ITW ESF Virage PSG

L’Equipe Sans Frontières

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Virage parle exclusivement du PSG mais parfois on aime faire des sorties de terrain. Surtout quand il s’agit de belles causes. On a souhaité mettre un coup de projecteur sur l’Equipe Sans Frontières, une association qui par le biais du foot
aide les migrants à s’insérer socialement. On a rencontré Chloé est Julien
pour parler de leur engagement.


Comment est née cette équipe ?

Chloé : C’est une idée que j’ai eue quand je travaillais en tant que bénévole pour le BAAM (Ndlr : le Bureau d’Accueil e d’Accompagnement des Migrants). Je suis prof et j’étais entre deux années scolaires. J’avais du temps libre. Je donnais donc des cours de français pour eux à Barbes. Et je me suis rendu compte très vite que mes apprenants étaient tous dingues de foot, comme moi. On en parlait beaucoup, on faisait le débriefing des matchs. Tous les élèves de la classe voulaient s’exprimer à ce sujet alors que dans un cours de langue ce n’est pas toujours facile de les motiver à s’exprimer. J’ai parlé de cette expérience à un contact que j’avais dans un club de foot amateur à Saint-Maur m’a proposé de former une équipe pour jouer contre la sienne en match amical.

J’ai donc demandé à mes élèves s’ils avaient déjà eu l’occasion de jouer au foot en France. Ce n’était pas le cas. Ils n’avaient pas les moyens, ils ne sont pas toujours très bien vus et ont un peu peur. Je trouvais ça bizarre d’autant que dans d’autres pays ce n’est pas trop le cas. En Angleterre par exemple, la FA (Ndlr : Football Association : fédération anglaise de football) a mis en place toute une structure d’insertion par le biais du foot avec Amnesty International. Bref je leur ai proposé de monter une équipe, des rencontres amicales, de leur trouver un terrain, d’acheter des ballons… Ils étaient tous super partants. C’était à l’été 2017. Au départ ça devait être très informel mais à la rentrée en septembre, j’avais presque toute l’école de Barbès qui voulait s’inscrire. On m’a donc conseillé de monter ma structure, ce que j’ai fait, et l’association est officiellement née en janvier 2018.

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Entraînement à la Goutte d’Or

Pendant toute l’année 2018 j’ai mis en place la structure. J’ai rencontré les premiers entraineurs de l’équipe, qui ont tous énormément contribué à faire progresser l’asso, on a décroché difficilement des autorisations pour avoir des terrains dans Paris. Aujourd’hui on a 3 entrainements par semaine. Le mardi on a un terrain pour du foot à 11, le jeudi on joue sur un petit stade à la Goutte d’or dans le 18ème et le samedi à Porte de la Chapelle dans le 18ème également. On a une équipe à 11 qui fait le championnat de FSGT (Ndlr : Fédération Sportive et Gymnique du Travail). On aimerait développer une Equipe 2 et une section féminine. On essaye aussi de se rapprocher du football professionnel français. Mon contact qui est entraineur en Angleterre au Fulham Football Club travaille aussi pour la fondation du club qui finance un projet d’insertion par le biais du foot. Il était très surpris d’apprendre qu’il n’y avait rien en France sur ce sujet.

Car dès 2016 la FA a incité les clubs de Premier League et de Championship à se sensibiliser à la cause des migrants. Il y a eu des rencontres organisées entre les clubs et des ONG pour que des projets d’insertion soient lancés. Tout cela encadré par la FA. Au moins 1/3 des clubs de Premier League ont des projets. Nous trouvons surprenant que la France, championne du monde, pays des droits de l’homme, ne fasse rien là-dessus. La France ne semble pas avoir beaucoup de recul sur ce sujet contrairement à l’Angleterre ou à l’Allemagne, qui est aussi très avancée là-dessus. Le problème c’est que le sujet migrant a été très politisé en France alors qu’à la base ce n’est pas un problème politique. Ça divise beaucoup les gens.

Tu parlais du rapprochement avec le football professionnel français. Comment ça se passe aujourd’hui ?

Chloé : On travaille très étroitement avec le CDOS 93 (Ndlr : Comité Départemental Olympique et Sportif) et notamment Benjamin Grizbec afin de nous rapprocher du foot pro. On a été voir la Ligue de Football Professionnel. Mais ils nous ont expliqué qu’ils ne s’occupent que de la Ligue 1 et de la Ligue 2 et nous ont donc redirigé vers la Fédération Française de Football. Ces derniers étaient ravis de découvrir notre projet. Ils nous ont proposé des invitations à des réunions de travail, ce qui est bien, mais dans les faits, il ne s’est pas passé grand chose. J’ai trouvé que c’était une réaction très française. « C’est bien mais on ne fera rien ». Ils ont pourtant le réseau, le pouvoir et les moyens pour enclencher des actions, tout comme la FA. On essaye donc d’agrandir notre propre réseau, de parler avec des medias, de faire des choses. On essaye d’utiliser tous les moyens possibles et imaginables. On essaye de survivre en faisant des campagnes de financement participatif.

Comment sont constitués les équipes de l’ESF Paris. Pas simple de construire avec des gens qui sont en transit ?

