Oh, le Paris Saint-Germain,
c’est au Parc des Princes !

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Dans « Paris Saint-Germain », il y a Paris et il y a Saint-Germain. C’est une évidence, mais il n’est pas totalement inutile de le rappeler ! En retirer un des deux, ça fait déjà un peu désordre, mais retirer les deux, ça devient un crime de lèse-majesté.
C’est pourtant ce qui pourrait arriver prochainement et qui serait un chamboulement aussi stratégique que stratosphérique dans l’histoire de ce club parisien
fondé en 1970 sur les bases d’un club de Saint-Germain-en-Laye.

On peut comprendre vouloir un plus grand stade, plus moderne, plus commercial, plus confortable, plus modulable, plus tout … On peut comprendre que les propriétaires du club souhaitent également être propriétaire de leur stade. On peut le comprendre, mais on n’est pas obligé d’être d’accord avec le projet. Et on ne peut pas, sans sourciller et sans trembler, accepter de dénaturer le club au point de perdre toute son identité. Même si le combat est illusoire, voir disparaître sans broncher le peu d’âme qui reste encore au PSG, à savoir son stade, paraît aussi hallucinant qu’effrayant. C’est pourtant ce qui est en train de se passer, avec le seing blanc d’une partie des supporters, et la discrète voire inexistante réaction de l’autre partie.

« Le Paris Saint-Germain, c’est au Parc des Princes » est un slogan qui prend timidement substance dans l’univers des supporters du PSG. Trop tard, les dés semblent déjà jetés. Nasser Al-Khelaïfi, le Président du club, aurait pris  depuis longtemps sa décision et il se dit que son annonce officielle serait proche : le Paris Saint-Germain devrait à court terme quitter son Parc des Princes ! A moins que ces rumeurs toujours aussi persistantes ne soient qu’une ruse de plus pour faire plier la Mairie de Paris, qui vient néanmoins d’annoncer il y a quelques jours dans la voix de sa Maire que le Parc des Princes n’est toujours pas, et ne sera pas à vendre tant qu’elle sera en poste. Las d’attendre des signes allant dans son sens, la menace du Président serait bientôt mise à exécution. Quitter le périphérique pour rejoindre la périphérie paraît être la tendance.

C’est vrai, le PSG n’a pas toujours joué au Parc des Princes

C’est vrai, le PSG n’a pas toujours joué au Parc des Princes. Ses premières années, il s’est baladé à Paris et en banlieue, entre le Stade Georges-Lefèvre de Saint-Germain-en-Laye, plus connu aujourd’hui sous l’appellation de Camp des Loges, le Stade Jean Bouin face au Parc, le Stade Yves du Manoir à Colombes, le Stade Bauer de Saint-Ouen … ne jouant son premier match au Parc des Princes que le 10 novembre 1973, contre le Red Star. Un soir de première également pour le Maillot Hechter. Le Paris Saint-Germain devient le club résident du Parc la saison suivante, en 1974-1975, pour sa montée en Division 1. Il ne l’a plus quitté depuis, tout comme cette première division. Une histoire longue de cinquante ans.

© Collection personnelle

Ma mère m’a emmené pour la première fois au Parc des Princes le 18 décembre 1992. Un cadeau de Noël avant l’heure. J’avais dix ans. C’était un Paris Saint-Germain – Olympique de Marseille assez mémorable. Depuis, au doigt levé, j’ai dû assister à environ 700 matchs du PSG dans l’enceinte située entre la Porte d’Auteuil et la Porte de Saint-Cloud. Parfois plusieurs fois par semaine. D’autres ont dépassé les 1000. Un simple stade ? Non, plutôt une maison de famille. Un pied-à-terre partagé avec des milliers de colocataires. Un cocon que des milliers de supporters Rouge et Bleu ne souhaitent quitter pour rien au monde, pas même pour une bisbille avec la Mairie, une fierté mal placée d’un côté ou de l’autre, ou l’ambition démesurée d’un propriétaire expansionniste. Un propriétaire qui n’est que de passage et pour qui ce stade, finalement, n’est qu’un bien à acheter parmi d’autres.

