Egouts et mauvais goût

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Avant le match face à Marseille au Parc des Princes, et en raison de son absence
des tribunes, le CUP avait décidé de déployer plusieurs banderoles dans la capitale
à destination des Marseillais. Le problème, c’est que les banderoles
étaient de très mauvais goût.

J’ai hésité à parler de ce sujet parce qu’il cristallise toujours les tensions. Si on critique les ultras, on est directement catalogué bien-pensant, moralisateur qui ne connaît rien au « folklore des tribunes ». Si on les défend, on ne peut qu’être un infâme misogyne, homophobe et donc forcément un peu fasciste. La réalité me semble bien plus nuancée. Mais la nuance n’est plus très tendance à notre époque. Il faut condamner quelque chose, tout le temps, très vite pour exister un peu, jusqu’à la prochaine polémique. Mais je n’ai pas envie de ne rien dire car à peu près tout ce que j’ai lu sur le sujet depuis dimanche m’a semblé très peu convaincant (à l’exception des Cahiers du Foot, comme souvent). Quel est le problème avec ces banderoles ? Le vocabulaire. Les défenseurs disent que c’était de la provocation, du chambrage classique entre rivaux. Quant aux accusateurs, ils dénoncent des propos misogynes, homophobes, virilistes mais surtout très vulgaires. Depuis quand les auteurs des banderoles du CUP sont-ils frappés par le syndrome Gilles de la Tourette ?

Les échanges entre rivaux par banderoles interposées ne sont pas une nouveauté. Tous les groupes y ont recours, ça fait partie de cette culture et en ce sens l’argument du « folklore des tribunes » peut s’entendre. Mais il faut quand même noter qu’elles ont été déployées en dehors du Parc des Princes, ce qui vient tout de même relativiser cet argument. En dehors du stade, les banderoles sont visibles de tous et il ne faut pas s’étonner qu’elles puissent choquer. Le ton était délibérément vulgaire, abusant de métaphores sexuelles pour humilier l’adversaire. Et c’est là qu’est le gros souci. Sodomie, pute qui suce l’Europe, Payet qui n’a soulevé que Ludivine… le champ lexical est gras. La vulgarité peut ne pas plaire mais elle n’est pas interdite, c’est entendu. Toutefois il n’est pas possible d’utiliser ces mots sans prêter attention à ce qu’il y a derrière. J’insiste bien sur le fait que ces banderoles se voulaient humiliantes. Se faire sodomiser serait donc humiliant, selon le CUP. L’accusation d’homophobie arrive forcément très vite, mais comme à chaque fois dans ce cas de figure, on me répondra que la sodomie n’est pas l’apanage aux homosexuels. C’est tout à fait vrai, les femmes aussi peuvent la pratiquer. Les propos ne sont donc pas seulement homophobes, ils sont aussi misogynes.

On me reprochera sans doute d’aller trop loin, de vouloir trop analyser ce qui n’est rien d’autre que du chambrage et qu’il n’y a pas d’intention malveillante dans ces propos. Peut-être. Mais je constate tout de même que malgré une première polémique il y a un peu plus d’un an sur ce même sujet, aucun effort n’a été fait pour ne serait-ce qu’envisager que ces propos puissent être choquants. Ce serait donc à ceux qui se sentent offensés de se débrouiller avec leurs émotions. Les supporters, eux, n’ont pas de temps à perdre avec ces chichis, ils ont de l’insulte à débiter. Et c’est précisément cette attitude qui me dérange aujourd’hui. Aucun effort n’a été fait. L’outrance est volontaire et ceux qui ne sont pas d’accord sont priés de se taire. Si le CUP avait voulu saboter sa réputation, il ne s’y serait pas pris autrement. Pire, en se comportant de la sorte, il donne la possibilité aux activistes de tout poil de se faire de la pub sur son dos. Entre certains pourfendeurs de l’homophobie qui ne réagissent que lorsque l’exposition médiatique est suffisante ou des féministes de fortune qui se désintéressent de la question sitôt le buzz retombé, tout le monde se régale à décrire les ultras comme des dégénérés infréquentables. Je sais que c’est on ne peut plus éloigné de la réalité, mais tout le monde ne fera pas l’effort de vérifier. Pourtant, avec de tels agissements, qui sont en plus assumés et revendiqués, le CUP tend le bâton pour se faire battre. Et sa crédibilité lorsqu’il dénonce, à juste titre, les mesures liberticides prises à l’encontre des ultras fond comme neige au soleil. Au passage, ces propos font aussi du tort à des associations qui tentent d’instaurer un dialogue avec les clubs et les supporters pour lutter contre l’homophobie, le sexisme et le racisme, pour faire réellement avancer les choses.

La défiance, la provocation et un certain sens de la rébellion font partie de la mentalité ultra. Je n’attends surtout pas d’eux qu’ils deviennent des spectateurs calmes et policés. Mais cela n’empêche pas d’évoluer. Arrêter d’employer ce vocabulaire ordurier et insultant ne fera pas d’eux des petits êtres fragiles. La virilité à laquelle ils semblent tenir par dessus tout n’est pas incompatible avec un peu de discernement. Et malheureusement si de nouvelles manifestations de ce genre (banderoles ou chants insultants) devaient se produire, il serait de plus en plus difficile d’en nier le caractère homophobe et sexiste. Alors plutôt que de se perdre dans des dénégations qui n’effaceront de toute façon pas ce qui a été dit, pourquoi ne pas mettre cette énergie dans la réalisation de banderoles moins ordurières ? Il n’y a pas si longtemps, le chambrage du rival historique se faisait avec beaucoup plus d’humour, de finesse et d’efficacité. Le meilleur exemple étant le célèbre « Droit au bus ». Quand on veut représenter la Ville Lumière, il est préférable de ne se vautrer ni dans la boue, ni dans les égouts. Laissons cela à qui vous savez.


Café Crème et Sombrero

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