Reportage

Francis & Xavier #2

Dans cette œuvre littéraire puissante, portée par un style oralisé de haute reprise de volée, vous découvrirez, Lecteurs, comment Xavier Gravelaine et Francis Llacer, au comptoir, refont l’histoire, repensent la géopolitique et, ce faisant, définissent les contours d’un nouveau vivre-ensemble.

Xavier : Salut Francis.

Francis : Salut Xavier.

Xavier : Tout baigne… on s’en jette un ?

Francis : Bah ouais.

(Xavier adresse un signe au patron)

Xavier : Tiens, mon Francis, écoute ça. L’autre soir, j’étais devant la téloche avec une petite fraîche.

Francis : Ah ouais…

Xavier : Et là, rien à voir, je tombe sur une nana qui se tripote les airbags dis donc. Attention, des faits maison… Je me dis, c’est bizarre j’ai pas les chaînes payantes et là, t’as un mec, sans crier tard, il baisse son slip et paf ! Il déballe un sifflard, laisse tomber, une buche de Noël, le truc !

Francis : Je connais ! C’était pareil au centre équestre !

Xavier : Choquant. Pourtant j’en ai vu des extrémités… dans les vestiaires et tout.

Francis : C’est sûr.

Xavier : T’as pas de souvenir de vestiaire toi mon Francis ?

Francis : Bah si, par exemple, je me rappelle que j’étais gêné quand Vampeta me reluquait sous la douche.

Xavier : Ah… c’est ça qui te vient à l’esprit ?

Francis : Bah ouais, je sais pas.

Xavier : Il était pas un peu à poil et à vapeur ?

Francis : Je suis pas sûr parce qu’on a jamais joué ensemble.

Xavier : … Ah … Comment tu sais alors ? Comprends pas… Sinon t’as vu le PSG en ce moment ? Pas mal Cavani, il est plutôt dedans.

Francis : Bah, ouais, ça va.

Xavier : Comme quoi c’est la débrandade, qu’il sait plus marquer. N’importe quoi. C’est un tuteur à gage, je l’ai toujours dit. Il me rappelle Cyril Pouget, ça c’était un avant-centre.

Francis : Ah ouais c’est sûr.

Xavier : Cavani, il est agile et vachement ascétique.

Francis : Esthétique ?

Xavier : Non ! je te dis qu’il est ascétique.

Francis : De quoi ? Qu’il cherche la libération de son corps par la domination de ses instincts ?

Xavier : Wow, Francis, c’est toi ?

Francis : … Non, mais c’était pareil au centre équestre.

Xavier : Voilà, je me disais que c’était bizarre aussi… moi ce que je veux dire c’est qu’il va vite et tout ça.

Francis : Ouais, c’est vrai.

Xavier : Et puis bon Emery faut voir ce que ça donne, parce que là, bon…

Francis : C’est sûr, il est pas comme Luis.

Xavier : Moi si j’avais été joueur du PSG, son schéma se serait jamais adapté à mon style, c’est pas sûr qu’il serait resté. Tu vois mon Francis, moi, en toute humidité, j’avais du poids dans le vestiaire. On écoutait ce que je disais parce que bon j’étais plutôt dans le dessus du panier. C’est pour ça, ça m’a aidé pour m’imposer à Istres en tant qu’entraîneur. Les Américains, ils appellent ça leaderchips.

(Francis n’écoute plus, il a les yeux clos et légèrement rougis. Une petite larme s’échappe).

Xavier : Bah dis donc mon Francis, qu’est-ce que t’as ?
(Coup de coude de Xavier, puis d’une voix forte) C’est parce que t’as le nounours en grève ! Faut pas pleurer, y a des pilules maintenant ! (Rires gras aux alentours)

Francis : Non, Xavier c’est pas ça. En repensant à Luis, y a eu de l’émotion. je me rappelais quand j’étais sur le banc au Maccabi, le top de ma carrière.

Xavier : Ah bon ?

Francis : Sur la tête de Tonton du bled, c’était un de mes chevals au centre équestre.

Xavier : Luis, c’était un grand. Par contre, je dis pas ça pour critiquer mais il a le coude bien développé. Je suis pas exsangue de tout reproche, moins de là, mais lui vraiment c’est un picolo certifié.

