Je peux pas j'ai Parc Virage PSG

Je peux pas, j’ai Parc

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Combien de fois n’ai-je prononcé ces quelques mots dans ma vie. Peu importe ce qu’on pouvait me proposer, cela claquait comme une immunité à toute autre activité, aussi jubilatoire pouvait-elle être. Très rares furent les exceptions depuis presque quatre décennies… Il y a bien eu, il y a dix ans l’injuste plan Leproux créant une entaille (qui deviendra une cicatrice à vie) à cette règle de vie.

Aujourd’hui nous sommes de nouveau privés de Parc, mais c’est différent, car cette fois, il n’y a plus de match, la santé avant tout. Un jour proche ou lointain, ce sera la reprise, à huis-clos dans un premier temps, forcément. Et surement pour un bon bout de temps. Ce sera dur, mais c’est le plus raisonnable pour freiner l’épidémie
de cette saloperie de virus.

« Je suis né la même année que PSG », ainsi titrait son livre l’ami Grégory Protche. Ce n’est pas mon cas, mais moi je suis né la même année que la montée du PSG. 1974. Année de la première soirée de folie au Parc avec ce match de barrage contre Valenciennes, le dernier but de Jean-Pierre Dogliani qui nous envoie dans l’ascenseur pour l’élite, pour ne plus jamais la quitter, le malaise de Justo porté en triomphe, le cigare d’Hechter, l’histoire est en marche quelques mois avant que je ne pousse mon premier cri. Il ne faudra pas longtemps pour que j’accompagne mon frère ainé et mon père porte d’Auteuil. Comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit… Quel match ? Aucune idée ? De cette époque, jusqu’à la fin des années Borelli, le PSG grandira comme un enfant insouciant aimant le football offensif, le spectacle, les joueurs techniques, les beaux joueurs (dans tous les sens du terme), les premières joies, les premières déconvenues qui ne sont pas encore des drames.

Pour moi, le parc se vit uniquement pendant les vacances scolaires, le reste du temps ce sera à la radio. « BUUUUT au parc !!! » et ces affreuses secondes de suspens avant de savoir laquelle des deux équipes avait marqué !!! « Le but de Dominique Rocheteau !!! » joie et soulagement. Et oui à cette époque, pas de Canal+, Bein et cie, le foot à la TV était réservé aux matchs internationaux. Pour voir le PSG, c’était soit Téléfoot, soit Stade 2… et parfois au journal de la nuit de France 3 les soirs de match à domicile… C’est pour cela qu’à cette époque le multiplex radiophonique était une institution, pas de journaleux blablateurs ou de consultants imbus d’eux mêmes comme aujourd’hui. Non, des envoyés spéciaux sur les dix stades de première division qui t’informaient et te faisaient vibrer. « BUUUUT extraordinaire de Safet Sušić !!! » La description du but faisait travailler ton imaginaire, tu te refaisais le déroulement de l’action dans ta tête et tu imaginais le plaâÂâat du pied de maître Safet pour faire franchir la ligne fatidique au ballon dans les filets adverses.

La Parc pour moi dans les années 80 c’est déjà Auteuil rouge, parfois bleu ou jaune (oui il y a eu des sièges jaunes), plus rarement Boulogne. Dans les virages ça sent bon l’herbe fraîche, la bière, la sueur, la fumée de cigarette, de cigares, de cigarillos ou de merguez achetées chez le marchand ambulant habitué à fuir les flics en slalomant entre les revendeurs de billets. Pour nous le transport c’est en voiture, puis se garer le long de l’hippodrome, puis marcher et passer devant Euromarché (pas encore Carrefour), puis enfin le Parc qui apparait au fond. Achat au guichet le soir du match sans problème, le Parc est rarement plein. Gratuit pour les enfants. Pas de tribune sectorisée « famille » ou autre. Tout le monde est mélangé. Même parfois des supporters adverses. Des fidèles aussi, comme nos voisins habituels, ce groupe de blacks en costume, la sapologie existait-elle déjà ? Ou étaient-ils des précurseurs, en tout cas ça parle fort, ça blague, ça rigole avec un accent africain à la Michel Leeb, ou plutôt l’inverse. Petite fiole à whisky, ou autre, en poche et ça fait tourner comme 20 ans plus tard tourneront les spliffs au même endroit. Autre génération, même plaisir de partage, même passion du PSG. Pour nous le rituel de la mi-temps ce sont les sandwichs préparés par maman, sandwichs jambon, rillettes, saucisson, pâté, faîtes votre choix…  Chips et cacahuètes…

