Mamadou Sakho Virage PSG

Un bakchich pour Sakho

par

Un soir de septembre 2013, j’ai vu pleurer Sakho au Parc des princes. Venu nous saluer une dernière fois, sa fille dans les bras, il était aussi venu prendre un peu d’amour de l’équipe avant de nous quitter : une accolade de Blaise, un sourire carnassier d’Ibra, les baisers de M. Claude, le coucou relou d’Adrien

Ces larmes de Mamadou, pourtant si fier, si fort, sa voix qui se brise. J’avoue que j’ai pleuré moi aussi. Parce que Sakho, c’était ce joueur thuramesque dans la puissance physique, un grand tacleur, le jeu généreux, toujours là pour le surnombre, une personnalité dingue. Et pourtant, il ne savait rien du drame qui l’attendait. Il partait pour Liverpool, club mythique, il avait de quoi espérer. Et il me faut être honnête, j’ai sûrement aussi pleuré parce que septembre 2013, c’est l’apogée de la schizophrénie parisienne. Et un sacré bordel dans ma tête et mon cœur.

2013. Ça aurait dû être la plus belle année. Parce qu’en 2013, Paris est champions avec : La meilleure attaque de la Ligue 1, la meilleure défense de la Ligue 1, la meilleure équipe à domicile de la Ligue 1, la meilleure équipe à l’extérieur de la Ligue 1, la meilleure équipe en 1ere Mi-temps de la Ligue 1, la meilleure équipe en 2eme Mi-temps de la Ligue 1, le meilleur Buteur, le meilleur Gardien, le meilleur Défenseur.

Sur la scène européenne, Paris a atteint les quarts de finale de la Ligue des Champions : nous ne sommes pas loin d’une situation dont nous rêvions tant, nous les supporters en souffrance depuis qu’un fond de pension américain avait cru bon d’investir dans le football pour y gagner de l’argent. Nous avons enfin des propriétaires qui ne comptent pas, et l’avenir semble nous sourire.

Mais comme Paris ne fait jamais les choses comme les autres, comme Paris est le théâtre du drame, de la tragédie, comme aucun autre club dans le monde ; Carlo Ancelotti, l’entraineur de nos rêves les plus fous, claque la porte. Leonardo met un coup d’épaule à l’arbitre de PSG-Valenciennes et est suspendu avant de quitter le club lui-aussi, et Sakho disparait de même pendant l’été. Son départ est alors plus qu’un symbole de la déroute du projet qatari. Il est comme Paris, un mauvais scénario à rebondissements multiples, une sorte de montagne russe à lui seul.

Taulier du club depuis son association à Armand en défense centrale, Sakho avait été trophée du meilleur espoir de Ligue 1 de la saison 2010-2011. Chouchou absolu du Parc des Princes, il était alors le joueur rageur, athlète au mental d’acier, formé au club, s’épanouissant dans la maison qui l’a vu grandir. Devenu capitaine de l’équipe au départ de l’Anaconda, il est moins régulier et commence à alterner les belles prestations avec les bourdes. Pour nous, dans les tribunes, impossible de comprendre ce qu’il se passe dans sa tête : le vélo a déraillé, et le club comme le public semble perdre confiance. Alors quand Silva débarque en 2012, Sakho perd sa place. Mais Alex et Silva se blessent en même temps, et Mamadou retrouve le terrain toutes les semaines et assure. Carlo est ravi de son rendement. Il va même marquer l’histoire du club en entrant en jeu au poste de gardien les dix dernières minutes de la dernière journée du championnat, encaissant un penalty mais repoussant les assauts lorientais avec brio. Il est ce joueur sacrificiel et fort en gueule, aimé de tous, mais il sait qu’une fois les brésiliens rétablis, il ne sera que remplaçant.

Il signe alors à Liverpool. Il est un des seuls joueurs à avoir vécu la fin des années Colony Capital, et le début de la fête qatari. Il est aussi le symbole du bordel ambiant parisien. Plein de promesses, et toujours une nouvelle galère qui vient assombrir le tableau. En club comme en équipe nationale : alors qu’il met un doublé pour la France contre l’Ukraine en match de qualif pour le Mondial et qu’il est le héros des bleus à la Coupe du monde 2014, il est contrôlé positif à un bruleur de graisse en avril 2016 et suspendu par l’UEFA pour 30 jours : il manque la finale de la Ligue Europa cette année-là contre Séville, et l’Euro en France, lui qui avait été le plus jeune capitaine de l’histoire, en 2007. Il ne rejouera jamais pour Liverpool. Car plus que la suspension, il a été frappé par la suspicion.

Il a beau être blanchi le 9 juillet 2016, l’Agence Mondial Antidopage l’accuse à nouveau le 20 avril 2017. Sakho attaque alors pour diffamation. Mais c’est plus que sa réputation ou quelques trophées qui lui ont été enlevés : c’est la construction de sa carrière qui a été bousillée. Nous voilà quatre ans plus tard ; les rendez-vous manqués sont perdus à jamais, et le gâchis en club comme en Équipe de France est irrattrapable. L’AMA a beau avoir reconnu ses torts, se préparer à verser des dommages pour tenter d’effacer le préjudice, Sakho ne pourra jamais réellement obtenir justice. Aucune réparation ne saurait effacer l’amateurisme de cette Agence dont la fonction est de tenir à jour la liste des produits interdits et de communiquer avec les laboratoires, et qui a failli à ces deux missions, entrainant dans son amateurisme la chute d’un professionnel irréprochable.

Et histoire de rajouter à la dégueulasserie ambiante, en parallèle de ses accusations infondées contre Mamadou, l’AMA tente depuis plusieurs années de blanchir l’agence russe antidopage Rusada, qui a pourtant couvert un dopage systématique et institutionnel. Proposant sa réintégration sans le corolaire préalable de la reconnaissance des faits et de l’accès à leurs données, l’AMA s’est retrouvée en porta faux avec les agences anti-dopage de nombreux pays comme les États Unis, la France, l’Angleterre, le Japon et la Pologne qui manifestent depuis des années leur mécontentement face au fonctionnement de l’AMA.

L’affaire n’est pas réglée, mais soumise à une pression mondiale, l’AMA a dû récupérer l’année passée les données falsifiées par les russes pour les présenter au Tribunal Arbitral du Sport en ce début de mois.  Il est toujours insupportable de voir comment une institution peut briser la vie d’un homme et s’arranger avec la vérité quand des intérêts financiers sont en jeu. Sakho a eu, comme presque tous les joueurs professionnels, des hauts et des bas sur le terrain. Mais il est un homme digne de respect, et un sportif de haut niveau que l’on a privé de sa carrière.

Ce gamin né à Paris, arrivé à 12 ans au PSG, restera dans le cœur des supporters parisiens pour toujours, et je propose donc que nous écrivions tous à l’AMA, comme je le fais ici, pour lui demander, tel un Robin des Steppes, de reverser l’intégralité des pots de vin reçus par Rusada à Sakho, en attendant de peut-être voir la Russie suspendue pendant quatre ans de toute compétition sportive. Ça ne réparerait pas le préjudice, mais ça rééquilibrerait la balance de la filsdeputerie et c’est toujours bon à prendre.

Mamadou Sakho Virage PSG


Aurelia Grossmann

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de