Alain Cayzac – 2ème partie

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Suite de l’entretien avec ALAIN CAYZAC. Le dirigeant historique et ancien président du PARIS SAINT-GERMAIN revient sur ses deux années à la tête du club, avant de retracer l’histoire du PSG. Club qu’il a vu grandir. Et dont il reste un supporter à vie.

AVANT CELA

« Cette 2ème ‘saison’ où j’essaie de retracer l’histoire du PSG, je la dédie à Jean-Paul Belmondo, pas simplement parce qu’il était une grande star adulée, mais parce qu’il avait été à l’origine de la renaissance du club (1973) avec notamment Hechter, Borelli et Talar, de son ADN et de sa culture. Un club qu’on a toujours qualifié de show-biz (ce qui est un compliment pour moi), un club passionné… turbulent parfois et comme Bébel lui-même, rassemblant toutes les couches de la population. 

J’adorais Bébel car il avait la simplicité, la gentillesse, l’accessibilité des grands de ce monde. Je le croisais fréquemment au restaurant du Père Claude, nous parlions très rapidement de nos AVC et de nos expériences de rééducations à Granville, mais surtout il avait toujours un mot, une question sur ce club qu’il adorait. 

Dans la 1ère partie de l’interview de la semaine dernière, je le citais quand il me disait : « Se plaindre, c’est impoli ». Effectivement, il ne se plaignait jamais. Il continuait à rayonner. »

Alain Cayzac

Alain Cayzac Virage PSG
« Bebel » au Parc en mai 1978 avec son fils Paul et son ami Charles Gérard © Icon Sport

Le 20 juin 2006, vous devenez le 11ème président du Paris Saint-Germain

Je suis nommé par Colony (Colony Capital, ndlr), dont le patron Europe était Sébastien Bazin. J’arrive de façon assez marrante d’ailleurs*. La nouvelle de ma nomination avait été, je crois, assez bien perçue à l’époque car personne ne pouvait mettre en doute mon amour du club, ma passion du foot. J’étais un homme d’entreprise, je connaissais le football. Je cochais a priori pas mal de cases. 

1er match au Parc, PSG-Lorient. On perd 3-2, doublé de Fiorèse qui avait quitté le club 2 ans plus tôt. Terminé mon plaisir, ma joie d’avoir été président. Les emmerdes commençaient. J’ai compris à cet instant que, président d’un club, vous n’êtes jamais heureux plus d’une journée. Je me souviens d’un match à Toulouse où on gagne (2007, 1-3), un match fondamental pour le maintien. Le soulagement d’avoir gagné, je fais un petit crochet dans ma maison de campagne dans le Lot, où je passe une journée formidable. Le lendemain, j’ai un joueur qui veut partir, un autre qui veut être augmenté… Me voilà à nouveau dans la lessiveuse. 

Vous avez été président du PSG 2 ans, co-fondé RSCG, devenue l’une des plus grandes agences de communication mondiales, reprise par Havas (plus de 15 000 employés), dont vous êtes le vice-président jusqu’en 2005. Ces postes sont-ils équivalents au niveau de l’intensité ?

Quand j’ai pris la présidence du PSG, j’étais parti d’Havas parce que Bolloré était rentré et je ne voulais pas travailler avec Bolloré. Donc j’étais libre. 

Alain Cayzac Virage PSG
Face au Virage © Icon Sport

Président du PSG, c’est un job à 200%. Comme émotions, comme difficultés, comme problèmes, comme médiatisation, le PSG c’est beaucoup d’intensité, de souffrances aussi. Alors que dans les affaires j’ai souffert, un peu, beaucoup même car dans la pub, il y a des moments où ça se passe bien, mais il faut trouver des clients tous les jours. Tu en gagnes, tu en perds. C’est également épuisant et stressant. Mais rien à voir, au niveau de la violence et de la nature des situations. La médiatisation d’un chef d’entreprise est plus rare, même si elle existe parfois. 

