Jean-Pierre Roques

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Chez Virage on adore discuter avec des pionniers.
Jean-Pierre Roques fait partie de ceux-là. Arrivé de son Gers natal à Saint-Germain-en-Laye en 1971, il prend immédiatement sa licence dans le club de la ville,
le tout jeune Paris Saint-Germain. Le reste appartient à l’histoire.

Comment arrive cette passion pour la pratique du football ?

J’habitais dans le département du Gers mais le foot n’était pas très populaire dans les villages. Puis je suis allé au lycée de Mont de Marsan dans les Landes où je suis resté interne pendant 8 ans. C’est là que j’ai découvert le football et le rugby. Pendant toutes mes années de cadet je jouais au foot et au rugby. Beaucoup de membres de ma génération jouaient ou allaient jouer d’ailleurs au stade Montois. Mais quand je rentrais chez moi le weed-end il n’y avait pas de club de rugby à proximité. Donc j’ai continué le foot à ce moment-là au poste de gardien de but. C’était un plaisir pour moi d’occuper ce poste. Il n’y avait pas beaucoup de volontaires pour être gardien. Et quand je revenais au lycée j’avais en plus la chance d’assister à des entrainements qui étaient tenus par Jacques Foix qui avait joué à Nice et à Saint-Etienne. Et avait été international. A l’époque le gardien de Mont de Marsan c’était Bernard Bats que je trouvais extraordinaire. J’ai appris plus tard que c’était l’oncle de Joël Bats. Bref je suis devenu le gardien de l’équipe de mon village, je me débrouillais relativement bien et j’ai été sélectionné dans l’équipe des cadets du district du Gers. J’ai alors bénéficié d’un double surclassement pour jouer en senior. J’avais 16 ans. Puis en octobre 67 j’ai pris un méchant coup de pied à la tête avec l’équipe de mon village. Je suis tombé dans le coma, il parait que j’avais trois chances sur mille de m’en sortir. Mes parents étaient très inquiets. J’avais été transféré à l’hôpital de Bordeaux en hélicoptère. C’était limite. Après ça j’ai arrêté pendant une année. Mais en janvier 1971, professionnellement j’ai été nommé à Saint-Germain-en-Laye. Il n’y avait plus mes parents pour me dire ce que j’avais à faire, alors j’ai décidé de signer sur place une licence en tant que gardien. 

Sur le terrain annexe qui jouxte le terrain d’honneur © Collection personnelle

Professionnellement, c’est à dire ? Vous êtiez très jeune ?

J’ai passé le bac et je l’ai eu. Mais je ne voulais pas continuer les études. J’ai pris le premier concours qui se présentait et c’était celui de préposé à la Poste. C’était pour être facteur, télégraphiste pour être précis, un métier qui n’existe plus depuis des lustres. J’ai été reçu relativement facilement. Et j’ai été nommé à Saint-Germain-en-Laye. Quand j’ai reçu ma convocation je me suis tout de suite dit : « Mais c’est là où est le PSG ! ». En plus, 30 ans plus tôt mon père avait fait l’armée au Camp des Loges, c’était un signe. Bref j’étais donc télégraphiste. Je distribuais des télégrammes en vélo dans tout Saint-Germain. C’est là que j’ai eu l’occasion d’amener des télégrammes chez Jean Djorkaeff, chez l’entraineur Robert Vicot et d’autres joueurs. Et c’est là que j’ai rencontré Guy Adam. J’ai joué un peu avec lui. Il m’a accueilli. Il avait une agence d’interim. On a sympathisé. Dès février 1971 je suis allé au café de l’industrie qui était à l’époque le siège du club. Et j’ai signé ma licence au PSG. Puis fin février j’ai fait mon premier match avec l’équipe réserve. Je crois qu’il y avait une équipe en Nationale, une première B et la première réserve. J’ai joué quasi tous les matches. Le gardien du PSG c’était Camille Choquier, moi j’étais 4ème gardien. Ce qui m’avait surpris c’est que parfois on était entrainé l’après midi par Pierre Philippon qui était le premier entraineur de l’équipe 1. Et on avait des pros qui jouaient avec nous : Michel Prost, Jean-Pierre Destrumelle. Pour une petit gars de province comme moi, c’était génial. D’ailleurs le tout premier entrainement auquel j’ai participé c’est Pierre Philippon et Jean-Claude Bras qui l’ont mené ! Il y avait une vraie proximité avec les pros. 