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Jusqu’à la tombée de la nuit

Chloé : Parmi les migrants il y a les demandeurs d’asile. 76% des demandes sont refusées. Ensuite ils peuvent avoir recours à la CNDA (Ndlr : Cour Nationale de demandeurs d’asile). Elle peut accepter ou refuser mais si c’est accepté ils obtiennent soit la protection internationale avec une carte de séjour valable 10 ans, ou soit la protection subsidiaire avec une carte de séjour valable 4 ans, en fonction du profil. Sauf que tout cette procédure peut prendre 2 ans. On a de tout dans nos équipes. Mais on a un noyau. Entre les rendez-vous avec l’assistance sociale et les cours de français, ils n’ont pas grand chose d’autre à faire et ils sont super contents de venir jouer au foot. Ça leur permet de penser à autre chose, sociabiliser et de progresser en français. Car on ne leur parle qu’en français, que ce soit sur le terrain ou dans les groupes de discussion WhatsApp qu’on a montés pour eux. Ils développent un sentiment d’appartenance, ils intègrent une communauté, c’est comme une famille. On les emmène à des matchs de foot, notamment du PSG. On répond à un besoin humain. Le logement est la nourriture c’est bien-sûr important, mais ces moments de bonheur c’est aussi indispensable.

Les objectifs à moyen terme c’est quoi pour vous ?

Chloé : Tant qu’il y aura des migrants, on sera là. La vérité, et je sais que ça dérange, c’est que les flux migratoires ne disparaîtront pas. Ils risquent de s’amplifier en raison des changements climatiques et il faut qu’on apprenne à vivre ensemble. On a plein de points communs, et le foot en est un. On a les mêmes émotions. En tout cas on veut continuer à professionnaliser la section masculine. Elle joue en départementale et se débrouille très bien pour une équipe qui, entre guillemets, n’a que deux ans. On est très contents du début de notre saison. Les joueurs ont énormément progressé depuis le début des entrainements. Ça porte ses fruits. On aimerait aussi créer une section féminine au sein de laquelle on aimerait créer une section junior. Avec une crèche pour gérer les plus petits. On se rapproche aussi du sport scolaire avec l’UNSS (Ndlr : Union Nationale du Sport Scolaire). On voudrait organiser une journée sportive avec les A.S. de foot des lycées parisiens et de banlieue tous les ans, pour la journée internationale des réfugiés. C’est très important pour moi qui suis prof. Ça avance bien. Mais bon financièrement, pour survivre, c’est comme les terrains, ça va être encore galère pendant un an.

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Julien supervise l’equipe

Certains des joueurs de ton équipe aimeraient embrasser une carrière de footballeur pro ?

Chloé : On travaille sur ce sujet avec Benjamin du CDOS. S’il y en a qui ont leurs papiers et qui veulent devenir pros, on peut les aider. il existe des histoires comme ça. Par exemple Nadia Nadim qui est d’origine afghane et qui joue aujourd’hui au PSG. Elle a le même profil que certains de nos joueurs. Typiquement c’est le genre de personnalité qui pourrait devenir marraine de notre association. Grace au foot elle a réussi à s’intégrer, à trouver son chemin. Tout le monde ne peut pas le faire mais ça reste un beau parcours.

Venons-en au terrain à proprement parlé. Comment se passe les entrainements ?

Julien : Déjà, je me garde bien de les prendre de haut ou des les infantiliser comme ça se passe parfois dans le monde associatif. Ils ont vécu beaucoup plus de choses que moi. Ensuite on n’a pas trop de problème de compréhension malgré la pluralité des origines. On communique beaucoup par les gestes. Et puis il y en a toujours un pour traduire aux autres. Et pour les exercices on les fait à vide pour leur montrer ou avec un joueur qui parle français, puis ils le reproduisent. On arrive à s’en sortir. On est 4-5 entraineurs et on organise les sessions entre nous. En fonction des niveaux.

Qu’est ce que ça vous apporte personnellement ?

ITW Chloé et Julien ESF Virage PSG
Julien & Chloé de l’ESF

Chloé : On en apprend beaucoup sur les autres cultures, afghane, soudanaise… J’ai commencé à apprendre l’arabe il y a quelques années et j’ai du arrêter. Avec eux ça me permet de m’y remettre. Il y a des échanges linguistiques et culturels super intéressants. Ça m’a appris à relativiser pas mal de choses. Je suis aussi admirative de la façon dont ils supportent tout ce qui leur arrive.

Julien : J’étais déjà pas mal impliqué dans le milieu associatif autour des migrants, déjà par convictions politiques. Car il y a des scandales les incroyables qui se passent sous nos yeux. Il y a des gens qu’on prive de droits de façon totalement aléatoire. Et je suis vraiment impressionné par leur endurance aux épreuves. Ce n’est pas que leur vie est un cauchemar quotidien mais ils s’emmerdent atrocement. Leurs demandes administratives peuvent prendre un an et demi. Ils n’ont aucune nouvelle de l’administration française pendant des mois. Ils ne savent pas ce qu’ils vont devenir. Ils se font contrôler tout le temps pour rien. Ils dorment devant les préfectures et parfois on les refuse, alors ils re-dorment une nuit de plus dehors. Je péterais un câble à leur place. Eux jamais. Ils ont un grand sourire tous les matins. Ils sont d’un calme, d’une résilience qui font mon admiration. En tout cas pour moi c’est surtout un plaisir simple de jouer au foot avec des gens. Je ne ferai pas de grand discours du genre « We are the world » car ce sont des choses très simples qui font que lorsque je rentre chez moi le soir, je suis content d’avoir été avec eux à l’entrainement. Comme avec des potes.

Découvrez et aidez l’ESF en allant sur leur site : www.esfparis.org


Xavier Chevalier

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