Paris, la Juve et moi…

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Fin aout 2022. Tirage au sort de la Ligue Des Champions.
Un seul nom d’adversaire compte pour moi : Juventus Turin. 
Enfin le PSG va recroiser la route de sa bête noire européenne.
Cinquième confrontation après celles des saisons 1984, 1990, 1993 et 1996.
Quatre équipes et périodes tellement différentes. Toutes avant l’ère QSI. 

En 1983 Paris découvre l’Europe avec la joie, la spontanéité, la sincérité et l’inconscience des premiers amours. Paris aime l’Europe. Profondément, viscéralement. Le bon président Borelli en rêve et on rêve tous avec lui. Au parc on nous distribue des autocollants « PSG Européen ! »  Dix ans après son accession en première division le PSG est encore un jeune puceau en Europe mais pourtant on sent que tout est possible. Surtout dans la coupe des vainqueurs de coupe. Paris une équipe de coupe. Déjà. L’année précédente fut celle des grandes premières. Premier match et première défaite à Sofia (1 – 0). Premier exploit européen au retour, le PSG renverse les bulgares 5 à 1, Toko premier buteur, premier doublé, premier héros européen. Swansea balayé en huitième de finale, ce seront les inconnus de Waterschei en quart. Victoire 2 à 0 à l’aller au Parc. Paris rêve alors d’un gros match en demi-finale, Bayern, Barcelone, Inter, le real Madrid sont encore en course. Seulement Paris connaitra aussi sa première élimination au retour en Belgique. 3 à 0 en prolongation. Premier traquenard. Première grosse désillusion européenne… Sans le savoir le PSG vient de poser les bases de ce qui sera son histoire avec l’Europe. Mais La coupe des coupes un jour sera nôtre, même s’il faudra passer par bien des aventures… De la même manière un jour ou l’autre la Ligue des champions sera nôtre. Mais nous devons encore en passer par bien des péripéties, des joies, des peines, l’euphorie, le rêve, les désillusions avant d’atteindre l’inaccessible étoile. Notre histoire deviendra légende. C’est écrit.

Mais revenons à cette époque bénie des premiers émois européens. 1983 le PSG remporte sa deuxième coupe de France consécutive et se qualifie de nouveau pour cette, tant chérie, coupe des coupes. Un hors d’œuvre nord-irlandais et enfin le premier gros morceau, la première grosse affiche. Le sort nous offre la Juventus de Platini. Platini le meilleur joueur du monde. Le Ballon d’or 1983. Qui le sera aussi en 1984 et 1985. Avec au passage l’Euro 1984, la C1 1985 et… La coupe des coupes 1984… Mais ça on ne le sait pas encore, et au moment de recevoir l’ogre turinois Paris y croit. 48776 personnes viendront au Parc. La Juventus avec ses champions du monde 1982 (Gentile, Cabrini, Scirea, Tardelli et le meilleur buteur du Mundial Paolo Rossi) se présente en favori logique. Match héroïque du PSG 2 à 2.

platine psg juventus
Grande Michele © Icon Sport

Le retour dans mon souvenir ne devait pas être télévisé puisque je me souviens bien de l’avoir fiévreusement écouté à la radio. Espérant l’exploit. Malgré un très bon match et après avoir réellement fait trembler l’ogre piémontais chez lui, le score ne sera jamais défloré. 0 – 0 score final. Paris est éliminé sans avoir perdu. Et pourtant j’entends encore le commentateur radio « Coup-Franc pour le PSG ! ». Susic s’élance, frappe et…. Poteau… Le coup est passé si près… 

Pour ce match, j’étais encore un enfant et du haut de mes dix ans, je ne pensais pas qu’il me faudrait attendre presque quarante ans pour savourer une première victoire parisienne contre les bianconeri… D’ailleurs je n’imaginais même pas avoir 40 ans. L’an 2000 paraissait déjà tellement loin… Pour l’heure l’important c’est de terminer dans les quatre premiers en championnat pour pouvoir re-goutter au parfum enivrant de l’Europe. Ah l’Europe ! Ces matchs tellement à part. Qui s’est déjà rendu au Parc pour une grosse affiche européenne sait de quoi je parle. La tension, l’engouement, l’espoir, l’excitation, la fierté, la rage de vaincre, le besoin d’écraser l’adversaire… n’ont rien de comparable avec le championnat. A part contre l’om à une certaine époque.