Il y avait un peu ce côté amateur aussi ?

Oui on croisait les joueurs au café de la Poste qui venaient prendre un café avant l’entrainement. On faisait des parties de pétanque avec Jean-Louis Leonetti ! J’ai vu plusieurs fois Jean Djorkaeff avec ses deux petits garçons (ndlr :  Dont Youri) qui l’accompagnaient à l’entrainement, Jean-Claude Bras et sa fameuse Méhari Citroën, Jean-Pierre Destrumelle qui buvait ses bières au café de l’industrie, c’était une autre époque. Et en fin de saison il y avait des tournois organisés où toutes les équipes du PSG se mélangeaient pour disputer des matches où des petits cadeaux étaient offerts à tous en fin de journée. Gruy Crescent, le président, offrait des petits cadres avec des modèles réduits de camions (rires). Dès qu’il y avait une fête, quasi tous les pros étaient présents C’était très sympa. Et puis en déplacement, on était toujours bien reçus partout. Il n’y avait aucune animosité. 

L’équipe réserve du PSG 72-73 (Jean-Pierre en vert) © Collection personnelle

Comment était l’ambiance dans l’équipe réserve ?

On s’entendait tous très bien, on avait une bonne cohésion d’équipe. Même si je ne sortais pas avec eux le soir, j’avais de toute petits moyens. Guy Adam a beaucoup oeuvré à mon intégration. Comme je n’avais pas de voiture il me conduisait à l’entrainement. Il m’avait invité à manger chez lui. En 1971 ils ont créé une équipe espoir dans laquelle j’ai eu la chance de joueur. On faisait les levées de rideau de l’équipe D3 et de la première B qui était déjà une équipe costaud. C’était des supers matches. Je me souviens avoir joué contre le Havre en 1972 qui était de passage dans la région pour ses 100 ans. C’était un de mes meilleurs souvenirs et de matches de ma petite carrière. 

Vous n’avez jamais pensé devenir pro ?

Non je n’avais pas vraiment le niveau et j’avais commencé le foot très tard. Je n’avais pas vraiment les bases, et je ne mesure qu’1M75. Rien qu’en voyant les gardiens du PSG, je me disais que j’étais à 1000 lieux de ces gars. 

Vous jouez 2 ans au PSG ? 

Jean-Pierre avec la tenue intégrale 70-71 © Collection personnelle

Oui j’ai arrêté en juin 1973. L’esprit était beaucoup moins bien. C’était monté un peu à la tête de certains qui se croyaient trop forts. Et puis en fait je jouais le dimanche pour le PSG mais aussi le samedi avec l’ASPTT de Saint-Germain. Et on m’a demandé de choisir. Mais surtout je ne me sentais pas très bien à part les matches avec les espoirs. Sans doute la lassitude. Et puis il y a eu ce match en fin de saison du côté de Nogent sur Vernisson dans le Loiret. On a été très bien reçus, on a fait un excellent repas mais un très mauvais match (rires). A notre retour, à l’entrainement suivant, Mr Henri Patrelle, le dirigeant de l’époque, est venu et nous a mis plus bas que terre. En nous parlant d’honneur du maillot etc… Alors qu’on avait demandé au club de nous aider à financer cette journée et qu’ils avaient refusé, moi ça m’a coupé l’envie de resigner. En plus toute l’équipe de ce match n’a pas été à la fête de fin d’année du club, on était un peu « vexés » même si ce n’est pas vraiment le mot. On passait tous nos dimanches à courir la banlieue pour disputer des matches, en plus on était passé en deuxième réserve. Et puis il est vrai que je me suis marié en juin 1973, déjà que je jouais tous les samedis avec l’ASPTT, que je m’entrainais le mercredi soir à Saint-Germain, plus deux entrainements avec l’ASPTT, ça faisait beaucoup. Donc j’ai gardé uniquement l’ASPTT.  

