Galtier, les promesses de l’aube

par

La saison dernière s’est terminée en eau de boudin.
Au lieu d’être fêté à sa juste et historique valeur, le dixième titre,
qui fait du PSG l’égal de l ‘ASSE sur la scène nationale,
a été boudé dans les grandes largeurs par un public saoulé de voir son club transformé en pré-maison de retraite pour trentenaires.

Les stars parisiennes, coupables de tous les maux aux yeux du Parc, se sont faites copieusement chambrer et siffler, notamment lors de la réception de Bordeaux. Ramos ? Toujours blessé. Neymar ? Pas assez concerné. Messi ? Largement en-deçà de son réel niveau. Même lors du clasico, les fans se sont faits silencieux. Il faut dire qu’on s’ennuyait ferme à regarder le PSG version Pochettino, à l’image de ce match moisi à Monaco où l’équipe semblait totalement impuissante, démotivée, incapable d’aligner trois passes, complètement à la ramasse. Il fallait que les choses changent du côté du Camp des Loges, et les dirigeants ont pris leurs responsabilités. Exit Leonardo et ses transferts bling-bling. Exit Pochettino et son EHPAD. Place à Galtier et Campos, à plus de raison et de sérieux, et peut-être à l’ère du renouveau.

Il convient de ne pas s’enflammer et de mesure garder, l’équipe n’ayant affronté que Nantes (Dieu qu’elle est moche cette formation, il n’y a guère que Lafont et Blas a sauver) et Clermont, mais le onze parisien a déjà claqué neuf buts en deux matches, et ce sans Mbappé, le sauveur, le messie, le go-to-guy, celui que l’on recherche quand les choses ne tournent pas rond. Avant de s’arrêter sur des considérations d’ordre plus tactique, il faut souligner la pertinence et l’intelligence du recrutement. En attendant Skriniar et Fabian Ruiz (et peut-être Fofana, le Yaya Touré de la Ligue 1, on peut rêver), on a eu droit à Mukiele, une valeur sûre et un couteau suisse de l’arrière garde, à Vitinha, une véritable trouvaille au milieu dont la complicité avec Verratti est déjà manifeste, à Renato Sanches, dont les qualités intrinsèques ne sont plus à démontrer, et à Ekitike, une belle promesse et un pari sur l’avenir qui vaut déjà dix pions par saison avec un club aussi modeste que Reims. Et au revoir aux parasites et autres indésirables Draxler, Kehrer, Kurzawa, Herrera, Wijnaldum, Gueye, Paredes, en attendant que Mauro et Wanda ne fassent leurs valoches.

L’innovation majeure instaurée par Galtier consiste en l’installation d’un 3-5-2, système qui pour l’instant fonctionne à merveille. Le fait d’évoluer à trois derrière présente plusieurs avantages. D’abord il permet de faire une place à Sergio Ramos, s’il est débarrassé une fois pour toutes de ses pépins physiques peu faire figure de taulier derrière aux côtés de Marquinhos et Kimpembe. Ensuite, il permet de tirer le meilleur parti des deux pistons Nuno Mendes et Hakimi, toujours plus à l’aise quand il s’agit de se projeter vers l’avant que dans les tâches défensives. Lors du Trophée des Champions, on a vu Nuno Mendes percuter à répétition sur son flanc gauche et se créer plusieurs situations franches, tandis qu’à Clermont le Marocain volant a déboulé comme un dragster pour planter le deuxième but en contre. Enfin, il a le mérite de laisser beaucoup de latitude aux artistes associés Neymar et Messi, libres de décrocher pour organiser la manœuvre offensive ou de se placer plus haut en position de finissseur.