je peux pas j'ai Parc Virage PSG
K.O.B (c) Panoramic

Deux finales de coupes de France légendaire pour déflorer un palmarès. 12 ans seulement. Puis ma première saison la plus assidue, celle du premier titre. Les Boulogne Boys viennent de naître, pour le meilleur et pour le pire. Le pire avec des dégradations là où Paris va jouer. Lille, Auxerre, etc… Le meilleur pour les chants de soutien. Pour aller dans les deux virages à cette époque, on sent déjà une ambiance différente entre Auteuil et Boulogne. Les média en rajoutent et la province a peur. Le supporter du PSG est déjà assimilé à la violence. 16 ans et déjà montré du doigt. Puis deux saisons décevantes, jusqu’à frôler la relégation à 18 ans. Seulement deux ans après le titre de champion. Paris sera bien toujours Paris. Pour le meilleur et pour le pire comme ses supporters…

Un an après le sauvetage, avec presque le même effectif, Paris fait la course en tête et finira par se faire ravir le titre par l’OM de Tapie et ses nombreuses magouilles… Au parc, peu de changement durant cette décennie, à part bien-sur l’essor du Kop de Boulogne. Le début des années 90 marque la fin d’un chapitre de l’histoire du club. L’argent manque, les recrues sont pour la plupart d’anonymes joueurs de première division, l’effectif est vieillissant malgré encore une poignée de grands joueurs. « Mon équipe est molle » déclarera son entraineur Henri Michel. Difficile de lui donner tort. Paris finit à une anonyme neuvième place et Boulogne chante des « Borelli Démission ». Cruel. Injuste. A 20 ans le PSG semble déjà arrivé au bout de son aventure au sommet. Il n’en est qu’au début, mais le chemin sera long et difficile…

La saison suivante Canal plus arrive, fini le PSG et le Parc que l’on a connu, tout va changer. A Boulogne, un soir de PSG-Caen les CRS se font bouter hors de la tribune. Les images choquent le France entière, des nouvelles lois vont naître. Il y aura un avant et un après. Personnellement, j’ai 18 ans je m’abonne à Auteuil Rouge. Je ne le sais pas encore, mais ce sera encore le cas aujourd’hui, 28 ans plus tard. Et ce le sera jusqu’à ma mort si Dieu veut. Bref, c’est peu de temps après que va commencer l’émergence d’ultras à Auteuil. La décennie sera plutôt joyeuse sportivement, Paris se fait un nom en Europe avec des victoires de prestige, et Graal absolu, une victoire en Coupe d’Europe pour ses 26 ans.  Dans les tribunes tout a changé aussi. Boulogne s’est affirmé, mais pas que dans le positif. Le KOB est connu partout, sa réputation est faîte en France et en Europe. Aidé en cela, il faut bien le dire, par plusieurs reportages télévisuels à charge qui aideront le grand public à associer supporter du PSG à raciste violent. Bien sûr des fachos à Boulogne il y en avait, et il ne faisait pas bon trainer à certains endroits porte de Saint-Cloud si tu n’avais pas la bonne couleur. Malheureusement, la bêtise de cette poignée d’abrutis rejaillira sur tout Boulogne, puis sur tous les supporters rouge et bleu, pendant des années, jusqu’à provoquer la mort… et la fin des ultras aux PSG.

