Laurent Fournier, la rencontre

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La vie, ce sont des rencontres. Dominique, 65 ans, est une habituée du Parc
depuis 40 ans
, abonnée pour la 24è saison consécutive. Le PSG est ancré dans sa vie et lorsque nous lui consacrions un portrait, elle nous confiait avoir beaucoup d’admiration pour un joueur en particulier, Laurent Fournier.


Un jour, nous avons demandé à Laurent Fournier, s’il était d’accord pour rencontrer Dominique,
et que ce soit elle qui l’interviewe. L’ancien joueur et entraîneur du PSG a tout de suite dit oui.
Et cela s’est passé pendant toute une matinée, à Saint-Germain-en-Laye.
Dominique avait préparé ses questions, Laurent Fournier y a répondu. 

Dominique : En premier, je voulais vous dire que j’ai toujours aimé votre comportement de battant sur un terrain. C’est aussi ce qui m’a fait vous aimer en tant que joueur. Vous êtes quelqu’un qui se bat, qui va au bout. Sur un terrain, vous aviez, je dirais, peut-être un petit peu moins de technique que certains, mais on savait que vous alliez toujours tout donner. 

Et puis pour moi, vous êtes un peu un joueur atypique. Je vous ai toujours apprécié à Paris. En introduction, je voulais vous dire ça et Merci. 

Dominique : Avez-vous toujours voulu être un footballeur professionnel ? Et comment vous est venue la passion du foot ?

Avec les Brosses de Villeurbanne © collection personnelle

J’ai commencé par jouer à l’école primaire, à Villeurbanne. Le mercredi, on faisait des 7/7 avec d’autres écoles. Et puis, un jour, il y a un entraîneur de l’Aigle Sportif des Brosses de Villeurbanne, qui était là, et qui m’a demandé si je voulais venir jouer en club. 

Moi, je ne savais pas trop, parce que ça faisait un peu loin. Et, comme j’avais de la famille dans le club où il était, j’ai décidé, à 12 ans je crois, d’aller jouer avec eux. J’ai fait 2 ans pupilles et 1 an minimes aux Brosses à Villeurbanne. 

Et puis, un jour cet entraîneur m’a dit : « Il faut que tu ailles en sélection ». Donc à l’époque il y avait les sélections district, ligue, etc. J’ai fait toutes les sélections et en cadet, Aimé Jacquet et Fleury Di Nallo sont venus me voir un match. Ils étaient à Lyon à l’époque. Et c’est Fleury Di Nallo l’idole de mon père, qui m’a demandé si je voulais venir à l’OL. A 15 ans, j’ai signé au centre de formation de l’Olympique Lyonnais. 

C’est Fleury Di Nallo, l’idole de son père, qui le recrute à Lyon. Ici le 17 juin 1973, avec l’OL en Coupe de France face à Nantes © Icon Sport

Vous n’avez pas commencé tout petit dans un club

C’est vraiment à 12 ans que j’ai commencé à m’entraîner. Et 4è, 3è, j’ai fait un sport études. On s’entraînait 3 fois par semaine, le lundi, le mercredi et le vendredi. Il n’y a pas longtemps, j’ai retrouvé un prof du collège, on a fait une interview. Je me souvenais du nom de tous les professeurs que j’avais. Il n’en revenait pas. Et il m’a dit : « Tu étais un élève discipliné, à part entre midi et deux » (sourires). Il m’engueulait car je jouais au foot tout le temps dans la cour. 

Petit, je jouais avec mes cousins au foot. Du côté de ma mère, ils étaient 9 frères et sœurs. Du côté de mon père, 9 aussi. Donc ça fait beaucoup de cousins cousines (sourires). On jouait comme ça, entre nous. C’est plus à l’école primaire que j’en faisais le mercredi. Mais le week-end, je n’avais pas de compétition. Pas d’obligation foot.  

