Mercato estival, mode d’emploi

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A l’heure où se termine péniblement, au rythme de trop récurrents rendez-vous devant les diverses commissions de discipline, une saison à laquelle nous pensions pouvoir dicter le rythme jusqu’à un été flamboyant, beaucoup de questions se posent.


Les questions se posent donc sur le poste de défenseur central, du (des) gardien(s), des remplaçants, des vieux joueurs, des jeunes…
Elles sont toutes sur la table, et c’est dans ce genre de moments dessinés pour rabattre les cartes, que quelques « insights » dépassionnés peuvent être intéressants pour servir de base à une redéfinition avertie.

Le travail que je vais ici mener est de reprendre les éléments de The Numbers Game, mon livre de référence sur les questions football. Il a été rédigé par Chris Anderson, un sociologue passé par la quatrième division Ouest-Allemande, et David Sally, un ancien baseballer devenu économiste, deux personnes qui ont contribué à amener les dirigeants du football à analyser de façon alerte les données de notre sport.

Ce livre revient sur un nombre impressionnant de points en attaquant de façon frontale de nombreuses idées reçues (les risques disproportionnés de jouer les corners, le moment optimal des remplacements ou l’impact réel d’un changement d’entraîneur). Mais c’est, à l’heure où va s’ouvrir le mercato le plus décisif de l’ère QSI, sur leur chapitre consacré à la composition des effectifs que je veux ici insister.

CONSTAT SUR L’IMPACT DES MAILLONS FAIBLES DANS LE FOOT

Commençons par la théorie : pour ne pas perdre de temps, je vais directement commencer par reprendre les termes de leur introduction « Ce ne sont pas les meilleurs joueurs sur le terrain, ni les points forts d’une équipe, qui déterminent le vainqueur. Les équipes qui passent leurs étés à investir des millions sur les dernières révélations ont tout faux. Le football est très différent du basketball, ce sport où le succès est le plus impacté par la présence de super-stars. C’est moins la majesté d’un Messi, les passes d’un Paul Scholes, la vitesse et la force d’un Cristiano Ronaldo ou les anticipations télépathiques d’un Xavi avec un Iniesta que les mauvais pieds ou la bêtise d’un Khizanishvili (défenseur Géorgien qui, par trois erreurs fatales en 30 minutes lors d’un match décisif, coûta l’accession en Premier League à son club de Reading) et de ses semblables, ou de leur peu de liant avec leurs coéquipiers. »

Dans le cas où je vous aurais perdus, les auteurs ont auparavant comparé le football à la NASA, et à l’épisode le plus désastreux de l’histoire de l’agence américaine : l’accident de Challenger en 86 où un joint gela et laissa échapper des gaz chauds sur un énorme cylindre de carburant amenant l’explosion de la navette…
Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, l’action de Kehrer face à Man United est un peu la répétition de cet accident de Cape Canaveral.
Je terminerais cette revue des citations du livre par celle de Valeri Lobanovski, coach historique du Dynamo Kiev, qui estimait qu’une équipe qui commet des erreurs sur moins de 15 à 18% de ses actions est… imbattable ! (coucou Kimpembe & Buffon)

En entrant plus dans le détail, passons maintenant à ce qu’il est possible de faire en fonction de ce que propose le football moderne. Voici les solutions à ces failles.

Je tiens à avertir les lecteurs, que j’aurais déjà saoulé par cette approche, qu’il vaudrait bien mieux pour eux d’arrêter la lecture à ce stade.

Je vais me baser sur trois graphiques issus du livre pour en extraire des enseignements fondamentaux concernant l’équilibre nécessaire au succès.
Je vais reprendre dans l’ordre les 3 documents qui dessinent cette logique.

VISUALISATION D’EQUILIBRE DES FORCES EN PRESENCE

Fort du constat que les points faibles peuvent avoir un effet terrible sur les équipes, les auteurs se sont basés sur l’indice Castrol FIFA (disparu depuis) pour placer sur le graphique intitulé Tableau 1, le meilleur et plus faible joueur de chaque équipe.
L’axe des abscisses positionne le joueur le plus fort de l’équipe (Messi et Ronaldo permettent au Barca et au Real de coller le bord droit du graphique). L’axe des ordonnées est celui auquel on ne prête à priori aucune attention : celui du joueur le plus faible. Dans le cas présent, le joueur le plus faible de cette équipe du Barca n’était autre que notre bon Maxwell dont nous avons pu mesurer que sa note [approximative] de 83% le plaçait effectivement largement au dessus de tous les joueurs de Ligue 1 qu’il a rencontrés lors de son séjour parisien.

