Michaël Larrar

par

Le mental est un sujet aussi sensible qu’inévitable lorsque l’on parle du PSG.
On en entend parler depuis des années dans les conférences de presse,
sur les plateaux de télévision, dans les interviews, entre supporters…
Michaël Larrar est psychiatre – psychanalyste
en plus d’être un inconditionnel
Rouge et Bleu
. La sortie de son livre, « Les Secrets de nos inconscients »
(éditions Librinova), était l’occasion parfaite de donner la parole
à un professionnel sur ce sujet si complexe.

Bonjour Michaël. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs ?

Je suis Michaël Larrar, psychiatre pour enfants, adolescents et adultes. J’ai aussi exercé auprès de sportifs de haut niveau pendant 6 ans à l’INSEP.

Depuis quand supportez-vous le PSG ? Quels sont vos meilleurs et pires souvenirs ?

Je supporte le club depuis la finale de coupe de France de 1983, PSG – Nantes, que j’ai regardée avec mon premier maillot RTL sur le dos, floqué du numéro 8 de Luis Fernandez. Mon meilleur souvenir au Parc c’est PSG – Real Madrid, de loin ! Et mon pire, c’est la remontada. Je me souviens être resté silencieux, comme abasourdi par la violence de l’humiliation mondiale. Une horreur qui ne serait jamais arrivée si le PSG avait une équipe de psychologues au sein du club !

Quel bilan faites-vous de la saison du PSG ?

En tant que supporter je suis déçu, comme tout le monde. On gagne un dixième titre de Champion de France mais on ne le célèbre pas. C’est pourtant une belle performance mais elle est banalisée. Toute l’attention du club et des supporters est portée sur la Ligue des
Champions ce qui induit une perte de saveur et d’estime pour les autres succès. C’est à mon sens un des maux principaux du club. Les sportifs de haut niveau ont besoin d’objectifs mais la défaite ne doit pas être considérée comme une catastrophe. Le club crée une pression écrasante de par sa communication défaillante axée depuis des années
sur la quête de la Ligue des Champions. Ce n’est pas raisonnable et on voit que c’est problématique. Paris peut faire 40 très bons matchs dans la saison, mais seule l’élimination en Ligue des Champions sera retenue. Il n’y a pas de réflexion psychologique sur la notion d’objectif au sein du club.

Cela explique-t-il le mécontentement actuel qui prédomine chez les supporters ?

Nous sommes devenus des enfants gâtés, comme dans tous les grands clubs. On s’habitue aux très bonnes choses mais pas toujours de façon heureuse. On peut aussi s’en lasser. Par exemple, si vous mangez tous les jours dans un 3 étoiles, vous finirez peut-être par critiquer le menu et irez manger ailleurs. Je pense que les supporters sont touchés par deux choses. D’abord, ils sont marqués par les objectifs du club. Le discours des dirigeants a créé ce mécontentement. Ensuite, il y a la sensation que les joueurs ne s’investissent pas suffisamment. Il y a cette idée qui se diffuse selon laquelle les joueurs ne seraient pas émus par leurs défaites et qu’ils ne seraient là que pour toucher leur chèque. En tant que psychologue qui a travaillé avec des sportifs de haut niveau, je suis convaincu de l’investissement des joueurs mais aussi de la sincérité de leur déception. Pour beaucoup de supporters, les voir souriants et détendus sur Instagram deux jours après une désillusion est incompréhensible. Mais il faut comprendre que les sportifs ont absolument besoin d’évacuer la défaite rapidement en décompressant. Ils doivent être sur le terrain et performants 3 ou 4 jours après une défaite, aussi traumatisante soit-elle. Ils ne peuvent pas s’appesantir. Nous, les supporters, continuons à ruminer la défaite contre le Real Madrid deux mois après ! Nous ne pourrions pas être des sportifs de haut niveau de cette façon. Il n’est jamais simple de remporter la Ligue 1 après avoir été éliminé de la Ligue des Champions. Les adversaires en France sont eux aussi des sportifs de haut niveau, et sans une exigence de performance, le PSG ne pourrait pas gagner le championnat.

Besoin d’évacuer la défaite rapidement

Nos anciens entraîneurs, Unai Emery et Thomas Tuchel, connaissent un succès certain ces dernières saisons. Dans le même temps, Lionel Messi a connu des difficultés d’adaptation depuis son arrivée l’été dernier. Comment expliquez-vous ces situations ?

Premièrement il n’y a pas d’explication simple. Et deuxièmement je ne mets pas les joueurs et les entraîneurs au même niveau. Pour le cas de Messi, il a dû faire face à un changement total d’environnement, pas seulement sportif. Il a quitté un endroit où il vivait depuis plus de 20 ans, où il a grandi, où il s’est marié, où il a vu naître ses enfants etc… Cela demande nécessairement un temps d’adaptation. Mais je n’ai vu aucune faillite mentale de sa part. De l’extérieur il me donne l’impression d’être structuré, bien accompagné et intelligent.
Et sa saison est loin d’être catastrophique. Concernant le cas de l’entraîneur, il doit être un chef stratégique, avec un fort pouvoir. Je ne suis pas dans le club, mais il semble y avoir des interférences entre la direction et le secteur sportif. Qu’il s’agisse de Klopp à Liverpool ou de Guardiola à City, si un conflit éclate avec un des joueurs majeurs de l’équipe, ils auront le dernier mot. Je ne suis pas sûr que ce serait le cas à Paris.

