Oh! Touche pas à mon Parc

par

« Ensemble nous sommes invincibles, unis par la même passion,
de notre virage terrible, s’élèvent en chœur nos chansons.
En Rouge et Bleu allez, en Rouge et Bleu allez,
en Rouge et Bleu allez, en Rouge et Bleu allez.

Nous n’irons jamais à Saint-Denis, c’est au Parc que l’histoire s’écrit,
Nous sommes Rouge et Bleu pour la vie, notre amour s’appelle Paris »

Un chant qui date de la fin du siècle dernier, quand la construction du Stade de France donna quelques velléités de déménagement aux dirigeants du Paris Saint-Germain d’alors, désireux déjà à l’époque de s’installer dans un stade flambant neuf et beaucoup plus grand. Le sujet, tel un boomerang, ressurgit dans l’actualité. Uppercut dans la face, on gît au sol avec un affreux cocard, sans savoir si cette fois on va réussir à se relever juste avant le gong, celui qui sonnera l’arrêt définitif de la partie. Pourvu que les amoureux du Parc des Princes et du Paris Saint-Germain ne finissent pas KO.

Car c’est bien d’une partie de boxe dont il s’agit, celle opposant les propriétaires du PSG à la Mairie de Paris, avec les supporters parisiens bloqués au milieu du ring. Certains annonçaient depuis une décennie qu’une fois leur Coupe du Monde passée, les Qataris quitteraient le navire parisien. Cela ne semble pas être la voie qu’ils ont choisie. Sans surprise, ils souhaitent continuer leur ascension, celle qui doit les mener vers les sommets, sportifs ou géopolitiques on ne sait pas vraiment, mais les sommets. Et cela passe par la pérennisation à la pointe de l’entertainment mondial de la marque « Paris Saint-Germain », la marque qatarie la plus glamour sur la planète. Notre Parc des Princes et ses 47 929 places sont à cet effet un frein à cette ambition suprême. Et si l’on écoute les observateurs avisés, il n’existe que deux choix possibles : quitter le Parc, ou l’agrandir considérablement. La solution de ne rien changer ou presque n’effleure même pas les esprits.

La problématique est épineuse. Comment allier histoire, patrimoine et identité avec l’éternel désir de voir toujours plus grand, sans se donner de limites. J’emploie volontairement le mot « désir », en opposition à « besoin ». Le discours de notre direction est de dire que le PSG a « besoin » d’augmenter ses recettes, donc de posséder un très grand stade avec beaucoup de tribunes prestiges et encore plus de sources de revenus diverses, afin de subvenir à son train de vie et donc, comme on le disait, de voir encore plus grand. Ce train de vie n’est pourtant pas un besoin, mais un désir. On pourrait aborder la solution du problème dans l’autre sens : il suffirait de baisser ses dépenses, ou tout au moins de les maintenir, pour ne pas avoir besoin d’autant de revenus. La démesure est un choix de vie, pas une fatalité.

Photo personnelle @supporterduparissaintgermain

Le Parc des Princes fait partie du patrimoine de la ville de Paris. Le Parc des Princes fait partie du patrimoine du Paris Saint-Germain. Si ce n’est dans les actes de propriété, du moins dans les cœurs et dans l’histoire. Le Parc des Princes est la maison Rouge et Bleu. La seconde maison de tous ceux qui, depuis un certain PSG – Red Star du 10 novembre 1973, en sont tombés un jour ou l’autre amoureux. En général, on appelle cela le coup de foudre. Rouge et Bleu pour la vie et au premier regard. Que celui qui est tombé amoureux du Paris Saint-Germain et du Parc des Princes en même temps lève le doigt. Non, le Parc des Princes n’est pas un quelconque stade, avec quatre tribunes qui se font face, comme des milliers d’autres à travers la planète. Il est un joyau unique. Il est une merveille architecturale sans pareil. Il est un écrin qui sublime le Paris Saint-Germain. Il est le témoin de cinquante ans d’histoire. Il est l’âme Rouge et Bleu, celle qui a aujourd’hui du mal à se renouveler dans ses travées, mais qui restera ancrée à jamais dans le moindre millimètre-carré de ses couches de béton.

