Game Over Virage PSG

Game Over

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Je suis un pauvre camé. Je me gratte déjà les bras. Je tourne et vire dans mon salon, j’entrevois les prochains week-ends comme de longues gardes à vue, sevrage forcé.
LE FOOT EST MORT. CE SOIR.

Je venais d’embrasser mon fils avant qu’il ne rejoigne le pays des songes quand ma télé s’est mise à parler, froidement, administrativement: « Le foot est mort », comme un Télex. Je retourne les coussins de mon canapé. Peut-être qu’une minuscule boulette d’opium s’y est glissée un soir d’oubli. Non. Rien. Il me faut ma dose ! Pas de PSG/Nice dimanche. Pas de Juve/Ol, pas de clasico. Plus de calendrier. Voilà pourquoi, même si elle me fascine bien sûr, j’ai toujours haï la guerre. La guerre fusille en priorité le football. Elle lui arrache ses joueurs et leur impose un autre front, d’un théâtre l’autre…

Il va bien y avoir un couillon pour me parler de ce match mythique, quand Fridolins et Poilus, le temps d’une trêve, ont tapé la balle entre deux tranchées. J’ai vu le film, lu le livre, merci ! Non. La guerre tue les championnats et les coupes. La guerre brise le rythme du supporter. C’est une salope. Globalement. Et un virus, d’où qu’il vienne, c’est la guerre. Corona. Lave toi les mains. Mets ton masque. Garde tes mômes. Mouche toi dans ton pull. Lèche pas les poignées dans le métro. Reste chez toi. Et oublie que le foot a existé. Garde à vous. Fixe ! 

La violence du truc. 

La Belgique annonce à l’instant qu’elle ferme tous ses restaurants, ses stades, ses bars. Confinement continental. Mondial. Planétaire. Total. Nostradamus était une grosse baltringue comparé à George A. Romero. On est au générique d’un film débile et effrayant. Le foot est mort. Bernat. C’était Bernat, oui, qui a marqué l’ultime but de l’histoire du PSG. La phrase d’un vieillard quand il racontera, dans 40 ans, à sa descendance, la grande épopée du football. Du quoi, papy ? Du football, petit con ! Je suis trop accablé pour accuser qui que ce soit.

Game Over Virage PSG

Pour lister toutes les situations que je pourrais imaginer pour expliquer notre actualité. Vais-je me contenter de la chauve souris ? Vais-je mentionner la CIA, le Mossad, les extraterrestres, les illuminati et tutti quanti ? Vais-je faire confiance à votre President ? Le football est la plus belle des drogues. Il y a le choix, le coffee shop est ouvert quasi H24. Et puis, il y a le foot de mon fils, celui qu’il pratique et celui qu’il s’invente. Ce foot-là est mort lui aussi. J’ai reçu un mail du Club, à peine terminé le long monologue de Manu Premier (pas maté, j’étais devant ma troisième rediffusion de PSG-dortmund). Je ne verrai plus Jules chercher la passe qui pourrait être décisive. Je ne vannerai plus l’équipe adverse les samedis d’aurore, réflexe de stade indélébile, et qui provoquait régulièrement les rires des darons présents à mes côtés.

Le foot est mort. Mon mélodrame. Mais on ne pleure pas le foot quand les cadavres s’empilent, décompte médiatique répugnant et sadique. Comme on comptait les jours de détention pour les otages français, au Liban ou ailleurs quand j’étais môme. Quand les gens meurent, on ne joue pas au football. Principe de précaution, devoir moral tant qu’on y est. On ne demandera alors pas pourquoi la grippe annuelle, qui avale à coup sûr des milliers de Français, n’a jamais poussé au chômage technique les Cavani, Charbonnier ou autre Brandao ni vidé les tribunes, on aurait peur d’être taxé de complotiste. 

Comprenez ! On aime le football parce qu’il ignore la mort, il la rend en tout cas presque acceptable. Ce que nous vivons au Parc, au stade Jules Vernes à Montreuil, dans la cour d’école, dans la rue, devant nos écrans, hier soir et il y a 20 ans, ce que j’ai pu ressentir parfois, tous ces instants puissants, terribles ou délicieux, éternels et anecdotiques, c’est exactement ça, la vie, non ? Cette intensité ne s’explique pas. Il faut l’enlacer et voir. Ou l’ignorer. La juger est une stupidité. Je ne lui demande pas grand chose d’autre, à la vie. Je ne coûte pas cher. Donnez moi quelques livres, des clopes, une vue mer. ET MES MATCHES ! Et je ne fais plus chier personne. 

Game Over Virage PSG

La passion, c’est quand même pas mal. Je déconne. L’époque se méfie des passionnés. Ils sont motivés. Ils sont fidèles. Ils ont la… Foi. 
La foi, cette chose qui amuse les Riches et effraye les autres. L’inverse fonctionne également. Cette idée que, peut-être, l’homme mérite mieux que simplement la réalité. Cette pute qui fait rarement de prisonniers et jamais crédit. Cela ferait une formidable comédie musicale : Un homme qui traverse le monde à la recherche de la dernière équipe de foot. 

Bon, je viens de me relire. J’ai oublié quelques insultes, parfois menti pour la bonne cause. J’ai dessiné le pire. Peut-être que dans deux semaine, le Corona se soignera à coups de doliprane, que nous saurons le nom de notre adversaire en quarts (en putain de quarts !!!) et la date de l’affrontement, et que notre adorable Ligue 1 reprendra ses droits. J’aurai l’air d’un con. D’un paranoïaque et oui, d’un drogué. Mais peut-être que non. Peut-être que tout ça n’est que le début. Le football entrera au musée, un musée que personne ne pourra visiter à cause du virus, Corona ou un autre. Demandez aux scénaristes, ce n’est pas moi qui dirige cette tragédie.

Bernat. Le dernier des hommes. 

Gamin, quand j’avais un dilemme, je me demandais ce qu’aurait fait Gerbier, le héros de L’Armées des Ombres, à ma place. Alors, Gerbier ? Tu dis quoi, là ? « Jérôme, refuse l’évidence ! Relève toi. Organise des parties de foot clandestines. » Résistance ! J’envoie cette nuit ce texto à Xavier: « Nous ne le savons pas encore mais nous avons vu hier l’ultime match du PSG. Je suis honoré de t’avoir connu. » Et je me dis que ça ressemble furieusement à une note de suicidé. Et j’en ris, affalé sur mon canapé. Comme un con. Paris me manque déjà tellement.

Hier soir, nous étions une tribu admirable, invincible. Ce soir, nous sommes un souvenir crépusculaire. Une photo qui déjà jaunit. Demain ?
Seul avantage réel de cet état d’urgence sanitaire : le silence va étouffer Stéphane Guy et l’Equipe engager Michel Cymes pour combler le vide. Je ne sais pas si ma grand-mère avait raison quand elle disait qu’il fallait savoir se contenter de peu. C’est en tout cas ce que je vais faire. Prions.

PSG4LIFE


Jérôme Reijasse

 

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