Là où ces éléments deviennent enseignements, c’est dans les chiffres des deux documents suivants.
Dans le tableau 2, les points faibles et points forts de chaque équipe apparaissent à leur niveau respectif le long de l’abscisse alors que l’ordonnée traduit, elle, le résultat collectif.
Ainsi, au niveau de la différence de but égale à deux, nous voyons apparaître nos coéquipiers du Barça (Maxwell vers 83% et Messi à 100%). La logique dans le tableau 3 est la même, mais cette fois-ci rapportée au nombre de points pris par match.

Si vous ne voyez pas où je veux en venir avec ces trois graphiques, laissez moi attirer votre regard vers le troisième club le plus haut placé sur les deux derniers documents.
Également doté d’une super-star au sein de son effectif, le club perd près de 0.6 buts par match et surtout 0.3 points par match du fait d’un maillon faible à peine au dessus d’une note de 60%… (Je n’ai pas l’information mais il me semble probable qu’il s’agissait ici du Milan AC d’Ibrahimović).

La fin de notre saison 2019 a été marquée par des compositions imposées par les contraintes de blessures et de suspensions. Tuchel a dû choisir, par défaut, entre les quelques joueurs encore physiquement aptes, alors même que ceux-ci pouvaient être fatigués, démotivés et / ou sans émulation interne…

J’avais assisté depuis La Beaujoire, à l’abominable prestation des rouge et bleu et j’avais alors insisté sur le fait que notre équipe ne semblait pas au niveau des canaris. Avec recul, en relisant les compositions, on réalise bien que les deux éléments forts du club (Alves et Buffon) se sont retrouvés bien seuls au coeur des points faibles structurels (Choupo-Moting, Nkunku) et ceux du moment (Kehrer [malade], Kimpembe [en plein doute])…

REMANIER NOTRE EFFECTIF PAR LE BAS

Afin de limiter la saison prochaine les chances de voir un scénario aussi amer que celui de cette année, la solution sera de cesser de recruter des « stars » tant que le FPF ne nous permettra pas d’élever le niveau de nos maillons faibles.
Oublions ainsi les Dybala, Coutinho et autres Ndombélé pour cet été, ce n’est pas ici que nous pourrons progresser.
La clé sera d’avoir 16 joueurs de niveau 80 en plus de nos deux 100, ou un ensemble autour de 86 sans ces deux éléments (bienvenus Dybala, De Ligt et Ndombélé).
Très clairement, au regard des marchés terriblement délicats, du fait de l’envolée des prix, mais surtout dès que le nom du club de la capitale apparaît dans les discussions, trois types de cibles me semblent prioritaires :

les fins de contrat : si les informations concernant Ander Herrera se confirment, il s’agit clairement d’une excellente nouvelle. Un joueur de très bon niveau (plus de 7/10 en moyenne sur ses matchs au milieu cette saison [source : whoscored]), humble et combatif qui semble valoriser le collectif sans poser aucun problème.
La liste des profils dans cette situation contractuelle est très longue et incroyablement qualitative cette année : Hector Herrera (Porto), Matteo Darmian (ManU), Diego Godin (Atletico Madrid), Olivier Giroud (Chelsea), Vincent Kompany (Man City) ou… Mario Balotelli (… Milan AC).

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Les profils de jeunes évoluant dans l’hexagone : même si des profils comme ceux de Atal ou Pépé pourraient facilement nous sembler les plus intéressants au regard de leurs prestations respectives face à nous, il s’agit encore une fois d’éviter d’enfoncer des portes ouvertes en alignant les billets. Des profils comme ceux de Claude-Maurice (Lorient) que l’on annonce partant pour Monaco pour une somme à peine supérieur à 10 millions d’euros, ou encore de Téji Savanier auteur d’une saison hors-norme au sein d’une équipe aux abois me sembleraient idéaux pour s’asseoir sur le banc et jouer une trentaine de matchs avec envie.

Last but not least, les profils à valeurs arrêtées : souvenons-nous des derniers jours de janvier, Mendes (Lille) avait une clause de sortie à 25 millions… On a préféré investir en Russie pour un profil que beaucoup considèrent trop onéreux. Cet été, la situation se pose à nouveau avec de nombreux joueurs dont la côte est sous les 40 millions d’Euros (Danilo Pereira, Tiémoué Bakayoko, Idrissa Gueye ou… Mendes). Ne les laissons pas passer.

J’aimerais beaucoup revivre un été synonyme de millions dépensés et d’arrivées flamboyantes mais je pense que le salut de notre équipe passera par un été quantitatif afin de ne plus revoir le PSG de Neymar et Mbappé jouer au niveau de Choupo-Moting.

Photos (c) Panoramic


Jean Miflin

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