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Remember Twente (c) Panoramic

Mais en cette dernière décennie du siècle, on retiendra surtout dans les tribunes du Parc, la naissance de différentes associations à Auteuil. Sans refaire l’histoire des tribunes,  Auteuil prend de plus en plus d’importance, je ne veux retenir que les belles choses, ces échanges vocaux avec Boulogne, toutes ces personnes de la tribune, ultras, lambdas, mais toujours les mêmes saisons après saisons, des enfants que je verrais grandir et avoir à leur tour des enfants, des groupes de pépés présents depuis la création du club, le chinois connu de tous, des familles entières, le gars qui gueulaient « avancez » pendant 90 minutes dès que Paris récupérait un baIlon, le mytho qui te racontait avoir chez lui le maillot porté par Pelé lors de la finale de la coupe du Monde 1970 « je te jure »,  le pénible qui passe son temps à critiquer nos joueurs « Il est nul ce Bravo (à décliner selon les saisons avec Weah, Raï, Dely Valdes, Loko, et j’en oublie…) », le défaitiste qui dès qu’on se prend un but « et voilà je vous l’avais dit », je ne peux pas tous les énumérer la liste serait bien trop longue….

Que d’émotions partagées pourtant, les embrassades spontanées après un but important contre l’OM ou Twente par exemple, les pleurs après une défaite, la rage après un arbitre, le croisement du regard après un évènement défavorable qui en disait plus long que n’importe quelle parole. Mais revenons un peu en arrière. Il y a une chose très importante qui va également changer complètement la place du football dans la société vers la fin de la décennie, c’est la victoire de la France en Coupe du Monde en 1998. Avant cela, le supporter du foot est majoritairement considéré comme un abruti écervelé. Un beauf. Un mec forcement pas intelligent. On évite dans certains endroits d’afficher son amour pour le foot, afin de ne pas être illico considéré comme l’idiot de la soirée. Pire que tout, c’est d’être un supporter du PSG. L’étiquette raciste s’ajoutant aux autres. On ne se promène pas avec un maillot de foot dans la rue. On affiche ses couleurs uniquement au stade. Tout cela va être balayé par les deux coups de boule de Zidane. D’un seul coup, tout le monde s’intéresse au foot, les Footix © vont commencer à pulluler. On pense que cela ne va pas durer. Erreur.

On rentre dans les années 2000, le PSG a 30 ans, c’est un jeune adulte qui joue les premiers rôles et qui pense que cela va durer longtemps. Erreur. Pour son deuxième titre de champion le PSG avait 24 ans, le suivant il le fêtera pour ses 43 ans… Une éternité. Presque une génération. Dire qu’aujourd’hui certains banalisent les titres acquis sous l’ère Qatarie. Hérésie. Enfants gâtés, footix, supporters opportunistes ou blasés, je ne sais pas. Mais un titre, même une Coupe de la Ligue, ça se prend. Un joueur qui porte notre maillot, ça ne se siffle pas. Des choses pour moi élémentaires.

je peux pas j'ai Parc Virage PSG
V.A. (c) Panoramic

Mais revenons au début de ce siècle, l’ambiance au Parc est exceptionnelle, et l’exceptionnel deviendra normalité. Bien sûr, sur certains matchs, ce sera moins le cas, mais de manière générale qui a vécu cette époque, ne pourra pas l’oublier.  C’est l’époque où des joueurs disent venir à Paris en partie pour l’ambiance mise par le KOB et le Virage Auteuil. Ce qui, de nos jours, sonne comme un discours marketing, sonnait vrai à l’époque. Effet pervers, c’est aussi l’époque ou même certains joueurs portant notre maillot n’arrivent pas à joueur leur football au Parc. Une époque où beaucoup diront venir au Parc plus pour l’ambiance que pour le foot. Une époque où beaucoup d’ultras de maintenant, alors enfants, tomberont amoureux du Parc et du PSG. C’est aussi une époque où le public poussait son équipe et n’avait pourtant bien souvent que les matchs de coupes pour vibrer. Combien de saisons plus ou moins sauvées grâce aux coupes ? Rien ne remplacera la ferveur des matchs de coupe. Ce club et son public étaient fait pour ça. Le PSG n’a jamais été aussi bon que dos au mur.

