Marco Verratti, l’indispensable

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Dans un milieu qui peine à se trouver depuis le début de saison, force est de constater, surtout depuis hier soir, que Marco Verratti n’a jamais été aussi indispensable dans l’effectif du Paris Saint-Germain.

Malgré des résultats dans l’ensemble satisfaisants, le jeu du PSG a rarement été aussi critiqué qu’en cette saison 2021-2022. Arrivé il y a plus d’un an sur le banc parisien, Mauricio Pochettino tâtonne et peine à améliorer l’expression collective de son équipe ainsi qu’à trouver un équilibre cohérent face à la quasi-obligation d’aligner le trio offensif Neymar-Messi-Mbappé, ce qui a souvent pour effet de couper l’équipe en deux et de se voir trop facilement mis en danger à la récupération adverse. Défensivement, l’équipe peut compter sur deux gardiens de classe mondiale et un Marquinhos toujours irréprochable, même si Kimpembe affiche parfois quelques limites difficilement pardonnables pour un joueur international (en attendant peut-être de voir émerger une défense à trois avec Sergio Ramos et les deux latéraux en mode piston) . En attaque, Mbappé, tranchant dans ses appels et clinique devant le but, porte littéralement le PSG et offre une force de percussion et une profondeur indispensables au bon fonctionnement de l’ensemble. S’il y a un niveau où le bât blesse, il se situe clairement au milieu de terrain, secteur dans lequel Herrera, Paredes, Danilo Pereira, Wijnaldum et dans une moindre mesure Gueye n’ont pas répondu aux attentes. Si l’on peut tirer une conclusion de cette moitié de saison, c’est que Marco Verratti n’a jamais été aussi indispensable.

Lors de la victoire du PSG sur City en septembre, Pep Guardiola avait publiquement déclaré sa flamme au milieu de terrain italien, auteur d’une prestation XXL qui avait enchanté le Parc et prouvé une fois de plus que le public parisien avait les yeux de Chimène pour son chouchou. On comprend aisément le technicien espagnol, tant la palette dont peut faire étalage le petit hibou s’avère aussi impressionnante que variée. S’il lui reste des scories à gommer dans son jeu (un engagement parfois à la limite, une propension agaçante à prendre un carton par match, une tendance à aller pleurer constamment auprès de l’arbitre), il est capable d’abattre un gros boulot à la récupération, de conserver le ballon face au pressing adverse, de temporiser quand il le faut ou au contraire d’apporter une essentielle verticalité par sa qualité de passe vers l’avant. Il possède un profil unique parmi les milieux de terrain de l’effectif, incroyablement complet, à la fois gratteur de chique, premier relanceur et meneur de jeu. Son aisance technique et sa vista lui permettent de briller aux quatre coins du terrain et, en son absence, le jeu de l’équipe perd grandement en qualité et en fluidité. Il est aussi important qu’un Mbappé, dont on a régulièrement entendu dire qu’il était l’arbre qui cache la forêt  d’un PSG souvent fragile et sans imagination.

Les armes fatales face au Real ? © Icon Sport

Recruté en 2012 par les nouveaux propriétaires qataris contre une dizaine de millions d’euros alors qu’il évoluait dans l’anonymat de la Serie B avec Pescara, Marco Verratti s’est progressivement imposé comme l’un des hommes phare du projet QSI. Il s’est forgé une réputation qui fait saliver tous les directeurs sportifs de la planète et un palmarès qui force l’admiration : joueur le plus titré de l’histoire du PSG (24 titres, dont sept championnats, à égalité avec des barons comme Larqué, Revelli, Coupet, Juninho et Thiago Silva) et le plus capé en Coupe d’Europe avec 67 apparitions, ce qui est tout sauf anecdotique quand on connaît le passé européen du club. Tous les entraîneurs qui se sont succédé aux manettes du PSG ont compris l’importance de Verratti et salué le niveau et la régularité de ses performances, d’Ancelotti à Blanc en passant par Emery et Tuchel. Tous ont loué son attachement viscéral au club (il envisage de terminer sa carrière à Paris alors qu’il a le niveau pour évoluer dans n’importe quel top club européen), son professionnalisme souvent entaché d’une image de dilettante à l’hygiène de vie discutable, sa capacité à bonifier le collectif, son intelligence balle au pied, son sens du tempo et son envie de jouer constamment pour les autres. Alors que le président de Rennes Frédéric de Saint-Sernin s’était interrogé à l’époque sur l’opportunité de son transfert et le voyait évoluer avec la réserve, Verratti a mis tout le monde d’accord et fait aujourd’hui l’unanimité.