Francis : Arrête, c’est le meilleur…

Xavier : Médaille d’or de la descente !

Francis : Il est généreux…

Xavier : Il redonne le sourire aux barmans !

Francis : C’est un leader !

Xavier : Il fait 5% du chiffre de Ricard, zone EMEA !

Francis : Il est beau…

Xavier : Après cinq litres de sky, il a une autre tronche !

Francis : Il est drôle…

Xavier : On comprend pas ce qu’il dit !

Francis : Il a des couilles…

Xavier : Il a pas peur du cul sec, c’est sûr !

Francis : Un grand homme…

Xavier : Le Napoléon du perroquet !

Francis : Luis, je t’aime !

Xavier : Difficile d’enchainer, là… Bon, je passe du coq à l’ail…, moi j’aime bien Serge Aurier aussi. Ça suffit la critique, il est jeune c’est tout, mais bon le respect, tout ça, c’est important d’avoir des vraies valeurs. Comme Pascal Dupraz. Moi je l’aime bien. C’est pas comme certaines personnes que je veux pas citer mais bon quand je pense qu’avec tout ce que j’ai donné à ce club les gars du PSG ils me filent des places en tribune Paris… Et puis dans les rangs d’en haut en plus. C’est simple, pour voir qu’est ce qui se passe faut être un aigle.

Francis : Ou un pigeon, ils ont une bonne vue.

Xavier : Comme toi (rires gras aux alentours).

Paris n’est pas si magique

Virage m’a invité au match Paris-Bordeaux le 1er octobre. Je ne connais pas grand chose au football à part les déboires judiciaires d’une poignée de joueurs mais je soutiens désormais les Girondins. Paris, on t’encule !

Globalement, le football, je m’en cogne. Par contre, quand ça joue, que ça gagne, qu’il y a de la sueur, de belles actions qui déglinguent le gardien adverse, des supporters et un public heureux, je trouve ça splendide.

Je me souviendrai toute ma vie de mon grand père presque centenaire, hébété devant la victoire des Bleus, en 1998, me trainant dans le café du village : il y avait là une armée de 40 vieillards – ses amis d’enfance – qui descendaient des demis plus vite que moi en chantant à tue-tête. J’étais transporté; nous ne faisions qu’un, même si j’avais 70 ans de moins qu’eux. Des gamins de 15 ans leur tapaient dans le dos en rigolant, ils partageaient un bonheur indicible. Je constate que seul le football est capable de déclencher ce genre de liesse populaire, de bonheur absolu. Brusquement, j’ai trouvé ça génial.

C’est à ça que je pensais en descendant dans le métro pour rejoindre Virage, ce 1er octobre. 25 stations plus loin, porté par un flot hallucinant de supporters, c’est ce que j’ai retrouvé : des fous absolus dissertant avec un authentique enthousiasme des mérites comparés de Matuidi et Verratti, s’inquiétant du retour des ultras dans le virage ou s’enthousiasmant du même sujet. Et, ce jour-là, il y avait aussi une vraie histoire : le retour de Jérémy Ménez, le meilleur ennemi du PSG, sous le drapeau bordelais. Le soleil descendait doucement derrière les angles bétonnés du Parc des Princes lorsque je suis entré; c’était parfait.

Je dois préciser ici que je suis natif de Bergerac et que les Girondins me sont finalement plus chers que n’importe quelle équipe – à l’exception du RC Lens mais, encore une fois, c’est à cause de leurs supporters et de l’enthousiasme qu’ils déploient. De fait, me retrouver en tribune avec les authentiques supporters parisiens qui m’ont invité n’était pas la meilleure façon de me faire pénétrer dans un stade.

Ils se détestent mais parlent
pourtant de la même chose

Du haut du 32e rang de la tribune F, je regardais mes supporters girondins s’enthousiasmer dans leur pré carré à quelques mètres de moi et j’aurais aimé être avec eux. Je pensais à mes amis bordelais et je leur envoyais des SMS. Certains me traitaient de traitre, d’autres me répondaient : « On va les jongler ces petites putes, t’inquiète ». Brusquement, j’ai détesté le PSG et j’ai hurlé de bonheur devant toutes les tentatives bordelaises. Autour de moi personne ne hurlait dans ces moments-là et tous ont compris que j’étais le sale canard girondin égaré dans une tribune parisienne. J’ai dit à mon voisin : « Ici c’est Bordeaux ! », mais ça ne l’a pas fait rire du tout.

