Jean Djorkaeff Virage PSG

Jean Djorkaeff

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Jean Djorkaeff est pour toujours le 1er capitaine de l’histoire du Paris Saint-Germain. Alors qu’il venait d’éclore, le club a pu s’appuyer pour ses premiers pas
sur le défenseur et capitaine de l’équipe de France.
Un pionnier
parmi les pionniers à qui l’on a envie de dire : merci.

Jean, quel a été votre 1er contact avec le PSG ?

Le tout premier, c’était avec Monsieur Patrelle (président du Stade Sangermanois*). J’avais de bonnes relations avec lui car il était aussi à la Fédération (vice-président de la FFF). Je jouais en équipe de France, on s’est connus comme ça.

Un jour, à la fin de la saison 1969-1970, il m’appelle car mon contrat avec Marseille se terminait. J’avais 30 ans et j’étais libre.

Avec les « contrats à vie » à l’époque, j’étais lié à l’OM jusqu’à 35 ans. Mais en 1969, la loi a changé et j’avais cette possibilité d’être libre.

Comment cela s’est-il passé ?

Il fallait d’abord que je discute avec Monsieur Leclerc (Marcel Leclerc, président de l’OM), savoir si je restais. De l’autre côté, Monsieur Patrelle toujours très courtois, me convie à Paris pour rencontrer Monsieur Guy Crescent** au siège de son entreprise (Calberson). J’y suis allé avec ma femme et nous avons été très bien reçus.

En faisant la connaissance de ce Monsieur Crescent, j’ai rencontré un homme extra, super. C’est simplement comme ça que j’ai décidé de signer avec le PSG.

Autant avec Monsieur Leclerc quand je discutais avec lui pour savoir si l’on était d’accord pour la suite, toutes les deux minutes il était dérangé par un coup de fil : « Monsieur Djorkaeff, excusez-moi ». Je me suis dit, peut-être qu’il ne veut pas trop me garder.

Autant avec Monsieur Crescent, j’arrive dans les locaux de sa société, je me présente à l’accueil : « Monsieur Djorkaeff, je souhaiterais voir Monsieur Crescent ». Aussitôt, je vois arriver une personne qui se déplaçait avec difficulté compte tenu de son handicap (atteint de la poliomyélite à l’âge de trois mois, Guy Crescent n’a pu marcher pour la première fois qu’à l’âge de 12 ans, ndlr).

Il dit à sa secrétaire : « A partir de maintenant, je ne suis plus là pendant une heure et demie ». On est allés dans ses bureaux au 2è étage, on a discuté, et rapidement on s’est mis d’accord. J’ai beaucoup aimé son accueil, sa courtoisie et l’attention qu’il me portait.

Equipe de France Virage PSG
Djorkaeff, Herbet, Bonnel, Bosquier, Simon et Carnu à l’entrainement des Bleus (1969) © PA Images / Icon Sport

Capitaine de l’OM et de l’équipe de France, vous devenez en 1970 le 1er joueur professionnel licencié au PSG.

Participer à la création de ce club me plaisait. Malgré tout, quand on regarde au départ : j’avais 30 ans, j’étais international et j’allais peut-être signer dans un club de National (équivalent de la D2) en pleine création. Je prenais un risque. Mais j’étais enthousiaste, le challenge était extraordinaire.

Comment étaient les premiers pas du PSG ?

On s’entraînait au camp des Loges, on jouait au camp des Loges et pour les gros matches, à Colombes. Notre stade était relativement petit mais il était plein. Le public avait mis en place une sorte de “club“ de supporters qui nous suivait. Ils étaient bien présents.

On était 5 ou 6 professionnels (Roland Mitoraj, Jacky Rémond, Jean-Claude Bras, etc) le reste, c’étaient des jeunes, des amateurs du Stade Sangermanois qui avaient un travail à côté (postier, garagiste, kiné, etc). On n’a jamais fait de différence avec les jeunes, au contraire, c’est ce qui a fait la force de notre équipe. Quel que soit le statut, quelle que soit la qualité des joueurs, on était très contents de se retrouver. On avait réussi à créer une ambiance formidable.

Les pros, on s’entraînait le matin et on revenait l’après-midi, ou le soir, pour la séance avec les amateurs. Tout le monde faisait le maximum. Il y avait un super état d’esprit. On était ensemble.

A l’issue de cette 1ère saison, le PSG rejoint l’élite.

Pour moi, c’était l’objectif. Quelque chose de très important. Même si en National, il y avait de bonnes équipes. On démarre la saison (invaincu les 8 premières journées, ndlr). Le 1er match (à Poitiers, 1-1), on ne le perd pas, c’était important. A Rouen lors de l’avant-dernière journée de championnat, notre victoire (3-1) fut déterminante pour la montée. Un match difficile face à une bonne équipe.

Qu’avez-vous ressenti ?

De la joie. C’était quand même extraordinaire de se dire qu’à peine un an après la création du club, le PSG était en D1. J’ai toujours chez moi mon maillot, le rouge. Je le garde celui-ci (sourires).

PSG 1970 Virage
30 mai 1971 pour un PSG-Poitiers (4-1). Debout : Cruz, Béreau, Djorkaeff, Choquier, Destrumelle, Fitte-Duval / En bas : Prost, Guignedoux, Rémond, Delplanque, Bras © PSG

Les débuts du club en 1ère division étaient-ils compliqués ?

C’était plus mitigé au niveau des résultats et puis d’autres problèmes sont venus se greffer, il y a eu la scission. La partie professionnelle est devenue Paris FC, c’était le début de la fin. On était les joueurs, on était sous contrat. On n’a pas été consultés. Le fait est qu’on ne pouvait plus venir s’entraîner au camp des Loges. Ce n’était pas évident.

25 ans après vous, votre fils Youri s’engage avec le PSG et gagne la Coupe d’Europe ?

Le père et le fils dans le même club, c’est une chose qui n’arrive pas tout le temps (sourires). Il n’est pas resté longtemps (1 saison, 1995-1996) mais il a fait des choses extraordinaires. Je peux vous dire qu’il garde de très très beaux souvenirs au PSG. Vous savez, quand j’étais à Paris, il était petit, son frère et lui je les emmenais avec moi au camp des Loges et au Parc.

Vous attendiez-vous à ce que, le 23 août dernier, Nasser Al-Khelaïfi vous invite à Lisbonne pour la finale de la Ligue des Champions ?

J’étais surpris car cela fait quelques années que j’ai quitté le club (sourires). Cette invitation m’a fait chaud au coeur. D’autant que, dans le contexte, sanitaire, ce n’était pas simple d’inviter du monde.

Je regrette, avant le match, d’avoir dit que Paris gagnerait 3-1. J’étais persuadé que le PSG allait gagner. Nous avons été maladroits dans la finition mais cela fait partie du foot. J’ai passé un moment formidable.

C’était extraordinaire d’être là 50 ans après la création du PSG. Je me rappelle de toute l’équipe des débuts, les jeunes. Notre entente était vraiment bonne. On s’est un peu perdus de vue, c’est dommage. J’aimerais bien qu’on se revoit. On a tous œuvré pour que le PSG devienne un grand club. Pour moi, c’est un club mythique.

*le 4 juin 1970, le Stade Sangermanois (1904-1970) accepte la fusion avec le Paris FC pour devenir le PSG

**Vice-président puis président du PSG en 1971, Président du groupe de transports Calberson


Emilie Pilet

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