Alors qu’il se situait essentiellement dans l’axe, le danger vient désormais de partout, et Paris est aussi à l’aise en contre-attaque que sur attaque placée. L’élargissement du jeu et le rôle prépondérant des deux milieux excentrés permet beaucoup de verticalité et de vitesse en contre et de trouver des décalages et des intervalles lorsque l’équipe est en possession de la chique dans le camp adverse. Le potentiel offensif est effrayant et on a hâte de voir Mbappé, joueur d’espaces et de profondeur par excellence, trouver sa place dans le nouveau système. En deux matches officiels, le PSG a déjà montré plus de football que le grand barnum de Pochettino en un an et demi. Messi et Neymar collectionnent déjà les pions et les passes décisives (la saison de l’Argentin sera de bien meilleure facture que la première, à n’en pas douter) et on a rarement vu les compères sud-américains aussi en jambes, virevoltants et décisifs. Galtier semble avoir ressuscité les deux attaquants, et la qualité de l’effectif devrait largement suffire à écarter d’un revers de main la concurrence nationale. Quant aux doux rêves européens, ils semblent à nouveau permis messieurs dames, même si les signatures de barons comme Lewandowski au Barça ou Haaland à City ont de quoi faire peur dans les chaumières.

L’arrivée de Galtier a été accueillie avec beaucoup de scepticisme et d’interrogations (des grands noms, on veut toujours des grands noms à Paris) et on a longtemps voulu croire dans l’option Zidane, fort de son aura d’icône nationale et de ses trois titres continentaux avec le Real. Galtier n’a pas le charisme d’un Ancelotti ni la science tactique d’un Tuchel, mais il a le mérite de franciser le club et de connaître parfaitement le petit monde de la Ligue 1. On oublie un peu vite que sous Laurent Blanc, fort de sa seule expérience bordelaise, le PSG régalait sévèrement avec les Pastore, Motta, Ibra et Cavani (on peut juste lui reprocher ses expérimentations foireuses, comme ce 3-5-2 sorti de nulle part contre City).Il n’y a pas de miracle : c’est en répétant ses gammes semaine après semaine en championnat contre Ajaccio, Brest et Angers que le PSG se préparera au mieux pour les grandes échéances européennes qui l’attendent.

Les choses sont claires depuis le débarquement de l’ancien coach de l’OGCN. A Campos la direction sportive et le recrutement, à Galtier le terrain et l’entraînement. Il n’y aura pas d’interférences entre les deux hommes, contrairement à l’époque Leonardo où la direction sportive venait mettre son pif dans la tambouille à tout bout de champ et ne laissait jamais les mains libres à ses entraîneurs. On a longtemps pensé qu’il suffisait d’aligner de grands joueurs sur la pelouse pour que tout fonctionne, que les stars savaient parfaitement ce qu’elles avaient à faire et qu’en gros le PSG avait plus besoin d’un manager pour gérer le vestiaire que d’un véritable tacticien. Galtier est déjà en train de prouver le contraire. Il sait pertinemment ce qu’il attend de son équipe, les consignes sont claires, le projet de jeu bien établi, et cela se ressent.

Que l’on  s’appelle Verratti, Marquinhos, Neymar ou Messi, que l’on soit bardé de sélections et de titres, on a besoin des conseils de l’homme du banc. Avec Pochettino, les joueurs faisaient plus ou moins ce qu’ils voulaient et le résultat fut plus que décevant. Galtier a sifflé la fin de la récré et remis de l’ordre dans un vestiaire qui commençait à ressembler à un vaste foutoir. Désormais plus de retards tolérés à l’entraînement, plus de portable à table lors des déjeuners collectifs, plus de virées nocturnes interminables et de poker jusqu’à cinq heures du matin. Sans jouer les pères fouettards, Galtier a su instaurer un minimum de rigueur et de discipline dans un groupe qui tendait à profiter un peu trop de la dolce vita parisienne. Comme l’a annoncé Nasser al-Khelaïfi au début de l’été, voici peut-être venu le temps de l’austérité. Mais c’est à ce prix que le supporter parisien moyen renouera avec une notion dont il a été privé depuis trop longtemps : le plaisir.


Denis Ritter

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de