Nul Parc Ailleurs, la suite…

par et

Samedi 16 décembre 2034. Le PSG reçoit le Bayern de Munich pour la dernière journée de la Coca-Cola-Mastercard Championship. Match sans enjeux, les deux clubs sont sûrs de terminer respectivement cinquième et treizième de ce championnat européen créé il y a 10 ans suite au putsch des plus grands clubs.
Ou devrais-je dire des plus riches.

Le Parc des Princes est plein. Comme toujours ou presque depuis l’arrivée de QSI. Aujourd’hui le match en lui-même n’a donc aucun intérêt sportif, mais restera pourtant dans l’histoire comme le dernier match du PSG dans son jardin. Après 42 ans d’abonnement et plus de 50 ans après mon premier match au Parc, celui-là sera donc mon dernier. C’est en 2022 que le couperet est tombé. Le bail emphytéotique de 30 ans contracté en 2014 aurait dû permettre au PSG de rester jusqu’en 2044. Oui mais voilà. Les Qataris en on eu assez des mensonges de la mairie de Paris. L’incompétence de ces derniers n’aura donc pas seulement ruiné et sali Paris, elle lui aura également fait perdre son plus beau stade et son équipe de foot.

Le patron du PSG, Nasser Al-Khelaïfi avait prévenu, si la mairie refusait leur dernière offre de rachat, « nous construirons un nouveau stade ailleurs ». Anne Hidalgo, fidèle à elle-même, faisant rimer stupide avec cupide, ne compris pas que le PSG ne bluffait pas. QSI régla les années de loyer à venir afin de mettre fin au bail. Adieu Paris, welcome Poissy et son stade ultra (sans jeu de mot) moderne. La mairie se retrouva donc avec un stade vétuste sur les bras, sans club pour y jouer. Un nouveau gouffre financier pour la ville.

Le Parc des Princes était mort une première fois en 2010, Robin Leproux avait amputé l’enceinte de 13000 fidèles, lui faisant perdre son âme à jamais. Le commanditaire de 2010 sera donc aussi le fossoyeur de 2034 puisque le Parc des Princes sera rasé pour permettre la construction du plus grand complexe hôtelier d’Europe. Contrat remporté par le groupe Accor, dont le président est Sébastien Bazin (ex-président du PSG de la sinistre époque Colony capital).

La bêtise de la mairie de Paris, n’arrangeait elle pas au fond les Qataris ? Laissant le rôle du méchant à la mairie ? Et leur permettant de construire enfin le stade de leur rêve ? Peut-être. Le discours de l’époque du PSG en même temps est d’une logique commerciale implacable. Le Parc et ses 45000 places étaient devenus trop petit, refuser des milliers de billets à chaque match par manque de places, donc beaucoup d’argent, ce n’était plus tenable. De toute façon on ne parle plus uniquement d’un club de foot, mais de la marque PSG. Faites une recherche sur le net, les premiers résultats ramènent plus souvent le nom PSG associé à Dior, Chanel, Hermès ou Givenchy que Saint-Etienne, FC Nantes ou AJ Auxerre, et même au mot football.

Mais assez parlé argent, même si de nos jour le football n’est plus que cela. Partout l’excitation est palpable de pouvoir enfin aller à « Ooredoo Stadium of the Prince », il n’y a que les vieux cons nostalgiques comme moi qui regretteront ce bon vieux Parc…
80000 places assises, pouvant s’agrandir à 120000 pour les plus grosses affiches, une technologie au top du top, loges individuelles, possibilité de suivre le match avec ambiance en réalité virtuelle, commande de pizza et burgers à volonté pour toute souscription à l’offre « Stadium », ou champagne et caviar pour l’offre « Prince », écrans individuels, sièges chauffants et j’en oublie sûrement…

Jérome Leroy PSG Bayern
Jérôme Leroy face au Bayern le 5 novembre 1997 © Icon Sport