Mais dès que j’avais l’opportunité, j’allais voir jouer le PSG. Quand le PSG a commencé à jouer au Parc des Princes je me déplaçais de Saint-Germain. C’était pratique. J’ai vu quasi toutes les équipes à l’époque, les tournois de Paris, j’ai vu la finale de Coupe des clubs champions entre le Bayern et Leeds en 1975. J’ai un souvenir de ce match car la tribune anglaise, qui était juste au dessus de nous, balançait des sièges. J’ai aussi vu Pelé avec Santos qui était venu jouer contre une entente Marseille-Saint-Etienne. Mais c’était à Colombes. En tout cas je continuais à aller aux entrainements du PSG très régulièrement. Au début on était sur la main courante avec les journalistes au Stade Georges Lefèvre. Mais peu à peu on nous a repoussé… Je suis malgré tout resté abonné de 1977 à 1981. Je suis parti de Saint-Germain en 1982. Je suis retourné dans ma province mais je revenais tous les ans vu que ma belle famille était au Chesnay. Alors-là j’allais au Camp des Loges à la moindre occasion. J’allais voir les Roche, Ginola, Valdo, Guerin dans les années 90. On les accompagnait du terrain d’annexe jusqu’à leur vestiaire. C’était assez tranquille. On échangeait quelques mots. David Ginola avait même répondu par écrit de sa main à un mot que mes enfants lui avaient envoyé suite à la polémique de sa passe râtée face à la Bugarie en 1993. Ginola quand même ! Puis Luis Fernandez a encore serré la vis au Camp des Loges… C’est sur que ça n’avait rien à voir avec l’époque ou je prenais des cafés à l’industrie avec Mustapha Dahleb, ou encore François Brisson, Éric Renaut et Jean-Marc Pilorget qui avaient le même âge que moi.

Il y a un match qui vous a marqué au Parc lors de vos années d’abonné ?

Oui c’était un match de coupe contre Marseille. Je ne sais plus en quelle année. Je revois Jacky Laposte faire des grandes chevauchées et en face il y avait Paulo César et Jairzinho ! Mais globalement il y avait beaucoup de matches laborieux. Le jeu n’était pas toujours au rendez-vous. A l’époque où on jouait la montée il y avait du beaux jeux, avec notamment Just Fontaine en tant qu’entraineur. C’était un personnage ! Je me souviens le voir « entrainer » au stade Georges Lefèvre, dans les tribunes, cigare au bec, avec un porte voix. C’était surtout Robert Vicot qui entrainait l’équipe. Il nous avait d’ailleurs entrainés. 

Au fond de vous, vous êtes toujours supporters ?

Oui bien-sur. Chez moi il y a un maillot avec le logo Opel encadré, et un grand drapeau que j’avais d’ailleurs mis dans mon jardin le soir de la finale contre le Bayern. Histoire de me faire chambrer un peu. J’ai gardé quelques maillots de l’époque mais au fur et à mesure des lavages ils ont rétrécis, il n’y a plus que mes petits-enfants pour les porter même si ils ne mesurent pas la portée symbolique de l’objet. Notamment un sweat rouge avec marqué PARIS SAINT-GERMAIN que portait souvent Robert Vicot ! Et puis chaque fois qu’il y a une opportunité dans mon coin, je vais les voir. Parfois ils venaient en stage à Cap-Breton. Guy Adam m’a permis de les approcher. Et c’était déjà le grand PSG. La dernière fois que je les ai vu c’était en 2019 lors d’un Bordeaux-PSG. Même si le club a beaucoup changé depuis mes débuts, comme le football, ça reste pour moi le PSG. Je ne sais pas si j’aurai été supporter de ce club depuis ma province si je n’étais pas venu m’installer à Saint-Germain. J’en doute, ça aurait été sans doute Bordeaux. En tout cas je ne rate pas un match du PSG en Coupe d’Europe. Il y a toujours cette passion. Si j’ai l’occasion de revenir au Parc, j’y cours de suite. Pour les 50 ans du club, j’aurais trouvé sympa qu’ils invitent les 4 équipes seniors de mon époque, en plus de l’équipe 1. On était pas très nombreux. Je n’ai hélas gardé aucun contact des garçons avec qui je jouais. J’ai d’ailleurs découvert il y a peu que certains sont décédés. C’est triste. Mais c’est comme ça.


Xavier Chevalier

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