2011-2021 : Paris Saint-Germain FC, problème d’identité

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Comme d’habitude dans la nature humaine, il faut attendre que la goutte fasse déborder le vase pour agir. Cette semaine a vu surgir une nouvelle polémique
chez les supporters du PSG : le club a pris la décision de ne plus passer Phil Collins
au Parc des Princes. Les dirigeants avaient pourtant rassurés les supporters quelques semaines plus tôt qu’une erreur humaine était la cause de cette polémique.
Ce passage musical, alors en place depuis 1992, divise les supporters
et relance ainsi le débat sur l’identité du club.

Fabien Allègre, directeur de la diversification du club (drôle de fonction selon So Foot) parle d’une évolution normale, à l’image du maillot : « On est tout autant capable de mettre en lumière des grandes marques internationales, de jeunes talents dans l’art ou la mode, que de participer à l’expression des talents musicaux du Grand Paris. »
Mais pourquoi vouloir mettre fin à près de 30 ans d’habitude, pour mettre en avant certains artistes parisiens ?

Je reçu alors, comme beaucoup d’autres, cette pétition en ligne pour annuler la volonté du club et préserver le fameux « who said I would ». Belle initiative, d’autant plus que cette dernière a l’air de faire effet *. Mais n’est-il pas un peu tard pour se soucier de l’identité de notre club ? Limite hypocrite quand on regarde les 10 dernières années de QSI à la tête du club. Toucher à une habitude vieille de 30 ans (pour un club de 50 ans d’âge) revient à toucher à l’identité, dont tous les supporters y sont naturellement attachés. Il en devrait donc être de même pour les sujets du type logo, le maillot et ses couleurs, le camp des loges, les joueurs, les tribunes etc …

En 2011, le supporter parisien n’a alors plus le choix que d’accepter cette révolution Qatari. Certains l’accepteront moins rapidement que d’autres, certains ne l’accepteront même pas du tout. La division apparaît dès ce moment. D’abord chez les supporters les plus fidèles ayant acceptés de continuer à venir supporter leur club de cœur tout en s’opposant à la charte TousPSG, le placement aléatoire en tribune et la dissolutions des groupes de supporters en tribunes populaires. Cependant sur le plan structurel du club, le supporter va graduellement subir et accepter les changements.

PSG est entré dans une nouvelle dimension. Il veut rivaliser avec les grandes institutions du football. Pour cela il doit suivre un modèle économique de qualité, créer une vraie marque de luxe et être au premier plan du monde du football. Si on veut voir PSG triompher, offrir une vraie gamme de « football spectacle » au peuple parisien, alors il doit rattraper son retard et imposer un mode financier, marketing & communication comme une réelle entreprise. Le supporter voulant voir son club affronter les gros cadors européens est donc prêt à tout accepter :
– La modification du logo : ce n’est pas si grave, il a déjà été changé plusieurs fois.
– La restructure des tribunes du Parc des Princes : c’était trop chaotique en coursives, une carte tous PSG et des sièges colorés pour représenter la Tour Eiffel n’a jamais tué personne.
– Les maillots marketing : ce n’est pas si grave, ces couleurs ayant déjà été souillés plusieurs fois dans les années 2000….
– Le Camp des Loge(s) renommée Centre Ooredoo : il s’agit juste d’un Naming pour le centre d’entraînement auquel je ne vais jamais. Il rapportera de l’argent et ce n’est pas comme s’il touchait le Parc. Son déménagement de St-Germain-en-Laye à Poissy offrira un lieu digne d’une équipe jouant la LDC chaque année.
– Les joueurs : on ne gagne pas une course avec une Renault française mais avec des Ferraris italiennes.

Chacune de ces petites nouveautés ne constitue pas de révolution en terme de changement, d’autant plus qu’elles rejoignent la normalité du monde marketing footballistique des grands clubs, mais elles peuvent pousser au débat dans leur ensemble (ci-présent).