Dans un texte écrit en 2003, La Vérité est ailleurs [le lien en bas d’article], je déclarais ma flamme au Parc des Princes, à son architecture, à son atmosphère, à sa place symbolique dans la Ville Lumière. Aux néophytes, je présentais ses adeptes ainsi : « des êtres humains qui, à première vue, vous sont totalement semblables. Ce que vous ne savez pas encore c’est que ces personnes sont très différentes de vous. Leur présence en cet endroit magique pourrait s’apparenter à un pèlerinage dans un sanctuaire, mais c’est bien autre chose que la croyance et la religion qui les unissent dans ce lieu qui pour eux est pourtant sacré. Vous vous rendez compte alors qu’ils partagent un savoir, qu’ils détiennent la vérité. Vous, vous ne l’avez pas encore trouvé, mais vous êtes déjà sûr d’une chose, ce n’est pas la dernière fois que vous viendrez ici. Alors, un jour peut-être, notre vérité sera vôtre et ce jour-là, vous serez devenu un martien, du moins aux yeux des autres, de ceux qui ne savent pas. »

Un Président agenouillé.

Une pelouse embrassée.

2003, je n’avais alors que dix ans de Parc derrière moi. Depuis, plus de deux décennies se sont écoulées, avec des hauts, des très hauts, et des bas, des très bas. J’y ai vécu, avec mes semblables, des moments de joies, des soirées glaciales, des hurlements soudains, des fins de matchs intenables, des drames dans le caniveau, des hystéries collectives, des tragédies sportives, des euphories plus ou moins furtives, des traumatismes indélébiles, des cris festifs, des cris craintifs, des embrassades, des bousculades, des empoignades, des baisers, aussi, certainement … Des joueurs adulés, d’autres détestés, même parfois insultés, des couleurs vénérées, d’autres contestées, des victoires remportées, des défaites sifflées, des titres célébrés. Un Parc témoin des quatre premières Coupe de France du PSG, dont son premier doublé avec la Coupe de la Ligue. Un Président agenouillé. Une pelouse embrassée. Des souvenirs par milliers.

Des adversaires qui ont tremblé. Des légendes Rouge et Bleu qui se sont prosternées. Communiant avec des tribunes devenues mythiques. Des travées qui ont développé leur propre histoire, et dont le nom s’est ancré dans la destinée du stade et du PSG. Des chants qu’on entonne, des tambours qui résonnent, des mégaphones qui donnent le ton, des fumis craqués, torses nus et torses bombés, des drapeaux agités, des symboles exposés, des gradins dévalés, et des corps qui frissonnent, entassés par milliers, debout ou assis sur des sièges qui en ont vu passés. Des yeux qui ont pleuré, alternant bonheur et tristesse. Des larmes qui ne pourront cesser, si jamais, demain, on nous annonce que c’est la fin.

PSG vs Barcelone – 14 février 2017 © Collection personnelle

Il y a un an, je prenais déjà la plume pour tenter d’éviter l’amertume et de garder nos tribunes comme celles, à jamais, du Paris SG. « Oh ! Que va devenir le Parc des Princes » [le lien en bas d’article] sonnait l’alarme tout en posant des hypothèses. Depuis, Anne et Nasser se sont figés dans leur position sans reprendre le dialogue. Nous, les supporters, ne faisons que compter les points et subir les décisions, dont celle qu’on nous dit inéluctable et qui pointe le bout de son nez. Cyril Dubois, supporter et avocat du Collectif Ultras Paris, a proposé au début de l’été 2024 une lettre ouverte, cosignée par quelques associations de supporters et des personnalités [le lien en bas d’article]. Lettre qui n’a suscité aucune réaction officielle du côté du PSG. Et du côté des supporters, que s’est-il passé ?