Mais il y avait autre chose que le match : il y avait les virages, Auteuil et Boulogne. Ces mondes étranges, ces deux opposés qui se détestent mais se répondent, chantent en chœur des paroles que je connais désormais par cœur. C’est ce qui m’a le plus marqué pendant ce match : ils se détestent mais parlent pourtant de la même chose. Il étaient au moins 800, peut être 1.500 et ils étaient beaux. J’ai pensé à mon grand-père qui saluait Chirac et Zidane en scalpant sa bière dans son bar de village en 1998. Il était fou, et je l’étais désormais aussi.

« On » – Bordeaux, Bergerac, les Bordelais et moi – a donc perdu. Mais j’emmerde le PSG. Si j’étais un expert, je serais tenté de dire que Jérémy Ménez n’a tout de même pas branlé grand chose pendant le match, mais je ne suis pas un expert – j’ai juste constaté qu’il n’a pas touché une balle. Mais, paradoxalement, je le salue et je suis ravi qu’il soit devenu l’ennemi du PSG.

En sortant du stade, un des mes bordelais qui suivait le match à la télé m’a envoyé un SMS : « On les a gentiment laissés gagner; on attend le match retour ». En remontant l’avenue qui mène au métro, j’ai relu ce message et j’ai haï le PSG; j’ai compris ce que c’était que de soutenir un club. J’étais dégouté. Paris n’est pas si magique…

Francis et Xavier

Dans cette œuvre littéraire puissante, portée par un style oralisé de haute reprise de volée, vous découvrirez, Lecteurs, comment Xavier Gravelaine et Francis Llacer, au comptoir, refont l’histoire, repensent la géopolitique et, ce faisant, définissent les contours d’un nouveau vivre-ensemble.

Xavier : Dis donc Francis, tu sais pas ce que j’ai fait ce week-end. J’ai visité les grottes de Balascaud…

Francis : Ah ouais… tu t’emmerdes pas toi (rire édenté sur le plan métaphorique)

Xavier : Pas du tout, c’est super, y a des peintures du temps d’Hannibal le Hun. C’est vachement impressionnant. J’ai même changé de slip pour l’occasion.

Francis : Ho, le con !

Xavier : Et toi, t’as fait quoi ?

Francis : Bah, j’ai tourné dans un film.

Xavier : Wow, un film ?

Francis : J’étais avec Balmont et Kastendeuch. On a joué des « gueux » du Moyen-Age. On nous a dit que c’était des rôles de composition.

Xavier : C’est gratifiant.

Francis : Tu m’étonnes. Je vais me reconvertir, je pense, comme Franck Lebœuf.

Xavier : On s’en jette un petit derrière la cravate ?

(Francis acquiesce et Xavier fait signe au patron)

Xavier : On est pas bien là, mon Francis ?

Francis : Tu m’étonnes…

Xavier : Tu sais parfois (regard mélancolique vers le fond du verre), je regrette un peu la bonne époque.

Francis : Tu m’étonnes…

Xavier : C’était football champagne à tous les étages. But sur but, passe sur passe. La performance, quoi. Tu vois, dans une interview, j’avais dit un jour que j’étais un des meilleurs n°10 français. Hé ben, je le maintiens. Après, je me suis bien reconverti. J’ai chapeauté tout ce qui était foot sur France 3, donc un certain niveau quand même. Maintenant je suis le patron de Caen. Bon, voilà, ça impose quoi.

Francis : Tu m’étonnes… grosse carrière. Moi je gère un hara en Normandie.

Xavier : J’ai l’humidité de dire que j’en suis là où j’en suis parce j’ai poussé les bonnes portes par la fenêtre.

Francis : Tu m’étonnes…

Xavier : Dis donc, là, je passe du coq à light… parce que ça chauffe pas mal en Palestine. Y disent qu’on va avoir la troisième enchilada (c).

Francis : Je sais pas trop. Moi je pense qu’y faut un arbitre sur tout ça.

Xavier : Je suis d’accord.

