Diego Maradona Virage PSG

Diego

par

Diego est mort, quel Diego s’est demandé Angel Di Maria tant ta mort n’est pas concevable. Diego est mort, on dirait le titre d’un mauvais roman policier.
Diego Armando Maradona est mort, annonce la presse argentine, voilà ce qui est apparu sur mon téléphone, tel un crochet à la mâchoire,
j’ai eu quelques secondes d’absence pour me demander moi aussi
si on parlait bien de toi, eh oui, tu es bien parti.

J’avais onze ans en 1986 lorsque tu as éclaboussé la coupe du Monde au Mexique de ton talent hors norme, tu fais partie des joueurs qui ont ancré le football à ma vie, comme Michel ou Luis, tu m’as émerveillé, ce sport si facile à pratiquer, dans mon école, dans ma cité à Aulnay-Sous-Bois, quand nous passions notre vie les genoux râpés à force de gamelles, de coups de pieds, de passes ratées, en sueur, les tempes tambourinant, toi tu volais, tu flottais dans l’air, tout était facile, chacun des contacts entre toi et le ballon portait le sceau de la beauté, parfois même de la poésie, c’était moins le cas des contacts entre toi et certains défenseurs qui venaient déchirer ces instants souvent dans une extrême brutalité, c’était un ascenseur émotionnel classique quand on te regardait, même si tu n’as jamais porté les couleurs de mon club.

Tu avais une dégaine de gamin, et ton plaisir semblait pareil au notre, c’est peut-être pour ça que tous les enfants du monde se sont identifiés à toi, par hasard et par la grâce de Dieu, je suis gaucher, alors quand il fallait être toi j’étais plus légitime, qu’est-ce que j’ai pu être toi à la récré, trop jeune pour être Pelé et trop vieux pour être Ronaldinho. C’est étrange parce que souvent la mort de quelqu’un, la mort d’une idole, nous oblige à affronter la nôtre, la peur qu’elle provoque parfois chez ceux qui n’ont pas saisi la chance d’être en vie, et depuis ce 25 novembre, je ne me suis plongé que dans les moments heureux, les moments de grâce que tu nous as fait vivre, je me fous des erreurs que tu as pu commettre dans ta vie d’homme, il y a dans notre championnat un entraineur qui s’appelle Christian Gourcuff, et bien pour lui tu étais un bon joueur mais tu étais très loin d’être un homme exemplaire, si ça t’intéresse : tu étais l’absolu contraire de son fils. Quand tu es enfant, tu te fous de la vie d’un joueur, et quand tu es un homme il est toujours délicat d’en juger un autre.

Tu as grandi à Vila Fiorito, un bidonville de Buenos Aires, et le football t’a arraché à ta condition sociale, et comme tout ce qui est arraché, ça ne se fait pas dans la douceur. Peu importe, dès ton plus jeune âge tu as mis tes parents à l’abri, le reste tu peux le laisser à tous les Gourcuff du Monde. Quand je suis rentré à la maison mercredi soir, mon fils de 17 ans m’a immédiatement parlé de toi, un peu triste, peut-être un peu triste pour moi aussi. Mon père n’aimait pas le foot, il n’aimait pas grand-chose d’ailleurs, ce n’est pas lui qui m’a transmis l’amour de ce sport, je crois que j’y suis venu seul, tu faisais partie des compagnons que j’avais choisi pour m’accompagner dans mes moments de solitude, tu faisais partie de ma garde rapprochée, aujourd’hui tu laisses un vide, bien sûr tu n’étais plus un joueur depuis un moment déjà, mais te voir communier avec tous ces gens, toutes ces tribunes, voir tout cet amour que tu recevais, ça redonnait à chaque fois vie à l’enfant qu’on a en nous, qui croule parfois sous la triste réalité.

J’ai transmis mon amour du football à mon fils, alors forcément il parlera de toi au sien, alors peut-être il lui parlera de moi aussi. Je suis heureux de t’avoir connu Diego, heureux de m’être senti moins seul avec toi, moins petit. Les supporters de Boca te pleurent, ceux de Naples, ceux de River, ceux de Paris, ceux de Marseille, cette unanimité t’est singulière, hormis chez les Gourcuff, mais bon, qu’est-ce qu’on en a à foutre des Gourcuff ? Tu n’as jamais menti, parfois triché, tu étais un homme, un peu plus génial que les autres, ceux qui n’aiment pas le football ne retiendront que tes excès, ceux qui l’aiment te disent merci.

Merci pour toutes ces émotions, c’était fabuleux à vivre. Ton empreinte est si puissante, sur nos cœurs, nos mémoires, et sur le football, que tu renaitras dans chaque dribble, chaque chevauchée, chaque but exceptionnel ou geste hors du commun, et pour peu que le buteur soit gaucher ou Argentin, on te citera, on te comparera, sans pourtant ne jamais t’égaler. Tu vas créer une absence que seul un de tes buts pourrait consoler, mais cela n’arrivera plus, il va nous falloir grandir en faisant honneur à la vie et en devenant autant que possible nous aussi des hommes un peu plus géniaux que les autres.

On est parfois maladroit quand on est triste, mais je crois que je t’ai dit l’essentiel.

Gracias por todo.

Diego Maradona Virage PSG
Adios la Mano de Dios © Icon Sport

Arnaud Samson

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