A Lyon pour aller à l’entraînement, j’ai lu que vous deviez partir tôt, prendre plusieurs bus ?

La licence à Lyon, saison 1980-1981 © C.P.

Oui. Le 26, le 38 et le 13. Je m’en rappelle. J’avais 15 ans. Je vivais chez mes parents. Mon père travaillait, il commençait à 7h. Tous les matins à 6h45, il me laissait à l’arrêt de bus. Avec le 26, j’allais jusqu’à Grandclément. Parce qu’à l’époque il n’y avait pas encore le métro à Lyon. Ensuite, je prenais le 38 jusqu’à place Bellecour. Place Bellecour, le 13 jusqu’à Gerland. 

Parfois, mon père m’engueulait car je rentrais à la maison vers 19h30. Je mangeais, je me couchais, je m’endormais. Il me disait : « Tu ne passes jamais de temps avec nous ». Je me levais à 6h, j’avais entraînement, etc. 

A 15 ans, vous signez à l’OL. A 16, vous jouez votre 1er match en pro, en remplacement de Serge Chiesa à la 75’ ?

C’est le 1er match oui. Mais c’est… C’est plus un concours de circonstances. A l’époque, il n’y avait que 2 remplaçants. Et les effectifs, ils n’étaient pas très étoffés. Quand j’ai signé à Lyon, j’étais en cadets 2è année. J’avais repris avec le centre de formation et il y avait un match amical avec les pros, à Pont de Cheruy (38). On a fait appel à moi car il y avait beaucoup de blessés. Le coach, c’était Destrumelle. Cela ne s’était pas trop mal passé.

Et le week-end d’après, il y avait Lyon – Saint-Etienne à Gerland. Un match avec presque 49 000 spectateurs (48 552, record d’affluence à Gerland, ndlr). Comme les blessés avaient du mal à revenir, ils m’ont mis dans les 13 – parce qu’à l’époque c’était 13 joueurs sur la feuille de match – et je me suis retrouvé remplaçant pour ce 1er match le 9 septembre 1980. 

Je m’entraînais tout le temps avec les pros. Sauf que de temps en temps, je redescendais parce que j’étais encore à l’école. Au mois de novembre, j’ai fait ma 1ère rentrée à Strasbourg. En décembre, j’ai débuté à Monaco. En face il y avait des mecs comme Courbis, Glenn Hoddle, Jean-Luc Ettori, Delio Onnis, Jean Petit…

A 16 ans, c’est très jeune

Oui. Mais… J’ai eu la chance d’avoir des mecs qui étaient très pros avec moi. Tigana, par exemple, avant qu’il ne parte à Bordeaux. Il y avait Serge Chiesa. Il y avait Alain Moizan, Xuereb. Yves Chauveau. J’avais 16 ans. Lui, 37. Cela fait une bonne différence (sourires). Voilà, j’étais bien pris en charge par ces mecs-là. J’y suis allé avec beaucoup d’humilité. Et ça s’est bien passé oui. 

Face à Gerard Janvion le 22 février 1981 avec l’OL contre Saint-Etienne © Icon Sport

Vous avez commencé à quel poste, toujours le même ?

Milieu de terrain. Sauf, quand Aimé Jacquet m’a recruté, au début en jeune je jouais défenseur central. Après j’ai joué milieu, latéral, ailier droit… Au PSG, j’ai aussi joué côté droit beaucoup plus haut quand il y avait Ginola et Weah car on jouait en losange au milieu et c’est moi qui prenais le couloir. Après, à Marseille j’ai joué dans l’axe, latéral droit avec Beckenbauer, de temps en temps. D’un côté, je me dis que tout ça m’a servi, parce que tu t’adaptes, tu apprends. Et après tu deviens… multifonctions (sourires). 

Vous le voyiez plus comme un atout ?