Président du PSG, vous prenez des coups. C’est très très dur. Mais, c’est une « piquouze », c’est comme une addiction. Cela mettait ma femme dans tous ses états quand je lui disais : « J’ai beaucoup souffert mais si on me proposait à nouveau la présidence, je risquerais de replonger ». Heureusement, cela n’a bien sûr pas été le cas. 

J’ai fait, comme dirigeant puis président du PSG, presque tous les stades d’Europe, des victoires mémorables, la finale de Coupe d’Europe à Bruxelles, il y a quand même eu des moments exaltants. Je ne veux donc pas noircir le tableau, on a tous des emmerdes dans la vie. Mais là, c’est la violence des emmerdes qui est, je crois, très spécifique. 

La médiatisation aussi, des « emmerdes », parce que vous étiez en 1ère ligne ?

Oui effectivement, un jour l’Equipe fait mon portrait avec points forts, points faibles. Point fort : communication, point faible, communication. Ce n’est pas faux. (Silence). Moi, j’aimais communiquer. Je n’ai jamais refusé un coup de fil à un journaliste. Je ne déléguais pas ça. A tort, peut-être. Je recevais des coups de fil très tôt le matin. Quand j’arrivais au Parc à 8h30-9h, je râlais contre les gens au bureau qui n’avaient pas lu les journaux (sourires). J’ai toujours eu une passion pour les médias. 

Donc ce n’était pas la chose la plus dure pour moi, et ils n’ont pas été trop méchants avec moi. Bien sûr j’étais critiqué quand on perdait, ce qui est normal, mais jamais je n’ai eu d’attaque personnelle. L’attente immense qui entoure le PSG, elle est aussi liée à la médiatisation du club. Vous la ressentez cette attente, et quand vous êtes président d’un club comme le PSG, vous n’avez pas une minute de repos. En fait, vous vous sentez responsable du bonheur ou du malheur de plusieurs millions de fans. 

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L’aigle Pedro © Icon Sport

Je deviens président, le lendemain Pauleta vient me voir : « Je veux aller à Lyon ». J’étais président depuis la veille. Déjà, je savais que pour tout le monde, pour les supporters, pour moi, le démarrage de ma présidence avec comme 1er fait d’arme le départ de Pauleta cela ne serait quand même pas un grand succès. J’étais en Allemagne pour la finale de la Coupe du monde 2006. Pendant tout le match je ne pensais qu’à Pedro, c’était une obsession. Les gens m’arrêtaient dans la rue à Paris : « Monsieur Cayzac, vous le gardez Pauleta ? » et donc au lieu de profiter comme un petit coq pendant quelques jours d’être devenu président (sourires), tout de suite j’étais jeté dans l’arène.  

Et le plus drôle, c’est quand, avec mon ami Houllier (alors coach de l’OL, ndlr)** – on prenait nos vacances ensemble – on s’est retrouvés au Spa ensemble à Saint-Malo. On avait nos deux chambres côte à côte et moi je négociais avec les agents pour que Pauleta reste à Paris et lui dans la chambre d’à côté, il négociait pour qu’il vienne à Lyon (c’est Jean-Michel Aulas qui s’en occupait mais lui donnait son avis sportif). On se retrouvait pour le dîner, on n’en parlait pas. Le lendemain, on se retrouve dans la piscine du Spa, on porte des bonnets de bain, on est ridicules, même si ça nous permettait de ne pas être trop reconnus. Là, un client arrive et crie à tue-tête : « Alors, il va où Pauleta ? » (sourires). Pas une minute de répit. 

L’année suivante, on termine la saison par 8 matches sans défaite si je me souviens bien, tout allait pour le mieux et là, Lyon cherche à me piquer Jérôme Rothen et Sylvain Armand. Je rame, je rame, je rame, et finalement ils restent. Ce ne sont pas des moments de plaisir, ce sont des moments de stress, de difficultés même si c’est toujours intéressant et passionnant. 

On vient de parler de Lyon 2 fois, quel regard portez-vous sur Jean-Michel Aulas ? Sa longévité, sa persévérance ?

