Parisiens, têtes de chiens

par

C’est l’été. Vendée. La nuit, le silence presque assourdissant de la mer.
Des étoiles plein le ciel. Le temps suspendu. On appelle ça les vacances.
C’est depuis la petite ville de Brétignolles que j’ai vu, dans le PMU local,
la victoire du PSG contre Montpellier.

L’écrasante victoire. Malgré deux nouvelles approximations de notre surestimé gardien transalpin, Paris a terrassé les boys de Nicollin 5-2. Neymar a repris sa couronne. Messi son sourire et une partie de son talent. Mbappé n’est pas encore vraiment revenu. Il boude, peut-être frustré de ne pas avoir pu disputer le Trophée des Champions et le match de reprise à Clermont. Son désir de battre tous les records, d’affoler toutes les statistiques semblent le rendre impatient. Il marque pourtant un joli but en mode Zlatan après avoir raté un péno. Il râle quand Vitinha ne lui fait pas la passe et préfère stopper son action. Il repousse Ramos et ses autres camarades au moment de célébrer son premier pion de la saison en Ligue 1. Pas de doute, le PSG est de retour.

Dans ce PMU, il y a des mecs du coin, en majorité anti-parisiens. Certains sont alcoolisés au dernier degré. Ils nous détestent. Ouvertement. Méchamment. Éternellement. Toute la soirée, j’entends les mêmes insultes, les mêmes aigreurs. Neymar est leur tête de turc préférée. Et à les entendre, le Brésilien préfère les hommes aux femmes et la débauche au foot. « Vivement qu’il se fasse découper ». Voilà le genre de saloperies que captent mes oreilles. Il y a aussi bien sûr la rage de l’argent qatari. La jalousie des démunis. Dans ce bar où le décodeur certainement pirate plante toutes les 15 minutes (« la chaleur Monsieur, désolé, c’est comme ça depuis hier » me précise le patron), le pognon du désert rend agressif et con. Toutes les vannes, tous les clichés y passent : « trop payés », « trop facile », « malgré les milliards, ils l’ont toujours pas gagné leur ligue des champions », « à jamais les derniers »… à chaque faute sur Neymar, un homme assis à la table derrière applaudit ou le traite de simulateur. La haine pure, assumée. La débilité des profondeurs.

Ici, c’est moins Marseille que Nantes qui est dans les cœurs et les foies noyés dans des litres de bibine. Mais Paris reste l’ennemi indépassable. Capital. Que je suis bien au milieu de cette humanité de comptoir. À chaque but des nôtres, je célèbre avec mon fils en en rajoutant un max. Je croise certains regards véritablement méchants. Ça ne va pas plus loin. Un groupe de quatre Parisiens, torché comme pas permis, regarde le match depuis la terrasse. Un autre, seul, maillot PSG Messi, enchaîne les demis dans un coin. Si jamais ça devait virer baston de saloon, je ne serais pas abandonné. Toujours ça de pris. L’arbitre siffle la fin, les pochetrons sont déjà passés à autre chose. Le plus bête quitte le navire en insultant une ultime fois Neymar. L’un des quatre membres du groupe me parle avec amour de Javier, de Pedro, de Ronnie. Il fait lourd et la nuit est là. Je suis bien.

6 points sur 6. + 8 de goal average. Des recrues prometteuses. Vitinha homme de l’ombre pas avare de ses efforts et déjà suspendu (contre Monaco) suite à trois jaunes récoltés en trois matches. Un Marco lusitanien. Renato lui, ne prend aucune biscotte (les plus cinéphiles d’entre vous apprécieront le clin d’œil) et score à peine entré sur la pelouse du Parc. 10 buts lors des deux premières journées de championnat. On n’avait plus vu ça depuis Reims en 1961. Paris excite déjà les compteurs et nous ne sommes que mi-août. Et avec Galtier aux commandes !!! Galtier. Dès que je l’aperçois en gros plan à la télé, je n’y crois pas. Je ne me fais toujours pas à l’idée que c’est désormais lui notre entraîneur. Je ne lui souhaite que de réussir. Je ne l’ai jamais vraiment détesté. Et ces dernières années, il est l’un des rares coachs à ne nous avoir jamais manqué de respect. Et puis, si jamais ça devait mal tourner, on pourra toujours le conspuer en lui rappelant ses origines.

