Fabrice Poullain Virage PSG

Fabrice Poullain

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Pur produit de la formation à la nantaise, Fabrice Poullain a décidé de quitter
le nid des canaris pour rejoindre le PSG en 1985. Un choix judicieux puisque
le club de la capitale sera couronné pour la première fois champion de France,
lors de la saison 85-86. Des souvenirs impérissables, Fabrice en a pleins,
et il nous en a fait part durant cette interview où l’amour du foot prédomine toujours.

Comment commences-tu le football ?

J’ai commencé à jouer au foot avec mon frère aîné. Je viens d’une famille de footballeur. Mon oncle aurait pu s’engager dans un club professionnel mais il était boulanger et à cette époque tu n’avais pas les mêmes perspectives qu’aujourd’hui. On allait donc voir jouer mon oncle. Il m’avait donné un ballon fait en vessie avec des coutures. C’était donc un ballon en cuir véritable ! On avait un terrain de foot à côté de la maison et on passait notre temps à jouer avec mon frère après l’école.

C’était quelle année ?

Vers 1972. J’étais en Charentes-Maritime. J’ai commencé Poussin-Pupilles, ces catégories qui n’existent plus aujourd’hui. Puis je suis allé en sport-études à Angoulême. Je jouais en même temps pour les cadets nationaux, aujourd’hui ça doit être les U15. On avait une équipe à Saintes. A cette époque j’avais remporté le concours du jeune footballeur, j’avais été présenté en ouverture de la Coupe de France entre Nancy et Nice en 1978. Puis j’ai fait toutes les catégories en équipe de France. A l’issu de ma seconde, je suis parti au centre de formation de Nantes. J’avais plusieurs propositions. Sochaux, Saint-Etienne, mais Nantes, c’était à côté de chez mes parents. Et puis c’était la formation à la Nantaise. J’ai signé aspirant. On n’était que deux. J’étais avec Pierre Morice. On avait vécu 6 mois à l’hôtel le temps que le centre de la Jonelière se termine. On a retrouvé la génération d’avant-nous à l’ouverture. Ayache, Bibard, Touré, Picot… Puis j’ai enchaîné aspirant deux ans, stagiaire un an au lieu de trois et j’ai signé professionnel derrière. C’était en 1980.

Tes parents étaient derrière toi dans ce choix de carrière ?

Mon père m’a toujours soutenu. Il m’emmenait à droite, à gauche tous les week-ends. Mes parents avaient aussi des amis proches de Raymond Kopa. Je l’ai rencontré plusieurs fois. Il avait conseillé à mes parents de me donner la possibilité de faire ce métier. J’ai aussi rencontré Michel Hidalgo. J’ai eu la chance d’être entouré. Ils ont cru en moi.

Pourquoi avoir décidé de quitter le nid nantais pour aller à Paris en 1985 ?

Dans la vie en générale, je me remets tout le temps en question. J’aime les challenges, les nouveaux projets. Je suis capable de repartir de zéro. J’arrivais en fin de contrat avec le FC Nantes. Max Bossis et Thierry Tusseau étaient partis. Il y a deux trois petites choses qui avaient déstabilisé la famille du FC Nantes. Et j’étais quelqu’un d’ambitieux. Je voulais avoir la chance de jouer en équipe de France. Je voulais passer un palier. Quand le PSG m’a contacté, j’ai dit oui tout de suite. J’ai rencontré le président Borelli qui a été très honnête avec moi. Je n’étais pas son premier choix. On était deux à Nantes dont il avait coché le nom. Le deuxième c’était Seth Adonkor. Mais il s’est tué en voiture en 1984 dans un accident terrible durant la saison. C’était très dur. Je n’aime pas dire ça, mais j’ai bénéficié d’un concours de circonstance. Mais je me suis toujours dit que je me devais de faire quelques chose à Paris, pour la personne qui était partie et qui devait surement signer à ma place. C’est aussi pour ça que j’ai accepté de signer.

Fabrice Poullain Virage PSG
Deux anciens canaris qui ont pris leur envol (avec Max Bossis) © DR

Il y avait un nouvel entraineur à Paris, c’était Gérard Houillier. Je suis arrivé avec 10-12 nouveaux joueurs. La première fois au Camp des Loges, il m’a même demandé qui j’étais. Il ne m’a pas reconnu tout de suite, car on était nombreux. Je suis donc arrivé dans un univers que je ne connaissais pas mais j’ai passé trois années exceptionnelles dans ce PSG du président Borelli. C’était un grand monsieur. Il avait ses qualités et ses défauts, mais il avait réussi à créer un club familial avec de très grands joueurs. En plus on a été invincibles dès ma première année. On a gagné le tournoi de Paris, le titre de Champion de France 1985-1986. J’étais sur mon nuage. Mais j’ai bossé comme un fou. Il y avait du monde au milieu. On avait fait un stage de pré-saison au Pays-Bas et tout le monde s’était battu pour gagner sa place.

Tu as joué avec Safet Susić et Glenn Hoddle. Lequel pour toi était le plus fort.