J’ai un regard positif sur lui. D’abord, il y a une chose que j’apprends à mes enfants, dans la vie, il ne faut pas confondre les institutions et les hommes. Lyon, j’avoue que je n’ai pas une passion immodérée pour le club…  Trop de mauvais souvenirs pour moi. En fait, ils nous ont trop souvent battus à cette époque. Mon tout 1er match comme président, c’est le Trophée des Champions que l’on perd au stade Gerland. Match nul, on perd aux penalties (1-1, 5 tab à 4). Rothen avait marqué un but du pied droit (fait rarissime). 

Mais je sais faire la différence entre l’institution et les hommes. Jean-Michel Aulas, j’admire l’homme, le président, son expertise, sa ténacité, et son sens poussé de l’entreprise et de l’institution. Vincent Ponsot, DG du club, est un homme que j’apprécie. 

Dans la pub, c’était la même chose. J’étais concurrent avec les Brochand, Pouzilhac et compagnie. On se bagarrait comme des malades, et si je pouvais leur piquer un client, tant mieux. Eux ne s’en privaient pas. C’est la vie des affaires, et le soir on jouait au football dans une équipe de publicitaires, tous concurrents et on laissait les couteaux au vestiaire.  

Quand j’ai eu mes ennuis de santé, Jean-Michel Aulas a d’ailleurs été d’une gentillesse totale. Et à Lyon, il y avait aussi Gérard Houllier, qui était mon meilleur ami. Il entraînait Lyon. A chaque PSG-Lyon, pendant une heure et demie, il me détestait Gérard. Et moi aussi je le détestais. C’est la vie. Il y a les hommes et il y a les institutions. On peut ne pas aimer un club et aimer les gens qui le dirigent. Ou l’inverse. 

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Avec Gérard Houllier et Pierre du PSG Club New York © Collection personnelle

Parmi tous les souvenirs que vous avez au club, quel moment vous a plus particulièrement marqué ?

Je peux parler du supporter qui est mort**, mais c’est tellement dramatique que ça dépasse largement le cadre du football. Ce drame, est, de loin, le plus dur que j’ai vécu. A la fin du match, on vient me voir : « Monsieur Cayzac, il y a un problème ». Le lendemain matin, Sarkozy m’appelle à 8h, rendez-vous au Ministère de l’Intérieur, avec les représentants de supporters. Ensuite il y a eu une conférence de presse, on était debout sur les marches Place Beauvau avec tous les journalistes qui étaient là, prise de parole de Sarko, Thiriez, et moi. Très douloureux comme moment. Ce matin-là, j’ai même dit : « J’ai peur que le club ne survive pas à ça ». Et je le pensais. 

SOCHAUX, LA DELIVRANCE

Deuxième chose qui m’a marqué, beaucoup, c’est le match à Sochaux (17 mai 2008). Je n’étais plus président, je n’étais pas à Sochaux, j’avais démissionné, mais j’étais encore président en titre. On ne va pas se faire d’illusion, si le PSG était descendu, c’était l’échec de Cayzac, pas du nouveau (Michel Moulin, ndlr) qui était là depuis 4 matches. 

Et donc je suis allé voir le match chez mon ami Christophe Chenut, à la campagne. On avait même acheté une télé neuve, l’après-midi, pour être sûr qu’elle soit assez grande (sourires). Je regardais le match, comme un zombie, avec la petite musique (du multiplex de Canal). Mais, 10 minutes, un quart d’heure avant la fin, j’ai craqué et je suis allé dehors, dans les champs, tout seul. 

Il y avait là des poneys et, j’ignore pourquoi, ils sont tous venus autour de moi, comme s’ils voulaient me consoler, me parler, et moi comme un idiot qui ne voulait pas regarder le match, j’étais avec mes enfants sur le portable : « Qui est ce qui a la balle ? Ils attaquent là ? » C’était encore pire. Quand ils m’annoncent que c’est fini, qu’on a gagné, ça a été une délivrance pas possible. Pourtant, ce n’était pas une finale de Coupe d’Europe. Mais le mot délivrance est le seul mot que je trouve pour cet instant.  

