Oh! Champ10ns mon frère !

par

Dix titres de champion de France. La décimale vient enjoliver
la fin de la première décennie qatarie. Une réussite nationale qui, espérons-le,
n’est qu’une étape historique vers des lendemains sportifs encore plus glorieux.
Mais l’ADN parisien étant ce qu’il est, la performance rime plus
avec divergence qu’avec magnificence.

Certains oseraient presque la consonance avec une affligeante décadence, celle de notre identité bafouée par nos propres dirigeants. Cet important record hexagonal met en relief notre désaccord conjugal. Nous sommes devenus les rois, mais je n’aperçois que de l’effroi et du désarroi. Alors que les célébrations se noient dans la désunion, notre joie se confronte à la désolation. Il est temps de relever la tête, et de faire coalition, afin que, pour tous, Paris Saint-Germain rime de nouveau avec passion et émotions.

Pour certains, plutôt côté tribunes, P.S.G. signifie Partage – Saveur – Gloire. Pour l’exemple, cela pourrait être le partage d’un savoureux dixième titre qui apporte à nos couleurs une gloire certaine. A ces termes, déjà simples et basiques, nous pouvons en ajouter d’autres, tels que fierté, échange, engagement, communion, reconnaissance, solidarité, … . Pour d’autres, le P.S.G. est surtout une marque, axée sur cinq lettres capitales, que nous pourrions définir ainsi : le Pouvoir de l’Argent Ramène Indubitablement le Succès. Chacun choisit son camp, et s’arrange avec sa conscience. Difficile jeu d’équilibriste que de rendre les deux visions compatibles. Le Paris Saint-Germain mérite son dixième titre, il est allé le chercher, cela ne peut être contesté. Mais sa supériorité tient plus aux talents individuels qu’à sa solidité collective. La logique économique, celle qui veut que le plus riche s’en sorte le mieux, réduit fortement l’incertitude. La victoire devient une mécanique glaçante et l’échec une catastrophe industrielle. Ainsi s’explique en partie le désamour du public, et son absence cruel d’enthousiasme.

Ce dixième titre [même si en réalité nous devrions déjà être à ce palier, avec celui non attribué de 1993, mais là est un autre débat], dont l’étoile bientôt posée sur la manche de notre maillot prouvera à jamais tout le travail accompli, assoit notre prégnance sur le football français. Nos détracteurs manifestent alors une objection : Champions de la Ligue, mais pas de la Ligue des Champions. Là réside une autre partie de la frustration, mais aussi de l’incompréhension. Beaucoup de personnes au club, chez les joueurs, ou parmi les consultants et journalistes, pensent que c’est l’unique objet du malaise ambiant. Certes, c’en est une partie indéniable, mais le mal est bien plus profond. Le PSG est assurément le champion de la division. 

© Icon Sport

Un club englouti par son exub-errance. Des dirigeants obnubilés par leur image de marque, et surtout la marque du dollar. Des joueurs enfermés dans leur bulle. Des ultras enchaînés par leur souci de cohérence. Un Parc des Princes rempli de touristes à gogo, fans de « PARIS saint-germain » comme de Disneyland. Et au milieu, la masse des supporters parisiens, tous ceux que le club ne sait ou ne veut pas voir, mais qui sont pourtant sa vraie majorité, certes silencieuse mais bien présente. Tous ces lambda qui vivent et rêvent PSG sans pour autant craquer de fumigènes, mais qui savent parfaitement qui sont Pedro Pauleta et Safet Sušić, pour ne citer qu’eux. Ceux-là méritent bien autre chose que du mépris et de l’indifférence, sans que je ne sache lequel est le pire des deux. Le club et les joueurs ne le savent peut-être pas, mais le CUP n’a pas l’exclusivité de la passion PSG, les américains et les japonais non plus.

Il est temps de remettre le Rouge et Bleu au centre du projet. De redonner une âme populaire et locale à ce club mi-parisien mi-francilien. De le réorienter sur une vision capitale, avant de viser une hégémonie mondiale. La coolitude comme art de vivre est une visée respectable. Imposer le parisian lifestyle partout sur la planète n’a rien de condamnable. Mais se préoccuper d’abord de ses ouailles est la base de toute paroisse recommandable. Le Parc des Princes ne doit pas faire exception. Les responsables du Paris Saint-Germain devraient montrer l’exemple, en construisant ce grand club avec et pour leurs supporters, et non en suivant le seul objectif d’en trouver de nouveaux. Qu’ils ne s’inquiètent pas, la réussite attire toujours les chalands, il n’y a là rien d’antinomique.

