Les adieux au Prince

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S’il y a bien article que j’espérais ne jamais écrire, c’est celui-ci. L’histoire est finie,
la page est tournée. Le cynisme a triomphé, le romantisme est mort.
Marco est parti. Bienvenue dans le monde d’après.

Onze saisons, c’est le temps qu’aura duré ce mariage qui jamais n’aurait dû être brisé. Arrivé sur la pointe des pieds dans l’ombre du grand Zlatan à l’été 2012, le petit Marco a vite prouvé qu’il n’était pas là pour faire tapisserie. Aux côtés du métronome Thiago Motta et du marathonien Blaise Matuidi, le Petit Hibou laissait éclater son talent. D’une aisance technique qui confine à l’insolence, doté d’un sens de la passe et d’une vision du jeu dignes des plus grands, il mettait dans sa poche tous les supporters en un claquement de doigts et nous régalait à chaque apparition. L’Italien était destiné à rejoindre Susic et Raì au panthéon Rouge et Bleu. L’histoire était belle, et surtout elle était déjà écrite.

Mais voilà, à Paris, on aime les retournements de situation. On préfère les tragédies aux comédies romantiques. Et un soir de mars 2017, c’est un cataclysme qui s’est abattu sur Marco et le PSG. L’impensable, l’improbable, l’impossible s’est produit. On parle là d’une des plus grandes humiliations de l’Histoire du sport, doublée d’une injustice monumentale, le tout en mondovision. Après la catastrophe, Marco a voulu rejoindre notre bourreau. Sans doute avait-il senti que la gifle reçue serait lourde de conséquences. Face à l’inflexibilité de la direction parisienne, le Guffetto a accepté son sort et continué à mettre son talent au service du PSG. Mais les premières critiques se faisaient entendre.

San Marco de Paris © Icon Sport

Si Verratti a ses inconditionnels (dont je fais partie, au cas où ce ne serait pas assez évident), il a aussi ses détracteurs. Ces tristes sires lui reprochent de ne pas être décisif, critiquent son niveau de professionnalisme (la fameuse hygiène de vie !) et son goût pour la fête, quand ils ne crient pas à la fraude en arguant qu’il ne progresserait plus depuis plusieurs années. Ces gens sont incapables de voir la beauté quand elle est sous leur nez. Le genre de personne qui, en voyant Mona Lisa, ne peut s’empêcher de se demander combien a coûté l’encadrement. Ils vivent le football comme des agents du Trésor Public devant une déclaration de revenus. Ils aboient comme des roquets hargneux, tous à l’unisson derrière leur chef de meute. Vous le connaissez, je ne m’attarde pas sur son cas désespéré.

Je me laisse quelque peu emporter, mais ce sont les sentiments qui parlent. Pourtant je suis bien obligé d’admettre un fait incontestable : Marco a connu toutes les déroutes parisiennes des dernières années. Soit sur le terrain, soit depuis l’infirmerie. Mais il est envisageable qu’il ait pu être durablement impacté par ces revers dont certains furent particulièrement peu glorieux. Je peux même entendre qu’il a une part de responsabilité dans ces échecs, au même titre que ses coéquipiers. Mais Marco ne s’est jamais caché. Il a toujours pris ses responsabilités sur le terrain et n’a jamais dérogé à ses principes de jeu. Même quand il a tenté un dribble trop audacieux contre le Bayern, avec le résultat que l’on connaît.

Parce qu’il assume ses responsabilités

Cet épisode mérite que l’on s’y attarde. Le Petit Hibou traverse la saison comme un fantôme, à des années lumières de son meilleur niveau. Trop court physiquement, en manque de rythme après une Coupe du Monde qu’il n’a pas jouée, l’Italien n’est que l’ombre de lui-même. Mais même au creux de la vague, il reste joueur. Et quand il hérite d’un ballon chaud à 18 mètres de son but, dos au jeu et alors que son PSG est sous pression, il fait ce qu’il a toujours fait. Il prend un risque et refuse catégoriquement de balancer loin pour se donner de l’air. Le football est un jeu et il le restera à chaque fois que le ballon sera dans les pieds de Marco. Bien sûr, tout le monde lui est tombé dessus. Je peux le comprendre. Je pense que lui-même l’a compris. Mais le fait est que lorsqu’il y a un ballon dont personne ne veut, c’est souvent à lui qu’on le donne. Parce qu’il assume ses responsabilités, parce qu’il aime la pression (pas seulement dans un verre) et surtout parce que la plupart du temps, il s’en sort admirablement bien et sans l’aide de personne.