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Amara Diané sur son deuxième but à Sochaux © Icon Sport

Durant cette fin de saison, je n’oublierai jamais le soutien indéfectible des supporters qui, alors que la situation sportive était mauvaise, continuaient à soutenir le club avec passion. Ils remplissaient le stade, répondant avec ferveur à ma demande d’union sacrée. On m’a parfois reproché d’être trop proche des supporters, j’assume et je ne le regrette pas du tout. Plus encore, je n’hésite pas à dire qu’ils ont contribué à sauver le club à cette époque. 

Une anecdote aussi qui me revient, quand Luis (Fernandez) était entraîneur, il allait mettre du sel dans les buts adverses, avant chaque match. Il m’expliquait je crois, que le sel, cela portait bonheur, dans le but adverse. Il voulait toujours que je vienne avec lui. J’y allais comme quelqu’un désireux de ne pas contrarier l’entraîneur. J’étais à côté de lui, une poignée de sel et on revenait. Il y a des choses comme ça qui font sourire. 

Amara Diané, Sochaux, êtes-vous resté en contact avec ce joueur ?

Oui. Amara, après le PSG, m’appelait très souvent. Je l’apprécie beaucoup. Mais comme je lui disais, je ne suis pas un agent. Il me répondait : « oui mais je n’ai confiance qu’en vous ». C’est très gentil, et il continue à m’appeler, ça fait plaisir. D’autres joueurs continuent de m’appeler, comme Danijel Ljuboja. J’ai toujours bien aimé l’homme, le joueur. 

Quand il était au PSG, il y avait un truc qu’il faisait quand il rentrait au vestiaire, après un bon match ou quand il marquait, et que détestaient les autres, il chantait : « Ljuboja, Ljuboja, Ljuboja… » Je ne sais pas pourquoi, ça me faisait rire. Je suis également resté en contact avec Zoumana Camara, qui est un mec en or. Leo bien sûr, Mamadou Sakho qui a toujours été très sympa avec moi. 

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PSG – Saint-Etienne 2008 © Icon Sport

Gallardo, quand il a quitté le PSG, il est venu dans mon bureau me dire au revoir : « Merci, vous avez été formidable avec moi, mais je ne m’entends pas avec l’entraîneur ». Gallardo, je l’avais recruté avant que Le Guen n’arrive. J’avais dit à Paul : « Ecoute, tu vas choisir pour les transferts, mais il y en a un que j’ai déjà pris, c’est Gallardo ». Pour être franc, je ne suis pas sûr qu’on était sur la même longueur d’onde en la matière. Ronnie, je l’adorais, je l’admirais, je l’ai revu quelques années plus tard, à Monaco, on s’est tombés dans les bras. 

Il faut aimer les joueurs. Il ne faut pas les aimer faussement. C’est comme quand on est patron dans la pub, il faut aimer les créatifs. Quand on est patron d’un journal, il faut aimer ses journalistes. Et ça pour moi, c’est capital. Quand j’ai quitté la présidence du club, beaucoup de joueurs sont venus me voir, dont les jeunes Sakho, Sankharé, Chantôme pour me remercier et me dire qu’ils me regretteraient. Ce n’est pas que j’étais plus intelligent que les autres. Mais je les considérais. Je leur parlais, je les regardais. La porte de mon bureau leur était toujours ouverte. 

Vous qui suivez le PSG depuis le tout début, quel regard portez-vous sur sa jeune histoire ?

J’ai essayé de découper l’âge, l’histoire du PSG en années, car pour moi il y a plusieurs périodes.

Il y a la période que j’appellerais la période de l’enfance et de l’adolescence. C’est la période de la création du club, au début des années 1970. Daniel Hechter a une place prépondérante dans l’histoire du club, Charles Talar, Bernard Brochand, Jean-Paul Belmondo, Guy Crescent aussi.  