Bref, en cette fin octobre 1989 direction le Parc des Princes pour justement une grosse affiche. Six ans après la vieille dame revient trainer ses guêtres et son chignon blanc près de la porte d’Auteuil et du bois de Boulogne. Fini le temps du « Grande Michele », l’époque est aux russes (dans quelques jours ce sera la chute du mur de Berlin) et c’est « le Tsar » et aussi la star Oleksandr Zavarov le petit numéro 10 de la sélection de l’URSS qui mène le jeu turinois. Son compatriote Sergueï Aleïnikov est lui aux avants postes pour convertir ses offrandes. Bref, un gros morceau. Les supporters répondent présents, le coup d’envoi est retardé à cause des fumigènes, dans le virage tout le monde est à bloc, survoltés. Cela fait déjà quelques années que je viens au Parc mais je crois que c’est la première fois que je ressens tous les qualificatifs décrits plus haut. Je ne suis plus un enfant mais un ado, un peu comme le PSG sur la scène européenne. Notre équipe par contre est vieillissante, mais elle arrive quand même à sortir un gros match. Le PSG domine littéralement une juve asphyxiée, Paris a une défense de fer, Susic est magique, le papet régale, Vujovic trouvera la barre, l’arbitre ne verra pas Susic se faire bousculer dans la surface. Regrets… En tribune les « juve juve » des visiteurs reçoivent en réponse des « juve vaffanculo », pas de capo, mais de vrais chants d’encouragement sont repris par le Virage. On se chauffe entre visiteurs et Auteuil. Les CRS interviennent dans la tribune italienne, valse des matraques, gaz lacrymo, « CRS avec nous, CRS avec nous » scande le public parisien. Voilà. On est bien. On y est, ne manque plus qu’un but parisien.

Susic PSG Juventus
Le Papet et Zlatko Vujovic la tête basse © Icon Sport

Pourtant il n’arrivera jamais, au contraire, profitant de notre naïveté (oh Gaby…ne jamais donner le ballon à l’adversaire quand une faute est sifflée contre toi) les italiens jouent un coup-franc rapidement et surprennent notre défense. Le lilliputien portugais, mais néanmoins talentueux, Rui Barros crucifie Joël Bats et tout le Parc avec lui. Fin de match 0 – 1. On se dit qu’il faudra gagner là-bas, mais on n’y croit pas. Comme toujours dans ses années-là, une équipe française joue bien mais perd contre une équipe italienne… Le retour sera lui sans surprise, malgré un but rageur de Daniel Bravo. Défaite 2-1. Fin de l’épisode. Comme Six ans plus tôt, après nous avoir éliminé la Juve gagnera en finale quelques mois plus tard.

Saison 1992 / 1993. J’ai 18 ans, la majorité, je vais enfin pouvoir m’abonner au PSG. Auteuil Rouge. Je n’ai pas bougé depuis. L’avenir m’appartient comme à ce nouveau PSG canalplussé, plein d’espoir, avec une énorme envie de titres. En France on sait que l’on est assez costaud pour jouer le titre. D’ailleurs nous serons champions… sans avoir le titre à cause de Canal + notre propriétaire qui le refusera pour ne pas froisser ses abonnés du sud… Suite au scandale om / VA. Le palmarès de la ligue 1 pour 1993 reste donc honteusement vierge, et il l’est encore aujourd’hui. Mais revenons au terrain. Si en championnat on sait où est notre niveau, en Europe c’est le flou total en ce début de saison. Il faut dire que notre dernier match européen remonte à 3 ans et notre élimination à Turin … Entre temps, le PSG a été racheté par Canal+. Ce n’est plus la même équipe. Ce n’est plus le même PSG.

32ème de finale, grâce à un grand George Weah on sait que l’on est bien au-dessus du PAOK Salonique. En 16ème ce sera le Napoli de Zola et Careca. Dès l’aller énorme surprise avec une victoire rouge et bleu au San Paolo ! Certes ce n’est pas la Juve, mais éliminer des italiens c’est assez rare pour être apprécié. En 8ème, ce sera Anderlecht le plus grand des clubs belges, qui à l’époque éliminait régulièrement facilement les clubs français (Quatre ans plus tôt Metz mangeait un 1 – 5 cumulé). Nouvel exploit Parisien. En quart ce sera le fameux match contre le Real Madrid. En demi nous retrouvons donc la Juve. L’autre demi opposera Dortmund et Auxerre. Autrement dit si nous sortons la Juve nous avons de grandes chances de gagner la coupe de l’UEFA !

L’aller commence bien, Mister George ouvre encore le score. Baggio égalise. Fin de match Kombouaré le héros d’Anderlecht et du Real commet une faute inutile et grossière à l’entrée de la surface. Coup franc. Baggio nettoie la lucarne de Lama. 2 à 1. Un but au retour suffira. Même si un nul aurait bien sûr été préférable, puisqu’un nul vierge nous aurait qualifier.