(Il coupe) Oui mais après parfois, cela te dessert. Ce n’est pas une critique. Quoiqu’il arrive, j’étais content de jouer. Ce que je veux dire, c’est que oui, tu fais tout le temps 34 matches, parce que l’équipe a besoin de toi. Mais c’est vrai que les gens, ils se demandent si tu es latéral, si tu es milieu, etc. Ils ne savent pas vraiment où te situer. 

En discutant, il y a des gens qui m’ont dit qu’ils croyaient que j’avais toujours joué latéral. Pour les gens, je suis souvent vu, uniquement, sous le prisme d’un récupérateur de ballons. L’autre fois, le directeur du Musée de l’OL m’a appelé pour me dire que j’étais le 6è meilleur passeur dans l’histoire du club derrière Juninho, derrière Cavéglia. Je n’étais même pas au courant. Mais ça m’a fait super plaisir de l’apprendre. Pareil, un salarié à Bordeaux, une fois, m’a dit : « En 1994-1995, tu as été 2è meilleur buteur du club toutes compétitions confondues, derrière Valdeir ». 

Vincent Fernandez, Raí, Patrice Loko, Laurent Fournier, Alain Roche et Eric Rabésandratana le 4 avril 1998 en finale de Coupe de la Ligue © Icon Sport

C’est vrai que c’est quelque chose qu’on a complètement occulté, enfin…

Oui c’est occulté. Le 1er but de Raí au Parc, c’est moi qui le fais marquer. Le 1er de Weah au Parc, face à Dortmund, je fais la passe. Le 1er but de la tête de Vincent Guérin, c’est un exploit, c’est moi qui fais la passe (sourires) (Universitatae Craiova – PSG, le 3 novembre 1993, 1/8 retour de Coupe des Coupes. Victoire de Paris 0-2, un doublé de Guerin, le 1er du pied sur un centre de Fournier, le 2ème de la tête sur un centre de Fournier, ndlr).

Premier But de Raí au Parc : Cliquez ici 

Vous avez marqué 63 buts, dont 18 au PSG et 16 passes décisives. C’est vrai que ce n’est pas que défensif

Il y a toujours eu un gros travail de récupération. Mais c’est vrai que le fait de pouvoir amener le jeu vers l’avant et, comment dire, de me mettre à disposition du collectif, de m’adapter aux joueurs avec qui je jouais, c’est quelque chose que j’ai toujours essayé d’apporter à l’équipe. Quand tu joues avec des Weah, des Ginola, des Valdo, tu te mets à disposition du groupe pour pouvoir permettre à l’équipe de gagner. J’ai toujours considéré le collectif au-dessus de tout. 

Vous avez joué 8 saisons à Lyon, vous avez été formé à l’OL. Mais les gens vous identifient plus au PSG ?

Lyon, c’est le début. Nous sommes descendus en 2ère division, la saison 1983-1984. Je suis resté pendant 5 ans pour essayer de participer à la remontée mais il y avait des problèmes politiques, avec la mairie, entre autres. Il y a eu plusieurs présidents. En 1988, j’étais en fin de contrat et c’est là que je suis parti à Saint-Etienne. 

Un Lyonnais qui part à Saint-Etienne. L’OM, puis Paris. Je voulais vous demander : pourquoi ?

Si je suis parti à Saint-Etienne, c’est à cause, ou grâce, à Robert Herbin. Herbin entraînait Lyon. Et, pour retrouver le niveau de mes débuts en D1, il fallait que je passe un cap. J’avais des propositions de Marseille quand j’étais à Lyon, Monaco et j’avais Nantes aussi. Et Strasbourg. 

Herbin le Sphinx © Icon Sport

Mais moi, je voulais avoir un entraîneur qui me fasse confiance. Et je savais avec Robert Herbin que j’allais travailler physiquement, que j’allais finir par retrouver mon niveau. Je savais aussi que, même si au départ, je n’étais pas très bon, je savais qu’il allait me faire confiance et que j’allais pouvoir faire 34 matches par saison. C’est ce que j’ai fait à Saint-Etienne. 

