Giscard, deuxième partie

par

Dernière partie de l’interview de GISCARD, fondateur des GAVROCHES
et personnage central des tribunes parisiennes. On évoque avec lui
sa passion toujours vivace pour le club de la capitale.
Un témoignage unique pour tous les supporters du
PSG.


Comment as-tu vécu la montée des extrémismes en tribune ?

Nous, on ne pouvait pas faire grand chose. Si les flics ne foutaient pas ces mecs dehors… On espérait que ça ne dégénère pas. Surtout que les gens sont influençables, ce sont des moutons. La meute, voilà c’est ça. Surtout que parfois tu voyais un mec foutre le bordel, se taper avec les flics, et 15 jours après tu le revoyais au Parc ! Les plus faibles qui voyaient ça, les ont suivis. C’est en partie pour ça qu’on n’a pas voulu que les Gavroches soit un groupe trop grand. Car on voulait connaitre tout le monde. Alors OK, parmi les Gavroches il y en a qu’il ne fallait pas venir chercher. Je me rappelle d’un déplacement à Lille dans le vieux stade. Les supporters des Dogues sont venus nous chercher à la fin de la première mi-temps. Ça a tapé et on ne s’attendait pas à ça. Puis ils sont retournés dans leur tribune. Au début de la deuxième mi-temps, on se retourne, et on voit que plein de mecs ont disparu. Ils étaient partis se venger dans la tribune des locaux ! Peur de rien !

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Giscard, de face, à Nancy – Janvier 85

L’arrivée de Canal+, ça a changé la donne ?

On a réagi un peu comme quand le Qatar est arrivé. Même si le Qatar c’est puissance 1000 par rapport à Canal. On était pas négatif mais on savait que ce ne serait plus un club familial. Il fallait de l’argent pour avoir des grands joueurs. C’était un cercle vicieux. Si tu n’as pas de grands joueurs tu n’as pas de résultat, et donc les autres grands joueurs ne viennent pas.

Tu as arrêté quand d’aller au stade ?

A partir de 2010. L’association des Gavroches a été dissoute en 2008 mais ça n’avait rien à voir avec la banderole de PSG-Lens. Philippe, le président de l’asso, avait décidé de la mettre en sommeil. Mais ça n’a ensuite jamais repris. J’ai perdu pas mal de gens de vue. C’est triste mais c’est comme ça. En tout cas en 2010, j’arrête et ça a été très dur. Je ne pouvais pas retourner au Parc sans mes potes. Je ne voulais pas boycotter comme ils l’ont fait. Pour moi il fallait continuer à y aller. Il fallait virer les mecs qui foutaient le bordel à Boulogne et à Auteuil. Mais ça ne s’est pas passé comme ça.  Du coup j’ai regardé les matchs chez moi. Même PSG-OM. Si on m’avait dit un jour que je regarderais ce match chez moi ! Même une jambe dans le plâtre, même dans le coma, j’y vais ! Du coup l’année d’après j’ai repris mon abonnement. C’était trop dur d’être à la maison, de ne plus aller au Parc. On a recréé un petit groupe avec une dizaine de vieux potes à Auteuil, hélas, mais c’était moins cher et il n’y avait plus d’ambiance à Boulogne.

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Parcage à Laval – Saison 85-86

Bon je me suis un peu pris la tête avec les nouveaux mecs en virage. Je suis placé au dessus de la porte dans les bleus. En plein virage. Au bout d’un moment t’as des mecs qui sont arrivés et qui ont commencé à s’étaler. Puis un type nous a gueulé dessus « Cassez-vous, on va mettre nos tambours ici ! ». Je lui ai dit « On part pas et puis de toute façon, que tes tambours soient ici ou au premier rang c’est pareil ! Et puis tu peux taper dessus tant que tu veux, j’en ai entendu pendant des années des tambours ! ». Il m’a traité de footix ! Je lui ai demandé son âge, il avait 16 ans ! Je lui ai dit « En 98 tu n’étais même pas né, alors toi tu es arrivé après les footix ! Et puis j’allais au Parc alors que tu n’étais même pas né. Tu ne serais peut-être même pas là si il n’y avait pas eu un kop à Boulogne avant. » Il m’a dit que je me la pétais… et qu’on allait prendre des coups lorsqu’il y aurait des buts ! Je lui ai répondu « Rigolo, quand il y avait des buts on faisait des pogos à Boulogne à chaque but ! Et si t’es pas content j’appelle la sécurité ! » J’ai appelé un vieux pote de la sécurité. Il est arrivé et il me dit « Giscard, qu’est-ce qu’il y a ? ». Je lui raconte l’histoire. Il regarde le gamin et lui dit « T’es qui toi ? Tu vois ce mec, on n’a pas la même couleur mais c’est mon frère ! C’est Giscard, ici c’est un dieu ce mec ! Il se met où il veut, quand il veut avec qui il veut. Personne ne le déloge. Si tu l’emmerdes encore une fois, je te vire du stade et tu en seras interdit pendant 5 ans ! OK ? ». Bon on a fini quand même plus tard par bouger tellement ils nous saoulaient. J’ai essayé de faire revenir tout le monde à Boulogne. On aurait pu se mettre devant sans être emmerdé par des drapeaux et des mecs qui font durer des chants des plombes. Mais il y a un des mecs du groupe qui était d’Auteuil et avec qui on fait tous les déplacements européens. Lui ne voulait pas bouger. Comme on est une famille, comme l’un des nôtres voulait rester à Auteuil, alors on a décidé de tous rester à Auteuil.