J’entends certains de mes amis supporters affirmer que protester pour revendiquer chaque saison un maillot Hechter n’a aucune chance d’aboutir. Qu’il s’agit d’une peine perdue, d’un rêve utopique, d’une croyance basée sur une naïveté confondante. Nos hauts dirigeants, ceux qui détiennent le vrai pouvoir de décision, ainsi que notre tout puissant équipementier américain, n’ont qu’une seule ligne de conduite : les revenus générés par leur marque prévalent à toutes valeurs identitaires et historiques. Ce combat perdu d’avance, qui devrait pourtant n’être qu’une formalité et le premier des acquis, démontre tout le fossé entre les passionnés qui servent le club, et les opportunistes qui s’en servent. Un fossé qui s’est creusé encore davantage après plusieurs mois de séparation, crise du covid oblige, éloignant les corps, éreintant les cœurs, secouant les convictions, renforçant les lassitudes. Le temps post-traumatique n’est plus celui de la patience. La mobilisation rime avec l’abstention et tutoie la radicalisation. En football, comme en démocratie, la tribune est une urne citoyenne. Il ne tient qu’à nous tous de réduire ce fossé, mais n’inversons pas les rôles, c’est à celui qui détient le pouvoir d’en donner l’impulsion.

Pour ma part, je suis irréfutablement naïf et utopique. Mon romantisme jusqu’au-boutiste, que certains qualifient d’extrémisme, me pousse ainsi à envisager toutes les solutions, pour qu’enfin, sans longues palabres et incessantes négociations, notre identité soit préservée, passant obligatoirement par un maillot domicile qui soit toujours un Hechter, et notre maillot extérieur un des autres historiques. Pour y parvenir, voici la plus folle des propositions qui vient de traverser mon esprit : j’invite nos joueurs, Marquinhos, Marco Verratti, Kylian Mbappé en tête, à réfléchir à leurs propos d’après titre, et à essayer de comprendre, au-delà de l’affligeante élimination à Madrid, quelles sont les autres revendications. Ces trois joueurs, que nous jugeons indispensables, qui d’une manière ou d’une autre ont montré leur importance, et pour certains leur amour de notre maillot, ont indéniablement une influence auprès de notre propriétaire. Qu’ils prennent la peine d’écouter et de comprendre, peut-être même de rencontrer leurs supporters, et de dialoguer. Mon esprit perturbé me pousse encore un peu plus loin. Une fulgurance démentielle. Que nos joueurs nous prouvent leur amour de notre blason autrement qu’aux millions qui s’alignent sur leurs rémunérations. J’imagine Marquinhos, notre capitaine, ou Kylian Mbappé, notre prodige, intégrer dans leur actuelle négociation de contrat une clause de respect de l’identité du club et de ses couleurs ! Imaginez la révolution : Marqui et Kyky exigeant de jouer au Parc des Princes avec un maillot Hechter, caler entre la prime de victoire en Ligue des Champions et le nombre de jours de congés à Noël. Allez Capitaine, toi qui annonce vouloir jouer jusqu’à la fin de ta carrière au PSG, si tu fais ça, on te le promet, tu seras notre champion, notre frère Rouge et Bleu pour la vie.

© Icon Sport

Revenons sur terre. L’avenir y sera certainement plus rationnel, ce qui en langage PSG signifie toujours aussi imprévisible qu’aujourd’hui. Le propriétaire exige, le président représente, les dirigeants orientent, les salariés exécutent, les joueurs jouent, les ultras chantent, et les autres supporters achètent. Telle est la normalité. Un club de football est une entreprise, qui en respectant les règles capitalistes, appartient à son actionnaire, celui qui a mis l’argent pour l’acquérir. Il a donc tout le pouvoir pour en faire ce qu’il veut. Je ne peux encore une fois m’empêcher de rêver plus grand, de rêver d’un club qui ne soit pas qu’un jouet parmi d’autres pour son propriétaire. Je propose une toute petite évolution, une flaque d’eau pure et fraîche dans un océan de marketing : pour l’avenir de « notre » club, que nous souhaitons tous radieux, propriétaire, dirigeants, salariés, joueurs, supporters de tout bord, l’heure doit être au dialogue, et au respect de l’institution.