Qu’est-ce que la psychologie peut apporter à des sportifs et à un club dans son ensemble ?

Les sportifs expérimentent différents types de stress. Ils soumettent leur corps à une pression physique extrême, ils doivent faire face aux problématiques de concurrence, de blessure, de pression médiatique. Ils peuvent aussi être en proie à des difficultés familiales. La psychologie du sport peut aider à appréhender ces situations. D’un point de vue plus collectif, elle peut aider à désamorcer des conflits.

Alors pourquoi le club n’a pas recours à ce type de suivi ?

J’ai déjà proposé mon aide, ainsi que d’autres collègues, après la remontada à Barcelone. Il y avait eu des échanges positifs notamment avec Patrick Kluivert, mais il a ensuite été licencié et l’idée a été abandonnée.

Aborder des problématiques personnelles

Pensez-vous que les joueurs et les entraîneurs en général sont plutôt favorables à l’idée d’un suivi psychologique ?

Je pense que les sportifs en général y trouvent un intérêt. C’est souvent pour eux un moment de décompression qui leur permet d’aborder des problématiques personnelles. Il y a plus de réticence de la part des entraîneurs. Je pense que cela tient à un fantasme erroné selon lequel le psychologue pourrait avoir une emprise sur le groupe, devenir une sorte de gourou, et ainsi interférer dans les décisions sportives. Alors qu’au contraire la première règle est de ne pas se mêler des décisions sportives mais d’uniquement se concentrer sur les problématiques de chaque sportif, au cas par cas. Cette méfiance avait
été parfaitement illustrée par Thomas Tuchel après l’élimination face à Manchester United. Lorsqu’il avait été interrogé sur l’éventualité de recourir à un préparateur mental, il avait répondu que l’élimination était le résultat d’un « accident » et pas d’un problème mental. La psychologie du sport offre des outils de compréhension qui permettent de travailler avec ceux qui le souhaitent. Elle permet d’aborder les thématiques de la gestion de crise, du traumatisme et d’éviter le déni. Un psy ne peut pas être un entraîneur, et inversement. Les
joueurs ne voudront pas prendre le risque de trop se confier à leur entraîneur, par crainte d’être mis à l’écart si le coach considère qu’ils ne sont pas à 100% de leurs moyens.

Est-ce que d’autres clubs ont recours à des cellules psychologiques ?

En France très peu. Monaco a engagé des psychologues mais c’est encore marginal. A l’inverse, en NBA, chaque franchise en a plusieurs dans son staff.

Avec des emplois du temps déjà bien chargés entre les entraînements, les matchs, les déplacements, les obligations contractuelles, les joueurs peuvent-ils encore trouver du temps pour parler à un psy ?

Sans aucun problème. Une consultation dure entre 30 et 45 minutes. Elles ont de toute façon lieu à la demande du joueur et peuvent facilement se faire en téléconsultation, lors d’une mise au vert, par exemple. On peut aussi imaginer des interventions lors de la pré-saison pour que les psychologues, les joueurs et le staff puissent faire connaissance.

Est-ce que ce ne serait pas le bon moment pour reprendre contact avec la direction et proposer vos services ?

Je me suis essoufflé. Je suis déjà très occupé. La demande doit venir du club, comme pour n’importe quel patient.

Pour terminer, comment voyez-vous la situation de Kylian Mbappé évoluer d’ici la fin de saison ?

Je pense que, d’un point de vue sportif, il peut trouver ce dont il a besoin au PSG. Mais à Paris il ne pourra pas trouver la réalisation de ce qui me semble être son rêve d’enfant, à savoir jouer au Real Madrid et marcher sur les traces de Cristiano Ronaldo dont les posters ornaient les murs de sa chambre. Les dirigeants parisiens vont devoir trouver le moyen de lui faire comprendre que son histoire est ici, à Paris. Ce ne sera pas simple.


Les Secrets de nos inconscients

DE MICHAEL LARRAR

La psychiatrie et notre société ont abandonné la psychanalyse et la recherche du sens de nos souffrances pour se focaliser sur les moyens de les calmer ou de les oublier. Ces approches comportementalistes et consuméristes ont des limites évidentes et nous en pâtissons chaque jour. Nous apprenons comment marcher mais ni pourquoi, ni dans quelle direction ! « Le secrets de nos inconscients », est l’héritage d’une vie consacrée à analyser nos ressorts intimes et nos états d’âme. J’y partage avec vous des échanges mémorables en séances et les clefs pour mieux comprendre nos sentiments, décoder les autres et le monde dans lequel nous évoluons. Comment fonctionne l’inconscient ? Pourquoi cherchons-nous toujours à séduire, à être puissant ou à satisfaire nos pulsions sexuelles ? Que cachent nos grands sentiments comme l’amour, et la haine ? Cet ouvrage transmet tous ces secrets… Pour le commander cliquez ici.


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