Ce qui ne te tue pas te rend plus triste

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La douleur, la putain de douleur. Pour rien. Pour ça. Encore une fois.
Encore et encore et encore et encore. Le PSG n’est pas maudit, non, il est lourd, paresseux, décevant, frustrant, peureux, branleur, suicidaire, cannibale, médiocre, jamais au rendez-vous, il fait pleurer les enfants et serrer les poings aux adultes. 

Il ne mérite ni son peuple fidèle ni les louanges qui ont pu, ici ou là, exister les soirs de victoires flamboyantes. Le PSG est une banque que Nantes, Madrid ou Gueugnon peuvent braquer sans rien risquer. Le PSG, n’en déplaise à Zlatan, a cessé d’exister avec l’arrivée du Qatar. Le fric a tout écrasé, le fric a tout galvaudé. Nous pensions mériter le Graal continental simplement parce que nous étions riches. Immensément et éternellement riches. Les ânes, l’arrogance des ânes. Depuis deux ans, j’entends certains Parisiens presque revendiquer la Ligue des Champions. Nous pouvons tout acheter alors, pourquoi pas la victoire finale ? Connards. Tous. Les vannes qui déchirent nos âmes après ce nouvel échec sont méritées. Nous sommes pathétiques, nous n’avons aucune circonstance atténuante. Zéro. 

La talonnade molle de Marquinhos dans la surface, un gardien puceau qui louche et tremble à l’heure de la grande bataille et un autre gardien qu’on a préféré insulter publiquement, des passes dans l’axe, aucun mouvement, des marcheurs, des escargots, des dilettantes qui pensent que le calendrier démarre en février. Ah, la ligue 1, c’est pour les ploucs, ceux d’avant. Pareil pour nos couleurs, notre logo, nos maillots, notre jeunesse, ils ne servent à rien, ils sont des freins à notre expansion inéluctable. J’en rirais si je n’avais pas encore la haine à 13h39 un jeudi d’apocalypse. J’écris “nous” mais aujourd’hui, je mesure à quel point ma passion parisienne n’est plus qu’un souvenir sépia, rangé dans une boîte à chaussures oublié dans un grenier qu’aucun GPS ne saurait situer. À Madrid, c’était une confirmation. Un aboutissement. Une décennie de chèques en blanc, de n’importe quoi, de recrutements plombés. Ça empile, ça empile du nom ronflant, de la réputation qui se conjugue au passé simple ou au conditionnel, jamais au présent, ça affiche chaque année un peu plus son incompétence, cette morgue de nouveaux riches qui s’effondre au premier coup de vent. 

La réalité nous a rattrapés. Impitoyable. Quand j’entends Mauricio se plaindre de l’arbitrage, quand je vois nos onze pirates couler sans relever la tête, je me dis que toute cette mascarade en mondovision n’est que l’expression totale de la justice. Benzemada. Ahahahahahahahah. Paris était en respiration artificielle depuis des années, avec comme seule perfusion, Mbappé. Mbappé qui devrait nous quitter sans attendre. Il aime le foot le Golgoth de Bondy. Et il sait très bien que le foot, il se joue ailleurs, loin de ce carré VIP qui pue la clope froide et la vodka frelatée. Ce match, c’est un crime contre notre humanité. L’ultime affront. On peut bien changer d’entraîneur, brûler des cierges dans toutes les églises de la planète mais c’est le Qatar notre problème. Nous sommes donc baisés. Foutus. Condamnés à nous inventer des légendes, des malédictions qui n’en sont pas. 

À Bernabéu, nous nous faisons seppuku en direct. Un Real moyen aura suffi à nous tordre, à nous annihiler. Car il s’agit bien de ça. Nous n’avons pas perdu qu’une qualification. Nous avons tout piétiné. Des cendres, des ruines oui, un gâchis intersidéral. Tout ça pour ça. Minable(s). Le PSG a confirmé tout le mal qu’on pensait de lui. Un yacht à la dérive. La croisière s’amuse avant de sombrer. Titanic échoué dans le désert qatari. Capitulation. Combien de fois ai-je écrit un texte un lendemain de déroute ? Trop souvent. Je n’attends plus rien de ce club qui est un club riche mais qui ne sera jamais un grand club. Pour respecter l’institution, il faut que cette institution existe. Où est-elle ? Que peut-elle revendiquer cette institution fantoche ? Rien. Ah, si, on va me parler de cette finale et de cette demie ? Sans Navas, elles n’existent pas. Point barre. Il y a un numéro non surtaxé pour arrêter de fumer. Et celui pour décrocher du PSG, quelqu’un le connait ? Certains me traiteront d’ignoble défaitiste. Rien à battre. Souffrir ainsi dans le vide, c’est ridicule. Absolument abject. 

Il va se passer quoi maintenant ? On va insulter la ligue 1 jusqu’au bout, perdre contre Bordeaux dimanche avant d’offrir à l’OM le titre de champion ? Au point où on en est hein… Notre chantier est un bourbier. Nous sommes Aguirre qui s’enfonce avec sa folie dans la forêt pour ne jamais revenir. Nous sommes des clowns tristes. Dans un cirque aux gradins désertés. Parce que nous avions 13 points d’avance en championnat, parce que nous étions qualifiés en huitièmes, personne n’a voulu voir l’évidence : notre jeu n’en était pas un. Jamais. Combien de matches références cette année ? Aucun. Et pas de descentes au Camp des Loges, pas de tifos menaçants, pas de chants ironiques, pas de révolte. Ou alors à la marge. Comme si on craignait de froisser nos starlettes et qu’elles partent prendre du poids ailleurs. Les supporters parisiens sont devenus ces statisticiens aveuglés, ces groupies embourgeoisées. On gagne ? Alors ça va. C’est suffisant. C’est notre style, notre façon de faire. 

Je tangue entre la rage et la honte. La nostalgie et l’envie folle d’effacer mon disque dur interne. Big reset. Depuis mon réveil, j’écoute en boucles les pionniers du punk hardcore : Black Flag, Bad Brains, Negative Approach, Cro-Mags. Les seuls capables d’atténuer, un peu, cette douleur qui n’a pas lieu d’être. La violence par procuration. J’en suis là. On en est tous là. Rejouer ce putain de match. Si je pouvais remonter le temps et prévenir nos joueurs… Ça ne servirait à rien. Nous n’avons pas d’ennemis à Paris. Nous n’avons besoin de personne. ADN sabordage. Nos fondations sont en sable. Nos coeurs en carton. Nos âmes en solde. J’exagère ? Très certainement. C’est la voix de la déception qui s’exprime ici. Probablement. Mais comment ne pas aussi voir dans cette tragédie comique l’exact portrait de notre perdition ? De toutes nos errances coupables. L’image qui me restera de cette soirée cauchemardesque, c’est celle de l’entrée de Draxler. Ultime calembour. Dernier soubresaut avant le néant. J’ai dit à mon fils au moment d’aller le border qu’il pouvait choisir d’arrêter le massacre. Que je l’aimerai évidement toujours autant s’il décidait de se détacher du PSG. “C’est trop tard papa” m’a-t-il répondu. Haine. 

PSG4LIFE


Jérôme Reijasse

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