Pendant ce temps-là, à un autre point du globe terrestre, Agostinho est persuadé que tout le monde a oublié son passage au PSG. Très remonté contre les clichés sur les Portugais, il monte, à l’aide de ses deux pieds gauches plâtrés, dans la camionnette de sa société de maçonnerie pour aller danser le Kuduro.

(c) cette galipette linguistique appartient à un certain Romain Dilouya

Into The Wild / PSG-Chelsea

Mad Dog In the Fog – San Francisco / Haights – 17 février 2015, 12AM

Il y a des jours où la vie est une question de priorité.
Des jours où après avoir décidé de prendre enfin des vacances bien méritées, après avoir acheté tes billets d’avion, tu regardes a posteriori ton agenda, et tu te rends compte (trop tard) que tu as juste omis de vérifier que pendant tes vacances, tu ne ratais rien d’important, comme par exemple le match de l’année au Parc des Princes.

Ce match pour lequel tu payes ton abonnement et le rentabilises enfin symboliquement… toi le supporter qui en a vécu des matchs pourris pendant des décennies…
Ce match pour lequel tu vas enfin voir ton club disputer le haut du pavé en Ligue des Champions.

« Putain, le con ! » Trop tard donc.

Et il est évident qu’il est impossible de faire machine arrière. Parce que tu n’es pas tout seul à partir…

Donc me voilà dans l’avion qui m’emmène à San Francisco.
Préalablement, j’ai eu quand même la délicatesse d’offrir ma place (enfin offrir… Vla-l’gogo) à un ami, de surcroit supporter de l’OL, pour qu’il vive enfin un match de C1 autrement que devant sa Playstation.

Et pendant le vol, je fais vite mes calculs. 9 heures de décalage horaire, en moins.
Donc il sera midi en Californie le mardi 17 février 2015.
Si je me démerde bien, c’est donc possible de voir ce match chez l’Oncle Sam.

Sachant que Madame m’a autorisé, compassion féminine magnifique, à sacrifier 90 minutes de nos vacances à mon culte avoué et toléré. Et DIEU sait que c’est important dans ce pays qui croit à tout et n’importe quoi.

A peine arrivé à l’hôtel, code Wi-Fi, consultation du web, mot clé « Pub Soccer San Francisco ». Et là, la satisfaction avec un rictus. Le seul pub qui remonte du moteur de recherche est…

UN REPERE OFFICIEL DE SUPPORTERS DE CHELSEA !

La page web du pub présente allègrement des photos de mecs avec la tunique bleue…
Le Mad Dog In The Fog donc, en plein quartier de Haights, pourtant réputé pour sa communauté de Gays et de Skateurs… Je me marre.

mad dog

Et là je regrette de ne pas avoir pris mon maillot.
Narguer des ricains fans de Chelsea en plein Frisco. L’AMERICAN DREAM !

Des gueules d’universitaire en short

Bref, le jour J, direction le Mad Dog.
Accompagné de Madame qui trouve l’expérience comique. Son père est fan du SCO d’Angers alors les causes perdues, elle connait.

Il est 11H45, on rentre dans le pub qui vient d’ouvrir à l’instant où le serveur est en train de brancher les écrans TV géants. Petit stress, je demande au mec si ils ont bien prévu de passer le match, confirmation d’un signe de tête. On est rassuré.

Pour le moment il n’y a que deux types avec nous, sans maillot, des gueules d’universitaire bien propre et en short, visiblement venus pour la même chose que moi. Mais plus par curiosité que par passion.
Je suis déçu et commande une pinte.

La diffusion débute par un plateau sur une chaine US, avec des consultants que je n’ai jamais vu, et tout à coup apparait Edi & Zlatan à l’entrainement. Le parc, de nuit, quasi plein, il a l’air de faire beau, ça sent la grosse ambiance, j’ai envie de chanter seul dans le bar.

Ces images en direct de mon Eglise me file des frissons, presque de la Nostalgie alors que je ne suis aux USA que depuis 24 heures. Ridicule. Pas le temps de chialer, déboulent tout à coup une quinzaine de mecs avec des maillots de l’English Pride, CHELSEA !