Blessé au genou puis à la hanche, l’Italien a manqué quelques matches à l’automne et son retour a fait un bien fou. Face à Brest, à l’occasion d’un match globalement maîtrisé et séduisant, il a fait étalage de toute sa classe et a été au four et au moulin (crédité d’un 6 dans L’Equipe, on se demande ce qu’il doit faire pour obtenir mieux). Contre les Bretons, il a démontré sa faculté à combiner dans les petits espaces, à relancer proprement, à aérer le jeu tout en ne laissant pas sa part au chien sur le plan défensif. Il a même failli marquer, fait rarissime pour lui, trouvant le montant du pointu au terme d’une action lumineuse. Pour Pocchetino, c’est une excellente nouvelle de retrouver un Verratti aussi au point physiquement que juste techniquement. L’entraîneur argentin a eu trop souvent tendance à balader son joyau d’une position à l’autre, n’hésitant parfois à le faire jouer sur un côté. Il semble avoir enfin compris que Verratti devait évoluer comme la pointe basse d’un trident de l’entrejeu, position idéale qui lui fait jouer les numéro 6 en défense tout en lui permettant de faire le lien entre la défense et l’attaque, à l’image d’un Pirlo, jamais aussi à l’aise qu’en meneur de jeu reculé. C’est à ce poste de milieu axial qu’il donne sa pleine mesure et permet à l’équipe de respirer par sa première transmission toujours inspirée et sa faculté à briller au cœur du jeu. Espérons que les expérimentations tactiques de Pochettino l’épargneront et qu’il continuera de s’épanouir dans ce rôle de sentinelle-premier relanceur qui lui sied à merveille et donne de l’oxygène à toute l’équipe.

A un petit mois du match aller contre le Real Madrid, les interrogations ne manquent pas. Neymar sera-t-il opérationnel et compétitif ? Messi se montrera-t-il à la hauteur de l’événement ? Ramos aura-t-il droit à une place de titulaire ? Faut-il laisser tomber le 4-3-3 au profit d’un 3-5-2 ? Quels milieux faut-il aligner pour contrer le redoutable trio Casemiro-Kroos-Modric, véritable machine à conserver le cuir ? Comment contrer le duo Vinicius-Benzema alors que le PSG concède trop de tirs cadrés et ce même à des adversaires modestes ? Alors que Pochettino prépare le grand rendez-vous et cherche des réponses, la présence de Verratti constitue une garantie on ne peut plus précieuse. De retour à son meilleur niveau, l’Italien sera un caillou dans le jardin d’Ancelotti et, alors que tous les regards seront braqués vers le peut-être futur Madrilène Mbappé, un des atouts maîtres du PSG. Jamais aussi à l’aise que lors des grandes rencontres et imperméable à la pression, Verratti saura faire parler son expérience et sa science du jeu face aux merengue. Quand le bateau tanguera, il sera celui qui saura rassurer son monde et jouer les capitaines de bord, même si Marquinhos fait souvent office de dernier rempart face aux vagues adverses. Face à une équipe éminemment joueuse, on peut compter sur lui pour contrôler le rythme, apporter de l’agressivité, trouver une passe que seul lui a vu, batailler dans le rond central et alimenter ses attaquants en bons ballons. Pour passer l’obstacle Real, le PSG aura besoin d’un grand Verratti. Si on ne doute pas une seconde qu’il répondra présent, il faut juste espérer qu’il ne se blesse pas. S’il le faut, nous irons mettre un cierge à l’église.


Denis Ritter

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