Donc aujourd’hui tu continues à aller au Parc et tu te fais tous les matchs de Coupe d’Europe ?

Oui, tous les matchs. On s’est organisé avec mes potes. On a ouvert un compte bancaire en commun avec une carte bleue. Avant le début de saison, on met tous entre 500€ et 1000€ dessus. Comme ça lorsqu’on part en déplacement dans un pays où il n’y a pas l’euro, on n’a pas besoin de titrer de l’argent, on paie avec cette carte. Dès le tirage au sort des matchs, on prend nos billets tout de suite pour payer moins cher. Celui qui est en charge des billets d’avion ou de train a les fonds pour payer tout de suite du coup. Après c’est toujours le même problème pour avoir les places de match. Y a pas un mec au club capable de te dire quand les places seront en vente. Faut être réactif. Des fois c’est vicieux, les places sont mises en vente lors de journées de  championnat au Parc. Ça m’est arrivé de m’arrêter en bagnole en plein Bois de Boulogne pour acheter mes places avec un téléphone, quitte à me faire arrêter par les flics ! J’ai un pote dont la femme reste à la maison pour les matchs et rafraîchit la page pour avoir les places dès qu’on reçoit l’alerte… En tout cas pour l’instant je suis rentré dans tous les stades !

Tu gardes cette flamme à chaque déplacement ?

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Déplacement à Metz – Saison 80-81

Ah ouais. On a toujours envie de tomber sur un club qu’on n’a pas fait. Et même si on doit retourner dans un stade qu’on a déjà fait, j’y vais. Sauf Barcelone. Tu payes 94 balles la place la moins chère, tu es tout en haut, et tu ne vois rien ! Depuis le fameux match, j’ai dit que je n’y retournerais plus… Enfin je dis ça…

Tu crois qu’un jour le PSG gagnera la Coupe d’Europe ?

Ouais. L’année où j’y croyais le plus c’était cette année. Après le match contre Liverpool à l’aller, ils ont commencé à tirer tous dans le même sens. Bon après il y a eu Neymar, pas de bol, deux années de suite. Bon en même temps Barcelone a mis 97 ans à remporter sa première Coupe d’Europe en 1992. J’espère voir ça de mon vivant. Comme disait l’autre « Maintenant on peut mourrir tranquille ».

Tu vis comment les années QSI toi qui a connu toutes les époques ?

Je suis toujours aussi passionné mais c’est vrai qu’avec le Qatar c’est plus l’argent que l’esprit qui prime. Maintenant, avec le retour de Léonardo, et je suis content qu’il revienne, tu sens qu’ils achètent plus des guerriers que des noms. Il faut des mecs qui mouillent le maillot. Quand je vois qu’à l’époque ils hésitaient à prendre Cavani. Alors la première année je me suis posé des questions sur lui, mais quand on voit ses stats aujourd’hui…

Il fait partie des joueurs que tu aimes le plus dans l’équipe actuelle ?

J’aime tous les joueurs, là dessus je ne changerai pas. Mais j’aime bien ce joueur-là. Car tu ne l’entends pas, il ne fait pas la bringue comme les autres. Sur le terrain il est irréprochable. Il en rate aussi mais tous les joueurs font des boulettes. Regarde Mbappe, contre Manchester,  s’il la met au fond… On est qualifié. Cavani sur les corners, il vient au deuxième poteau pour défendre, pas Mbappe. C’est des joueurs comme ça qu’il nous faut. J’aime bien Verratti aussi, malgré son hygiène de vie. Sa façon de casser les lignes, il fait peur. Mon plus grand regret c’est aussi le départ de Blaise, surtout pour laisser de la place à Rabiot. Tu pouvais pas laisser partir un mec comme ça. Et puis sa joie de vivre… Dans le vestiaire quand il disait un truc, il était écouté.

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Turin 1989

Tu dis que tu aimes tous les joueurs mais il n’y en pas quelques-uns en particulier ?

