir été recruté par le PSG.

Et puis il y a les concours de circonstance.

Le PSG avait recruté un joueur qui s’appelait João Alves, l’homme aux gants noirs, et il se blesse un soir du côté de Sochaux. L’entraineur c’était Velibor Vasović et c’est à ce moment là qu’il m’a demandé d’intégrer l’équipe première en fonction de mes performances en réserve. Il m’a demandé de débuter comme un attaquant. Je me souviens à Nantes, il me disait qu’il fallait que je prenne en marquage individuel Maxime Bossis, puis après ce serait Battiston… Quand tu es jeune, tu joues là où on te le demande.

Mais mes débuts je les ai fait à Nancy au Parc (en 1978). Et ça s’est bien passé (Victoire 2-1 pour Paris avec un péno provoqué par Luis).

J’étais un adepte de Cruijff, je regardais, je lisais tout ce que Cruijff faisait.

Virage: Quel était votre poste d’origine avant d’arriver à Paris ?

Luis Fernandez: Dans les catégories inférieures je jouais meneur de jeu, N°10. Après j’ai reculé. Mes qualités étaient meilleures dans ce registre de récupérateur, de sentinelle.

Virage: C’est de là qu’est venue l’idée de faire descendre Daniel Bravo quand vous étiez entraîneur du PSG ?

Luis Fernandez: Non, j’avais déjà commencé à le faire à l’AS Cannes avec Johan Micoud, et j’étais un adepte de Cruijff, je regardais, je lisais tout ce que Cruijff faisait. C’était quelqu’un qui parlait remarquablement du football, du jeu avec ses expressions. L’équipe que je suivais le plus c’était le Barça de Cruijff, le football total, un jeu assez spectaculaire. Je me suis rendu compte que son numéro 10 ce n’était pas celui qui jouait devant les attaquants mais devant la défense et c’était Pep Guardiola. Je me suis dis qu’il avait créé quelque chose de nouveau, un nouveau poste. Et on se rend compte aujourd’hui que ce poste de N°6 dans les grands clubs, le Barça, le Real, Manchester City, est devenu primordial. C’est un organisateur. Comme Verratti à Paris.

Virage: Vous vous disiez, à terme je serai entraineur ?

Luis Fernandez: Non. Je ne m’y étais pas préparé. C’est l’époque où Francis Borelli devient président de l’AS Cannes. J’avais déjà vécu beaucoup de choses importantes avec lui au PSG. J’étais devenu capitaine de l’équipe en 1986, j’avais intégré l’équipe de France… Donc à cette époque j’étais en difficulté suite à mon opération du genou, j’étais reparti sur Cannes. J’ai vécu une année comme joueur là bas, j’ai connu une deuxième année en coupe d’Europe, puis la descente en deuxième division, et là Borelli me demande si je suis capable d’entraîner. Je me suis dis pourquoi pas. Ca s’est bien passé, il y avait une très bonne ambiance et j’avais de bonnes relations avec les joueurs. Quand j’ai commencé on était 12ème du championnat et puis on a fini par monter cette année là. L’année d’après on a pu être européen. Et puis le PSG m’a rappelé après le titre de 1994 pour remplacer Artur Jorge.

Virage: C’était une fierté d’avoir été rappelé ?

Luis Fernandez: (un peu hésitant) Oui mais comme je suis un impulsif, je vais très vite et je ne me suis pas posé de question. (il se reprend) Mais je ne regrette pas, j’ai gagné la première coupe de la ligue comme entraineur, une coupe de France, une coupe d’Europe…

Virage: C’est arrivé peut être un peu trop tôt Paris ?

Luis Fernandez: J’en étais à ma 5ème saison avec l’AS Cannes et Paris c’était toujours Paris… Même si il y avait eu ce départ pour le Matra Racing (en 1986), où les gens n’ont pas compris. A l’époque je ne demandais qu’une chose, c’était de jouer. Et comme on m’a refusé une prolongation, j’ai été au bout de mon contrat. De plus j’étais international à l’époque, je ne gagnais quasiment rien en plus, j’étais bien sur content de mon sort, j’étais joueur de première division au PSG, capitaine, champion de France, international. j’ai donc reçu d’autres propositions dont celle de Marseille. Mais je ne voulais pas y aller car je n’avais pas confiance, j’avais aussi Bordeaux, l’Atletcio de Madrid, je pouvais partir mais je voulais rester à Paris. Et il y a eu l’arrivée de Jean Luc Lagardère au Matra. Et ça a été dur pour les supporters mais on ne leur pas bien expliqué la situation…

Ca a toujours été mon club !