Ce supporter amoureux de son club va doucement renoncer à ses convictions et son passé, convaincu que l’évolution du football moderne a fermé la porte à tout espoir de revoir un jour Gueugnon en finale de coupe. Il faut vivre avec son temps et accepter de payer 500€ pour un abonnement en virage. Les logos, maillots, Namings font partis de l’ère moderne. PSG recrute à nouveau des joueurs clés, même si ces stars ne sont plus achetées à Brest, Monaco, Benfica, Gremio ou Bordeaux. Nous remportons enfin le titre de champions de France, mais ce dernier ne fait plus effet car il n’a aucun mérite au vu de l’attente extrêmement importante autour du club avec son statut de méga favoris. Les petits frissons restants à se mettre sous la peau sont maintenant en Ligue des Champions.

Mais quand on y pense ….

Ni l’AS Monaco, ni Leicester City FC n’ont eu besoin de ces changements pour gagner leur titre de champion respectif et faire un super parcours européen. En dix ans, combien de frissons réels avons nous vécus en coupe d’Europe ? Pas beaucoup comparé aux réelles déceptions. D’ailleurs on parlait déjà d’identité et d’institution bafouée lorsque Serge Aurier était titulaire dans le 5-3-2 de Blanc après l’avoir insulté de « fiotte ». On en parlait aussi quand Ibrahimovic prônait que ce club n’avait pas d’histoire avant lui. Neymar avait aussi avoué « ne pas être heureux à Paris » sans parler des ses fêtes à gogo, ses carnavals, ses jeux, sa volonté constante de vouloir rejoindre Barcelone.

Alors que faire, quoi penser, qui a raison, qui a tord ? Voici mon avis :

Il ne faut pas oublier que PSG est une vitrine du Qatar, et lui a permis de mieux s’imposer sur la scène française et parisienne : immobilier, hôtellerie, luxe et maintenant sport. Ils ont fait du PSG leur marque à eux, à leur sauce, pour être au devant de la scène médiatique pendant la grande compétition européenne avant de recevoir le mondial 2022. Ce dernier est d’ailleurs bien insolite et scandaleux au vu du lieu géographique désertique sans stades, des conditions météorologiques, de la culture footballistique inexistante, des différentes enquêtes judiciaires ou même des différents rendez-vous à discours litigieux en 2010 entre l’Emir, M. Platini et M. Sarkozy.

Que reste-t-il de l’identité du club ? Ce qu’il reste est Le Parc des Princes.
QSI est en train de forger une nouvelle identité du club, laissant derrière elle celle que l’on se doit de défendre. Comment réagiraient les supporters si PSG décidait de construire son propre stade à l’image de certains autres clubs européens ? Comment réagiraient-ils si l’antre légendaire devait être renommée PARC ALL ACCOR ARENA ? Combien d’entre eux auraient suivi la hype si le club parisien avait rejoint le projet de la Superleague ?
Plus beaucoup selon moi.

Je pense que la vraie question à se poser est : quel est le but d’un club de football ? Quelle est sa raison d’exister ? Aucun(e). Justement le but unique d’un club de football est d’exister pour représenter sa ville. Il existe via le sport, le football, son histoire, son institution, ses valeurs, son stade, son maillot et son emblème. C’est seulement après que les championnats et tournois vont naturellement le mettre en compétition avec les autres clubs. Le plus fort remportera la coupe, mais il ne devrait pas exister uniquement par rapport à son palmarès ni aux trophées à gagner (contrairement aux objectifs du joueur).
QSI avait déjà amputé une partie de l’identité du club en affirmant être venu à Paris pour gagner le plus grand trophée européen. Cependant on ne reprend pas un club de football pour gagner la Ligue des Champions mais pour subsister, même si elle fait rêver tous les clubs. Il faut certes avoir des ambitions et des objectifs pour pouvoir apporter le prestige. L’argent fait partie du football, mais en investissant énormément chaque année pour gagner cette coupe, QSI se ridiculise à chaque élimination. PSG subi un revers à chaque fois qu’il ne remporte pas une compétition, et chaque défaite de championnat sonne comme une alerte maximale puisqu’elle semble impossible à la base. Il ne faut pas oublier que la défaite fait parti du jeu, et que l’on peu perdre avec dignité quand on rencontre plus fort que soit, ou quand la stratégie adverse était simplement meilleure.