Je m’entendais super bien avec lui, parce que c’était un mec qui était capable de te dire : « Tu n’es pas bon. Dis-moi si tu es prêt pour jouer. Et tu disais oui ou non ». Même s’il ne parlait pas beaucoup, je savais que si j’avais des soucis, quoique ce soit, je pouvais compter sur lui. 

Cela s’est bien passé quand même, malgré la rivalité ?

La rivalité existait. Après, il y a d’autres joueurs qui sont passés de Lyon à Saint-Etienne. Il y a eu Bernard Lacombe. Il y a des Stéphanois qui sont venus à Lyon. Je pense que c’était moins « méchant » qu’aujourd’hui. C’était plus dans le chambrage. Il y avait beaucoup de Lyonnais qui suivaient Saint-Etienne, car Saint-Etienne c’était 1976, les Coupes d’Europe. A la télé il n’y avait qu’eux. A l’époque, toutes les histoires de foot, à côté de Lyon, elles étaient à Saint-Etienne. 

Même si Lyon a fait de belles épopées européennes, avec la Coupe des Villes de Foires*, la Coupe de l’UEFA avec les Di Nallo, Chiesa, Lacombe. Et sincèrement, je n’ai jamais vu des gens aussi gentils dans une ville, que quand j’étais à Saint-Etienne. 

Ensuite, Marseille ?

Marseille, parce que je connaissais Jean Tigana, je connaissais Jean Castaneda, qui était mon gardien à Saint-Etienne. J’aimais bien aller dans les clubs où je connaissais les joueurs pour pouvoir m’adapter. 

Et là il y a Beckenbauer

Beckenbauer, puis Goethals. Avec Goethals, c’était particulier mais… c’est aussi ce qui m’a permis de progresser énormément. Sincèrement. 

Raymond Goethals & Franz Beckenbauer le 6 mars 1991 – Milan AC / Marseille © Icon Sport

Avec Herbin, je suis revenu physiquement, techniquement aussi. J’ai travaillé ce que j’avais perdu pendant quelques années. 

Quand je suis arrivé à Marseille, je suis tombé dans un autre monde. Pour moi, c’était… Il y avait du monde de partout. On allait à la boulangerie, les gens, ils vous laissaient passer. C’était… Bon, je suis tombé la bonne année, 1990-1991, on gagne le championnat, on fait une finale de Coupe de France et on perd à Bari (finale de la Ligue des Champions face à l’Etoile Rouge de Belgrade, ndlr) après avoir éliminé, en ¼ le Milan AC de Baresi. 

C’était très très très mal parti quand je suis arrivé à Marseille. Parce que Gérard Gili me fait jouer, après Franz Beckenbauer me fait jouer. Et là, Goethals arrive. 

Et Goethals, c’était un entraîneur qui gardait tout le temps son équipe. Il m’appelait « Chose », « Chose, va chercher les plots », « Chose fais ci, Chose fais ça ». Moi je disais : « Oui oui ». Les autres, ils me calmaient aussi par rapport à ça. Olmeta, Casoni, ils me disaient : « Laisse tomber, ça va arriver, ça va arriver ». 

Et, malheureusement pour Bernard Pardo, en février il se blesse gravement (ligaments croisés). Pardo ne peut plus jouer. C’était Saint-Etienne – OM. Goethals me dit : « Bon benh c’est toi qui joue ». Je lui dis : « Oui, pas de problème ». Et sur l’égalisation, c’est moi qui donne le but à Cantona. 

Après le match, il vient vers moi, il me dit : « Ah c’est pas mal ». Il me dit : « Tu vas jouer le match de Milan ». Je joue, et suite à ça je ne sors plus de l’équipe. C’est bien simple au début il m’appelait Chose, ensuite il m’appelait Fournier. Et à la fin il m’appelait Lolo (sourires). 

