Oh! Champs-Elysées

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A minuit, ce jeudi 31 décembre 2020, personne n’était présent
sur la plus belle avenue du monde pour célébrer le passage vers
cette nouvelle ère tant attendue. Pas de feu d’artifice, pas de cotillon
et pas de champagne coulant à flots pour saluer cette folle année et souhaiter
la bienvenue à un nouvel opus 2021 qui s’annonce tout aussi intense et indécis.

Comme l’a indiqué Maître Reijasse, dans les Boules et le Sapin, l’heure est au bilan, les Neg’Marrons en citation : « Le temps passe et passe et passe et beaucoup de choses ont changé. Qui aurait pu s’imaginer que le temps se serait si vite écoulé. On fait le bilan calmement en s’remémorant chaque instant. Parler des histoires d’avant comme si on avait 50 ans ». Cinquante ans, et un été bouillonnant. Si 2020 fut une année sordide, âpre, elle sut aussi être surprenante, et à sa manière, enivrante. 

Jeudi matin 24 décembre. La trêve des confiseurs est commencée depuis quelques heures pour notre championnat de Ligue 1 Uber Eats. Faisant la queue à ma boulangerie pour une bûche glacée et deux baguettes bien cuites, je commence à réfléchir à ces lignes lorsqu’une alerte fit vibrer mon téléphone. Un double cataclysme m’ébranla en une poignée de minutes. J’eus à peine le temps d’avancer de quelques mètres que j’appris d’abord le licenciement de Thomas Tuchel, puis l’arrivée imminente de Mauricio Pochettino. Autour de moi, les gens s’insultent dans la queue, des histoires de masques mal mis et de places doublées. Peu m’importent ces esclandres de sexagénaires psychologiquement marqués par une année d’isolement, l’histoire du Paris Saint-Germain, même en vacances, est en ébullition. Alors qu’une femme m’apostrophe, me suppliant d’intervenir pour remettre un peu d’ordre, je meurs d’envie de lui répondre « laissez moi tranquille, laissez moi profiter de ce club qui ne s’arrête jamais ». Il y a plus vital qu’une protection anti-covid oubliée ou qu’un manque de respect éhonté. Une Tucherie est en cours.

Ce n’est donc pas seulement de l’an 1 du Covid 19 que nous faisons le bilan, mais aussi en partie de notre coach teuton. Le double 20 ne fut pas aussi mauvais qu’on le dit. Laborieux oui, mais il ne faut pas avoir la mémoire courte. Les gourous court-termistes me fatiguent. Tous ceux par exemple qui  parlent des 4 défaites en championnat comme un record depuis une décennie, blablabli et blablabla, et qui plus est des défaites contre Lyon, contre Monaco, contre Marseille, sans oublier celle à Bollaert chez le promus lensois. Merci Marcin Bulka, cela dit en passant. Quel était leur discours dix jours avant notre revers dans le pays d’Artois ? Que disaient-ils le soir de notre première finale de Ligue des Champions ? Les arguments sont toujours contraires, jamais dans la bonne direction, celle du navire rouge et bleu. A ceux-là, je réplique que l’Atalanta de Bergame et le RB Leipzig sont, quelques mois après Lisbonne, de nouveau qualifiés en 8ème de Finale de C1, où Paris sera le seul représentant français. Le Final 8 portugais était certes inédit, mais en aucun cas à dévaluer. Il était dans l’air du temps, celui d’un football dont les repères d’un jour sont vite balayés par ceux du lendemain.

Hier, notre avenir s’appelait Tanguy Kouassi. Le fils attachant a rapidement fui la maison familiale, estimant, sans rien n’en savoir, qu’il n’y trouverait pas de temps de jeu. Une belle prime à la signature, et quelques blessures plus tard, il a, pour le moment, uniquement passé la bagatelle de 21 minutes en match officiel sous la tunique bavaroise. Dans nos sélectives mémoires, nous l’avons déjà vite oublié, misant tous nos espoirs sur un nouveau Titi prometteur, Timothée Pembélé, cinq apparitions, un but, et un contrat déjà signé. Le football va vite. Des paillettes aux oubliettes, et vice-versa. Des surprises, aussi. Qui aurait pensé en juillet dernier, avant la Finale de Coupe de France contre Saint-Etienne dans laquelle il fut titulaire, que Mitchel Bakker, 20 ans et seulement trois apparitions anodines, serait quatre mois plus tard le joueur le plus utilisé par Thomas Tuchel en cette première partie de saison. 

Tout n’est pas à jeter en cette année pasteurisée. Un titre de Champion de France certes écourté mais qui fut amplement mérité. Deux finales nationales au milieu de l’été ont enrichi un palmarès à faire pâlir nos rivaux hexagonaux. Un retour pré-confiné contre Dortmund, fort en émotion et en images symboliques, a permis de rompre notre malédiction. Un anniversaire tronqué, mais deux magnifiques maillots historiques servis en offrande par notre équipementier. 2020, comme son nom l’indique, une année de chiffres ronds. 50, 100, 200. Les statistiques, ça nous fait une belle jambe, mais ça a le mérite de rester et de marquer, sur l’instant et la durée. Fin février, Edi Cavani, pour l’un de ses derniers matchs sous nos couleurs a mis la barre du record parisien à 200 buts. En fin d’année, c’est Kylian Mbappé qui a atteint les 100 réalisations, que je perçois comme un présage positif pour les prochaines négociations. 