C’est compliqué car ce sont deux joueurs de très grand talent. Safet était beaucoup plus dribbleur. Après dans ma position, c’était simple. Dès qu’on était embêté, on leur filait le ballon et ça ressortait propre. Glenn était plus un passeur. Il était capable de donner des ballons de 50 mètres dans les pieds. Safet était plus individuel mais à lui tout seul il pouvait faire basculer un match. Techniquement il pouvait tout faire. Et puis c’était deux super mecs.

Sur la saison du titre en 86, est-ce que le club était Susić dépendant ?

Safet pouvait, comme je le disais, faire la différence à lui tout seul. Mais honnêtement avec cette équipe-là, tu pouvais aller loin. On avait Joël Bats dans les buts, Philippe Jeannol, Jean-Marc Pilorget, Luis Fernandez, Dominique Rocheteau… On était hyper complets. Mais dans ce collectif tu avais l’individualité de Safet qui ressortait et qui te permettait d’être au dessus. Bien-sur il a été important mais il y en a plein d’autres qui l’ont été tout autant.

Pourrait-on faire un parallèle aujourd’hui entre Safet et Neymar ?

Il y a des joueurs qui sont supérieurs dans un domaine mais si on ne leur met pas des joueurs autour capables de leur permettre de s’exprimer pleinement, ils ne font rien. Neymar a beaucoup de joueurs avec lui qui courent, qui lui donnent de bons ballons, qui sont là pour l’encourager. Neymar est un footballeur hors-norme mais il ne peut pas joueur tout seul. Je préfère dire qu’il est un joueur différent mais qui a besoin d’un collectif pour se réaliser.

Fabrice Poullain Virage PSG
Capitaine Poullain © DR

Deux années après le titre de 86, le PSG vit une saison très compliquée. Comment as-tu vécu cette lutte pour le maintien ?

Il y a eu plusieurs raisons à cela. Pour commencer il y a eu le départ de Luis Fernandez pour le Matra Racing. Le recrutement avait déstabilisé le groupe. En avant-centre on avait Jules Bocandé, Vahid Halilhodzić, Dominique Rocheteau et Safet Susić. Faire jouer ces 4 joueurs en même temps ce n’était pas simple tactiquement. C’était aussi compliqué pour trouver l’équilibre entre ces fortes personnalités. Et à Paris tu as une pression différente. On n’a peut être pas su la gérer en tant que joueurs. Après 86 il y a eu une euphorie énorme. Progressivement il y a eu une usure. Et quand ça part mal, ça finit rarement toujours bien. Le groupe s’effiloche, les joueurs pensent plus à eux qu’au club. C’est comme ça qu’on met une équipe et un club en danger. Il a fallu se battre jusqu’à la fin pour se maintenir.

Sur tes 3 saisons à Paris, est-ce qu’il y a un joueur qui t’a marqué plus qu’un autre ?

C’est Luis. Quand je suis arrivé il m’a pris sous sa coupe. Luis est entier, il est issu d’un contexte où il a toujours besoin de prouver. C’était pareil pour moi. J’étais jeune, j’arrivais de Nantes, je ne trichais pas, je donnais tout. Là-dessus on s’est tout de suite entendu. On était tout le temps ensemble, sur et en dehors du terrain. Il m’a permis de grandir.

Des anecdotes avec lui ?

Il y en a plein. Luis a toujours été un passionné de chevaux. Je me souviens qu’on partait à Chantilly le matin tôt avant le levé du jour pour aller voir les chevaux s’entrainer.

Au niveau sportif, il y a des matchs qui sont restés ?

Le match du titre face à Bastia en 86 bien-sur. C’était une fête incroyable. Mais cette année-là, le Parc des Princes c’était quelque-chose. C’est le stade qui m’a donné le plus d’émotions. Très honnêtement, à chaque fois que je rentrais sur la pelouse, j’avais la chaire de poule.

Pourquoi quitter Paris en 1988 ?

J’avais perdu ma place en équipe de France. Je voulais un nouveau challenge pour rebondir. Et il s’est passé des choses pas bien à mes dépends. J’étais en fin de contrat et j’ai donc décidé de partir. Je suis allé à Monaco car je pensais que c’était le mieux pour moi mais je crois que j’aurais mieux fait de rester à Paris. J’ai fait une erreur sportive.

Tu as occupé un poste de Coordinateur Sportif à l’AS Monaco lors de leur parcours jusqu’en finale de Champions League en 2004. Comment juges-tu la façon dont ils ont géré ce parcours, comparativement au PSG qui s’arrête souvent en 8ème ou en quart.