Le 29 mai 1991, vous êtes titulaire en finale de la Ligue des Champions

A Marseille ma victoire, c’est d’avoir joué tous ces matches avec ces grands joueurs. Quand tu joues avec Waddle, Abedi Pelé, Stojkovic, Tigana, Cantona, Mozer, Casoni, et que tu as 26 ans. Tu joues devant plus de 60 000 spectateurs. Tu as Beckenbauer qui arrive, qui te dit : « Tu es un bon joueur, moi je te fais jouer ». Goethals, tu le fais changer d’avis. Sans prétention, mais tu es content. 

Laurent Fournier contre l’Etoile Rouge de Belgrade le 29 mai 1991 © Icon Sport

Vous avez disputé 3 finales de Coupes d’Europe en tant que titulaire, avec des clubs français (1991, 1996, 1997). C’est un record.

Oui, après, j’aurais préféré toutes les gagner. Mais Bari, ça m’a permis de comprendre qu’une finale européenne, tu n’en joues qu’une fois de temps en temps dans une carrière. Voire qu’une seule fois. Après Bari, je me suis dit : « Si ça se trouve, je n’en rejouerai jamais ». Quand tu vois Saint-Etienne, qui n’en n’a joué qu’une. 5 ans après en 1996 on en joue une avec Paris, et en 1997, une autre. 

Pourquoi ne restez-vous qu’une seule année à l’OM ?

Parce que Tapie veut Angloma, qui est à Paris. Et la monnaie d’échange c’est Fournier, Germain, Pardo. Moi, il me restait 2 ans de contrat à Marseille. Paris m’en proposait 3. Et comme c’était le début de l’engagement de Canal Plus, tu sais que si Canal rentre dans le foot, ils vont mettre les moyens. Il y avait cette ambition d’être encore dans une équipe compétitive, qui va jouer le titre.  

(Silence) Mais je me rappelle, on arrive tard au Paris Saint-Germain avec Bruno Germain. On arrive 15 jours après tout le monde un truc comme ça. On venait de finir la Coupe de France et la Ligue des Champions avec Marseille. Et Artur Jorge avait avancé la reprise il me semble. 

Entre 1991 et 1998, vous êtes Parisien, sauf 1 saison (1994-1995) à Bordeaux. Pourquoi ?

Après le titre (1994) avec Artur (Jorge), c’est Luis (Fernandez) qui arrive. Les dirigeants ne veulent pas discuter avec Alain Migliacio (son agent, également agent de Zinedine Zidane, ndlr).

Parce que Alain Migliacio, ce qu’il faut savoir, c’est que en 1980, quand je suis à Lyon, il invite mon père et ma mère dans un restaurant qui s’appelle Le Jardin. Et il leur dit : « Je vais m’occuper de votre fils jusqu’à la fin ». Mon père, il lui sert la main. Il lui dit quelque chose comme j’espère que vous ne ferez pas d’entourloupe, sinon c’est moi qui m’en occupe. 

Face à Eric Di Meco et Didier Deschamps le 29 mai 1993 © Icon Sport

En 1994, je suis en fin de contrat avec le Paris Saint-Germain. Et Michel Denisot ne veut pas discuter avec Alain Migliacio, pour des histoires d’agent, tout ça. Et je dis à Alain – car le PSG voulait me faire re signer – je dis à Alain : « Je ne re-signe pas au PSG si ce n’est pas toi ». Et il me dit : « Bon ok, pars en vacances et je te trouve un club ».

Je signe 3 ans à Bordeaux. A la fin de la saison, Alain me dit : « Je vais te faire revenir à Paris ». Je lui dis : « Il n’y a pas de problème, tu me fais revenir à Paris ». 