Virage: A chacune de vos périodes à Paris on a l’impression que le club n’a pas été très juste avec vous finalement ?

Luis Fernandez: (Il commence à parler de lui à la troisième personne comme pour changer de sujet…) C’est à dire que le personnage est… comment te dire… (longue hésitation, il cherche ses mots) Quand on parle de Luis, c’est une histoire un peu particulière…

Virage: Vous êtes à l’image du PSG en fait, soit on vous déteste, soit on vous adore.

Luis Fernandez: J’ai grandi dans ce PSG, j’ai été formé par le PSG, c’est mon club, ça a toujours été mon club, en tant que joueur et en tant qu’entraineur. A ton égard il y a quelque chose. Je suis toujours resté le même, j’ai un contact assez facile, j’ai pas un esprit tordu. Dans ma façon d’être j’ai toujours pensé club, j’ai toujours aimé mon club, aimé le PSG, et c’est pour ça que je l’ai toujours défendu mais à côté par rapport à l’histoire… (il cherche ses mots une fois de plus, et reprend la troisième personne comme si le PSG et Luis c’était la même chose en fait), la personnalité de Luis tu sais…

Virage: Vous trouvez que la direction actuelle est injuste avec les anciens ?

Luis Fernandez: Injuste, non. Petit à petit ils vont rétablir ce qui est important. Car en France il n’y a pas cette culture football. En France on a l’impression que les anciens dérangent alors qu’ils devraient accompagner l’histoire. Dans les autres pays comme l’Espagne ou l’Italie, les anciens sont dans le staff, l’organigramme. Ils sont proches, ils ont une mission.

Virage: Vous aimeriez apporter quelque chose au club ?

Luis Fernandez: Oui ! Je le revendique, j’ai toujours envie de revenir, d’aider, pas en tant qu’entraîneur mais en tant que conseiller par rapport au bassin parisien, à la région, à repérer, à recruter, à établir une relation avec tous les clubs. Je trouve qu’aujourd’hui, notamment avec l’image Canal, le club ne s’ouvre pas. Du coup les gens te regardent différemment. Tu sais j’ai eu une discussion là dessus avec Nasser et je crois qu’il a compris, je lui ai donné l’exemple de l’Espagne où le président est toujours assis dans le Palco (tribune officielle) à côté du président du club adverse. Même si ils ne s’apprécient pas, même si ils pensent différemment, il y a un respect. Tu envoies un message, une image. C’est classe. Je vois à Lyon des présidents qui sont séparés en tribune. Ils peuvent quand même s’assoir ensemble et discuter, non ?

Virage: Il vous plait le PSG d’aujourd’hui ?

Luis Fernandez: Je trouve que le projet qui a été mis en place, il faut vivre avec, il faut le respecter. Le PSG a été certainement vendu ou donné (!!!) parce qu’il était temps que des repreneurs lui donnent les moyens d’avoir une dimension pour que le club puisse se battre contre les plus forts. Mais ce projet il a besoin de progresser, de s’améliorer. On dit qu’aujourd’hui au Parc il y a moins d’ambiance. C’est vrai. Mais autour du Parc il y a eu 2 morts. J’aime un stade plein avec des tifos, de l’ambiance mais je ne peux pas cautionner la violence. Le sport ça réunit, c’est un spectacle. Imagine toi, il y a des enfants qui viennent et qui sont confrontés à ça, tu es malade ou quoi !!! Le stade c’est fait pour réunir, c’est ça qui en fait sa beauté. C’est ça le sport populaire. Alors oui j’aimerais retrouver les tifos, et c’est possible d’organiser des animations, mais il faut qu’il y ait une discussion avec les supporters… On peut créer des choses, mais il faut le vouloir…

Virage: Vous aimeriez travailler sur la partie formation, vous avez gardé un réseau ?