Fabrice Poullain Virage PSG
Epoque Rocher avec la Desch’ © Panoramic

Avant tout c’est une question de mentalité. Quand je suis arrivé, le club devait être rétrogradé par la DNCG. Tous les joueurs, que ce soit Ludo Giuly ou Jérôme Rothen, avaient décidé de rester pour permettre au club de garder sa place et de rebondir. On avait fait une très bonne année. Et tous ces joueurs voulaient découvrir la Champions League avec Monaco. A la base, c’est une aventure humaine avant que tous les autres éléments ne viennent rentrer en ligne de compte. On a aussi eu la chance d’aller chercher Fernando Morientes suite à la blessure au Parc de Shabadi Nonda. Fernando a été le déclencheur de part son professionnalisme et son humanité. Il ne pouvait rien arriver à ce groupe. Tous les joueurs que compte aujourd’hui l’effectif du PSG, sont de grands joueurs. Ils ont tout connu d’un point de vue international. Ils sont hyper médiatisés. Pour gagner une C1, avant d’avoir des individualités, il faut une mentalité différente. Et on le voit bien, car je suis toujours le PSG, dans les matchs importants il n’y a pas toujours un groupe unis à Paris. On ne sent pas un homogénéité comme on l’avait à l’AS Monaco. Je ne remets pas en question la valeur des joueurs. Mais il faut une envie folle de faire gagner le club quand on dispute la Champions League. Il y a toujours des histoires à Paris avant ces grands matchs. Pour exemple, pourquoi on a fait un mauvais match face à Porto en finale avec Monaco ? Ludo Giuly s’était blessé très vite certes, mais il y avait eu des histoires en interne avant ce match. Le groupe s’était fissuré. Et donc sur le terrain c’était pareil. Normalement il ne doit rien arriver à ce PSG-là. Et on verra tout de suite si les mentalités ont changé d’ici peu.

Le match retour face à Dortmund a donné quelques signes encourageants ?

Oui mais c’était un match particulier, sans public, dans un contexte très spécial. Et puis je vais être honnête, même si je leur souhaite de gagner cette compétition, cette année ce ne sera pas la vraie Coupe d’Europe. Ce sera certes un titre, mais avec un final comme ça, sur des matchs secs sans public, pfff… ce n’est pas la Coupe d’Europe. Et sans supporter le foot ce n’est rien. Il faudra donc la regagner la saison prochaine, ah ah ah.

Tu es donc resté supporter du PSG ?

Je ne suis pas parisien mais on m’a donné la possibilité de jouer au PSG, j’ai vécu en osmose avec la ville. Quand tu as la chance de descendre les Champs-Elysées en Renault 5 GT Turbo (prime de victoire du championnat), que tu fais la fête, tout ça à 24 ans, c’est génial. Et puis cette saison-là, on avait décrété avec tous les joueurs de l’effectif que nous allions manger avec nos femmes dans un restaurant parisien après chaque match à domicile. Et dans un restaurant différent. Dans une pizzeria à Neuilly, aux 3 obus… On tournait. On avait créé une vraie relation avec les supporters et les gens car on était proches d’eux, on était accessibles. C’était important et j’ai vécu des choses qui resteront au plus profond de moi pour toujours. Bien-sur tout a changé aujourd’hui. Tout est beaucoup plus feutré, stricte.

Parlons du présent. Aujourd’hui tu travailles avec l’équipe féminine des Chamois Niortais. Raconte-nous cette aventure ?

Ça faisait 25 ans que j’étais à Monaco. Ma famille me manquait. Ils sont à l’Ile D’Oléron. J’avais besoin de me rapprocher d’eux et de retrouver certaines valeurs. J’ai monté un projet de chambres d’hôtes. Mais à un moment le football me manquait trop. J’avais besoin de retrouver le ballon, les discussions d’avant match etc… Je suis retourné à Paris passer des diplômes où j’ai retrouvé des anciens comme Martin Djetou, Sammy Traoré. J’ai passé mon B.E.F (Brevet d’entraineur de football) pendant une année. J’ai rencontré également Gregory Malicki, ancien gardien du Losc et d’Angers qui m’a parlé du projet féminin à Niort pour lequel les dirigeants cherchaient quelqu’un. La Coupe du Monde en France se profilait. J’ai commencé par entrainer l’équipe puis je suis devenu responsable de la section féminine. Ça fait maintenant 3 ans. L’objectif est de monter en D2 nationale. C’est un gros palier mais on a tout restructuré. On a créé un sport-études à Niort. C’est un énorme travail, j’y suis du lundi au dimanche mais avec un retour extraordinaire de ce monde féminin.

Tu retrouves une certaine fraicheur par rapport à tes débuts ?

Complètement. Je retrouve un jeu sans calcul, un investissement sans arrière-pensée. Personne ne se plaint et ne triche. Les filles s’entrainent 3 fois, bientôt 4 fois par semaine. Elles sont à l’école ou travaillent. Il y a une rigueur et une écoute qui est très intéressante.

Tu te vois continuer encore longtemps dans le foot ?

Aujourd’hui j’ai 58 ans. Je sais que les nouveaux challenges vont devenir plus compliqués. On est un peu une génération oubliée. Chez les jeunes, personne ne se souvient de Fabrice Poullain capitaine du PSG ou joueur de l’équipe de France. Il faut savoir l’accepter. Pour l’instant je suis bien là. Mais je ne vais pas continuer jusqu’à 80 balais, surtout qu’il y a des jeunes derrière qui sont super bons. Et les mentalités, les exigences, les centres d’intérêt ont changé. A un moment il faudra prendre un peu de recul.


Xavier Chevalier

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