Donc un matin, je suis à l’entraînement à Bordeaux. Il y a un membre du staff qui vient vers moi, qui me dit : « Tu quittes l’entraînement, tu as un avion à midi. A 13h il faut que tu sois à Paris ». Parce que j’avais rendez-vous aux Trois Obus avec Jean-Michel Moutier (alors directeur sportif du PSG, ndlr). Il avait le contrat. On l’a signé. Juste après, je suis retourné à Bordeaux, j’ai pris mes affaires et je suis revenu à Paris. 

Même si l’ambiance avait un peu changé, je savais qu’il y avait des Djorkaeff, des Loko, que ça allait être, allez je vais dire moins “individuel“ que ce dont j’avais entendu parler lors de la saison 1994-1995. J’ai dit : « Banco, je reviens ».  

En 1991, ce sont les débuts d’une nouvelle ère au PSG

Oui après si on revient sur la 1ère année, on fait je ne sais pas combien de nuls au départ. Mais on ne gagne pas de matches. On ne fait que des nuls. 0-0, 1-1… Mais c’est là où se construit l’équipe, et de la solidarité. Après on décolle avec une victoire au Parc.

Daniel (Bravo), à son initiative, tous les dimanche soir, un joueur organisait une fête pour resserrer un peu les liens. Et on s’éclatait parce qu’on était ensemble. Je précise qu’on faisait ça le dimanche soir car on n’avait pas entraînement le lundi (sourires). Et on n’allait pas en boîte, pas dans un restau, chaque joueur avait l’obligation d’organiser un repas chez lui. 

En Coupe d’Europe, toutes les ½ finales où on a été à la limite de passer en finale… (silence). Arsenal (1994)… Après c’est dommage qu’à l’époque on n’avait le droit qu’à 3 étrangers sur la feuille de match. Parce que le match d’Arsenal où Artur fait jouer Raí et pas Weah… Si tu as Raí et Weah au Parc et à Highbury, ça te change la donne. Parce que tu as beaucoup plus de créativité et de talent (au match aller au Parc, le PSG joue avec Ricardo, Valdo et Weah, mais pas Raí, 1-1. Au retour à Highbury, Ricardo, Valdo et Raí, pas de Weah. 1-0 pour Arsenal, ndlr).

La finale de Coupe des Coupes le 8 mai 1996 © Icon Sport

J’ai l’impression que vous n’avez jamais été blessé 

Non. La plupart des saisons, je faisais toujours 34 matches. Pas 38 car les 4 autres, j’étais suspendu. A l’époque, quand tu prenais 3 cartons jaunes, tu étais suspendu un match. Et au bout de 10, tu enlevais un carton, et tu reprenais à 2. (silence). C’est pour ça que je suis très bon en mathématiques (sourires). Et c’est pour ça que j’ai oublié un carton contre Bucarest (sourires). 

Pourquoi étiez-vous si rarement blessé, selon vous ? 

Pour moi, tout s’est passé en 1984, à Lyon, quand j’ai eu une petite élongation. J’avais 24 ans. Mon agent Alain Migliacio me dit : « Si tu veux faire une grande carrière, il faut que tu fasses attention à la diététique ». Et il me dit : « Tu vas aller à Merano » (Italie). Aujourd’hui, c’est connu, avec beaucoup de stars qui y vont pour faire des cures detox. A l’époque, ça l’était beaucoup moins, et ça s’appelait la Villa Eden. 

Donc moi, à 24 ans, je pars là-bas. Pendant une semaine entre Noël et le jour de l’an. Je reste là-bas. Et la cure, elle me fait perdre 9 kilos. 9 kilos en 1 semaine. Par contre, à la fin, je peux vous dire que je dessinais des sandwiches avec des cornichons, du pain. C’est pire que Koh Lanta (sourires). Quand je suis arrivé, on m’a dit : « On va te laver complètement ». Cette cure a été un tournant dans ma carrière et dans mon approche de la nutrition, de la diététique. Et au final, la seule blessure que j’ai eu au PSG, c’est un joueur. Je ne me souviens plus qui mais c’est un joueur qui me tacle un jour à l’entraînement (sourires). J’ai eu une fissure du petit orteil.