Globalement ça fleure bon les petites fleurs dont parlaient les Mamas & Papas en 1968, on est loin de l’image du supporter tatoué au crâne rasé, fan de l’hospitalité du métro parisien. Non, ce sont clairement des Ricains vu leur accent, qui supportent Chelsea et le Soccer en général, car San Francisco c’est la capitale de la contre-culture.

Bref des mecs plutôt pacifiques, je suis déçu. Je reprends une goulée d’IPA locale.
Il y en a pourtant un qui me semble bien rosbif, une gueule de con, avec un accent cockney bien aiguisé. Soulagement. Au moins il y en a un qui sait de quoi on parle ici.

Petite surprise du chef, deux autres mecs déboulent, l’un a le maillot du Bayern qui joue aussi ce midi, et l’autre celui du PSG, modèle 2014/2015. Encore des footixs Ricains. Dommage et tant mieux en même temps. J’ai envie d’être le seul ambassadeur aujourd’hui.

Je t’interdis de chanter Oh Ville Lumière

Le match débute.
Je stress, tant mieux c’est bon signe, le décalage horaire n’y change donc rien.
Et très vite je fais comprendre à tout le monde pour qui je suis sur nos premières actions chaudes.

Ca joue, gros niveau, grosse ambiance au Parc de ce que je peux en entendre. Dès les premiers chants, je pense à mes potes en Quart de Virage Boulogne, je reconnais les paroles entre les commentaires en anglais « Allez Paris, Allez Paris, où tu es nous sommes là… » deuxième rasade de frissons. Je fredonne le chant doucement, comme un résistant en zone ennemie.

Ma nana m’entend : « je te préviens je t’interdis de chanter Oh Ville Lumière devant tout le monde ». Elle a senti que ma première pinte matinale commençait à faire son effet… pas faux.

J’en profite pour écouter les commentaires derrière moi. Ca supporte gentiment, ça fait des vannes, visiblement Willian en prend pour son grade, il sera la cible des critiques tout le match. Un Ricain bleu demande à ses potes « Who is this Matuidi ? Is he French ? ».
Je me retourne, le regarde et lui rétorque « He is ! » avec un air de vouloir dire « ta question est complètement con ».
Le mec me remercie de la précision. Des Ricains donc.

Le degoût et la rage

Je recommande une pinte.

Paris tient la dragée haute à Chelsea, putain si on avait ce niveau aussi en L1.
C’est beau, suis à fond dans le match, balance des insultes en français, fais exprès de les dire très fort. Le rosbif me repère, je sens que ça ricane dans mon dos. J’aime ça.

Ma nana trouve ça drôle, d’autant qu’elle a déjà descendu deux verres de vin rouge californien, et faut voir les doses dans les verres. Prévoyante en plus : « on commande un truc à bouffer à la mi- temps hein ? ». Par esprit fraternel avec le peuple anglais je décide que ce sera un fish & ships pour moi.

Et là, but d’Ivanovic sur une passe de Cahill en aile de pigeon qu’il ne fera plus jamais de sa vie… Ca hurle derrière moi, ça crie du « Iva Iva Iva » à tout va.
Et ça se re-calme tout de suite. Le dégoût et la rage.

Arrive la mi-temps.

Ma nana me demande si je vais tenir le coup.
Ca va mieux avec une troisième pinte.
J’ai les mains qui tremblent. Je vais au chiotte, je fais exprès en passant de raser le rosbif en le regardant bien dans les yeux. Puéril mais jouissif.

(c) Christian Gavelle
(c) Christian Gavelle

Le match reprend.
Egalisation d’Edi. Indescriptible joie et rage, j’hurle dans le bar en me levant comme si j’étais au Parc. Le silence derrière. Tout simplement FABULEUX.
Edi à jamais je te remercierai pour ce moment. J’ai eu le temps de voir son visage, son regard noir dans l’écran Samsung devant moi, cet air qui veux dire, « OK les gars, vous avez compris maintenant ? ». Je l’aime à cet instant.

Je commande une quatrième pinte.
Le match continue, je sens qu’on pourrait leur en coller un deuxième, on les mange. C’est dingue. J’ai laissé depuis longtemps mon plat qui refroidit comme l’ambiance derrière moi.