Luis Fernandez: Je n’ai pas de réseau, mais j’observe, je regarde, je m’intéresse. On dit que les jeunes sont aujourd’hui mal accompagnés, il y a peut être quelque chose à faire. On dit qu’à Paris il devrait y avoir plusieurs clubs. Mais c’est une lutte de pouvoir. En France on veut toujours garder le pouvoir. Et on n’est pas proche du terrain. Alors que le foot tu vis avec, c’est en toi, tu grandis dedans. C’est comme les Enarques, ils ne vont jamais dans la rue, ils ne connaissent pas cet endroit là. En foot c’est pareil, un club c’est une famille, une identité, une histoire. A Nantes, Kita il est arrivé il a voulu tout changer. On ne change pas ! Tu t’appuies sur l’histoire. Vous êtes malade ou quoi ? (bis).

Virage: Est-ce que vous avez l’impression qu’aujourd’hui les Qataris sont conscients de ça ?

Luis Fernandez: Oui, ils apprennent eux aussi. Ils sont de plus en plus proches. Nasser tu sens qu’il comprend ça même si il y a des People en tribune mais c’est aussi ça le spectacle. Il faut être content que les Quataris soient venus.

J’aurais bien aimé avoir un Di Maria à Paris

Virage: Qu’est ce que vous pensez de la situation sportive du PSG ?

Luis Fernandez: Quand tu recrutes, il faut que tu construises un groupe pour 5, 6 ans et le préparer à toutes les situations. En Angleterre par exemple c’est compliqué de gagner même contre Stoke ou Hull. En France à Paris ils ont le talents et les qualités mais ils savent que le niveau du championnat est moins élevé. En terme de motivation tu baisses ton envie, et les joueurs pensent qu’ils peuvent gagner en marchant. Ils sont dans ce schéma là.

Laurent Blanc, que je connais bien, n’a peut être pas le charisme de Mourinho ou d’Ancelotti, mais il est libre d’imposer ses idées, ses choix. Il a mis en place un schéma qui a bien marché l’année dernière (saison 2013-2014) et qui a moins marché cette saison. En tout cas tu dois tout le temps chercher les futurs joueurs pour les saisons à venir, les jeunes talents de 18 ans en Argentine ou ailleurs. Alors oui il faut un réseau. Leonardo, on en a beaucoup parlé mais moi aussi avec 500 millions je t’en trouve des joueurs (…).

Le problème c’est qu’avant les joueurs venaient à Paris pour deux ans pour ensuite aller dans un plus grand club. Il faut maintenant qu’ils viennent ici pour 10 ans ! Comme Ramos, Arbeloa ou Pepe au Real qui sont des tauliers… et après tu fais venir des Kroos, Modrić pour renforcer l’équipe autour des piliers qui représentent l’identité du club.

Virage: Quels joueurs vous aimeriez voir à Paris ?

Luis Fernandez: Messi & Cristiano tu ne peux pas les avoir. J’aurais bien aimé avoir un Di Maria à Paris (visionnaire), un Modrić. Mais il faut tenter des coups quand ils sont encore jeunes.

Virage: C’est une erreur David Luiz pour vous ?

Luis Fernandez: Ce n’est pas une erreur ! C’est un vrai compétiteur, il peut devenir le Puyol du Barça (visionnaire bis). Il peut jouer au milieu mais il faut qu’il soit agressif, méchant, à chaque match des coups de tampons, il faut qu’il arrive à s’imposer, qu’il impose sa marque ! Et pour l’instant il trouve que Paris c’est facile, décontracté… Le problème c’est que vivre à Paris ça…