Ce sera sûrement formidable, mais cela sera sans moi. Je garde mes souvenirs d’enfance avec un Parc qui sentait la vieille merguez cramée, les fumées de clopes, de cigarillos ou autre, les flasques à whisky, les vendeurs à la sauvette, les sandwichs préparés par la maman, les amoureux du PSG qui pleuraient après une défaite, les gros mots, les blagues et autres jeux de mots foireux qui fusaient, les programmes de match, l’odeur de l’herbe, la sono pourrie, les dribbles de Rocheteau, les mollets de Sušić, les arrêts de Bats, les tacles de Luis, Mousse le magicien, les éternels soldats et fidèles des années Peyroche et Borelli, les Charbonnier, Lemoult, Pilorget, Tanasi, Sene, Toko et tous les autres, même les flops Kist ou Ardiles…

Je garde le souvenir du Parc de mes 20 ans, l’arrivée des Ultras à Auteuil, toute l’équipe des champions de 1994, les coups du foulard de Raì, Marco la chauve-souris, Youri le Snake, la fraternité avec les fans de Liverpool et de Derry, les mêmes odeurs de merguez qu’avant, les mêmes odeurs de fumée plus celles du shit et de l’herbe, la sono toujours pourrie, la Coupe d’Europe, ces virages qui se répondent… J’emporte avec moi aussi les années de galères sportives qui suivirent, les promesses non tenues, mais cette ambiance unique, les oreilles saoules de trop de bruit, la voix cassée, Ronnie et sa folie, l’aigle des Açores, les tacles de Yepes, les centres au troisième poteau de Nanar, les changements de Le Guen, la moustache de Lacombe, les crises de novembre, les orteils glacés, le visage gelé par le froid, la taupe de Vahid, l’invincibilité de Sorin, le retour et le châtiment des traitres et le tacle d’Armand, la force, la tension, la rage qui descendaient de ces tribunes bientôt sacrifiées…

Je leur laisse le Parc de Leproux, les supporters pourris gâtés, leurs sifflets, leurs grèves et leurs chorales, la sono à fond (mais plus pourrie), l’interdiction de venir avec des sandwichs ou une boisson, l’interdiction de fumer, l’interdiction de se lever, les stewards qui vous virent le match à peine fini, les sièges qui font mal aux fesses, l’odeur des hot-dogs et burgers surgelés pendant les matchs, leur lynx et leur tribune Junior, qu’ils n’oublient pas d’emmener tout ça dans leur big Stadium of Dreams, comme dit la publicité.
Ce soir le PSG a gagné 1-0 mais tout le monde s’en fout. Des sifflets sont même descendus du public. Un seul but ! Au prix où sont les places…

Pour moi PSG-Bayern ce sera pour l’éternité la volée de Daniel Bravo, la pichenette de Jérôme Leroy, le bout du pied de Laurent Leroy au bout du bout des arrêts de jeu et la colère de Kahn qui suivit, la frappe enroulée en lucarne de Cavani…
Une nouvelle histoire va s’écrire loin du Parc. Mais la légende, elle, s’est écrite au Parc et nulle part ailleurs.


La question est posée. Est-ce une stratégie de communication ?
La recherche perpétuelle du buzz pour faire parler du PSG pendant que le football en est éloigné ? Je ne sais pas je ne suis pas dans les petits papiers. Ça ne m’empêche pas d’avoir mon opinion sur le sujet.
Il n’y a nulle part d’autre où aller, nul Parc ailleurs.

Les petites phrases, comme celle que vient de lâcher récemment Anne Hidalgo, ne trouvent que peu d’intérêt à mes yeux. Je préfère les histoires. Des histoires mythiques du PSG au Parc des Princes il y en a tellement. Parfois j’y étais, parfois j’en étais loin. Je pourrais vous raconter mon match préféré, ce PSG-Steau Bucarest que j’ai vécu à la télévision, à plus de 600 km, où pourtant je ressentais son coeur battre. Non, on va se retrouver plus tard, en 2000, pour un match d’une campagne de Ligue des Champions qui rassemble tous les éléments qui font le PSG. Un mercato estival qui fait rêver. Anelka, Déhu, Letizi, Luccin, Dalmat. Un effectif de qualité, en tout cas sur le papier. On croit toujours en Okocha. Il y a la Ligue des Champions à jouer. Bref, plein d’attente au départ de cette nouvelle saison du PSG. En vrai tu connais : Début de saison stylé et puis « coup dur au Parc », la crise de novembre, tout ça tout ça.

