Questions pour un champion

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Xavi Simons s’avance pour frapper le septième tir au but parisien.
Prêté par le PSG au Gym (une ironie du sort qui n’est que trop familière aux supporters du club de la capitale), Marcin Bulka plonge sur sa droite et sort la frappe du minot, tireur malheureux parce qu’il en fallait bien un, au terme d’un match
d’un ennui mortel qui ne pouvait que se terminer ainsi.

Paris perd sa coupe. Paris prend la lourde. Paris sort la tête basse. Il n’y aura pas de clasico en quart. Et tout de suite, en bon masochiste, ce réflexe débile d’aller zoner sur les sites de foot, histoire d’alimenter un peu plus la douleur, de donner du grain à moudre à sa colère. Les commentaires haineux affluent et les rageux s’en donnent à cœur joie, lâchant la bonde de leur anti-parisianisme primaire. Le nouveau riche a fait des envieux et son élimination réjouit dans les chaumières de province. Planqués derrière leur écran et l’anonymat confortable d’un pseudo, les jaloux déversent leur haine bileuse d’un Paris trop friqué, trop clinquant, trop bling-bling, trop tout. Pocchetino est une brêle. Messi joue en marchant. Icardi traîne son spleen. Paredes et Herrera n’apportent rien. Draxler ne sort pas du néant. Mbappé a des envies d’ailleurs. Avec délice, les vengeurs masqués de la toile se projettent vers la double confrontation contre le Real, censée tourner à la corrida. Ils réclament le massacre, l’humiliation, le sang. Se réjouissent d’avance du spectacle. Plus que jamais, Paris apparaît comme un frêle torero livré aux cornes acérées d’un taureau madrilène lancé à tout berzingue, bave aux lèvres et museau fumant. Engoncé dans son costume étroit, les jambes tremblantes, seul au milieu de l’arène, seul face à ses incertitudes et ses doutes, le PSG attend la sortie de la bête.

Les questions abondent à quelques jours d’affronter le leader de la Liga. L’étudiant qatari n’a rien branlé du semestre et voilà que se profile l’examen décisif. Peut-il réviser en vitesse sur un coin de table et passer ras des fesses ? Qu’il soit permis d’en douter. Force est de constater que le PSG ne progresse pas dans son expression collective et qu’il ne trouve pas de réponses dans le jeu. Au milieu de terrain, le chantier reste immense et, faute de Ndombele ou autre recrue, il faudra faire avec les moyens du bord. Mais quel désert ! Danilo Pereira est lourd, lent, emprunté et d’une faiblesse technique abyssale. Presque meilleur en défense centrale que dans l’entrejeu. Herrera se contente d’expédier les affaires courantes et multiplie les passes latérales, sans jamais apporter la moindre verticalité. Le fantôme Paredes ne doit sa place qu’à son pote Leo. Verratti doit se charger de tout : bosser à la récupération, orienter le jeu, trouver la passe qui créera le déséquilibre, inventer sans cesse, marquer même. Il en faudrait trois comme lui. Où sont les tauliers ? Il manque l’assurance et le calme d’un Thiago Motta, l’abattage et la rage de vaincre d’un Matuidi, le génie intermittent d’un Pastore (tu nous manques Javier). Oui nous sommes nostalgiques de l’époque Laurent Blanc. Mais qui pourrait nous en blâmer quand on voit la bouillie de football qui nous est proposée ?

Que dire de l’animation offensive ? C’est bien simple : il ne se passe strictement rien si Kyky n’endosse pas le costard du sauveur. Contre Nice, il a débuté sur le banc, comme si le PSG devait déjà apprendre à se passer de lui. S’il signe au Real, il va laisser un vide considérable que seule l’arrivée d’un baron de type Haaland pourrait combler. Sans lui, il n’y a pas de mouvement, pas de profondeur, pas d’appels dans le dos de la défense, pas de combinaisons, pas de solutions. Véritable machine à marquer dans ses premiers mois parisiens, Icardi est devenu une ombre et affiche un manque de confiance qui fait peine à voir. En bon attaquant de surface, il n’existe que s’il est servi dans de bonnes conditions dans la zone de vérité. Or sa complicité avec Messi et Mbappé est inexistante et seul le petit génie Marco parvient trop rarement à le trouver. Et Pocchetino n’a rien trouvé de mieux que de nous ressortir un Draxler du placard, lui l’ancien grand espoir du football allemand qui n’a rien prouvé à Paris et n’a pas allumé la moindre mèche face aux Niçois.