Pour ma part, mon premier souvenir du Paris Saint-Germain et du Parc des Princes remonte tout simplement à mon premier match, le tristement célèbre PSG – OM du 18 décembre 1992. Certes, ce match porte le surnom de « la boucherie ». Certes, le PSG y a perdu contre son rival, sur sa propre pelouse. Mais ce soir-là, j’ai découvert un Parc qui a chanté, un Parc qui a poussé son équipe, un Parc qui a grondé, et même insulté, mais un Parc qui a aimé le Paris Saint-Germain. Un Parc qui a clamé sa fierté d’être parisien. Un Parc qui a acclamé son PSG, même défait. Un Parc qui n’a fait qu’un avec ses joueurs. Ce soir-là, du haut de mes dix ans, le Parc des Princes et le Paris Saint-Germain sont entrés dans mon cœur, et à jamais dans ma vie. Chacun a, gravé quelque part dans sa mémoire, ce match qui a fait basculer son existence.

PSG – Marseille 0-1, 18 décembre 1992 alias « La Boucherie » © Icon Sport

On nous dit que les supporters seraient divisés. D’un côté, nous avons les « si le PSG quitte le Parc des Princes, ce sera sans moi ». De l’autre, certains ne se cachent pas pour pencher dans le sens d’un départ. Ses partisans font même état de sondages qui indiqueraient qu’une grande partie, voire une majorité des supporters actuels, ne seraient pas contre quitter le Parc des Princes pour s’implanter dans une nouvelle enceinte ultramoderne qui comblerait les désirs commerciaux et marketing des dirigeants du club. Si ce sondage existe vraiment, je n’y vois aucune surprise : une part considérable du public du Parc des Princes aujourd’hui y est arrivée depuis 2010. Le  maillot Hechter et le Parc ne sont pas leurs références. Leur « Paris sg », bientôt sans le « sg », est celui que leur vendent les Qataris. Les dirigeants du PSG leur explique qu’un grand club, c’est d’abord et avant tout une grande marque, que le reste n’est que secondaire, la seule logique à suivre est celle qui fait gagner encore et toujours plus d’argent dans les caisses.

Mais pour la grande majorité des supporters d’avant 2010, le Parc des Princes représente tout pour eux. N’ayant toujours pas digéré le plan Leproux, certains de ceux-là n’y ont pas remis les pieds depuis 2010, ou que très rarement. D’autres, dont je fais partie, ont un attachement viscéral au Parc et ne peuvent se résoudre d’en rester éloignés. Ces derniers, restés toujours fidèles à leur stade, sont de plus en plus minoritaires dans les tribunes, remplacés petit à petit par les néo-supporters, ou bouffés par les touristes d’un soir. Ces deux dernières catégories n’ont pas le même attachement à cette enceinte mythique. Leur conception du Paris Saint-Germain n’est pas ancrée sur les mêmes bases que les supporters plus « historiques ». Il ne fait guère de doute qu’ils ne feront que peu d’état d’un départ du Parc, et qu’ils iront là où on leur dira, tant que les stars planétaires du ballon sont sur le pré vert. Tant pis pour les supporters « historiques » qui ne peuvent concevoir le Paris Saint-Germain sans le Parc, ils ne seront bientôt que du passé, et il n’y a que l’avenir qui compte : grandir et gagner toujours plus d’argent. Et si un jour tout s’arrête, peu importe. Les Qataris en auront bien profité, et ceux qui n’aiment le PSG que pour la marque qu’il représente se tourneront vers une autre sans sourciller.

Il est notre ADN, notre raison d’être

Pouvons-nous seulement leur en vouloir ? Non. Le discours de notre propriétaire et de notre direction les a formatés. Depuis plus de dix ans que ça dure, il a eu le temps d’imprégner les cerveaux, et d’être désormais la pensée dominante. Jouer au Parc des Princes, avec un maillot Hechter ? Peu importe, pour les jeunes générations de supporters, ce n’est pas le plus important. D’ailleurs, ceux qui ont moins de trente ans savent-ils tout simplement à quoi ressemble le maillot Hechter ? Idem pour le Parc des Princes. Non, ce n’est pas qu’un simple stade. C’est un membre de la famille. C’est là où le Paris Saint-Germain a vécu ses plus fortes émotions. Des matchs d’anthologie à la pelle. Des scénarios de fous, des ambiances de folie, des soirées folles, des chairs de poules collectives. Mais combien de fois a-t-on vécu ce genre de soirée depuis le 28 février 2010 ? Il n’y a donc rien d’étonnant que les moins de trente ans, qui n’en avait que dix-sept à l’époque, n’aient pas le même affect avec le Parc des Princes, et que cela ne leur fasse ni chaud ni froid de le quitter.