Sur un coup franc, David Luis déplace la marque en mousse de l’arbitre pour rapprocher le ballon d‘Ibra.
Ca réveille les schtroumpfs derrière moi, surtout l’anglais qui passablement éméché demande outré à l’assemblée :

« What the fuck is this rule, what the fuck ? »

Et là je me retourne, en français dans le texte « c’est ça le football papa ! »
Ma nana me demande de me rassoir et de la fermer. « je t’interdis de les provoquer, tu ne vas pas te battre c’est ridicule ». C’est vrai.

Javier Pastore rentre. Un ou deux spécialistes se rappellent de l’année dernière. Ca flippe un peu. Ca leur va bien.

Le match se finit. On méritait de gagner mais une immense fierté m’envahit. Sens la chaleur… des 4 pintes.
Derrière moi, pas un seul « Good Game », on sent les mecs tranquilles qui n’envisagent pas autre chose que la victoire au match retour. Aucun romantisme. Je sors du bar, le buste droit à la Cantona avec ma nana, je suis le seul accompagné d’ailleurs. Un Français quoi. Un parisien.

Parigot Gonzo

Un reportage de notre Gonzo dans les endroits les plus chauds et les plus improbables où vit la passion pour Paris…

On est le 10 décembre 2014 et l’action prend place au Camp Nou. Dans deux semaines c’est Noël et il fait froid mais pas trop. Paris a bien commencé l’année et puis bon, on les a pétés au match aller. C’est le grand soir, le soir du match le plus important à ce moment-là de l’année.

(c) Léopold Eymin
(c) Léopold Eymin

On joue le match retour contre Barcelone chez eux, dans leur foutu Nou Camp. Où l’ambiance se meurt, où les Messi, Xavi et Iniesta dominent le monde depuis trop longtemps, où on se prépare à l’exploit.

On c’est nous, c’est les 300. Comment décrire les 300 à ceux qui ne connaissent pas… C’est un groupe 300 amoureux du PSG, un club caché de fans qui cherchaient un espace d’échange constructif et pertinent, une armée soulevée et haranguée par le coach Jonathan C. (par respect, le nom n’a pas été modifié), un salon où débattre sur tout ce qui concerne notre club mais aussi, c’est vrai, une vraie pépinière de mecs sexy.

Ce qui n’ont pas fait le déplacement se sont donnés rendez-vous au Ballon, l’un de nos QG pour les matches à l’extérieur. A l’issue du match, on peut être les premiers de notre groupe de Champions League. Premier de notre groupe devant le Barça, ça claque.

Quelque part c’est vrai, on sait tous que ce serait un demi exploit hein.

Paris aime bien sortir des grands matches au bon moment, mais pour l’instant, pas assez régulièrement pour que l’on soit vraiment sereins…

Et pourtant… Tu te rappelles ? On joue depuis 14 minutes et dans leur tenue blanche, les parisiens sont vraiment fringants. Ils ont bien commencé le match en plus. Direct dedans tu sais. Ca circule, ça se voit qu’ils n’y sont pas allés avec la peur au ventre, on le sent bien ça, on la connait notre équipe.

Ibra il m’a toujours fait penser à ce vieux redoublant que j’avais dans ma classe de CM2…

Nous sommes dans la salle du bas qui nous a été réservée, on est une belle quarantaine et tout le monde est bien assis. Il y’a des maillots de toutes les époques, on chante et on fait des blagues. On a déjà bu en moyenne deux belles pintes et on est entre amis, en famille même.

On joue depuis 14 minutes et Ibra passe la balle à cet adorable feu follet de Lucas, Lucas le long de son couloir, Lucas qui fixe ce sale roukmout de Mathieu qu’on a toujours pas capté comment il s’est retrouvé à Barcelone, Lucas qui centre ras de terre pour le premier poteau (cette voix de Grégoire Margotton…) et Blaise, notre Blaise, notre fils qui remet direct sur Ibra qui a suivi resté un peu en retrait, pif pied gauche en demie volée entre le poteau et le goal barcelonais dont on se rappelle jamais le nom vu que ça fait je ne sais combien d’années qu’ils ont des goals nuls.

Je n’aimais pas du tout Victor Valdes, aucun swag. Barcelone ils sont tellement forts, on dirait qu’ils s’en foutent d’avoir un bon goal. Bref donc Blaisinho qui remet pour Ibra et buuuuut ! But de Ibra ! But de notre génie !! But de ce grand champion notre champion !!