Le 14 février 2017, avant un match devenu légendaire contre le Barça, le CUP légendait son animation d’un « Ensemble nous sommes invincibles » et d’un « C’est au Parc que s’écrit l’histoire … », ce dernier trônant sur tout le bas du Virage Auteuil. Six ans plus tard, pour débuter la saison 2023-2024, les ultras parisiens récidivent avec une nouvelle fois le message « C’est au Parc que s’écrit l’histoire », accompagné d’une représentation du Parc des Princes sur la partie basse du Virage, et le logo du club sur la partie haute. Ce message intervient quelques mois après l’annonce de Nasser Al-Khelaïfi, en pleine Coupe du Monde au Qatar, de vouloir quitter le Parc des Princes à défaut de pouvoir l’acheter. Une déflagration présidentielle qui n’eut toutefois guère de répercussions chez les supporters, comme si la bombe avait juste explosé en plein désert !

Comme si la priorité était ailleurs

Et depuis ? Un très discret communiqué du Collectif Ultras Paris début décembre 2024 [le lien en bas d’article], associé à un message exposé au Virage Auteuil, le tout affirmant officiellement la position du CUP, à savoir que « Le Paris SG c’est le Parc des Princes, le Parc des Princes c’est le Paris SG ! », mais pointant davantage la Mairie de Paris que la direction du club. La banderole « Le PSG c’est au Parc » sur fond rouge et bleu ne fait qu’une brève apparition lors du match contre Nantes le 30 novembre dernier. Elle fut ensuite remise peu avant la mi-temps ce mercredi 22 janvier contre Manchester City, puis cette fois pour tout le match contre Reims le 25 janvier. Espérons que cette banderole ne quitte plus sa place, et prenne de plus en plus d’importance. La relative discrétion du CUP sur cette affaire pose question. Comme si la priorité était ailleurs. Comme s’il ne fallait pas trop froisser le propriétaire.

PSG vs City – 22 janvier 2025 © Collection personnelle

D’une manière moins frontale, et moins officielle, et sans que l’on sache si ce sont des membres du CUP derrière cela, des graffs « Le PSG, c’est au Parc ! » fleurissent le long du périph, sur des stickers et des hashtags sur X. Ce mouvement revendicatif, qui n’en est qu’à ses prémices, reste lui aussi bien discret. Sans comparer les époques ni les acteurs, en 1998 la bâche « Le Parc est à nous, Saint-Denis on s’en fout » avait élu domicile en bonne position au sein de la Tribune Boulogne, présente à chaque rencontre dès les premières rumeurs de déménagement. [le lien en bas d’article] Elle était accompagnée d’un chant qui rappelait sans cesse et match après match la position dominante des supporters, et montrait qu’ils seraient prêts à partir au combat si le Parc était menacé. Dans son communiqué, le CUP annonce des actions pacifiques, des mobilisations au Parc et à Paris. Mais plus d’une année s’est écoulée depuis les premières menaces du Président du PSG. Les leaders du CUP attendent-ils qu’il soit trop tard ? On ne sait pas ce qui se trame en privé, mais on ne peut que constater qu’ils s’engagent dans cette bataille en public sur la pointe des pieds.

Prendre position ouvertement,

et durablement

Il est évident que le CUP n’est pas dans une position confortable. Il doit pour la première fois prendre position ouvertement, et durablement, contre la direction du club. Contre le Président qui lui a permis de s’installer au Virage Auteuil en 2016. Cette direction avec qui chaque saison il signe une convention listant ses droits et ses devoirs, engageant par la même occasion sa loyauté envers ces mêmes dirigeants, et assurant sa protection et ses privilèges. Le CUP saura-t-il, pour sauver le Paris Saint-Germain au Parc des Princes, aller au-delà de son rôle de soutien, et s’engager dans une contestation frontale ? Ses leaders assumeront-ils une issue fatale ? Quid du CUP si, finalement, Nasser annonce le départ du Parc ? Fidèles à leur position affichée, les responsables du CUP ont-ils en tête une possible dissolution ? Ou se plieront-ils à la décision en poursuivant leur activité dans une nouvelle enceinte ?

