Jerome Leroy Virage PSG

FC Procuration

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C’est l’histoire d’une finale de Coupe de France 2007 à laquelle rien ne me prédisposait à assister… une finale pas comme les autres, opposant deux équipes pour lesquelles j’avais à l’époque au mieux de l’indifférence (le FC Sochaux),
au pire du dégoût de longue date (pas besoin de préciser le nom du club
qu’on ne prononce pas – emoji poisson).


Rapide retour sur les éditions précédentes, depuis 2001/2002, Paris gagne la Coupe de France, ou perd face au futur vainqueur. Une défaite incompréhensible en 2002 au Parc par un après midi ensoleillé contre l’équipe B des Merlus, bien que Luis Fernandez avait ce jour-là aligné en 90mn Ronaldinho, Okocha, Alex, Aloisio, Arteta, Fi*rèse, Ogbeche et Jérôme Leroy (spoiler, j’en reparle plus tard).

2003, défaite en finale contre Auxerre, on ne pouvait sans doute pas la gagner avec un Hugo Leal certes buteur, mais qui portait le numéro 9 ce soir-là. Dans le dernier quart d’heure, Djibril Cissé et Boumsong terminent Paname dans ce qui était un peu une classique à l’époque pour le club parisien, la fin de match difficile.

2004 Paris la gagne contre Chateauroux, 2005 les Bourguignons nous kickent une nouvelle fois, en huitièmes, et 2006, plaisir d’offrir, Kalou et Dhorasoo marquent les buts qui permettent à l’OM de rentrer « Droit au bus ». Un but après 5 minutes de jeu ça aide (re spoiler : mais pas à chaque fois).

Jerome Leroy Virage PSG
« Tu vois Jacques, c’est ce truc dont je te parlais que Marseille gagne jamais… » (c) Panoramic

Alors, me demanderez-vous, qu’est ce que je foutais au Stade de France ce samedi 12 mai 2007, qui plus est avec le poto Massaër, le frère d’entre les frères, lui si désespérément supporter du FC Sardines, à voir s’affronter son équipe fétiche et des Doubistes qui avaient eu le culot de taper le tenant du titre en 1/4 de finale ?

La réponse est sans doute partiellement dans l’énoncé, en tous cas cette soirée fut mémorable, et j’en garde aujourd’hui encore un souvenir aussi vivace que certaines des plus belles parties de notre club parisien chéri. Et surtout, un de nos potes commun nous avait gracieusement lâché ses places pour le SdF. Lui qui s’était cogné la finale de Champions Arsenal/Barca la saison précédente n’avait pas la foi pour ça.

Moi de mon côté j’y allais en me répétant comme un mantra: « Marseille ne PEUT PAS succéder à Paris, Marseille ne PEUT PAS gagner ».

Arrivée au Stade de France, c’est plein de plein. 90% du stade bleu et blanc, il reste une partie du virage derrière Teddy Richert qui s’est parée de jaune pour supporter les Lionceaux.

Moment de doute, je n’ai pas l’habitude de prendre le RER pour me retrouver 30mn plus tard au Vélodrome. Doute rapidement levé quand je commence à prendre la mesure de la suffisance collective qui suinte dans tout le stade. Cette impression que le match est déjà joué me donne en quelques secondes la certitude qu’on va bien rigoler.

Jerome Leroy Virage PSG
« Ok donc je dois tout faire moi-même apparemment » (c) Panoramic

Empathie et soutien supplémentaires, s’il en était besoin, pour les petits Sochaliens, coachés cette saison-là seulement par Alain Perrin – ancien entraîneur de Marseille – et menés techniquement par Karim Ziani (futur marseillais dès la rentrée suivante) et l’extraordinaire, l’unique, l’irréductible Jérôme Leroy, revanchard comme pas deux et jamais aussi fort que contre un ancien club… Face à eux, une bonne grosse équipe de marseillais, qui aligne tout de même Ribéry, Nasri, Djibril Cissé et Niang Mama au coup d’envoi.

