Un recrutement en question

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Après plusieurs mois d’exercice et une moitié de saison en Ligue 1, un constat s’impose nettement : le PSG a raté son recrutement estival dans les grandes largeurs et il serait opportun que Luis Campos se remette sérieusement en question.

Les deux défaites récentes à l’extérieur face à Lens et Rennes ont démontré que Paris ne disposait pas d’un banc digne de ce nom et que tous les postes n’étaient pas doublés, ce qui devrait être logiquement le cas quand on se veut être un « grand club » européen et l’égal des City, Bayern et autres Real. En dehors de son onze titulaire, Galtier s’appuie sur un effectif relativement médiocre pour un club adossé à une puissance financière aussi énorme, et dès que les hommes de base manquent à l’appel, le niveau moyen baisse considérablement. Pour gagner le championnat et faire un bon parcours en Champions League, il faut pouvoir pratiquer un turnover régulier sans que la compétitivité de l’équipe s’en trouve amoindrie, ce qui n’est pas le cas au PSG. Nous ne dirons pas que Galtier fait avec les moyens du bord, ce qui serait une insulte aux autres équipes de Ligue 1, mais disons qu’il ne dispose pas de ressources illimitées pour mener toutes les compétitions de front, au contraire d’un Guardiola par exemple.

Première question à dix mille balles : pourquoi avoir laissé partir Kalimuendo pour mettre 30 millions sur Ekitike ? Le Rennais restait sur une belle saison à douze buts avec le RC Lens et aurait pu apporter beaucoup à l’attaque parisienne. Il voulait du temps de jeu et dans cette optique son départ est compréhensible, mais recruter un type de vingt ans qui n’a connu que le Stade de Reims pour suppléer Mbappé et consorts relève du risque inconsidéré, surtout quand on voit qu’un attaquant comme Marcus Thuram, très convaincant avec les Bleus lors de la Coupe du Monde, était sur le marché. Certes, Ekitike constitue une promesse sur l’avenir mais malgré ses quelques buts, ses premières prestations n’ont pas convaincu grand-monde et il y a fort à parier qu’il ne sera jamais un joueur de calibre international. Or, l’effectif d’un club comme le PSG ne devrait compter que des internationaux ou des joueurs frappant à la porte de leur sélection.

Les espoirs ont été vite douchés

La grande déception de cette première partie de saison provient des Espagnols. On attendait beaucoup de Carlos Soler et Fabian Ruiz, tous deux régulièrement appelés avec la Roja, et le moins que l’on puisse dire est que les espoirs ont été vite douchés. Soler est tout simplement invisible, fantomatique, neutre et incapable de prendre la relève de Messi à la baguette. Contre Châteauroux en Coupe, lors d’un match au cours duquel Paris a beaucoup souffert, il n’a pas été capable de créer la moindre différence balle au pied et a traversé la rencontre comme une ombre, en dépit de son but anecdotique. Où est passé le joueur qui était un leader à Valence et claquait régulièrement sa dizaine de buts en Liga ? Fabian Ruiz représente lui aussi une énigme tant ses dernières sorties ont été décevantes. On nous avait vendu un joueur « box to box », capable de récupérer, d’orienter le jeu, de casser les lignes, voire de marquer grâce à une jolie frappe de balle, et on se retrouve avec un type emprunté qui se contente d’aligner les passes latérales et d’expédier les affaires courantes sans jamais prendre le moindre risque.

Même si certains comme Riolo lui préfèrent un Valentin Rongier et le trouvent surcôté, Verratti est plus que jamais indispensable à l’entre-jeu parisien et son absence laisse un vide abyssal, car personne d’autre que lui n’est en mesure de prendre les commandes du jeu. Juan Bernat n’est plus que l’ombre de l’excellent latéral qu’il a été et s’est montré incapable d’assurer l’intérim pendant la blessure d’un Nuno Mendes explosif et décisif. Quant à Sarabia, il a fait ses valises pour l’Angleterre, ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle au vu de ses performances, mais son échec comme celui de ses deux compatriotes soulève une épineuse question : pourquoi des joueurs aussi performants ailleurs (Sarabia sortait d’une saison à vingt pions avec le Sporting Portugal) se noient-ils lorsqu’ils débarquent au PSG ?

On snobe l’hexagone

Vitinha et Mukiele constituent deux satisfactions relatives. L’international portugais a démarré en trombe, à l’image de l’équipe, mais est quelque peu rentré dans le rang et semble chercher un second souffle. Sa complicité avec Verratti saute aux yeux mais Paris aurait besoin d’un véritable récupérateur plus physique et costaud dans les duels, un rôle qu’a du mal à assumer Danilo Pereira, souvent appelé à faire parler sa taille et sa puissance en défense. Vitinha semble plus à l’aise lorsqu’il évolue un cran plus haut, au soutien des attaquants, et est en mesure de faire parler sa qualité de passe dans les trente derniers mètres. Mukiele a démontré de belles choses, une vraie aptitude au un contre un, une rigueur sans failles dans son couloir, une capacité à déborder et centrer qui lui a valu de délivrer quelques passes décisives, au point de venir véritablement concurrencer Hakimi aux yeux des supporters parisiens. Il ne ferait pas tache en équipe de France, où Pavard et Koundé sont loin d’apporter toutes les garanties sur le flanc droit de la défense. Le milieu de terrain et le défenseur français sont les deux seules recrues à ne pas décevoir franchement et il s’agit d’un bien maigre bilan lorsqu’on dispose d’une enveloppe aussi conséquente, malgré les contraintes du fair-play financier et les pertes enregistrées par le club ces dernières années.

On a cassé beaucoup de sucre récemment sur le dos de Leonardo, coupable comme Pocchetino de tous les maux parisiens, mais fut un temps où l’ancien directeur sportif faisait les beaux jours du club grâce à ses contacts en Italie. On lui doit les signatures de Pastore, Lavezzi, Cavani, Ibrahimovic, Thiago Motta, Thiago Silva, Verratti, Maxwell, des joueurs qui ont gagné des titres et fortement marqué l’histoire du club. Aujourd’hui Campos préfère faire son marché en Espagne et sa stratégie s’avère aussi inadaptée qu’inefficace. Pourquoi tout simplement ne pas recruter de bons joueurs de Ligue 1, rompus aux joutes du championnat et capable de tenir leur rang en Champions League, comme le faisait Lyon à sa grande époque ? On pense tout naturellement à Seko Fofana, Randal Kolo Muani, Jean-Clair Todibo, Kephren Thuram, Jonathan Clauss, Kevin Danso, Benjamin Bourigeaud, Martin Terrier, autant d’éléments qui ont fait leurs preuves et auraient fait un bien fou au PSG. Mais non c’est « rêvons plus grand », alors on snobe l’hexagone et on recrute de l’espingouin à gogo.

D’autres clubs de Ligue 1 ont réussi leur mercato, comme l’OM, qui a fait signer Alexis Sanchez, Clauss et l’excellent Mbemba, Monaco, qui a vu débarquer Camara et Embolo, ou Lens, qui a réussi à pallier les départs de Clauss, Kalimuendo et Doucouré en misant sur Frankowski, Abdul Samed et Openda. Muni de quelques petits points d’avance en tête du championnat, Paris pourrait payer au prix fort son recrutement raté en laissant filer son titre national, sans parler de la Champions League qui, au vu du niveau actuel de l’équipe et de ses carences flagrantes, relève de la chimère. Si les joueurs du Bayern ont vu les derniers matches des Parisiens, ils doivent se frotter les pognes.


Denis Ritter

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