Baggio Juventus PSG
Roberto Il Divin Codino © Icon Sport

Au lycée il n’y a pas beaucoup de footeux, même si l’exploit face au Real a changé un peu les choses. Même certains professeurs me parlent du PSG, celui de mathématiques me félicite même ! « Bravo pour votre match face à l’Ajax ». Je n’ose lui dire que c’est Auxerre qui a joué contre l’Ajax, ça partait d’un bon sentiment… Bref 98 et Zizou n’avaient pas encore retourné la France. En 1993 le foot c’est encore pour les beaufs, et être supporter du PSG presque une maladie honteuse. A l’époque en tant qu’abonné je peux avoir des places supplémentaires, au moins quatre par personne il me semble. Et dans la même tribune que moi… Les temps ont bien changés…

Avec quatre potes on décide de faire une banderole pour remercier les joueurs de leur parcours. Qualification ou élimination, il restera pour chaque supporter des images incroyables, qui ne s’effaceront jamais. La folie des supporters de Salonique et le match qui sera arrêté à cause d’eux. Le doublé de Weah au San Paolo, les têtes de Kombouaré à Bruxelles et contre le real, les envolées du chat Lama, la remise de la tête de Bravo pour la demi volée de Ginola, Ah Ginola… ses dribbles, ses amortis, ses centres, sa prestance, sa classe, Valdo et sa feinte sur Ricardo Rochas, Valdo et tout son travail au milieu de terrain, Valdo l’homme qui ne perd jamais un ballon et ne tire pas assez au but (Pour les plus jeunes, un Verratti Brésilien quoi), les moustaches de Jorge et Troch, Ricardo, Sassus Roche, Fournier, Guérin, Simba, etc… Bref, tout ceci vaut bien une banderole non ? 

Nous voilà en quête de vieux draps, quelques bombes de peinture rouges et bleues et voilà ! « PSG MERCI ». Notre banderole est prête. Simple. Efficace. Sincère.,Il reste un peu de peinture, je prends un vieux t-shirt blanc, une manche bleue, une manche rouge, et PSG sur le torse. C’est le tee-shirt que je mettrai pour le match. Ce sera d’ailleurs l’unique fois que je le porterai. Il supportera mal cette folle soirée. Pour être honnête je l’avais complètement oublié. Je l’ai retrouvé par hasard il y a quelques jours au fond de la cave chez mes parents bien enveloppé. Si cela ce n’est pas un signe….

Nous sommes quelques heures avant le match, dans le café ou nous sommes c’est le calme. Même les mouches ne volent pas de peur de déranger. « Dire que l’on va jouer une demi-finale de coupe d’Europe dans quelques heures et aucune trace nulle part en ville ». Oui Paris ne vit pas à l’heure de son club de foot. Il faudra vraiment s’approcher du Parc pour s’apercevoir qu’il n’y a un évènement au stade ce soir. En revanche une fois proche du Parc on ne sera pas déçu. De facétieux parisiens s’amusent à retourner tous les véhicules de marques italiennes. Or dans le XVIème on n’a pas vu une Fiat. Par contre des Ferrari se retrouvent rapidement sur le toit… Charge de CRS, ça court de tous les côtés, des types qui passaient par là se mangent des coups de matraques gratos, et avec les CRS ça commence souvent en chanson « CRS au zoo libérez les animaux ! » et ça fini toujours en lacrymo.

Dernières bières avant de rentrer au stade, on discute de l’autre demi, où Auxerre s’est fait sortir la veille aux tirs aux buts. Une finale franco-Française ça aurait eu de la gueule. Dommage. Let’ go, on passe la fouille sans trop de problème avec notre banderole. On s’installe derrière les buts légèrement à droite à mi-hauteur. Pour rappel, à l’époque il n’y a aucun ultra à Auteuil rouge. A peine une poignée en bleu qui essaye de fédérer et de créer quelque chose. Ce soir-là ce ne sera pas compliqué. Le parc est plein et tout le monde a envie de revivre les émotions connues en quart. L’ambiance est là, les Tifosi juventini sont à Côté d’Auteuil (comme toujours pour les visiteurs à l’époque), ça s’insulte, ça se provoque, les « juve juve » des italiens reçoivent en réponse des « juve vaffanculo », ils nous balanceront pendant tout le match des lires (la monnaie italienne avant l’€uro) limées en pointe ! Lancées d’un virage à l’autre cela peut être sacrément dangereux. Evidement on leur rebalance… Voilà. On est bien. On y est, ne manque plus qu’un but parisien…

Petit aparté si vous le permettez, mais en écrivant ces lignes je réalise à quel point le fait d’avoir les supporters adverses juste à côté du virage aidait à faire monter la tension et l’ambiance. Aujourd’hui les visiteurs sont au milieu des familles et à côté d’Auteuil c’est la tribune junior… Par ailleurs, il serait temps que le club cesse d’être « frileux » et accepte enfin de nouveau des ultras à Boulogne. Fin de l’aparté.

