Ennemis intimes Virage PSG

Ennemis intimes

par

Alors que, 72 heures après notre si belle victoire, je plane encore à dix mille pieds (la phrase qui provoque direct une branlette de Tron en cabane), mon cœur chrétien ne peut s’empêcher d’avoir de la compassion pour… L’Olympique de Marseille.

Si Paris est magique, l’OM est sans aucun doute pathétique avec son propriétaire yankee, son plan Marshall de pacotille, son président Harry Potter condescendant, ses matchs atroces, son palmarès de néant, son classement risible, son effectif en carton, ses transferts hallucinogènes, son éternel employé du mois KFC et son chignon de sumo. Et ses tribunes désespérément vides. N’en jetez plus. Je devrais simplement m’en réjouir. Nos ennemis de (pas vraiment) toujours sombrent chaque jour un peu plus et cela devrait suffire à mon bonheur. Non. Je déteste cordialement les supporters sudistes. C’est entendu. La plupart de ceux qui liront ce texte également j’imagine.

L’autre jour, suite aux rumeurs récurrentes de changement de taulier phocéen, j’imaginais un OM racheté par un Saoudien, des arrivées de joueurs haut de gamme. Un OM qui pourrait enfin nous regarder droit dans les yeux. Et je n’ai pas aimé cette idée. Je ne rêve pas d’un affrontement à la loyal avec l’OM. Si on peut continuer à les démonter dix années encore, je signe des deux mains et des deux pieds (George, calme toi !). Je m’en fous de l’équité, de l’esprit sportif, de la saine concurrence. Rien à battre. Je ne suis pas là pour ça. Je hais l’OM et ça me convient. Je ne suis pas un plouc. Ma haine est romantique, enfantine, théâtrale, méchante. Je ne suis pas un hooligan. Ma haine n’exige aucun sang versé, aucune humiliation physique (à l’exception de Neymar sur Alvaro).

J’ai des amis marseillais aussi cons et exaltés que moi. J’en profite d’ailleurs pour embrasser Tania S, fervente marseillaise et qui pourtant, il y a dix ans, accepta de faire gratuitement la promotion de mon livre Parc (toujours en vente, toujours chef d’œuvre ! 13€ frais de port inclus), non pas par simple amitié. Mais parce qu’elle s’était aussi reconnue dans quelques pages, quand la passion était racontée sans mytho ni artifice. Je salue aussi IAM. Akhenaton m’a prédit notre défaite 1-3 la veille de notre déroute contre MU, avec un grand sourire. Il m’a fait porter par coursier un coffret IAM de leur nouvel album, avec une petite vanne en guise de dédicace tracée sur la pochette de la chose, au feutre, le surlendemain de la désormais effacée remontada. Et pourtant, certaines des discussions les plus drôles et les plus vibrantes que j’ai eues sur le football, c’était avec IAM.

Et ce soir, je pense à l’Olympique de Marseille. À la révolte des supporters. La descente à la Commanderie… Cette descente… on dirait les bastons terminales Boulogne/Auteuil… manque plus qu’un cadavre. C’est en tout cas un excellent moyen d’accélérer une possible revente. On excite quelques déçus sincères et puis… des images de fumis, des grillages arrachés, des flammes. C’est grave ! C’est presque la guerre civile à l’OM ! Toujours la même fumisterie. Les mêmes grosses ficelles. On nous rejoue la carte de la violence urbaine. La France a peur. Toutes ces salopes que j’ai croisées dans ma vie qui me disaient, convaincues : « Thatcher, tu peux ne pas l’aimer mais les stades sans violence, c’est grâce à elle. » Marseille le sait : si elle veut survivre à l’ultra libéralisme, si elle veut avoir une petite chance d’intégrer la future et immonde ligue fermée européenne, elle doit devenir ce centre commercial géant où des zombies déambulent entre deux hot-dogs et trois buts d’une méga star, elle doit pacifier, elle doit transformer ses supporters en clients. Elle doit tout raser.

Les petits épiciers du foot, tous ces crétins qui passent leur vie à pleurer sur les réseaux ou au comptoir sur les millions perdus sur tel ou tel transfert, me rétorqueront qu’en rasant tout, l’OM pourra enfin mettre fin au véritable trafic lié aux abonnements de ses ultras. Et assainir à tous les niveaux. Des experts-comptable les mecs… Le résultat sera évidemment le même qu’à Paris. Demain, après-demain, l’OM va connaître son plan Leproux. La morale l’emportera politiquement, médiatiquement. Et le chantier du parc d’attraction pourra débuter. Les supporters sudistes le savent peut-être déjà. Moi, quand je me souviens de ma dernière journée au Parc en tant qu’abonné, je n’oublie pas que je n’y croyais pas. Pas encore. Non. Il n’y aura pas d’aléatoire, pas d’interdiction de fumer, pas de virages sans ultras, sans fumis, sans… Passion.

Et puis, un matin, c’est là. Tu n’y peux rien. La frustration l’emporte. Et arrive alors la tristesse. Profonde. Permanente au début. La femme de ta vie qui te claque la porte au nez sans prévenir. Il ne te reste que les photos. Et tes souvenirs. La chair est morte. Désormais, ce sera ton canapé. Ta nouvelle solitude. Et il n’y a pas de machine arrière. Juste un rétroviseur un jour de pluie. C’est douloureux de ne plus aller au Parc. Aujourd’hui encore. C’est comme ça. Et je plains sincèrement les passionnés marseillais. Je me sens aujourd’hui bien-sûr proche d’eux. S’ils veulent (re)jouer dans la cour des grands, ils doivent céder une partie de leur cœur et de leur âme. Le prix est lourd. Pour les romantiques comme moi, il est presque écrasant. Mais ils n’ont pas le choix. C’est déjà presque fini. Je serais eux, je me demanderais, non sans angoisse, si un jour, je pourrais même revenir au Vélodrome en tant qu’ultra. Ils pensent que ce n’est que partie remise, que dès que le covid se sera fait la malle, hop, comme avant, en tribunes…

Certains ricaneront en me lisant. Qu’ils ricanent. Ceux qui ricanaient quand le Qatar a signé le premier chèque sont aujourd’hui H24 sur betclic et ont probablement acheté le nouveau maillot psychédélique et ignoble. Les autres, ils existent, verront de quoi je parle. On va encore me traiter de rabat-joie. De peine-à-jouir. Me dire que l’ambiance au Parc est quand même pas si naze, qu’on voit du beau foot sur la pelouse, qu’on peut enfin aller au Parc en famille et sans risque. Je l’écris sans cesse et je crois que je n’ai rien d’autre à écrire : J’ai perdu la bataille. Je le sais. Je suis, au mieux, redevenu un civil. Au pire : prisonnier de guerre à vie. il ne faut pas galvauder sa passion. Ou c’est alors la mort qui frappe à la porte. C’est abdiquer, renier une ultime fois sa part d’innocence. C’est une violence. Un serment brisé. Ce sont les choses insaisissables qui font une vie. On va exiger des ultras marseillais qu’ils deviennent des adultes responsables. Des consommateurs bien élevés. Des obéissants ou des morts. Et même si je continuerai à vous insulter à chaque Clasico, chers ennemis, je tenais à vous le dire. Je vous plains.

PSG4LIFE


Jérôme Reijasse

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de