C’est l’équipe avant tout. Les joueurs sont de passage. Mais bon Raí et Valdo… Ma femme adorait Valdo. Quand on voit un mec comme Paredes jouer aujourd’hui, tout le monde dit « Il faut le vendre ». Mais ce qu’ils oublient c’est qu’il est arrivé avec une préparation tronquée. Il faut lui laisser une chance supplémentaire. Comme Raí. Tout le monde voulait le virer quand il est arrivé. Et puis au final, on a tous pleuré quand il est parti. J’y étais ce soir-là. J’ai chialé comme un gamin. Quand je revois les images aujourd’hui, j’ai encore les frissons. Sušić aussi, mais bon lui, il choisissait ses matchs. Quand c’était télévisé, et puis si on lui mettait la balle un mètre devant, il n’y allait pas, mais c’était un monsieur. Ronnie et Pauleta aussi. C’est dommage qu’on ait pas eu les deux en même temps.

Toi qui a tout connu en tribune à Paris, comment vois-tu le mouvement ultra évoluer ?

J’avoue qu’aujourd’hui je m’en fous un peu, mais ça me ferait chier qu’il n’y ait plus d’ambiance en tribune. Quand je vois ce que sont devenus les stades en Angleterre. Quand on allait voir Chelsea, même quand ils perdaient 3-0, tout le stade chantait. Maintenant ils sont assis, ça fait peur. Quand je me suis déplacé à Stamford Bridge lors des derniers matchs de Paris là-bas, ils ont voulu me faire faire assoir ! Ils ont même appelé les stewarts. Mais à chaque action on se levait, on était tellement pénibles qu’ils ont laissé par nous laisser faire…

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De père en fils et en fille (c) Collection personnelle

Tu as transmis ce virus PSG à ta famille ?

Non. J’aurais bien voulu qu’au moins un de mes trois enfants suivent. Le grand n’est pas sport du tout. Il est timide et réservé. La foule, ça le saoule. Quand je l’ai emmené dans le kop, il se planquait derrière moi quand je disais bonjour à tout le monde. Dès que le match se calmait il me demandait si on pouvait partir. Pareil à la mi-temps… À la fin du match il m’a dit qu’il ne voulait plus revenir. Je l’ai rassuré là-dessus. Le plus jeune, il accrochait un peu plus. Mais sans plus. Il avait même réussi à récupérer un ballon qui était arrivé dans la tribune à l’entrainement à Auxerre. Scooter (Ndlr : ancien du KOB) avait réussi à lui faire dédicacer par tous les joueurs car il bossait pour le PSG, d’ailleurs il y bosse toujours, au Parc je crois. Ça me fait penser à Didine, qui fait partie des « tontons » au PSG aujourd’hui. Il ramassait les ballons au Camp des Loges à l’époque. Et dire que ça aurait pu être moi. Un jour quelqu’un lui a demandé si il voulait venir bosser et puis de fil en aiguille…

Tu aurais aimé bosser pour le club.

Ah ouais. J’aurais tout vécu de l’intérieur. Les trucs que les gens peuvent pas voir. Tu peux côtoyer les joueurs de près, sans taper forcément la discute avec eux, mais au moins tu peux faire tous les déplacements !

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Scooter à gauche de Giscard – Challenge Tourtel (c) Collection personnelle

Tu en penses quoi du maillot cette année ?

Je m’en fous. Tout le monde gueule mais si on gagne la Champions League avec, t’inquiète, ils iront tous l’acheter. On peut avoir le plus beau maillot du monde et se faire sortir comme des merdes. De toute façon je les achète tous. Les 3, domicile, extérieur et third. J’attends les soldes. Je les garde tous. Pour certains maillots floqués, c’était pas cher de les avoir, comme Fiorèse ! A l’époque même à 5 balles il partait pas ! Mais bon, le pire niveau coup de putes, c’était Dehu. Je savais qu’il allait partir bien avant tout le monde. Dans le club de foot où je jouais en vétéran, il y avait un père de famille qui entrainait une équipe de gamins dont celui de Dehu. Il avait dit au gamin en février que l’année suivante, il changerait de catégorie mais qu’il l’aurait toujours comme entraineur. Le gamin lui avait dit « Mais je ne serai pas là l’année prochaine, mon père il déménage… il va à Marseille ». Ah ah ah. Moi ce que je lui reproche c’est d’avoir ouvert sa gueule avant la finale de coupe (Ndlr : 29 mai 2004 – PSG vs Châteauroux / 1-0). Il y a eu des fuites. Il aurait du faire un démenti, comme ça il n’aurait pas été sifflé au Stade de France. Et il serait parti en fin de saison tranquillement. En plus cette année-là, j’ai un pote qui bossait à la mairie de Paris et qui a réussi à m’avoir des places pour le diner d’après match avec les joueurs. Dehu tirait une de ses gueules. Il est même parti avant. Il a gâché la fête parce qu’il s’était fait siffler. Trop con, il aurait du faire un démenti. « Avec tout ce que j’ai donné… ». Mais on s’en fout de ce que tu as donné, c’est ce que tu laisses à la fin qui compte.

Pour visionner la vidéo de PSG vs Châteauroux, cliquez ICI
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« On a Paris dans la peau » (c) Virage

Xavier Chevalier

Une réflexion au sujet de « Giscard, deuxième partie »

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