5ème minute de jeu, premier ballon du match pour Cissé, le gars cale une grosse tête un peu rose, un peu blonde, depuis les 5 mètres 50. Le stade explose, et fait étonnant quand on considère le temps qu’il reste à jouer, entonne direct des chants de victoire. S’il me fallait encore une preuve, je l’avais là, et je prends un plaisir certain à annoncer haut et fort à mon pote que c’est ce qui va précipiter leur chute. Ah oui, précision utile, nous sommes dans une tribune gavée de supporters phocéens, c’est le feu autour de nous, et mon pote me prend déjà de haut, du haut de ses 2 mètres. Il abonde dans le sens de tous les gars qui se voient déjà arrivés après la rouste de la finale précédente, j’ai même des groupes de gamins en survêt’ aux couleurs de leur club, qui ont dû être acheminés jusqu’à la capitale par Téléfoot, qui me matent chelou parce qu’ils ont bien compris que je suis l’intrus de leur tribune. Ah, et quand je dis le stade, il faut en réalité entendre leS stadeS : celui à Marseille est également plein, et regarde le match à distance sur écrans géants !

Quelques minutes plus tard, un sochalien touche la barre après un lob sur Carrasso. C’est à ce moment que je commence le travail de sape, collectif, sur mon pote, sur ces gamins qui auraient mieux fait de rester ce weekend-là en Haute-Loire, sur les darons tout autour de moi qui ont vite capté que j’allais les pourrir tout le match. Le plus beau dans l’histoire est d’avoir pu faire le malin tout ce temps en me reposant exclusivement sur le doute que mon pote inspirait à ces idiots, alors qu’en réalité, je ne suis jamais passé aussi près de me faire jeter sous le bus…

Je me permets tout, graduellement. A 1/0 pour Marseille, je débute par des applaudissements solitaires sur des beaux renversements de jeu de Sochaux. Ils jouent pas mal, donnent l’impression qu’ils pourraient courir après le score pendant deux heures ou deux jours, mais l’espoir est là, et je pousse seul, entouré de sauvages et protégé artificiellement par mon pote qui me maudit déjà.

Jerome Leroy Virage PSG

Les premières fois où je me lève après des misères de Jérôme Leroy sur Taïwo et autres losers de l’arrière garde marseillaise, ça commence à zieuter méchamment autour de moi, c’est si bon. Le mec se permet des transversales de 50m qui atterrissent dans le pied du collègue sur la ligne de touche opposée, je commence à scander son nom, à envoyer des « mais ouais mon Jéjé !! » qui rendent la moitié de ma tribune complètement dingue. Je rigole à plein pot quand Zubar ou Julien Rodriguez se trouent, toujours en me reposant sur la croyance inébranlable dans le fait que mon pote m’aime plus que son club de sardines.

Marseille a du mal en début de deuxième mi-temps, ne donne pas spécialement l’impression de gérer son match mais plutôt de galérer… Leroy, encore lui, est partout, il appelle, aimante les ballons, distribue chirurgicalement, tente un retourné sur un ballon foiré, puis un centre-tir de filou un peu comme celui qu’il avait essayé de caler une année avec Paris contre Runje au Vélodrome. Et surtout, il se déporte le plus souvent sur l’aile droite, là, juste en bas de nos gradins, et je me prends à rêver qu’il m’entende hurler à sa gloire. 

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« Ballon, je t’offre à Moumouni, rends-moi fier » (c) Panoramic

66ème minute, ce qui devait arriver arrive, transversale de 50m vers Leroy, qui gratifie le stade d’un contrôle velcro aux abords de la surface à droite. Hurlement de ma part. Taiwo le laisse centrer soyeusement, et Dagano vient égaliser de la tête, le match est relancé et les marseillais accusent le coup. Je fous officiellement la haine à toute une tribune, et je tanne mon pote comme jamais depuis le début du match. Le score n’évolue plus jusqu’aux prolongations, un unique frisson me parcourt entre temps sur une série de dribbles de ouf et enchainement frappe lourde de Niang. Pour le reste, je suis toujours en communion solitaire avec le kop sochalien.

Début des prolongations, Jérôme Leroy use les lignes marseillaises, il les fait courir et déjouer, c’est un pur régal. Mais étrangement, alors que la pression est sochalienne, c’est bien Cissé quelques minutes avant la 100ème qui claque son doublé, en venant placer une nouvelle tronche tout seul à bout portant sur une cloche de Maoulida entré juste avant. Coaching gagnant ? Richert pas complètement remis de la boîte qu’il s’est prise sur l’action d’avant ? Inutile de vous dire que le stade entier entame un nouvel ascenseur émotionnel, et recommence à faire les malins comme une heure et demie plus tôt. Dans la foulée d’une minasse de Ziani sur coup franc, qui fait gants/barre transversale/ouf c’est sauvé, Alain Perrin fait rentrer coup sur coup Anthony le Tallec et un certain Brunel dont j’avais oublié l’existence. Je reste optimiste, tout en commençant à entrevoir la possibilité de « perdre » ce match.