Je ne parle pas du sportif, qui suis-je pour exiger tel directeur sportif, tel entraîneur, tel joueur, tel schéma tactique ou telle composition d’équipe. Je parle du projet extra-sportif. Celui qui dans mon monde fantasmé devrait être un projet commun entre un club, tous ses salariés, et ses supporters. Des dizaines et des centaines de sujets pourraient être abordés, débattus, validés. La démocratie participative à la sauce PSG. A ce sujet, saluons le projet initié par nos amis de France Bleu Paris, mot de code #NotrePSG, qui donne la parole aux supporters et sollicite leurs propositions. Dans un club composé de plus de huit-cent salariés, c’est un comble d’en arriver à de telles initiatives parallèles, mais puisque leur regard n’est pas porté du bon côté, aidons-les à s’orienter. A cet effet, j’attends avec une certaine impatience de lire toutes ces idées, savoir moi aussi à quoi pourrait ressembler notre PSG. Fais-je totalement fausse route, ou mes idéaux sont-ils un tantinet partagés ? Voici quelques pistes succinctes qui ne seraient pas pour me déplaire :

  • Respecter et maintenir les piliers identitaires du club, consolidé par la signature d’une charte de la part de son propriétaire, qu’il adresserait aux supporters. Les bases : les couleurs des maillots domicile et extérieur ; le Parc des Princes (pas de déménagement et pas de naming).
  • Recentrer le projet sur les supporters, entendre par là tous les supporters. Le CUP est certes la seule association ultra, mais il n’a pas l’exhaustivité du supporterisme parisien, et ne peut pas être le seul interlocuteur du club. Je propose ainsi la création d’une entité regroupant tous les supporters parisiens qui le souhaiteraient, et dont des représentants désignés auraient audience régulière avec le club pour débattre des sujets extra-sportifs impactant sa vie, et son avenir. 
  • Cette proximité avec les supporters passe par un véritable service étoffé de référents-supporters, expérimentés des tribunes, et ne dépendant pas directement du service Sécurité. Alors que ce sujet avait été pris au sérieux après l’obligation légale de cette fonction dans l’organigramme du club, et l’instauration de deux référents fins connaisseurs de l’univers des supporters, les événements de cette saison 2021-2022 montrent clairement un changement de cap de la part du club à ce sujet.
  • Développer un vrai programme d’abonnés basé sur la fidélité et l’assiduité. Intégrer des avantages pour remercier les plus assidus, et limiter la revente (même si il est évident que le club bénéficierait ainsi d’une réduction de revenus billetterie, celle des abonnés qui revendent leur place aux touristes, notamment étrangers). Créer des passerelles entre les différentes sections (foot masculin, féminin, handball) et des avantages en billetterie.
  • Dans la ligné du groupement de supporters, créer une entité officielle regroupant tous les anciens joueurs ayant porté le maillot du Paris Saint-Germain, et dont des représentants désignés auraient audience avec le club, dans les mêmes assemblées que les représentants de supporters. 
  • Retirer dans les abonnements le paiement en supplément des quarts et demis de la Ligue des Champions (tout en gardant le tarif initial). Depuis cet ajout, le PSG n’a d’ailleurs jamais dépassé les huitièmes lorsqu’il y avait du public. C’est un signe que les abonnés ne doivent pas être des vaches à lait.
  • Mettre le parisianisme et le francilianisme comme base prioritaire de développement, que ce soit dans le déploiement de la marque et la proximité avec les supporters (des rencontres avec les joueurs). Cette orientation n’empêche en rien l’extension mondiale, mais cette dernière doit être un complément, et non pas l’unique visée stratégique.
  • Profiter du nouveau centre d’entraînement de Poissy pour créer une vraie relation entre les joueurs et les supporters, et non un bunker opaque sans aucun lien extérieur.
  • Intégrer le centre de formation au cœur du projet sportif (incorporer concrètement des jeunes dans l’effectif professionnel en leur donnant du temps de jeu / peser sur les instances pour réformer la législation encadrant les contrats et les transferts des jeunes footballeurs pour éviter le pillage des centres de formation français). Définir un équilibre entre l’intégration de ces jeunes « Titis » et l’ajout de stars étrangères, critère également indissociable de l’ADN du club et base du développement de la marque à l’international.

Ces quelques propositions non exhaustives restent des ébauches à travailler, des pistes de concertation entre supporters et salariés, le tout en préservant un respect mutuel, aujourd’hui très entamé. Alors surtout, n’oublions pas l’essentiel, notre désir commun, et notre credo pour y parvenir : 

Allez Paris ! Champions mon frère !! Ensemble nous sommes invincibles !!!


Benjamin Navet

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