Il faut dire que le sujet divise, et que bon nombre de supporters proclamés du PSG font fi du Parc des Princes. Certains se vantent même de vouloir en partir au plus vite, par amour du club ! Vouloir rester à tout prix au Parc est même passible de nombreuses critiques, dont en tête celle du nostalgique qui ne souhaite pas avancer. Immobilisme et sentimentalisme seraient des freins à l’évolution de l’équipe vers les sommets du football européen. Immobilisme ? Je leur oppose identité. Sentimentalisme ? Oui, et alors ? Je ne vois là aucun manque d’ambition. Notre vision du football n’est tout simplement pas la même. Notre vision du Paris Saint-Germain non plus. Le romantisme est juste une conception du football différente de la leur. Certes le fantasme poétique du ballon rond n’est plus dans l’air du temps et depuis bien longtemps, mais défendre des valeurs communautaires est plutôt une qualité qu’un manque de discernement. Être pragmatique ne signifie pas dire « oui » à tout. Nous, supporters du Paris Saint-Germain, avons avalé quantité de couleuvres ces dernières décennies, mais cette ultime morsure pourrait s’apparenter, pour beaucoup, comme une piqûre mortelle.

Rideau sur le Parc ? © Collection personnelle

Une autre remarque récurrente est que « tous les grands clubs sont propriétaires de leur stade … que tous ont déménagé … ». Là encore quelques nuances sont à apporter. Le Real Madrid et le FC Barcelone par exemple ont certes refait leur stade, mais ils n’ont pas déménagé. Le Real est au Stade Bernabeu depuis 1947, alors que le Barça est au Camp Nou depuis 1957. Son ancien stade était d’ailleurs dans le même quartier des Sants, à tout juste deux kilomètres. On me parle souvent d’Arsenal. Comparer le vétuste stade d’Highbury au Parc des Princes est une aberration, mais admettons. L’état d’un stade est aussi important que sa géographie. A ce sujet, le flamboyant Emirates Stadium est situé à moins de cinq-cents mètre de feu Highbury. Les camions de déménagements, et les fans, n’ont pas eu loin à aller.

La Première League, ces clubs si riches qui gouvernent le football. Manchester United est à Old Trafford depuis 1910. Le Liverpool FC joue dans le stade d’Anfield depuis sa fondation en 1892. Ces enceintes ont été agrandies, modernisées, mais jamais quittées. Oui, Manchester City a quitté son historique stade de Maine Road (1923-2003) pour l’Etihad Stadium, mais le trajet fut de moins de cinq kilomètres. Revenons à Londres, où le Chelsea FC, malgré son petit stade de 40 000 places, reste à Stamford Bridge depuis 1905. Mieux que ça, sachez que le terrain de Stamford Bridge, la propriété foncière, les tourniquets et les droits du nom « Chelsea FC » sont maintenant détenus par les Chelsea Pitch Owners [le lien en bas d’article], une organisation à but non lucratif dans laquelle les fans sont les actionnaires. La CPO est créée pour veiller à ce que le stade ne soit pas vendu aux promoteurs. Cela signifie aussi que si le club changeait de stade, il ne pourrait plus utiliser le nom de Chelsea FC. Comme quoi, défendre un club et son âme ne signifie pas toujours allez dans le sens du vent ou celui de ses propriétaires.

Je sais, vous allez me parler de la Juventus, propriétaire à Turin de son Juventus Stadium. Ceci sans tenir compte que cette enceinte est plus petite que le Parc des Princes, sans rappeler que la Juve a très souvent changé de stade au court de son histoire, et sans préciser que ce Juventus Stadium a été construit à l’emplacement même de l’ancien Stadio delle Alpi, que se partageait avant sa destruction la Juve et le Torino. Non, je vous rassure, je ne veux pas que le Parc des Princes soit détruit pour y construire une nouvelle enceinte intitulée « PSG Stadium ».