L’arrivée de Messi dans la capitale avait suscité les plus fols espoirs. C’étaient des centaines de buts, d’hallucinants slaloms YouTube, des pelletées de dribbles, des montagnes de gestes décisifs, quatre sacres européens et six Ballons d’Or qui débarquaient. Plus qu’une vedette, un joueur immense, une icône, un fantasme de supporter. Avec lui, le PSG allait pouvoir regarder la Champions League dans les yeux et s’asseoir à la table des grands. Composé à grands coups de chèques, le trio rêvé Messi-Neymar-Mbappé devait marcher sur la France et faire trembler l’Europe. Quelques mois après l’atterrissage en fanfare de la star argentine au Bourget, la déception est à la mesure des attentes. Messi n’a marqué qu’un seul but en Ligue 1, terrible constat statistique. Il traverse les matches de manière anonyme et semble écrasé par le poids des attentes, lui qui a laissé derrière lui une vie entière pour venir à Paris. Le coup de rein fatal n’est plus là et il peine à créer les différences. Il décroche beaucoup, déserte les trente mètres comme pour chercher l’inspiration mais la magie n’opère plus. Pourtant on se plaît à y croire. On espère retrouver le grand Leo de Barcelone. On guette le moindre contrôle, le moindre geste, le plus infime frémissement qui reconnecterait ce trentenaire inefficace au génie qui a fait rêver la planète, au divin créateur, au digne héritier de Maradona. Plus longue que prévue, la phase d’adaptation s’éternise en même temps que les rêves disparaissent, laissant place à une amère réalité : le gamin hirsute de Rosario a trente-quatre berges et sa carrière est derrière lui. Match après match, il donne raison à ceux qui avaient dit qu’il était venu toucher un gros salaire et couler une pré-retraite tranquille sur les bords de Seine. Et pendant que le cas Messi fait couler beaucoup d’encre, Neymar soigne sa cheville blessée et prie pour être prêt pour le grand rendez-vous. 

Le PSG un poulet sans tête ? © Manu Wino (Virage)

Objet de toutes les critiques, Pocchetino fait face tant bien que mal et affiche un optimisme qui laisse songeur. Son discours lisse et diplomate apaise les tensions mais ne masque pas la vérité du terrain. Quand un Tuchel mettait les pieds dans le plat, l’ancien défenseur parisien arrondit les angles et s’accroche à quelques motifs de satisfaction. Ses jours sont comptés et il le sait. L’ombre de Zidane plane sur le Parc. Mais Zizou ferait-il mieux ? Relancerait-il Messi ? Ressusciterait-il Icardi ? Convaincrait-il Mbappé que son avenir s’écrit à Paris ? Demanderait-il à la triplette MMN de faire les efforts défensifs ? Trouverait-il des solutions au milieu de terrain pour soulager Verratti ? Une chose est sûre : comme il l’a démontré à Madrid, Zidane sait composer avec un vestiaire de stars, et c’est peut-être ce qu’il manque à Paris : un manager plutôt qu’un tacticien, un meneur d’hommes plutôt qu’un entraîneur. Il faut un ancien grand joueur pour gérer les grands joueurs, exiger d’eux du dévouement, du courage, de la sueur. Demander le respect du collectif et l’amour du maillot. Pochettino n’a pas assez de charisme, pas assez d’autorité sur le groupe. Il n’est pas un grand nom, et c’est bien là son principal défaut.

Dans le grand flou artistique qui règne, sur quoi peut bien s’appuyer le technicien argentin à l’heure de se frotter à Benzema et consorts ? Réponse : sur une indispensable colonne vertébrale Donnarumma/Navas-Marquinhos-Verratti-Mbappé. Autour de ce socle, il faudra bricoler et prier que ça marche. S’il est rétabli, un Sergio Ramos peut faire beaucoup de bien par son expérience, son leadership naturel, sa qualité de relance et sa présence intimidante sur coups de pied arrêtés. Kimpembe se montre trop friable et n’a pas pris ses responsabilités de capitaine lors de la série de tirs aux buts contre Nice, préférant envoyer le jeunot Simons au casse-pipe. Sur les flancs de la défense, Nuno Mendes donne satisfaction, l’expérimenté Bernat postule à nouveau et Hakimi bosse ses coups francs à la CAN. Au milieu, Gueye apparaît comme la meilleure option aux côtés de Verratti. Il faudra ensuite choisir entre Paredes, Herrera et Danilo Pereira. Autant jeter une pièce en l’air. Et devant, viva la MMN et croisons les doigts.

Voilà le PSG à la croisée des chemins. Sorti de la Coupe, il sait qu’il ne gagnera pas tout cette saison, alors que tout gagner était précisément son objectif affiché. Le championnat est un minimum vital pour un groupe aussi pléthorique et de cette qualité, qui n’a pas de rival digne de ce nom sur la scène domestique, et une élimination précoce en Champions League pourrait avoir des conséquences désastreuses. Elle fragiliserait encore un peu plus Pochettino, si besoin était, remettrait en cause les investissements sur Messi et Ramos, conforterait Mbappé dans ses velléités de départ, en bref questionnerait la stratégie et le fonctionnement entiers du club. Elle serait un coup terrible à ses ambitions démesurées et ne ferait que donner raison aux persifleurs qui répètent à l’envi que le pognon n’achète pas les titres, sauf en Ligue 1, où les moyens colossaux du PSG écrasent la concurrence. Taillé pour les joutes européennes, façonné pour tutoyer les sommets, bâti pour les grands rendez-vous, l’effectif parisien ne saurait se contenter du morne quotidien de la Ligue 1. On ne fait pas venir un Messi ou un Sergio Ramos pour battre Reims ou Brest. On ne paye pas un Mbappé vingt barres par an pour planter contre Angers. On ne va pas chercher un Neymar pour s’offrir Troyes. Le PSG est une équipe de stars, parfois jusqu’à la caricature, et les stars ont besoin de gros matches. Son aventure doit s’écrire en grand, rythmée par l’hymne entêtant de la Champions League et des soirées qui comptent. C’est la menace inquiétante du vide qui guette. Et le vide a une sale tronche. S’il ne passe pas l’obstacle madrilène, la fin de saison pourrait s’avérer longue. Très longue.


Denis Ritter

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