Durant cette période je ne me posais même pas la question si cette ambiance allait durer, elle était là, normale. Voix cassée et oreilles bourdonnantes. Normal. Combien de fois j’ai emmené des personnes avec des à-priori sur le foot ou les supporters dans le virage, un certain nombre. Aucune n’a été déçue. Aller au Parc était devenu maintenant un rituel, plus de sandwich à la mi-temps, mais un Macdo sur le chemin du retour. Tout évolue, tout change… Sauf d’être au Parc à chaque match du PSG. Et puis il y eu cette soirée pourrie contre Tel Aviv. Un mort. Et puis ce maudit soir de février 2010. Un mort de plus. La bêtise a pris le pas sur tout le reste. L’ambiance au Parc est devenue nauséabonde. L’année des 40 ans sera triste et sombre. Cause ou conséquence ? Le plan Leproux a mis fin à tout ce que l’on a connu. Il est mort le parc des Princes. The end…

Vont suivre des années de honte, qui verront entre autres, une rafle arbitraire de la police devant le Parc un soir de reprise de championnat, une propagande infecte du club contre ses plus fidèles supporters qui en ont été chassés. L’Élysée, Bazin, Leproux and co ont inventé un nouveau concept. Nous voilà victimes et coupables. Impossible de choisir sa tribune, impossible d’y aller à plusieurs, interdit de se lever pendant le match (ah, on m’informe qu’à part à Auteuil c’est encore le cas actuellement), interdit de fumer, interdit de venir avec des journaux, interdit de venir avec une mini bouteille d’eau, interdit de venir avec un tee-shirt blanc, interdit, interdit, interdit… Juste le droit de venir dépenser ton argent et de la fermer. Le Qatar est arrivé, les abonnements sont revenus, mais pas l’ambiance. Sur le terrain, c’est du très haut niveau, du top mondial, Paris joue bien, gagne des titres, et aligne des joueurs magnifiques. Les années Zlatan seront phénoménales sur le terrain, mais tout le monde pense la même chose. Avec ces joueurs-là, si on avait l’ambiance d’avant on serait imbattable.

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The Last Dance (c) Panoramic

Je ne m’attarderai pas plus sur cette sombre période, la cicatrice est toujours là et d’autres l’ont fait mieux que je ne le ferai, comme Fabrice de Cheverny dans son livre témoignage « Car nous deux c’est pour la vie ». Depuis presque 4 ans, une nouvelle génération d’ultras essaye de redonner vie au Parc. Evidement on est loin de ce que l’on a connu, mais il serait fou de croire que nous revivrons aussi vite les grandes ambiances, si jamais cela arrive de nouveau un jour. Cette nouvelle génération n’a pas ou peu eu la chance de profiter de l’expérience des anciens et ils ont encore des choses à apprendre, mais leur ferveur ne fait aucun doute. Ils ont réussi à ramener un peu de liberté dans le virage et de l’ambiance dans un Parc toujours amputé de Boulogne, même si là aussi certains jeunes veulent faire bouger les choses. Merci à eux tous de tenir bon, on sait que tout cela reste tellement fragile, le combat continue. Ne rien lâcher, toujours encourager…

Cette année le PSG va avoir 50 ans. La fête devait être belle. Elle le sera peut-être quand même, même si cela doit être en 2021. L’inconnu est total, ce fichu virus a tout bouleversé. Quand et comment pourrons nous revenir dans notre deuxième maison ? Nul ne le sait au moment où j’écris ces lignes. Vivement le jour béni où je pourrai de nouveau répondre à une invitation par : « je peux pas, j’ai Parc ».

…à James…

J.J. Buteau

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