Virage: (on le coupe) Ah vous allez nous parler de Ronaldinho…

LuisFernandez3Luis Fernandez: Non, parce Ronaldinho contrairement à ce qui a été dit, on en a fait un champion du Monde dès sa première année, la deuxième année il a préféré faire autrement, et je ne lui en veux pas car il était jeune, il avait 20 ans, j’en veux plus au dirigeant Laurent Perpère qui a donné le pouvoir aux joueurs. Quand on commence à leur donner ce pouvoir… Moi en tant que joueur je n’ai jamais eu le pouvoir mais j’ai toujours voulu être le plus fort sur le terrain. Quand on a commencé à donner le pouvoir aux jeunes au PSG, on s’est trompé de politique. Le Guen l’a fait, Perpère aussi, mais on ne donne pas le pouvoir aux joueurs et surtout pas aux jeunes. On les encadre, on leur amène les éléments pour les faire progresser. J’ai du batailler à l’époque des Luccin, Dalmat, Anelka. Je me suis retrouvé dans des situations compliquées.

C’est du passé mais je n’ai jamais accepté qu’on me mette dans un coin. Après avoir gagné la coupe d’Europe et après la Corogne j’ai dit à Denisot, que je partais. Car 6 mois avant je n’ai pas senti une confiance vis à vis de moi.

Virage: Comment avez vous vécu l’intervention de Yannick Noah avant la finale ?

Luis Fernandez: Bien. Le seul problème c’est qu’il s’est occupé de choses qu’on avait prévues de faire avec les joueurs avant le match. Il y a eu certes une plus-value. C’est quelqu’un qui dans l’échange, dans la conversation, a su trouvé des mots. Mais dans la tactique, la compo et le jeu, ce n’est pas lui qui a décidé. Si tu me fais venir pour la coupe Davis, je vais moi aussi les prendre individuellement, trouver les mots qu’il faut pour les piquer, les toucher pour qu’il y ait une réaction…

Virage: Ca reste votre plus grand souvenir cette victoire en coupe d’Europe avec Paris ?

Luis Fernandez: Ca reste un bon souvenir, on avait fait une belle finale même si c’était le Rapid de Vienne. on avait éliminé Parme et le Deportivo La Corogne, on avait fait un parcours exemplaire. Il y avait eu aussi une demi-finale de ligue des Champions contre le Milan AC de Capello avec Savićević qui marque à la fin. Mais on avait battu un record avec 6 matchs et 6 victoires alors c’est pour ça que lorsque que j’en entends sur moi en tant qu’entraineur, j’en sais assez sur mes forces, mes valeurs de gestion, d’entraineur, de travail au quotidien… Après le personnage Luis, en dehors, celui de la Radio, quand je m’exprime avec mon français à moi, C’est mon problème (…).

Mais je préfère des garçons comme lui avec qui tu peux aller à la guerre…

Virage: Est-ce qu’il y a un jouer qui vous donne des regrets ?

Luis Fernandez: Non. Qui ça ?

Virage: En fait, est-ce qu’il y a des joueurs pour lesquels vous vous dites, on est passé à côté ?

Luis Fernandez: Non. Car j’ai eu l’occasion d’en entrainer 2 grands. 2 génies, c’était Weah et Ronnie. Et puis d’avoir entrainé des garçons comme Gabriel Heinze que personne ne connaissait, d’avoir fait venir des garçons comme Arteta, Pochettino, Cristobal, j’étais hyper content. D’avoir gagné la Coupe des Coupes avec Raí, Avec Patrice Loko, Djorkaeff qui était un grand, Le Guen, Guerin, Bravo, Fournier, c’était une bonne génération.

Virage: Celui qui nous a donné le plus de regrets sur votre période, c’est Jerôme Leroy.

Luis Fernandez: Le problème de Jerôme c’est qu’il a été un incompris du football français. Pas par moi car je l’ai fait revenir, je l’ai fait rejouer. Je l’ai toujours aimé, il avait un talent, aujourd’hui il a 40 ans et il joue encore en ligue 2… Il avait du caractère, il n’acceptait pas la défaite, il avait une touche technique, c’était un leader technique, il avait une intelligence dans le jeu, alors oui certains trouvaient qu’il avait mauvais caractère. Mais je préfère des garçons comme lui avec qui tu peux aller à la guerre…

Virage: Il vous faisait penser à vous quand vous étiez jeune ?