J’ai arrêté de suivre PSG lorsque le premier titre de l’ère Qatari de 2013 ne m’a fait ni chaud ni froid et que celui perdu en 2012 me paraissait amplement mérité au MHFC. Ça s’est fait naturellement, et il m’a fallu plusieurs années pour comprendre pourquoi. Chaque supporter est libre de supporter le PSG qu’il voudra, mais l’identité d’un club est primordiale et le sujet Phil Collins en est l’exemple parfait. Je ne me reconnaissais simplement plus dans ce club ni dans ce football moderne dont le PSG est toujours la parfaite représentation.

Bien que la vente du club était urgente, je pense qu’il est important d’essayer de préserver les signes d’identités cités plus haut. Un riche Football Club peut très bien exister au sens traditionnel et proposer un beau football.
Milan AC, Liverpool FC, Chelsea FC, Manchester United, Juventus, Real de Madrid, Barcelone FC ou Bayern Munich ne sont pas des grands clubs parce qu’ils ont gagnés des coupes européennes, mais parce qu’ils ont montrés au monde entier un football de qualité sur la durée avec des joueurs légendaires qui avaient le sens de la combativité, de l’engagement et de la Grinta. Elles sont devenues des institutions et imposent le respect car elles ont su représenter leur peuple et leur ville dans la durée en répondant toujours présents en première division ou en coupe d’Europe tout comme Malmö, Saint-Etienne, Glasgow Celtic & Rangers, Dortmund, Ajax Amsterdam, Anderlecht, Everton, Fiorentina etc …

Paris n’est pas une ville de football mais PSG a justement donné une identité footballistique aux amoureux du ballon de la capitale. La date de fondation de 1970 nous rappelle que ce club n’a pas eu besoin d’exister avant, mais cette création récente impose un fort attachement car elle est contemporaine. Certains d’entre vous ont vécu sa création, son premier maillot rouge avec son premier logo, les premiers entraînements à Saint-Germain-en-Laye. Puis l’identité s’est forgé avec la montée en première division, le Parc des Princes, les premiers grands joueurs, les premiers trophées remportés contre les grands de France. On parle encore de PSG version Qatari mais ne parlait pas de « version Canal Plus » avec le maillot Hechter, les épopées européennes, les coupes, le titre et les magiciens sur le terrain. Les années 2000 sont décevantes sportivement mais ont continué à renforcer cette identité du club : Les fans de Ronaldinho, l’arrivée de Pauleta, ces huit victoires plus la coupe de France contre l’OM, ces deux saisons à jouer la relégation, la qualification contre Twente …

Paris Saint-Germain FC a raison de suivre l’évolution du football pour subsister, rivaliser avec les grandes écuries et rêver plus grand. Mais a-t-il raison de toujours vouloir aller plus loin dans sa démarche business ? Avec autant d’argent investit, ne pourrait-on pas jouer avec notre maillot Hechter domicile & extérieur chaque année, et laisser les maillots Third et Fourth au marketing ?
Est-il indispensable de vouloir changer la bande son de Phil Collins pour faire de la pub à d’autres artistes ?
Vaut-il vraiment la peine d’agrandir le Parc des Princes à 60 000 places ?

En bref, l’association des valeurs traditionnelles et de la stratégie marketing moderne est-elle vraiment incompatible ?

Avis de supporter : Ce PSG ne sera pas pris au sérieux tant que l’identité et le sens de l’institution ne seront pas respectés par les joueurs, staff & dirigeants. Il est du devoir de tout club de football professionnel de l’imposer et de le rappeler quand il est nécessaire.

* Boutade :
Depuis l’écrit de ce texte, le PSG est revenu sur sa décision via le tweet suivant :
« Devant l’émotion suscitée par le changement de musique d’entrée des joueurs, Phil Collins revient au Parc dimanche. En Parallèle, les échanges se poursuivent avec de nombreux artistes pour renforcer notre identité avec une sonorité ambitieuse, contemporaine et parisienne. »

Devons nous craindre par cette volonté de renforcer la nouvelle identité Qatari, l’ouverture du conservatoire Paris Saint-Germain Symphonic Orchestra, avec des cours de solfège pour la modique somme de 3,500€ à l’année (billet offerts pour le Parc en tribune kids à hauteur des huitièmes de finale de Coupe des Yvelines catégorie poussins). Ça fait rêver !


Etienne Basso

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