Echauffement, entrée des joueurs, dès que nous le pourrons nous déploieront notre banderole. Paris fait encore un gros match, les occasions se succèdent, le gardien italien enchaine les arrêts. Puis vint le fait du match. Weah est ceinturé puis fauché dans la surface. Le penalty est évident. Sauf pour l’arbitre. En fin de match Baggio détournera une frappe de Platt 0 – 1. Encore une fois une équipe française domine une équipe italienne et encore une fois l’équipe italienne passe grâce à une erreur d’arbitrage. Ah s’il y avait eu la VAR… A la fin du match, les joueurs viennent nous saluer, on leur dit via notre banderole « MERCI PSG ». Cette belle épopée se termine donc sur une erreur d’arbitrage. Moche.

A la sortie du stade la sale impression de s’être fait voler, un arrière-gout de colère et de déception sont toujours là. Ferrari retournée, lacrymo, charge de CRS, jets de fumigènes sur ces derniers sur l’air de 30 millions d’amis, charge de CRS, rage, Playmobil, matraques, sentiment d’injustice, lacrymos, larmes…

La quatrième confrontation sera pour le moins originale, puisqu’il s’agit ni plus ni moins (et toujours à ce jour) de la seule super coupe d’Europe avec la participation d’un club français. Nous sommes le 15 janvier 1997. Le match se jouera en aller/retour. L’aller est à Paris. L’Europe connait sa dernière vague de froid du siècle, il n’a pas fait si froid depuis dix ans. Le thermomètre est de dix degrés en dessous de zéro dans la capitale. Le PSG n’a rien trouvé de mieux que d’aller quelques jours avant préparer ce match à l’Ile Maurice… Quarante degrés de différence… Bien vu. Paris est encore un club jeune et a beaucoup à apprendre.

Zidane PSG Juventus
Zinedine de Turin © Icon Sport

Je ne pourrai pas vous en dire plus sur ce match. Car je n’étais pas au Parc. Je ne l’ai même pas vu à la TV. Etant soldat j’étais bloqué par mon régiment en Allemagne par – 20 degrés 60 centimètres de neige. Dans la chambre la température doit être environ de zéro. Pourtant la température va vite monter. Ce soir je n’y suis pour personne. Je passe la soirée sur mon lit prêt à écouter à la radio ce qui allait être un massacre (La télé de la Compagnie avait été cassée de joie le soir du 8 mai 1996 et n’avait jamais été remplacées. Non je n’y étais pour rien) … 80 % des autres militaires du régiment venaient du ch’nord et étaient soit pour le LOSC, soit pour Lens…Bien sûr le PSG ils n’aiment pas. Score final 1 – 6.

Pendant tout le match à chaque but, ont défilé (pour me dire un « petit mot moqueur ») un par un mes voisins de chambré… Dans tous les sens du mot… Au cinquième but j’ai fini par balancer mon tabouret en fer sur la gueule du premier qui arrivait. J’ai donc pu encaisser tranquillement le sixième but. Depuis trente ans je ne pense pas avoir raté plus de dix matchs au parc. Celui-là je remercierais toujours le ciel de ne pas avoir pu y être. Le retour sera une formalité. Bilan 9 à 2 sur les deux matchs.

Après s’être remémoré toutes ces frustrations, vous devez mieux comprendre ma joie au moment du tirage. Je savais que cette saison nous étions supérieurs aux italiens, et enfin la frustration va changer de camps. Oh bien sur cette saison ce n’est qu’un affrontement en poule de LDC. Mais j’ai enfin savouré une victoire au Parc contre la Juve. Ah cette louche de Neymar et cette reprise de Mbappé, quel bonheur, l’action du deuxième but est également extraordinaire.

Messi PSG Juventus @ Icon Sport
Léo au pressing © Icon Sport

Que dire également de cette première victoire d’une équipe française en terre turinoise ? L’exploit de notre Kyky, et le deuxième but supersonique de notre arrière gauche lusitanien qui place un amour de ballon dans le petit filet de Szczesny, pour une victoire historique. Le fils Agnelli aurait dit que pour lui, l’Europa League ou être éliminé c’était la même chose. C’est sûr que pour un putschiste partisan d’une super-league européenne être éliminé de la Ligue des champions début novembre ça fait mal. Le week-end prochain en championnat ce sera le « Derby d’Italia ». L’ennemi intime, l’Inter Milan aura l’occasion d’enfoncer la vieille dame un plus dans la tombe et dans une crise de novembre qui fut si longtemps nôtre. A eux les années galères à nous les exploits européens, que l’histoire s’inverse enfin. Mais surtout, on peut enfin écrire :


J.J. Buteau

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