Kylian, je t’aime

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Pardonne-moi d’avoir recours à ce stratagème : une lettre, laissée sur un coin de table, cela manque sans doute d’élégance, ou de courage.
Mais j’avais besoin de te parler en restant calme, d’organiser mes idées.
Besoin de conserver un semblant de dignité, aussi, pour te demander :
Kylian, mon amour, reste.


Je te revois, le jour où nous avions officialisé notre relation. Ton costume, ta jeunesse, ton sourire. Ton sourire surtout, à la réflexion. Tu sais comme il me faisait craquer… Évidemment c’est facile, mais je veux croire que tu étais heureux d’être à mes côtés, ce jour-là, pendant la conférence de presse au Parc. Non, je dois regarder la vérité en face, je le sais : tu étais heureux, et rayonnant alors qu’aujourd’hui, tu ne l’es plus. Ou plus de la même façon. Et moi je n’ai pas su voir à quel moment cette lumière s’était éteinte.

Bien sûr, on change plus vite à 20 ans qu’à mon âge, et je ne peux m’empêcher de me dire que j’aurais dû me douter, et t’écouter mieux. Me dire que cela aurait changé quelque chose. Que si j’avais été plus attentive tu ne l’aurais pas vue, ou pas de cette façon-là.

Madrid est séduisante, évidemment. Et même si bien sûr nous n’en avions jamais parlé ouvertement, je sentais qu’elle te plaisait, avant même que l’on vive ensemble. Si tu savais comme ça me fait mal d’écrire ça… Mais tu vois, je me suis promis d’être honnête, et aussi de ne te faire aucun reproche. Alors oui, Madrid est une capitale magnifique, et elle te faisait rêver, comme j’ai moi-même pu cesser de le faire, au fil des jours. Pourtant, je refuse de croire que tout est fini entre toi et moi.

Bien sûr qu’après quatre années de vie commune, on ne se voit plus de la même façon. Et bien sûr que je ne t’ai pas donné tout ce que tu voulais, lorsque nous avons débuté notre relation. Cette Ligue des Champions que l’on voulait tant. Notre ligue des Champions. On en a tellement parlé. Pourquoi est-ce qu’on n’en parle plus aujourd’hui, tous les deux ? Je ne saurais même pas dire comment le tabou s’est installé. Comme si tu avais cessé d’y croire, ou comme si ça n’était plus une raison assez forte pour te donner l’envie de rester.

Alors qu’elle, je sais, des coupes, elle en a déjà offert à ses amants, tu n’as pas besoin de me jeter ça au visage. Est-ce rassurant pour toi ? Ou excitant, au contraire ? Mais moi, au-delà de l’humiliation, j’y crois encore, à cette histoire qu’on s’était promise, pour nous deux, et tellement fort. Je crois juste que nous n’étions pas encore prêts, je crois qu’en un sens c’était trop tôt, je crois que l’an passé, et l’année d’avant, pendant le confinement, nous sommes passés si proche, toi et moi, d’accomplir ce rêve, que ça ne peut que marcher demain.

Mais surtout, j’ai tellement envie de partager ça avec toi. J’ai tellement envie que ce soit toi qui m’offres ça.

Là-bas, tu serais un après d’autres. Alors, oui, elle te traitera en star, elle te sourira, comme elle sait le faire, je ne m’inquiète pas pour toi. Mais si un jour elle t’offrait ce qui te manque tant, tu crois vraiment que ça aurait la même force qu’avec moi ? Le combientième serais-tu à partager ça avec elle ? La rejoindre, ce serait n’être qu’un de plus, et ça elle ne te le dit pas. Je refuse de croire que tu accepteras d’être le nouveau Zidane : ça c’est un destin à la Marvin Martin. Je ne peux pas imaginer que récupérer le flambeau d’un Benzema te fasse triper. Lui, tout le monde l’aura oublié dans dix ans. Ici, tu pourrais les dépasser tous. Moi je te propose d’être le premier. L’unique.

Moi je brûle encore. Moi j’ai encore envie de toi, et je sais qu’on peut toujours construire ce qui n’a jamais été construit nulle part, tous les deux. Quelque chose de plus grand, de plus beau. Quelque chose qui donne envie à des gamins de devenir le nouveau Kylian, et pas une autre meringue sur le plateau de la vieille confiserie de Castille.

On va écrire cette histoire, toi et moi, il suffit que tu le veuilles encore. Moi, je ne te demande rien d’autre. Parce que cette future joie d’accueillir dans notre foyer une première coupe, c’est avec toi que j’ai envie de la partager, plus que jamais. Nous en sommes si proches !

Je comprends que j’ai pu te donner l’impression de vouloir te contrôler, et au final de t’étouffer. Je comprends que tu n’es plus le même que lorsque nous nous sommes connus. Je comprends que tu as besoin d’être ce nouveau toi-même, un Kylian plus adulte. Je n’ai aucun problème avec ça, au contraire : je sais que je t’aimerai tout autant et même sans doute davantage une fois débarrassé de cette image de gendre idéal. Alors vas-y ! Chante, crie, hurle, sois toi-même Kylian ! Et laisse-moi chanter, crier, hurler à tes côtés. Grandis, cours, vole. Mais laisse-moi voler avec toi.

Jamais je ne t’empêcherai d’être celui que tu as envie de devenir : un champion, un leader. J’ai tellement envie de ça pour toi, pour nous. Kylian, je t’aime. Je ne te supplierai pas. Reste.

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