Les démons de l’ennui

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Ce matin, les supporters parisiens se réveillent sans gueule de bois.
Perdre en Coupe de France, rien à battre. Ce qui compte, c’est l’Europe.
Notre ADN, ce sont les grandes oreilles. Rien d’autre. Tous nos matches jusqu’au 15 février ne sont là que pour parfaire cette machine de guerre qui va terrasser le Real
et foncer jusqu’à la victoire finale. Cette arrogance de nouveau riche,
ce mépris assumé…

PARIS rêve plus grand en anglais et uniquement les mardis et mercredis soirs. Le championnat, la coupe, ce sont ces voitures de luxe que l’on abandonne en plein désert, sans regret ni remord. Parce qu’on a les poches pleines. Parce qu’on ne respecte rien. Parce que, depuis longtemps, on a piétiné le réel.

Hier soir, notre match a une nouvelle fois étalé à la face du monde toute notre indigence. Équipe de handball qui peut jouer en marchant sans jamais craindre le bras levé de l’arbitre, le PSG a insulté tous les fondamentaux, fait semblant d’être un collectif. 99% de nos centres et de nos coups de pieds arrêtés n’ont trouvé personne, Messi a rendu hommage aux rues de Marseille en multipliant les passes poubelles, les crochets déchets, les inspirations à peine recyclables. À part Verratti, peut-être aussi Donnarumma et Mendès (étrangement sorti par Mauricio), qui sauver ? Même le soldat Ryan a préféré déserter.

Il n’y avait rien, le néant, la honte. Et ce n’est pas comme si c’était la première fois cette année. Depuis août 2021, le PSG (dé)joue à se faire peur. Pas un match référence, aucune montée en puissance, oui, le néant, chaque semaine confirmé. Sans le Golgoth de Bondy, nous serions dans le ventre mou et qualifiés en Europa League. Voilà le constat. Le terrible et risible constat de notre politique sportive. On peut gagner la LDC en ne jouant pas, on peut atteindre les sommets continentaux en méprisant le football chaque week-end. OK. D’accord. Faisons comme ça. Mi autruche mi pachyderme. Aucune finesse, zéro lucidité.

Cette cour de récré chaotique et sauvage

On a du fric, on a des stars. Suffisant pour dominer, pour aller au bout. Le mercato de l’été dernier, qui avait de la gueule, que dit-il aujourd’hui ? Ramos s’apprête à plomber définitivement la sécurité sociale, Wijnaldum est en dépression carabinée (un soldat ne peut pas briller dans une bande de pirates), Messi a le blues éternel catalan. Donnarumma, à la rigueur. Mais on avait déjà Navas. Mbappé va partir. Neymar est ce fantôme qui hante nos espoirs les plus brûlants. Mauricio n’a jamais été vraiment notre coach. Erreur de casting. Mais quel entraîneur pourrait réussir ici ? Comment imposer un rythme, une stratégie, un avenir à cette cour de récré chaotique et sauvage, nombriliste et trop gâtée ?

Zidane ? Peut-être notre ultime péché. De croire que Zizou est le seul capable de remettre de l’ordre dans ce merdier relève de la pensée magique. De l’aveuglement coupable. C’est une naïveté qui n’est pas émouvante. Ridicule plus certainement. Hier, dans ce stade vide, avec ces maillots noirs immondes et qui nous rappellent à chaque nouvelle sortie l’acharnement de nos dirigeants à vouloir effacer notre passé (ne devraient-ils pas plutôt tout faire pour écrire notre avenir ?), j’avais l’impression de voir un autre club, une autre histoire. Je n’étais pas déconnecté mais pas loin non plus. La seule continuité, c’était moi, moi et mon envie de qualification en quarts pour affronter l’om, moi et mon amour de la coupe de France, ce trophée qui a lancé notre aventure, qui m’a fait aimer pour toujours Paris.

Mais dans ma télé, était-ce le PSG ? Cette chose molle et arrogante, ce jeu sans profondeur ni envie, ce onze qui n’est jamais le même, était-ce le club que j’ai choisi de suivre jusqu’à la mort ? J’en suis de moins en moins persuadé. Je m’accroche, bien sûr, je suis du genre opiniâtre. Comme je l’avait écrit il y a longtemps déjà dans mon bouquin, on ne quitte pas sa femme parce qu’on vient de lui diagnostiquer un cancer. C’est inconcevable. J’en suis là. Mon équipe semble en phase terminale. Sans aucun traitement capable de la sauver. À force de tout faire à l’envers, à force de croire que l’argent peut résoudre tous les problèmes, on galvaude une passion, on écrase une foi, on se condamne au pire. À l’oubli ?

Le fric n’est rien sans effort ni vision

Dans cette mascarade qui dure, il y a une certaine morale qui se dégage. Une évidence. Le fric n’est rien sans effort ni vision. L’émir pourra bien encore dégainer le chéquier, acheter Ronaldo, Haaland, Salah et Iron Man, Paris ne décollera pas. Jet privé sans moteur, sans carburant. Coincé sur le tarmac du gâchis et de la suffisance. Tout ça est finalement assez écoeurant. On va tomber sur Pochettino, bien sûr, moi le premier. Fusible. On va lui reprocher ses tactiques qui n’en sont pas, ce refus d’une défense à trois, son entêtement à ne pas donner sa chance à notre jeunesse. Hier, Paredes a encore la marque de l’oreiller de la business class et il joue. Mbappé est préservé. Herrera est là, Danilo aussi. Les gosses, on les envoie au front à la fin, quand ça pue déjà la déroute. Simons rate son péno et s’offre un petit traumatisme. C’est ainsi que l’on grandit, certes mais le timing est plus que douteux. Malheureux.

“J’en ai plein le cul des ces matches qui me font perdre dix ans de vie” me dit mon ami Paco par texto, avant même notre élimination pitoyable. Il n’a pas tort. Perdre, pour un supporter, c’est acceptable. Quand Paris insultait le football comme en 2008 par exemple, pas de problème. Nos cadors se nommaient alors Armand, Rothen. Mais là… Le PSG ressemble de plus en plus à une ex qui aurait pris 30 kilos. Il n’est ni séduisant, ni excitant. Il est lourd, terriblement lourd. Il est à la fois agaçant et frustrant, prévisible dans son illisibilité. Gageure. Et il marche, et il joue la tête baissée, et il trébuche. Parce qu’il se moque de la Coupe de France. Comme il se fout de la Ligue 1. Il est ailleurs, pas là. Il vaut mieux que ça ! Pas de temps à perdre avec ces obligations du quotidien ! Vite, le Real.
Je préfèrerais qu’on se concentre sur le Réel. Pas gagné…


Jérôme Reijasse

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