© Collection personelle

Vous allez citer l’Olympique Lyonnais, le seul exemple en France comparable au PSG, et l’un des trois seuls clubs avec l’AJ Auxerre et l’AC Ajaccio propriétaire de son stade. Le stade Gerland était trop petit, Jean-Michel Aulas a construit son OL Land à quinze kilomètres, en banlieue. Depuis, c’est un fait, le budget annuel du club a fortement augmenté. La salle des trophées, en revanche, s’est empoussiérée ! De sept titres de champions remportés à Gerland en une décennie, les supporters exilés ne peuvent désormais qu’apprécier les interminables voyages en tramway. S’agrandir et devenir propriétaire n’est pas un gage de réussite sportive. Ni de remplissage. Sur la saison 2023-2024, les 60 000 places du Groupama Stadium n’ont été remplies qu’à 78%, pour un bassin de population pourtant de plus de deux millions d’habitants …

Enfin, le Bayern Munich serait l’exemple à suivre, avec son Allianz Arena de 75 000 places devenue la principale attraction touristique de la capitale bavaroise. Encore une fois, c’est omettre que l’ancien stade du Bayern, le stade Olympique de Munich, était devenu très vétuste, et sans toit sur une grande partie des 63 000 places. Ce qui en Allemagne n’est pas très confort ! Un ancien stade qui n’est d’ailleurs pas si loin de la nouvelle Arena, à moins de dix kilomètres, les deux situés dans le Nord de la ville. Un stade communal qui était partagé avec l’autre club professionnel local, le Munich 1860. Le Bayern Munich, un club centenaire, qui a connu cinq stades dans son histoire. Une identification des supporters pour leur stade qui n’était sûrement pas aussi viscérale que l’affection des supporters parisiens pour leur Parc. Je me plais en effet à croire que le Paris Saint-Germain et le Parc des Princes, ce n’est pas du tout la même relation, la même intimité, la même vénération …

Le Paris Saint-Germain n’est qu’une simple franchise

Mais l’investisseur Arctos Partners, partenaire de Qatar Sports Investments sur le dossier du Parc et du PSG, entré dans le capital du club fin 2023 à hauteur de 12,5%, n’a certainement pas la même perception que moi. Leur culture américaine leur fait possiblement penser que le Paris Saint-Germain n’est qu’une simple franchise, qu’on peut à sa guise faire déménager. J’ai toujours en mémoire cet exemple, en 2002, lorsque l’équipe de basketball des Charlotte Hornets fut délocalisée à l’intersaison à la Nouvelle-Orléans, à plus de 1100 kilomètres ! Certes, Saint-Quentin-en-Yvelines, Massy-Palaiseau ou Ris-Orangis ne sont pas la Nouvelle-Orléans, mais à l’échelle francilienne, ce déménagement serait déjà un cataclysme. Leur logique est certainement la suivante : parmi les supporters du PSG d’aujourd’hui, les réfractaires comme je le suis, disparaitront en partie, mais d’autres, plus dociles ou avides de changement et de nouveautés, arriveront pour les remplacer. Mon article « Supporters du PSG, vous pouvez partir ! » [le lien en bas d’article] montre bien que cet état d’esprit est déjà bien ancré.

