Mon Blaisou

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Souvenez-vous. La nouvelle est sortie entre la dinde aux marrons et les cotillons,
en toute discrétion. Dans la seule semaine de l’année où même l’actualité footballistique fait une courte pause. Enfin, en général.

Car en cette fin d’année 2022, on a quand même vécu en quelques jours le sacre d’un Messi, la naissance d’un autre et la mort du Roi. Alors bien sûr, Messi et Pelé sont l’histoire même de notre sport préféré. Et il est normal que les médias nous abreuvent jusqu’à plus soif de ces deux légendes.

Mais heureusement, le football n’est pas réservé qu’aux génies. Et souvent, pour ne pas dire toujours, ces génies ont besoin de coéquipiers. Messi aurait-il gagné la Copa America et la Coupe du monde sans Di Maria ? Pelé aurait-il gagné trois Coupes du monde sans Garrincha ? L’essence même de ce sport formidable est que chaque joueur est important dans une équipe. Et que même les plus grands ont besoin des autres. Pour rester cocardier, demandez à Zidane ce qu’il pense d’un Makélélé. Demandez à Platini sauvé de la haine et de la bêtise humaine par un Luis Fernandez, un jour de juillet à Guadalajara.

Prenez un peu de tout cela, du milieu infatigable, d’un style et d’une dégaine unique, du joueur de devoir, d’Equipe de France, de Paris-Saint-Germain, de champion du Monde, de champion tout court. Et vous obtiendrez l’information dont je souhaite vous parlez : Blaise Matuidi met officiellement un terme à sa carrière.

Une belle carrière commencée en banlieue parisienne du côté des Créteil-Lusitanos il y a 18 ans, et qui s’achève donc de l’autre côté de l’Atlantique dans le club au nom improbable de l’Inter de Miami. Entre ces deux clubs ? Les débuts en Ligue 1 avec le Troyes de Jean-Marc Furlan, puis la bascule dans un club plus important historiquement, l’A.S. Saint-Etienne. Il y côtoiera comme entraîneur un certain Christophe Galtier. Puis enfin, le Paris-Saint-Germain F.C.

Le 14, entre Cruyff et Tigana © Icon Sport

Mais tout cela vous pouvez le trouver dans sa biographie « Au bout de mes rêves » co-écrite avec Ludovic Pinton. Les biographies de footballeur, je vous l’avoue ne m’ont jamais passionné. Rarement écrites par le joueur lui-même, elles n’ont en général que peu d’intérêt. Quand Stéphane Bitton (qu’il soit encore ici remercié) m’a gentiment offert celle de Blaise je ne me doutais pas que celle-ci m’intéresserait autant. Je connaissais sa carrière, moins sa vie privée. Derrière le joueur infatigable ramasseur de ballon se trouve un homme bien. Un sage comme l’on dit sur son continent d’origine.

Mais revenons au football et au 25 juillet 2011, date de sa signature au PSG. Le Parc n’en finit pas d’agoniser du maudit plan Leproux. Le PSG ne peut plus compter sur l’atout de ses deux virages pour signer des joueurs comme cela a pu être le cas à une époque où le Parc avait deux poumons composés de 13000 vrais passionnés pour le faire chanter. Mais même pas un mois plus tôt, le prince héritier du Qatar, Tamim bin Hamad al-Thani, s’est offert le PSG. Le club devient attractif comme il ne l’a jamais été. Le projet de QSI est de dominer rapidement la France puis l’Europe.

Matuidi apparait alors comme une recrue idéale, le potentiel du milieu stéphanois est évident, il est Français et aime le PSG depuis toujours. Dans son livre, il se souvient de ce premier jour : « Mon cœur ayant toujours été parisien, il n’y avait pas plus beau symbole que de poser (…) avec le maillot rouge et bleu (…) sur la pelouse mythique du Parc des Princes » ; « Je me répétais : T’es Parisien, Blaise…T’es un joueur du PSG, ton club de toujours ». L’union durera six saisons pleines et intenses.

Si je ne devais retenir qu’un instant ce serait cette frappe enroulée du pied droit dans la lucarne de Mandanda au Vélodrome un soir d’avril 2015. Paris est mené depuis 5 minutes, les Marseillais se voient déjà couler le bateau parisien et n’ont pas fini de fêter le but du grassouillet André-Peter Gignac que Motta remonte le terrain, décale à bâbord pour Matuidi, contrôle du gauche, crochet et pan ! Délicieuse frappe caressée, brossée qui s’élève doucement et en précision, le capitaine et gardien olympien ne peut que toucher le ballon du bout des gants juste pour dévier légèrement le ballon qui touche le poteau et rentre en pleine lucarne. Blaisou fait mouche et fait taire le chant des sardines. La course folle qui suivit, tel un enfant perdu ivre de trop de bonheur, reste pour moi un grand moment.

Ici bat le coeur de Paris © Icon Sport

Le voir se frapper avec le poing l’écusson du club où palpite ce cœur à jamais parisien, cette montée d’adrénaline reste pour moi un des grands moments de ces dix dernières années. Comme en plus cela se termine, cerise sur la bouillabaisse, par un chambrage devant le virage marseillais, main sur l’oreille, ce but est un de ceux dont je ne me lasserai jamais de revoir. Score final 2 – 3. Eternelle jouissance d’une victoire en terre sudiste. « Battre Marseille, pour moi, ça aura toujours une saveur particulière ». Joueur et aussi supporter.

Ce jour-là Blaise est devenu « mon Blaisou » pour moi et tous les amoureux du PSG. D’ailleurs tu marqueras (oui après ça on peut se tutoyer) encore deux buts aux Marseillais. Dont un en finale de Coupe de France 2016 pour ouvrir le score. Tu obtiens ensuite le pénalty pour le 2 – 1 et c’est toi qui lance Zlatan pour le quatrième but.

Bien sûr, des émotions et des buts importants, on en aura connu. Cette égalisation dans les arrêts de jeu au Parc face au grand Barcelone pour un 2 – 2 qui aurait dû nous ouvrir le chemin des demi-finales si, au retour Messi n’avait pas tout changé. 1 à 1, éliminé sans avoir perdu. Suspendu, tu n’auras pas joué le retour. Un hasard ? non je ne pense pas. Cette double confrontation aura son importance dans le projet Qatari, il marque le retour du PSG dans les clubs qui comptent en Europe, plus de quinze ans après nos derniers exploits au sommets de l’Europe. Un sommet que nous ne quitterons jamais jusqu’à ce jour, en partie grâce au trio formé avec Thiago Motta et Marco Verratti. Pendant plusieurs années ce trident du milieu a fait partie des meilleurs au monde.

Malheureusement, il en manquait toujours au moins un si ce n’est deux dans les matchs décisifs de Ligue des Champions. Ce milieu n’a d’ailleurs toujours pas été remplacé. Ni Motta, ni Matuidi.

Je fais trop long me dit-on dans l’oreillette, alors mon Blaisou, merci, merci pour toutes ces années, ces titres, ces émotions, merci pour ton intelligence, ton humilité, ta rage de vaincre, merci d’avoir marqué l’histoire de mon club. Tu resteras à jamais dans le cœur des supporters et tu seras toujours chez toi à Paris.

Mais comment évoquer la carrière de Blaise Matuidi sans parler de l’équipe de France ? Impossible. Pour faire court : champion du Monde 2018. Tu n’es pas uniquement rentré dans l’histoire du PSG, mais également dans celle de la France, et dans celle du football mondial. Comme Messi, comme Pelé.

Avant, pendant, après. Toujours devant. © Icon Sport

J.J. Buteau

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