Grandir, cela ne s’évalue pas uniquement au nombre de loges et de sièges dans les gradins. On ne cesse de le répéter dans les lignes de Virage, on ne cesse de le rabâcher à longueur d’articles, mais notre lassitude n’a d’égal que le manque de respect régulier des dirigeants du Paris Saint-Germain pour sa propre identité. Nos couleurs sont sans cesse bafouées. Voilà que c’est notre stade, notre Parc des Princes, pierre angulaire et qui se doit d’être immuable, qu’on promet de quitter si on ne peut pas le racheter, pour in fine peut-être le détruire, ou au minimum le défigurer. Oui, je parle de lassitude, car il y en a marre. Marre de ces envies de grandeur infinie, de ces ambitions démesurées, qui piétinent l’histoire et mettent chaos les fondements même du Paris Saint-Germain. J’ai mal à mon Parc, j’ai mal à mon PSG.

Coup de bluff de Nasser al-Khelaïfi ? Oui, probablement. Il utilise sa carte Joker, celle de « l’impensable qui pourrait tout de même devenir réel si on nous poussait à bout », celle du « c’est de la faute de la Mairie de Paris, nous n’y sommes pour rien » … Cessez ces turpitudes Monsieur le président, et pensez au Paris Saint-Germain 1970, à ce qu’il signifie pour ses milliers de supporters. Je ne parle pas des touristes qui viennent garnir ses travées match après match et remplir les caisses du #TicketPlace, je parle de ces supporters qui ont le blason du Paris Saint-Germain gravé dans le cœur ou tatoué sur la peau, reposant fièrement au-dessus du Parc des Princes, comme pour montrer que les deux ne font qu’un, qu’ils sont indissociables, même pour tout l’or du monde. Au propre comme au figuré, ce tatouage est bien plus qu’un symbole : il est notre ADN, notre raison d’être.

« Allez Paris SG, Vous êtes notre fierté,
Vous allez enflammer, Ce Parc de légende,
Et du virage Auteuil, S’élèvera en chœur,
D’une voix phénoménale, Cette chanson capitale,
La la la la, la la, la la la la, la la, … »

Photo personnelle @supporterduparissaintgermain

Si nos dirigeants qataris décident de quitter le Parc des Princes, ils emmèneront avec eux leurs adeptes, ceux qui sont devenus fans des rouge et bleu et jaune et orange et grenat et noir et blanc depuis une dizaine d’années. Mais ils laisseront aussi derrière eux des milliers de supporters parisiens authentiques qui, bien au-delà des stars présentes sur la pelouse, se sont accrochés toutes ces saisons pour deux raisons principales : l’amour des couleurs Rouge et Bleu, et l’amour du Parc des Princes. Deux éléments qui sont les piliers de leur amour du Paris Saint-Germain.

Non, s’il décide de quitter le Parc des Princes, le Paris Saint-Germain ne sera plus le Paris Saint-Germain. Il n’en sera plus qu’un ersatz, au nom galvaudé.

Une vie sans le PSG au Parc des Princes ? Une vie sans le Parc, donc une vie sans le PSG ? Rien que de l’imaginer, je me sens affreusement vide. Impossible perspective. Saint-Denis, Poissy, Saint-Cloud, Joinville-le-Pont, … On s’en fout ! Le Paris Saint-Germain, c’est le Parc des Princes. Le Parc des Princes, c’est le Paris Saint-Germain. Pour le Paris Saint-Germain, c’est au Parc des Princes que l’histoire s’écrit.

C’EST AU PARC DES PRINCES QUE L’HISTOIRE S’ÉCRIT !

Le Parc est à nous, la démesure on s’en fout.

Nul Parc Ailleurs.

#TouchepasàmonParcdesPrinces

Photo personnelle @supporterduparissaintgermain

Benjamin Navet

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