Il reste 5mn de jeu quand Ziani dépose de 35m le ballon sur la tête de Le Tallec, qui lui même dépose Taïwo et l’autre moitié d’une charnière centrale inexistante sur cette action pour égaliser comme un bonhomme une seconde fois pour Sochaux dans le match. Ma prédiction tient toujours, je suis au max, entouré de gars qui n’ont même plus la force de m’insulter. Mon pote semble perdu, sa voix se fait plus aigüe, son regard vague laissant deviner qu’il se prépare au minimum aux tirs au but, avec supplément de stress sauce sochalienne.

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Braquage à la franc-comtoise (c) Panoramic

Et en effet, les tirs aux buts ont lieu. Au passage c’est la première fois de ma vie que je me retrouve à vivre une séance en direct dans un stade, et je me rappelle avoir pris conscience ce jour-là de la dinguerie de pression que ça devait mettre sur les épaules des tireurs, à plus forte raison en finale d’une Coupe et devant 80000 personnes.

Ziani, Leroy et les 3 entrants côté Sochaux mettent leur pion, seul le capitaine Jérémy Bréchet se loupe. Côté Marseille, Maoulida tente l’inexplicable en arrêtant sa course et en frappant sans force quasi à l’arrêt, foirade complète. Taiwo, Nasri, Cissé (qui aura tout de même scoré 3 fois dans la soirée) rentrent le leur et laissent le pauvre Ronald Zubar mettre un terme à ce cirque en chiant lamentablement le sien.

Sochaux remporte la deuxième Coupe de France de son histoire, 70 ans exactement après la précédente. Et pour l’anecdote, réalise un maginifique doublé ce jour-là en ayant gagné dans l’après-midi sa deuxième Gambardella… aux tirs au but, après avoir égalisé deux fois, leur second ayant été marqué par un entrant en jeu. Belle symétrie dans les victoires.

Pour voir le résumé du match, cliquez ICI

Je n’ai pas eu le temps de partager ma joie avec mon pote au coup de sifflet final. Il s’est levé, m’a instantanément pris 25cm, et m’a intimé, en me pointant son index direct dans ma face, de ne plus lui parler jusqu’au RER. Alors évidemment, eu égard à cette louable admission de défaite de sa part, je me suis exécuté, fair-play, en me contentant de sourire béatement devant ce résultat qui me comblait, et qui voyait Marseille s’asseoir une nouvelle fois sur un titre.

Jerome Leroy Virage PSG
« C’est à moi qu’tu parles ? » (c) Panoramic

Bon ok, j’ai peut-être, sur le chemin de la gare, acheté une main géante gonflable aux couleurs de Sochaux. Et ce n’est pas impossible que je lui aie tapoté la tête avec pendant tout le trajet du retour, sous le regard médusé de supporters des deux équipes, et de voyageurs incrédules. Mais j’ai eu le triomphe modeste, je n’ai pas dit un mot jusqu’à qu’il reprenne le dialogue. Tout en me  délectant de la clim générale qui s’était abattue sur un stade sans joueurs à 800km de là, en me demandant s’il pouvait y avoir pire que de se prendre une veste contre Sochaux par visioconférence.

Cette main est d’ailleurs restée de nombreux mois, un doigt en l’air, comme un totem de la loose marseillaise, dans l’appart du pote parisien chez qui on avait terminé la soirée, gonflée à bloc par le match fou que j’avais vécu à pousser derrière une équipe pour laquelle je n’avais pourtant aucune affection particulière la veille de la rencontre, et comme un symbole de l’incroyable Jérôme Leroy, que j’ai vu jouer ce soir-là pour la dernière fois, et que j’ai aimé comme peu d’autres joueurs.

A propos de mon pote, je le remercie encore aujourd’hui d’avoir toléré mon comportement irrationnel durant et après ce match, sans me donner à manger à la horde qui nous entourait. Je sais que j’ai fait bien pire en d’autres occasions, mais même ça je ne l’aurais pas supporté dans le sens contraire…

Mass, tu auras eu bon presque partout, love you !


Jérome Popineau

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