Le début de championnat est bon mais moins en Ligue des Champions. On fait super moit moit dans “l’offensive des Borgs”. On perd (3-1) en ouverture à Rosenborg puis on réplique à domicile contre Helsinborgs (4-1). Se présente alors au Parc un grand Bayern avec Kahn, Tarnat, Scholl, Liza, Sagnol, Effenberg, Elber… ça me rappelle mes années Football Manager ! Bref un match au sommet et l’occasion de se repositionner dans l’optique de la qualif.

Moi je suis en famille avec les Hoolicool. Ça commence par du gros tifo à Boulogne. L’ambiance est très très chaude, je compare avec ce que je vis aujourd’hui, ça résonne. On a toujours un oeil sur ce qu’il se passe dans la tribune d’à côté. Ça se chambre, ça chante, ça rigole, ça se bagarre. Il y a toujours un truc à voir. Le match est dingue. Le rythme en première mi-temps est fou. Beaucoup d’occasions, beaucoup pour Paris. Kahn prend le dessus sur Anelka. Ça sent le « coup dur au Parc » radiophonique. Et pourtant non, pas ce soir là. On l’a frôlé. La deuxième mi-temps est aussi enlevée. On rate toujours des occasions mais Letizi nous sort un arrêt salvateur dans les 10 dernières minutes, le money time. Ce money time auquel va avoir droit Laurent Leroy entré à la 79ème minute. Pas le plus bling bling des joueurs du PSG même s’il est arrivé au club avec l’image du serial bicycletteur. Il nous a en tout cas fait vivre un moment devenu rare. Une conduite de balle qui ne semblait pas complètement maîtrisée, des crochets et en bout de course un pointu qui, lentement, roule jusqu’à rentrer dans le but allemand.

Un autre Leroy face au Bayern le 26 septembre 2000 © Icon Sport

Derrière c’est du bruit, du chahut, tout le monde qui se saute dessus : le chaos ! J’en discutais dernièrement avec un gars, à Boulogne ce soir-là. Il m’a dit « c’était indescriptible. En fait si tu n’a pas connu ça tu ne peux pas comprendre ». En fait même quand on l’a vu c’est dur à comprendre. À l’époque, après un but, toute la tribune courrait jusqu’au bas des escaliers et tous les supporters étaient compressés les uns contre les autres. De ma tribune K, c’était un spectacle extraordinaire. Je préférais sans aucun doute être là qu’à l’intérieur de ce bordel. Mais je le vivais, de mes propres yeux, de tout mon corps, avec mon coeur. Même l’après-match est ancré en moi. Les marches pour récupérer la voiture garée intra-muros non loin. Rentrer vite à la maison par le periph’ quand t’as 12 ans et que le lendemain il y a école. Tout les avantages aussi de ce stade ici, dans Paris.

Le Parc des Princes respire ces moments-là. Chacun y a ses souvenirs, ses moments mythiques. Aujourd’hui encore la mémoire s’écrit. Tous les jeunes pensionnaires du CUP, qui n’ont pas vécu ces histoires-là écrivent la leur et continuent d’écrire celle du PSG dans son stade. Ces supporters qui font l’ambiance des matchs du Paris Saint-Germain et leur renommée dans l’Europe entière. Ces supporters qui ne savent pas s’il continueront à le faire ailleurs où le coeur du PSG ne bat pas aussi fort. Cet endroit est unique. Il ne ressemble à aucun autre ailleurs. Il n’y a nul Parc ailleurs.

Nasser, malgré tout l’amour qu’il a toujours porté au PSG n’a pas connu ça. La maire de Paris non plus. Alors quand Hidalgo dit : « Très clairement, le Parc des Princes n’est pas à vendre. Et il ne sera pas vendu. » Moi je prie pour que l’âme de notre club non plus…


J.J. Buteau
Raphaelo

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de et