Sur les réseaux, je vois que nos trois victoires et ce premier trophée ne poussent pas mes camarades supporters à s’enflammer. Chats échaudés… mais après cette dernière saison éprouvante, où l’ennui et la désillusion avaient tout emporté, je ne veux pas non plus jouer au rabat-joie. Non ! L’anti spectacle de nos starlettes en short m’avait presque éteint. Déprimé profondément. Regarder jouer Paris était devenu ce rendez-vous certes obligatoire mais rébarbatif. Il n’y avait presque rien. Mbappé comme couteau suisse. Ouais, déprimant le PSG Mauricio. Sans âme, sans plan. Une parodie. Ces premiers succès estivaux, j’ai décidé de les enlacer sans penser à l’avenir. Parce que j’ai vu une équipe bien jouer au football. Parce que j’aime cette défense à trois et ces latéraux conquérants. Parce que Neymar a déjà fermé pas mal de gueules. Parce que ce Paris qui joue haut et qui veut tuer m’avait manqué.

La prolongation miraculeuse du golgoth de Bondy, je l’ai accueillie avec soulagement en toute honnêteté. Sans Mbappé, j’imaginais une saison 2022-2023 apocalyptique. Je craignais le pire. Et puis, de voir la rage des Madrilènes, la descente d’organes de Fred Hermel en direct, quel bonheur ! Mais très vite, les longues semaines sans autre bonne nouvelle m’ont inquiété. Le départ d’Angel m’a attristé. Nasser a aussi rejoué le carte de l’ordre et de la fin des paillettes. J’ai évidemment ricané (qui peut croire à ce genre d’inepties, sérieusement ?). Des rumeurs (malheureusement toujours pas éteintes à l’heure où j’écris ces lignes) envoyaient Neymar n’importe où, même à Newcastle. Neymar à Newcastle !!! Et pourquoi pas Maradona à l’OM tant qu’on y est !!! Je voulais qu’on conserve Kalimuendo mais il est aujourd’hui breton. On a signé Etikikititikéké. Pourquoi pas. Je ne veux pas de Rashford. J’attends la fin de ce mercato avec une certaine fébrilité. Il ne faudrait pas tout gâcher, trop ou mal acheter.

J’attends la Coupe du monde avec autant d’impatience que de rancoeur. Va-t-elle nous offrir une année fantastique ou nous précipiter directement en Enfer ? Les jalouses nous prédisent bien sûr le pire. Ils voient nos stars revenir du Mondial rincées, qu’elles aient triomphé ou échoué. Ils prient pour que nous tombions encore en huitièmes. Là encore, j’ai choisi de m’en foutre. Il arrivera ce qu’il arrivera. Je ne veux plus cultiver cette atmosphère de malédiction parisienne. Je veux simplement que mon Club monte au front la tête haute. Et même si nous n’avons terrassé que Nantes, Clermont et Montpellier, j’ai aimé ce que j’ai vu. Et j’en redemande. Parce que je sais que nous en sommes capables. Alors, rêvons. Pas plus grand ni plus haut mais rêvons. La réalité et les oiseaux de mauvais augure gagneront peut-être à la fin. Peut-être. Peut-être aussi que Neymar soulèvera plusieurs coupes cette saison. Allez savoir.

Retour en Vendée. Le jour de mon arrivée dans le 85, une affichette scotchée dans le tabac pas loin de la plage annonce une rencontre amicale entre une équipe du cru et le PSG National 3 pour ce dimanche à 18 heures. 5€ pour les adultes et 3 pour les gosses. Un signe des Dieux ? Jules et moi décidons bien entendu de nous y rendre. L’occasion est trop belle. À l’entrée, on offre un drapeau parisien à mon fiston. L’unique tribune est pleine à craquer. Des maillots parigots, des touristes comme nous et probablement quelques locaux. Mais surtout beaucoup de gens venus pour voir Paris chuter. Pendant 90 minutes, sous une pluie de velours, j’entends des choses extraordinaires. Je vois la haine dans toute sa décomplexion.

Je suis né en province et je n’ignore donc rien du sentiment anti-parisien. Mais là… je livre ici deux remarques entendues pendant la deuxième mi-temps. Un avion publicitaire passe au dessus du stade. Un daron dit alors à son fils : « faudrait qu’il s’écrase sur le PSG »… et, au moment de quitter les lieux, un poivrot agrippe le maillot de mon fils en lui disant : « il est dégueulasse ton truc ». J’attrape donc le sien, presque calmement avant de lui souffler à l’oreille, en souriant : « vire tes sales pattes tout de suite. Tu vois, moi, j’ai une équipe. Toi, tu n’auras qu’une cirrhose, enculé. » j’entends encore ses « Paris on t’encule » au moment où nous quittons le stade champêtre. Nobody likes us and we don’t care. Je ne suis pas devin. Je ne suis pas persuadé que c’est une bonne idée d’avoir remplacé l’un des meilleurs gardiens au monde par un géant fébrile inexpérimenté qui louche. J’ignore si le duo Campos-Galtier réussira là où tant d’autres ont échoué ces derniers années. Je ne sais pas si le CUP va se racheter. Cavani va peut-être signer à Nice. Les affaires reprennent. Alléluia ! PSG4LIFE.


Jérôme Reijasse

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de