Enfin, sans m’attarder sur ce sujet, pour lequel je ne suis pas aussi dithyrambique que le raz de marée médiatique qu’il a engendré, 2020 fut aussi l’année de ce Dembabesque Paris SG – Istanbul Başakşehir, en marge duquel le droit-de-l’hommiste Président turc a fait une leçon d’anti-racisme a cette vénérable institution qu’est l’UEFA. No To Racism, du marketing à la réalité. Comme quoi, le slogan de 2020 aurait pu être « tout est possible, tout est réalisable« . Une première symbolique qui n’attend qu’à être répétée. Même si de nombreux doutes m’habitent, espérons que dans un avenir proche de telles situations soient reconduites, et pas seulement lorsqu’il n’y a plus d’enjeu sportif et aucun spectateur à évacuer.

C’est indéniable, 2020 fut aussi une année noire. Fade. Vide. Triste. Apocalyptique. Le Covid 19 s’inscrit dans la lignée du Plan Leproux 2010. Presque en pire. Pas d’aléatoire cette fois. Pas d’échappatoire non plus. Que de la désolation. Nos tribunes sont désespérément vides depuis fin février. Tous interdits de stade, sans procès, ni distinction. Pour ajouter à notre détresse, citons Thiago Silva et Edinson Cavani, qui nous ont quittés sans adieu ni ménagement. Circulez, il n’y a plus rien à voir. L’été fut une éclaircie, trois finales pour nous enflammer. Une surchauffe estivale qui n’a eu comme effet que de tout cramer. Depuis, nous en traînons inlassablement les stigmates. Des joueurs fantomatiques, des blessures à la pelle, un fond de jeu confiné et un coach aux tactiques aussi versatiles qu’approximatives. Le moindre match fut pour tous, joueurs comme supporters, une souffrance. Assortie d’une double peine. Devant restés loin de nos travées, avachis face à nos écrans, nous avons dû subir un jeu insipide, et parfois même calamiteux. Comme si nous devions nous faire pardonner d’avoir cru pouvoir remporter un titre en Ligue des Champions, nous devons maintenant endurer les pires sévices. Même notre génie français [spéciale dédicace à Stéphane Guy] a dû attendre le dernier match de l’année en Ligue des Champions, et obtenir un laisser-tirer un penalty offert par le Ney, pour marquer son premier but annuel dans cette compétition. Quelle année ! Canal+ en a perdu son humour et son autodérision. Mediapro et son Téléfoot a pris les téléspectateurs français pour des couillons. Le monde va mal. Vivement le réveillon.

2021. Place à la suite logique. Un chiffre dynamique, un bon en avant, comme un regard optimiste vers l’avenir. Il s’annonce tout aussi riche et émouvant, mouvementé et palpitant, chaotique et discordant. Au menu, toujours cet enchainement de match à gogo. Harassant. Un trophée des Champions contre les sardines à la sauce portugaise. Intéressant. Un huitième barcelonesque, une revanche à fleur de peau qui pourrait décider du futur d’un numéro 10 argentin. Bouleversant. Une lutte acharnée pour un titre de champion qui depuis si longtemps n’a pas été aussi disputé. Captivant. Des contrats de joueurs stars à renouveler. Distrayant. Un stade à retrouver, et des liens à reformer. Impatient. Une rumeur d’un horrible maillot Jordan en perspective, un immondice rose sans âme ni raison d’être. Effrayant.

Un nouvel an commence toujours par une liste de résolutions. Le Paris Saint-Germain n’échappe pas à la règle, il a décidé de changer d’entraîneur. Un tournant dans son histoire, un timing pas si étonnant, une demi-saison pour préparer au mieux la suivante, en renouvelant la base dès décembre pour mieux en garnir le collectif d’ici à juillet prochain, et imposer sans précipitation de nouvelles manières de travailler. Qui sait, cette révolution portera peut-être ses fruits à court-terme, nous rêvons toujours de visiter Istanbul au mois de mai. Nous savions déjà que Thomas Tuchel ne passerait pas le prochain été, la rupture prématurée n’est donc pas si surprenante. Il a été sacrifié sur le bûcher d’une année unique. Pour préparer au mieux l’avenir, il fallait peut-être en passer par là … 

Dans la mythologie grecque et romaine, les champs Elyséens sont la terre promise des âmes vertueuses et pures, une région paradisiaque à la porte des Enfers. Au revoir 2020, au revoir Thomas. Bienvenue 2021, bienvenue Mauricio. 

Bonne Année, et longue vie au Paris Saint-Germain.

A James. Tu nous manques.


Benjamin Navet

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