Mais j’ai vu qu’une fois, vous aviez-joué avec un claquage ?

Un jour, je me fais une petite élongation sur une frappe. Je vais à la clinique Louis XIV (Saint-Germain-en-Laye). Je fais une écho, le médecin me dit : « Tu as un claquage de 10 cm ». Je lui dis : « Ok mais moi, il est hors de question que je m’arrête ». (Silence). Parce que quand tu t’arrêtes au PSG, si un autre mec est bon, tu ne rejoues plus. 

Au PSG, avec l’effectif qu’il y avait… Je dis : « Non mais moi, quoiqu’il arrive, je vais jouer ». On jouait à Martigues je me rappelle. Le médecin me dit : « Mais tu ne vas pas pouvoir jouer ». Je lui dis : « Si si, je m’en fous. Tu me laisses tranquille. Je joue. Et je sais que le coach va me faire jouer couloir droit. Je gère, je suis tranquille. Les passes de l’intérieur, je ne les fais pas, je les fais que du cou-de-pied ». Aussi parce que je savais qu’il y avait une trêve de 15 jours juste après. Que j’allais pouvoir me soigner. 

Je joue. Je finis le match. On gagne 2-0. Un match tranquille. Et le médecin, quand je repasse une écho 15 jours après, il me dit : « Mais tu es un malade toi » (sourires). Il avait dit à tout le monde : « Fournier, il est blessé il ne peut pas jouer, c’est impossible ». Je lui ai dit : « Mais vous êtes fou, je vais jouer moi, je ne perds pas ma place » (sourires). 

On avait de la chance. On avait un entraîneur, Artur (Jorge), qui était très très bien au niveau psychologique, et au niveau discussions en individuel. 

Artur Jorge, Denis Troch, Guy Adam le 29 aout 1992 – PSG vs. Caen © Icon Sport

Cela me fait penser à quelque chose. A l’époque, tous les échauffements, on faisait des longueurs de terrain. Tu partais d’un point à un autre. Tu courais. Les joueurs, on était alignés, les uns à côté des autres et on courait. Et Artur, il se mettait au milieu, et il t’arrêtait, et il discutait avec toi. Et quand tu étais bon, il te disait : « C’est bien, etc ». Et quand tu étais mauvais, il pouvait te piquer énormément. 

Et moi, l’anecdote, c’est que à un moment – je vais être honnête, moi je me trouvais plutôt bon à ce moment-là (sourires) – Et je me rappelle, là il m’arrête. Il y avait Vincent, Paul et moi, on courait côte à côte. Il m’arrête. Et ce jour-là, c’était le pire. Je pense qu’il a voulu nous préparer pour les matches de Coupe d’Europe. 

Il me regarde, il me fait : « Ca va ? » Je dis : « Oui, bien. On a gagné. Oui ça va bien ». Il me dit : « Ah non, ça ne va pas ». Moi : « Pourquoi ? » Il me fait : « Je pense que je vais t’envoyer en cure pendant une semaine ». Je le regarde, je lui dis : « En cure ? Pourquoi ? » « Et bien oui parce qu’en ce moment, ça ne va pas. Il faut que tu perdes du poids. Si ça ne va pas, tu pars une semaine en cure et quand tu reviens, tu me dis si tu es prêt à jouer ». 

Quand le groupe repasse, il me dit : « Vas-y, tu peux y aller ». Les autres joueurs me disent : « Il t’a dit quoi ? » Moi : « Rien. Il m’a dit que c’était bien » (rires). Mais je peux vous dire que dans la tête, tu te mets à cogiter. Pareil, il faisait pareil à Vincent (Guérin), il faisait pareil à Paul (Le Guen). 

Dominique et Laurent

*La Coupe des villes de foires est une ancienne compétition annuelle de football européen qui s’est disputée entre 1955 et 1971.


Emilie Pilet

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