PSG vs Lorient – 12 aout 2023 © Collection personnelle

Où en est le dossier ? Il est bien difficile de démêler le vrai du faux, et de connaître l’avancée des prospections. La réponse est dans le bureau de Nasser Al-Khelaïfi à la Factory, si ce n’est dans celui de l’émir à Doha. Nul doute que le Président a conscience de la complexité de partir en banlieue. Il a construit son PSG depuis 2011 sur la brillance de la capitale. Ici c’est Paris ! Zlatan, Angel, Neymar et j’en passe, les plus retentissantes recrues de l’ère qatarie ont été présentées devant ou en incrustation sur la Tour Eiffel. Le premier titre de champion en 2013 a été fêté au Trocadéro, et non au Parc des Princes. Quid de l’attraction de la capitale si demain le « PSG » n’est plus qu’un club qui habite la banlieue. On l’a vu après 2010 dans les tribunes du Parc, la nature a horreur du vide. Que le PSG quitte Paris, le vide sera vite comblé. Le Paris FC est à l’affut, il ne tarderait sûrement pas à s’y installer. Le PSG ne sera alors plus le club de Paris, malgré ses quatre milliards de valorisation et toutes les belles histoires qu’il continuerait à raconter.

Le Paris Saint-Germain risque de disparaître pour des milliers de supporters historiques, dont beaucoup refuseront de suivre l’équipe dans n’importe quel nouveau stade. La localisation sera certainement un des points essentiels à cette désaffection. Et qui va arriver pour les remplacer ? Les habitants de l’Essonne ou des Yvelines, des passionnés de football qui aujourd’hui ne vont pas au Parc ? Attention à ne pas commettre une erreur stratégique, pensant que des joueurs formés localement accompagnés par quelques stars internationales suffiront pour attirer les foules de supporters franciliens et les touristes étrangers de passage à Paris. Des touristes qu’il faudra d’ailleurs acheminer vers la nouvelle enceinte. Les transports seront un point crucial. Comme le sens donné au projet. S’il perd son Parc des Princes et son identité parisienne, le club se coupera d’une partie de ses plus fidèles supporters. Reste à savoir en quelle proportion.

En délaissant sa propre identité

A trop vouloir être au top et se voir trop beau, il ne faudrait pas se retrouver nulle part. Grandir, oui, mais à quoi bon si c’est pour devenir un autre club. Plus celui de Paris, mais uniquement celui de la banlieue. Le PSG aura alors des initiales qui ne voudront plus rien dire. Plus de « Paris », déjà qu’il n’y a plus de « Saint-Germain » … Et si le projet du Paris Football Club prend forme, installé dans les années à venir en Ligue 1, alors vers quel club se tourneront les amateurs de football parisiens ? Et même une partie des franciliens ? Je ne parle pas à quatre ou cinq ans, mon propos vise l’échéance dix et vingt ans. Et si entre temps ce fratricide Paris FC de la milliardaire famille Arnault, aidée par Raì et Michel Denisot, prenait ses aises au Parc des Princes ? Une rivalité vieille de plus de cinquante ans pourrait rebattre les cartes dans la région, et inverser les mentalités. Oubliez le PSG, les paillettes pour le Paris FC ! Aujourd’hui ce scénario peut faire sourire, mais personne ne peut catégoriquement le réfuter.

On peut imaginer deux possibilités pour le PSG : un club qui tomberait dans l’abandon, ou un club qui continuerait à gagner. Voire même dans cette deuxième hypothèse, un club qui finirait par atteindre les sommets espérés … Mais dans les deux cas, ne sera-t-il pas un club qui aura tout de même perdu, en délaissant sa propre identité ? Peut-être que, finalement, le PSG finira par gagner la C1, mais sera-t-il encore à ce moment-là réellement le « Paris Saint-Germain » ?

Reste l’option d’un nouveau stade tout proche de Paris, et du Parc des Princes. La complexité du dossier est ici accrue. Trouver un terrain disponible, pouvoir l’acheter et y implanter un stade d’au moins 60 000 places ainsi qu’un PSG Land autour est une mission quasi impossible. C’est bien la raison pour laquelle le dossier est resté toutes ces années en suspens. Surtout que certains de ces terrains intra-muros sont aussi la propriété de la Mairie de Paris. Comme l’a démontré la position d’Anne Hidalgo sur la vente du Parc des Princes, il ne peut y avoir de discussion sur une vente que si le propriétaire est intéressé pour vendre. Et en ce qui concerne le Parc, la Maire de Paris est dans son bon droit, tout comme je ne peux que saluer son engagement de garder ce stade monumental dans le giron public.