La spéciale Marco © Icon Sport

Ce dribble raté, et le but du Bayern dans la foulée, est devenu le symbole du déclin de Verratti. Trop vieux, pas sérieux, plus au niveau… Il a eu droit à toutes les critiques, justifiées ou non. Le point d’orgue de ce désamour était atteint le jour où des supporters se réunissaient devant la Factory, à l’appel du CUP, pour protester contre les résultats et les performances de l’équipe. Ce jour-là, Messi, Neymar et Verratti sont particulièrement ciblés. Ce jour-là, le peuple Parisien a traîné dans la boue celui qui l’avait fait rêver tellement de fois. Ce jour-là, le deuxième joueur le plus capé de l’Histoire du PSG, celui qui n’a eu de cesse de clamer son amour du club et son désir d’y faire toute sa carrière a été traité comme un vulgaire Fabrice Fiorèse. Si la vindicte populaire ne surgit jamais sans raison, elle est allée beaucoup trop loin. Le peuple Parisien a la mémoire courte. Mais finalement, il a eu gain de cause. Le président du CUP s’en est félicité, convaincu d’avoir agi pour le bien de ce qu’il considère être son club, probablement.

Chassé par les siens

La direction s’est rangée derrière l’avis de la frange la plus bruyante des supporters. Peut-être craignait-elle pour sa tête. Après tout, elle porte largement la responsabilité de l’enlisement progressif du club. Mais ce sont toujours les joueurs et les entraîneurs qui en subissent les conséquences. La colère des supporters était très grande, cette fois-ci. Il fallait donc des décisions d’ampleur pour retrouver une forme d’apaisement. Messi, Neymar, Marco et d’autres ont été priés de se trouver un point de chute. Véritable bénédiction pour nos dirigeants, l’Arabie Saoudite a débarqué dans le mercato et fait tourner les têtes de beaucoup de joueurs à coups de chéquier. Marco étant sur le marché, il a été approché. Longtemps hésitant, il a épuisé la patience des écuries saoudiennes. Luis Campos et Luis Enrique lui ayant signifié qu’ils ne comptaient pas sur lui, c’est finalement au Qatar que Marco ira se consoler. Chassé par les siens, le Prince du Parc s’est offert un exil doré.

3 is the magic number © Icon Sport

Loin des insultes, à l’écart des critiques, mais aussi très loin de son Parc, le Petit Hibou tentera d’oublier cette triste fin. Ce n’est pas celle qu’il avait imaginée. Lui voulait continuer à s’amuser, partout et tout le temps, mais toujours au plus haut niveau. Il aurait encore fait danser les inconscients qui s’imaginaient pouvoir le presser. Ses tacles rageurs auraient été autant de ballons récupérés. Il aurait continué à jouer rapidement les coups francs pour surprendre l’adversaire. Ses passes auraient encore mille fois éclairé le jeu. Il aurait récolté encore des dizaines de cartons jaunes parce que Marco est de toute façon incapable de se taire face à un arbitre. Ses soirées, ses bières et ses clopes auraient encore fait enrager tous ses détracteurs. Marco serait resté le même, parce qu’il ne conçoit pas la vie autrement. La saison précédente n’aurait été qu’une parenthèse et il aurait évidemment retrouvé tout son génie. Parce que le génie ne disparaît pas, il s’absente, tout au plus.

Mais Marco est parti. Forcément déçu, peut-être vexé. Il aurait mérité tellement plus. Un dernier match au Parc. Le numéro 6 définitivement retiré. Une statue devant le Parc. Une avenue à son nom. Du respect, bordel ! Juste du respect !


Café Crème et Sombrero

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