Ibra il m’a toujours fait penser à ce vieux redoublant que j’avais dans ma classe de CM2, plus grand et plus fort que tout le monde, il m’énervait mais je faisais tout pour qu’il m’aime quand même… But du redoublant !! Tout le monde lui fait un câlin, c’est le plus grand.

A l’écran, l’entraineur catalan Luis Enrique tire la tronche. Nous on est comme des fous et on renverse nos bières en s’embrassant ! Qu’est ce que c’est bon ! Quel bonheur, je suis plein, plein ! Ils sont tous mes frères les 300, je ne sais pas toujours quel nom correspond à quel visage et quand je les rencontre je ne dis pas Adrien je dis Adrien Gingold mais après ils me disent aussi leur nom de famille et on s’adore, on est comme ça chez les 300.

(c) Léopold Eymin
(c) Léopold Eymin

On se fait la bise entre 300. Je peux loger n’importe quel 300 dès demain si il veut ! Surtout ce soir ! Je crois que j’ai embrassé Jean P. et Clément M., on était si heureux !

Mais sur le terrain c’est déjà reparti et le retour à la réalité ne va pas trainer… 18è minute, une balle lobée au-dessus de la défense de je-ne-sais-plus-qui, je me rappelle même m’être dit que cette passe était nulle, pas dangereuse pour un sou, excentrée à gauche, ce vieux Suarez dont je respecte pourtant l’âme de guerrier la reprend d’une espère de volée foirée du gauche encore plus nulle, c’est lent ça ne tient pas la route mais là tout s’accélère, la balle passe devant Sirigu, rebondit mollement, et ce diable, ce petit autiste, ce génie de Messi, toujours au bon dieu de bon endroit, se jette et marque la balle de l’égalisation. Fané. Déconfit. Trois minutes après.

A peine le temps de profiter.

Pendant les célébrations du but, Maschérano va parler à Luis Enrique, ce dernier se cache la bouche, comme si on allait lire sur ses lèvres, décrypter ses conseils et appeler nos contacts sur le banc de paris pour passer nos consignes. Oh putain, je sais pas pourquoi mais ça nous énerve à mort, on l’insulte, on l’insulte vraiment. On voit le ralenti, en plus c’est Mascherano qui fait cette passe moisie – mais en fait pas si mal – à Suarez. On est dingues.

En même temps, en 20 minutes on a déjà eu droit à un ascenseur émotionnel et au classement on est toujours devant eux, et ça on aime bien. Et puis on est bien dans le match et on est entre nous, donc on se ressaisit. On relativise. On s’y remet. Quand il y a une action, on crie, on encourage, on donne nos directives.

On aime bien pester

Pendant les minutes qui vont suivre, ils nous repassent en boucle dès qu’ils ont un instant le ralenti de ce vieux but de Messi, on n’aime pas ça, on peste. On aime bien pester.

28ème minute, Lucas loupe la balle du 2-1.. On entend fuser fameuse blague du « si c’était dedans c’était pareil ! ». C’est une de mes préférées, j’adore. Un running gag. Le must ultime, c’est quand tu regardes un math avec quelqu’un qui te la fait sérieusement. Priceless. Mon père en fait une aussi, quasi à chaque match : « les mecs sont payés uniquement à faire ça, ils font ça toute la journée, ils sont payés des miyions… même moi je la mets ». Systématiquement. Avant de se barrer à la mi-temps en grognant « de toute façon, on sait comment ça va se terminer ». Sacré Claude.

Bref.

La vie continue normalement jusqu’à la 41ème minute. Ca vient de nulle part. Neymar nous fusille. Frappe parfaite de la petite frappe ; Ibra perd la balle au milieu de terrain, confusion qui arrive finalement dans les pieds de ce génie dont on se disait qu’il ne tiendrait pas deux mois en Europe et qui finalement non seulement se met au service de Messi, mais en plus est meilleur à chaque match et en score des buts de plus en plus beaux à chaque fois.