© Droits Réservés

Ne pas se tromper de cible, l’ennemi du Paris Saint-Germain au Parc des Princes n’est pas aujourd’hui l’élue de Paris, mais le Président du PSG ! Je l’ai déjà écrit, ainsi que le Collectif Ultras Paris et Cyril Dubois, une solution existe, il s’agit du bail emphytéotique. Une durée de 99 ans permettrait aux PSG de faire des travaux dans son stade, de les amortir et de continuer à grandir économiquement. Certes, ce n’est pas du tout l’objectif de QSI et d’Arctos Partners, qui veulent être propriétaire et disposer, dans leur actif, d’un stade ultramoderne et des attractions aux alentours, mais c’est une solution tout à fait concevable pour assurer l’avenir pérenne du Paris Saint-Germain, pour les 99 prochaines années.

Oui, la structure du Parc a vieilli. Oui, il a besoin d’importants travaux de modernisation. Oui, les Qataris ne veulent pas entendre parler d’un bail emphytéotique. Oui, le quartier du Parc des Princes ne permet pas de construire un PSG Land à la hauteur de ce que semble vouloir les propriétaires du club. Mais c’est bien l’avenir du Paris Saint-Germain, son âme et son identité qui sont aujourd’hui en jeu. Avec ou sans les Qataris. D’après leurs discours, le départ du Parc semble aujourd’hui inéluctable. La lettre ouverte de Cyril Dubois, le communiqué du CUP, ou même mes articles ne sont que des coups d’épée dans l’eau. Sans reflet, sans écho. Le Président ne daigne même pas les regarder ou juste y prêter attention. Nos tentatives résonnent comme un baroud d’honneur pour dire « on aura essayé« , avant que la terrible et irrévocable sentence tombe lors d’une prochaine conférence de presse présidentielle, où Nasser Al-Khelaïfi accompagnés des dirigeants d’Arctos Partners, le sourire aux lèvres malgré les dents qui rayent le parquet, annonceront « Le Parc des Princes, c’est fini. D’ici quatre ans, le Paris Saint-Germain s’installera à … ».

Loin du Parc, loin du coeur

Un jour peut-être, sur un mur du Parc des Princes, sous un logo vintage du PSG, pourrons-nous lire l’inscription sanguinolente « Nasser m’a tué ». S’en rend-il compte ? Son armée d’influenceurs est visible, elle diffuse la parole présidentielle, celle tartinée en posts et commentaires sur les réseaux sociaux. Mais qu’en est-il de l’avis, et de la vie, d’une grande partie des supporters du PSG, dont bon nombre d’historiques. Beaucoup, je le sais, se refusent d’envisager un ailleurs possible. Loin du Parc, loin du cœur. Que deviendra alors le Paris Saint-Germain sans les derniers gardiens de son identité ? Il est peut-être déjà trop tard pour qu’un soulèvement populaire fasse revenir en arrière le Président Nasser, mais cela vaut sûrement le coup d’essayer.

« Nous ne serons pas la génération de supporters qui aura vu le Paris SG quitter Paris et son Parc des Princes ». Cette phrase est l’œuvre du Collectif Ultras Paris. L’écrire en bas d’un communiqué, c’est bien. Le scander et le revendiquer à chaque match dans les tribunes du Parc et à la face du Président, ce serait encore mieux …

A ce petit jeu, voici ce que pourrait bientôt être un slogan pour l’avenir du Paris Saint-Germain : « Le Parc est à nous, les Qataris on s’en fout ! ».

Liens :

Mes articles sur Virage cités dans l’article :


Benjamin Navet

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