Luis Fernandez: Ouais. Mais il était encore plus technique que moi quand il démarrait. Il aurait mérité de jouer en équipe de France. Quand tu vois Dhorasoo qui a joué en équipe de France… Leroy il aurait pu jouer 100 fois… (il se reprend) Non mais j’ai rien contre Dhorasoo, il y en a d’autres qui étaient moins techniques que Jérôme et qui ont joué avec les bleus. Mais c’est un choix d’entraineur, ça se respecte. C’est tout.

Si le Real ne gagnait pas, j’étais leur nouvel entraineur. Mais personne ne le savait.

Virage: Ca vous ferait rêver l’équipe de France ?

Luis Fernandez: Non ça c’est du passé. A une période oui. Quand j’avais été élu meilleur entraineur français (en 1994 avec l’AS Cannes), quand j’étais dans la bonne vague, il faut savoir surfer. Je suis après resté 4 ans à Bilbao, j’ai bien aimé, après 2 ans j’ai fini 2ème du championnat, j’aurais pu partir à Valence qui était un club assez important, j’ai refusé. J’avais aussi signé un pré-contrat avec le Real de Madrid quand ils ont joué la finale de la Coupe D’Europe contre Valence (3-0 en 2000 au Stade de France), et c’était Del Bosque qui était l’entraineur. Si le Real ne gagnait pas, j’étais leur nouvel entraineur. Mais personne ne le savait. Mais le Real a gagné. C’est comme ça, c’est la vie.

Aujourd’hui je suis dans les media, mais j’aimerais bien revenir sur un banc, mais commencer avec les hommes, les choisir, mettre en place un projet de jeu. Je suis pas plus con qu’un autre, j’ai suffisamment fait mes preuves…

Virage: Vous ne pensez pas que vous auriez du mal avec les nouvelles générations ?

Luis Fernandez: Non, car il faut savoir leur parler, trouver le mots, savoir les responsabiliser. Alors c’est sur qu’après j’aimerais mieux les prendre à 16 ans plutôt qu’à 19 ans. Car après ils ont parfois des conseillers qui ne sont pas les bons et c’est dommage car ils ont du talent.

Tu prends Bielsa, c’est un passionné, un gros bosseur, il les a mis dans les meilleures dispositions pour qu’ils puissent progresser et évoluer.

A partir du moment où ils acceptent, ils vont progresser.

Mais si ils mettent une barrière t’es mort.

Virage: Comment a fait Bielsa pour mobiliser des joueurs qui l’année d’avant étaient les mêmes ?

Luis Fernandez: Parce que c’est dans sa nature. Soit ils acceptent et il adhèrent, soient ils dégagent.

Le problème aussi c’est que lorsqu’ils partent à l’étranger ils acceptent ce qu’ils n’acceptent pas ici. Parce qu’ils sont mieux payer, ils font le Jackpot, et en plus ils jouent dans de meilleurs clubs. Regarde un mec comme Modeste à Hoffenheim, il est remarquable le mec. Il fera une bonne carrière. Puis tu en as d’autres qui vont se perdre. Regarde Ben Arfa, parti à Newcastle, puis problème, souci avec son entraineur. Mais pourtant le talent est là, il est revenu en équipe de France mais il n’a pas su saisir sa chance. C’est pour ça que les jeunes il faut les accompagner.

Il faut savoir les protéger. Il ne faut pas qu’ils aient 10 entraineurs autour d’eux pour les conseiller. Il faut que les joueurs te fassent confiance et à Marseille ils font confiance à Bielsa. Sa méthode elle est peut être dure et exigeante mais les joueurs s’aperçoivent qu’en étant à l’écoute, avec les exercices répétitifs à l’entrainement, c’est fatiguant, mais ils arrivent à l’intégrer et à le répéter en match. Et ils se disent, putain ça fonctionne (moins visionnaire)… mais en France c’est difficile à faire, mais ça arrive.

Virage: Vous pensez que Marseille sera Champion ?

Luis Fernandez: Non, ce sera Paris.

OK c’est bon ? Je peux y aller sinon je vais être en retard… Merci les gars !

Luis repart comme il est arrivé, en courant. Finalement il est resté presque une heure avec nous, généreux dans l’effort. Toujours.