Bref, Neymar a la balle, il s’avance, il est entouré de quatre parisiens et il décroche une frappe splendide. Rien à dire, il a fait précisément ce qu’il fallait faire. Magnifique. On est soufflés par son plat du pied. C’est millimétré, c’est vraiment bien joué. On chante quand même.

L’arbitre siffle la mi-temps et on sort tous clopper, reprendre une bière et il y en a un qui revient même avec un grec qui me donne faim. Rien à dire sur le second but mais le première nous laisse un arrière-gout amer. C’était pas à la hauteur du match. On sent le scénario honni qui se trame mais on reste focus. Il y a vraiment du bon, notamment Marco qui nous fait rêver.

Ce gamin on l’adore bordel. Depuis qu’il est arrivé. Quel style, quel toupet, quelle vision du jeu ! Il est magnifique à voir jouer, c’est un grand monsieur, il est jouissif. On le veut à tout jamais avec nous, on aimerait bien qu’il vienne dîner avec nous. On l’adore. On chantait ses louanges lorsque Cavani a eu une occasion.

La seconde mi-temps commence et nous, on chante dans la cave du Ballon. On a mis nos maillots, nos écharpes, les bières sont remplies et on chante. Javier va rentrer, c’est l’ovation, lui aussi c’est notre chouchou. Il divise un peu – notamment l’année dernière – mais s’il divise, c’est avant tout parce que chacun lui voit un immense potentiel. On est toujours plus exigeant avec les meilleurs, c’est normal.

Mais là déception, incompréhension, c’est Marco qu’il remplace. On ne comprend pas. Tudo est très énervé et il crie fort. Faut avouer qu’on ne comprend pas, vraiment… On a un peu peur de la suite des événements.

On le sent venir ce but qui nous enlèvera le « on n’était pas si loin » à la fin du match

Un peu plus tard, Blaise sortira… on est un peu déçus de sa prestation. Globalement, la seconde mi-temps est moins intéressante… On est montés trop haut en émotion pendant la première. On sent de moins en moins l’exploit possible…

On le sent venir. On le sent venir ce but qui nous enlèvera le « on n’était pas si loin » à la fin du match. Comme si c’était écrit, c’est Suarez qui le met à la 76ème, sur un tir même pas dangereux repoussé par Sirigu, et après que Messi se soit effacé pour le lui laisser. Ô générosité de Messi, Ô trio génial, Ô le fameux MSN qu’ils attendaient tous et qui se réveille contre notre PSG. MSN, quel surnom de daube. Trois buts dont deux sont à moitié casquette.

On est frustrés parce qu’on aimerait dire que c’est injuste… alors on dit que Laurent a mal coaché, et c’est surement vrai, mais ça marque malheureusement surtout la fin de la magnifique invincibilité parisienne, la plus longue de tous les clubs européens cette saison. Pis, ça marque le début de sa fébrilité que nous connaissons aujourd’hui, de sa période de doute, de manque d’envie, ces mois moribonds dont nous peinons à nous sortir…

Tout le monde est amer, la fin du match sera trop longue… On est frustrés. On cherche des coupables, on a besoin de coupables… on entend un « faut vendre Van Der Wiel et acheter Lichteiner ».

La méchanceté ça fait un bien fou quand tu perds au foot

C’est la 80è minute et il n y a plus de milieu de terrain, c’est difficile, c’est pénible, c’est poussif, on y croit plus, on n’y est plus.

A l’écran, on voit une spectatrice catalane. Quelqu’un gueule « T’as le sida ! ».  Tout le monde se marre. C’était marrant faut dire.

La méchanceté ça fait un bien fou quand tu perds au foot.

Sur le terrain ça devient très dur, trop dur. Ils marchent, ils traînent les pieds, il faut en finir.88è, Messi nous fait une ultime frayeur. Manquerait plus que ça.

90ème minute, coup franc de notre Ibra. On fait semblant mais on n’y croit pas, et lui non plus d’ailleurs. Ca part dans le public. « Ah bah au moins il aura dégommé un supporter ». Pour les blagues ça on peut compter sur nous.

C’aurait été bon, mais on était peut-être pas encore prêts pour ce genre de matches.Après ça va, on est qualifiés, on a fait un chemin magnifique… mais ç’aura été si beau !

« Bon bah j’espère qu’on aura notre chatte légendaire au tirage ».

Plus ou moins hein.