Insup(portable)

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On parle beaucoup du désamour grandissant des supporters parisiens vis à vis de leurs joueurs. Le contenu est certes déceptif, mais qu’en est il du contenant ?
Qu’en est il de l’ambiance en tribune dans un Parc qui s’aseptise inexorablement ?

Soir de Champions League. Paris reçoit son bourreau de 2020. Le casseur de rêve, le briseur de destin. Grosse ambiance au Parc des Princes, gros tifo déployé par le Virage Auteuil, avec un florilège de drapeaux dans toutes les tribunes. Malgré mes craintes d’avant-match, le Parc est chaud en ce début de rencontre. La musique de la Champions League galvanise le peuple parisien et ses invités de tout bord : touristes, VIP, people et officiels. Le tifo, un poil offensif et narquois montre un poing qui s’étend sur toute la tribune Paris pour finir dans la tête du logo du Bayern, et ce juste à côté de la tribune « visiteurs ». Je me dis que lorsqu’on a été provocateurs dans nos précédentes animations, on l’a payé par la suite sur le terrain. Le résultat final du match ne m’a hélas pas fait mentir.

Mais l’a n’est pas la question. Les ultras ont fait leur boulot, mention spéciale pour l’immense travail qu’il a fallu pendant des semaines pour confectionner ce bijou collectif. Ce qui me dérange ici, c’est une réalité de plus en plus évidente et contemporaine à laquelle le PSG et le Parc n’échappent pas. Le football est devenu un spectacle mass-market. Ce n’est pas nouveau. D’ailleurs le football a toujours été lié, et ce depuis quasi sa création, à des logiques mercantiles et industrielles. Lire d’ailleurs l’excellent « Une histoire populaire du football » de Mickaël Correia. Mais les dérives marketing de ce sport, et par extension les répercussions sur l’ambiance du Parc m’agacent au point de ne quasi plus apprécier un match comme je l’appréciais par le passé. vous me direz que c’est mon grand âge qui m’a transformé en personnage usé, voir désabusé et passéiste. Romantique diront certains. Mais force est de constater que la ferveur perd sa place au profit du spectacle et de la consommation.

Premier point pour étayer mon propos. Et là je m’adresse au réalisateur en charge des écrans du Parc. Quand on paye son abonnement annuel pour venir aux matchs, ou quand on se saigne pour obtenir une place en tribune, c’est principalement pour venir assister à un match de football. Enfin dans ma conception des choses. Si le football existe sur le rectangle vert, enfin par intermittence cette saison, il a disparu des écrans. On y voit des gros plans sur des « fans » hilares, qui font coucou au cadreur, quelque soit le contexte du match en cours, ravis de montrer leur liquette fraichement achetée à la boutique. J’ai même l’impression que le réalisateur privilégie de montrer des spectateurs d’origine étrangère, pour bien insister sur le côté universel de notre club… Pas de gros plans sur nos joueurs (et pourtant on a des moyens incroyables en terme d’axe de caméra), pas de ralenti sur les actions, et accessoirement pas un plan sur le Virage (on se doute pourquoi, culture ultra oblige),  ou sur des supporters un poil moins « spot de pub McDonalds ». De match en match, cette ligne éditoriale visuelle m’agace de plus en plus. Au point parfois de me lever, sans contrôler mes nerfs, pour demander d’arrêter ce spectacle télévisuel ridicule, sous le regard hilare de mes camarades de tribune.

Deuxième point. Et il est encore question d’écran. Qui dit spectacle 2.0, dit téléphone portable et connectivité en temps réel. Quid de toutes ces personnes qui passent leur match à filmer les joueurs, à se filmer eux mêmes, plutôt que regarder le jeu, l’essence même de la raison de notre présence dans cette enceinte. On a signé Messi, le fraichement champion du monde argentin. Certes. Mais lorsqu’il tire un coup franc, au lieu de le filmer, essayer de nous épargner vos écrans qui masquent le champ de vision de tout le monde. J’en vois même qui se plaignent car les personnes devant eux leur flingue leur cadrage de petit réalisateur en herbe de bas étage. De qui se moque t’on à la fin ? Que ce soit en concert ou au stade, de toute façon, cette obsession du souvenir numérique et des réseaux sociaux est globalement un peu triste. Quand on aime le foot et qu’on se déplace au stade, c’est génial de regarder ce que la télé ne montre pas : les placements, les relations entre joueurs, les réactions, le bruit (et l’odeur)…  Mais quand de plus en plus de « touristes » viennent au Parc comme à Notre Dame, il ne faut hélas pas s’étonner de cette prolifération de petites lucarnes lumineuses. Et je ne vous parle même pas des « Messi, Messi, Messi… » lancés à tout va, un chant Barcelonais je vous le rappelle… Manque de culture.

Dernier point, puisqu’on parle de se mettre debout. Lors de ce match contre le Bayern, le service de sécurité a fait du zèle comme jamais. Interdit de se lever. Sauf lors des actions chaudes, encore heureux. Dans notre tribune, on a l’habitude de rester 90 min. debout, déjà parce qu’on ne gène personne à l’endroit où nous nous trouvons. Et car tout le monde est habitué. Personne ne s’en plaint. Et puis vu la place disponible entre les fauteuils, pour les personnes de grande taille (comme moi) c’est parfaitement inconfortable. Mais là visiblement, on était sur un match prémium, où le moindre consommateur veut en avoir pour son argent. Donc en gros, le message c’était : tu restes assis, tu manges tes pop-corns et tu regardes. Evidemment la sécurité n’a pas pu empêcher certaines parties de tribune de se lever et de résister.  Du coup ça gueule, ça se plaint, ça en vient au main etc… Belle ambiance. Si on voulait finir de tuer l’ambiance au Parc on s’y prendrait pas autrement. C’est tout simplement considérer que le stade devient un espace commercial et non plus un lieu de vie. Encore un manquement à la culture populaire et footballistique. Et de respect envers les supporters abonnés de longue date.

Alors qu’on ne s’étonne pas que de plus en plus de supporters revendent leur place à des prix qui tutoient l’indécence. Qu’on ne s’étonne pas que le stade se vide progressivement de ses plus fidèles serviteurs. Vous me direz que nul n’est irremplaçable, moi le premier. Et que d’autres prendront notre place, plus habitués, plus dociles, en somme plus modernes… Triste constat.

Si l’équipe première rame cette année, c’est sans doute du à de mauvais choix et à des problématique de gestion collective, ça fait partie du football et de la vie d’un club. Mais à trop vouloir mettre en avant la marque, le marketing et l’influence, au détriment du sportif, on va progressivement tuer la passion, le soutien et l’amour d’un public fidèle au PSG. Un public qui pourrait galvaniser un peu plus le 11 titulaire dans les moments difficiles. Les Ultras sont là mais ils sont un peu l’arbre qui cache la forêt. A se demander parfois si ils ne font pas partie eux mêmes du spectacle ou considérés comme tels.


Xavier Chevalier

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