Après, à partir de 1975, il y a eu la période de la jeunesse turbulente. On gagnait des Coupes, on embrassait la pelouse, on était jeunes, on était heureux, un peu spéciaux, un peu dérangés aussi, ça me plaisait bien, même si je dois reconnaître qu’on était souvent critiqués… mais on nous aimait ! Dans la pub il y avait un slogan : « Il se passe toujours quelque chose à la Samaritaine » et moi je disais : « Il se passe toujours quelque chose au PSG ». 

Ensuite, il y a l’arrivée de Denisot, en 1991, c’est là où l’on devient adultes (ou presque…). Des adultes triomphants (on a quand même gagné une Coupe d’Europe). Mais instables. Pas encore mûrs. Je pense d’ailleurs, et je l’espère, que le PSG ne sera jamais complètement mûr et trop tranquille. Il y a eu des saisons où l’on perdait le championnat mais on se rattrapait en gagnant les 2 Coupes (1995, 1998), d’autres où l’on perdait contre Gueugnon (2000). Donc jeunesse triomphante, mais encore fragile. 

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Leo & Raí face à Bucarest en 1997 © Icon Sport

Après, il y a eu, ce que j’appelle « le coup de mou ». C’est la fin des années Canal. On ne savait plus trop où on en était. C’est là que j’ai failli racheter le PSG avec Graille, ce qui aurait été une connerie monumentale. On avait pratiquement signé pour 19 millions d’euros avec Vivendi. Francis Graille et moi, on avait mis 1 million chacun, et on avait trouvé un homme assez riche, le patron de 1.2.3 multimédia (musiques de téléphone) qui mettait 10-15 millions, on avait fait un montage qui nous permettait de garder le contrôle… je ne me souviens d’ailleurs plus comment. Vivendi, qui voulait absolument s’en aller, était favorable à une signature rapide. Le matin du jour où l’on devait rencontrer Bertrand Méheut (alors président de Canal +, ndlr) pour vraiment finaliser, le patron d’1.2.3 multimédia me rappelle : « Monsieur Cayzac, je ne viens plus ». Coup de massue. Cela ne s’est donc pas fait, on a tout arrêté. Cette période, je l’appelle « le coup de mou », on avait un actionnaire qui ne voulait plus de nous, qui disait qu’on n’était plus un « actif stratégique ». Et ça, c’est dur à vivre. 

Après, on en vient aux années Colony (Colony Capital, ndlr). Je dirais que c’est l’entrée extrêmement difficile dans le monde de la finance. On était déjà passé d’un système qui n’était plus associatif à une société commerciale. La finance arrivait, c’est un fonds d’investissement – Colony Capital – qui a racheté, avec Butler Capital Partners et Morgan Stanley en deuxième et troisième rang. Et on a, je l’avoue, du mal à y arriver, on a ramé pendant deux années. En fait, on était entre deux feux. Fallait-il mettre beaucoup d’argent ? Fallait-il capitaliser sur la formation ? Cela était difficile car la stratégie n’était pas évidente. Nous n’étions pas assez riches pour faire décoller le club. Nous avons pêché par trop d’optimisme, moi le premier. 

A partir de 2011, il y a la naissance d’une vraie franchise mondiale. Les actionnaires ont mis beaucoup d’argent et en plus, ont remarquablement travaillé. Ils ont fait ce qu’il fallait, à commencer par de très bons recrutements. Leonardo a construit une équipe brillante de A jusqu’à Z, comme Zlatan. Quand Verratti est arrivé, qui le connaissait ? Javier Pastore, Thiago Motta, Cavani et bien d’autres… 10 ans après l’arrivée de QSI, être là où on est, est un succès. Dire cela, je ne pense pas que ce soit un discours de supporter uniquement. Je pourrais dire “c’était mieux avant“, ce serait de bon ton, mais non, ce n’était pas mieux avant, c’était différent. 10 août 2021. Nouvelle étape mais pas la dernière, Lionel Messi arrive à Paris.

Comment parleriez-vous aujourd’hui du PSG à la nouvelle génération de supporters, ceux qui sont nés après les années 2000 ?

J’aurais envie de leur dire, entre autres, que quand j’étais président, on m’aurait dit un jour : « Tu seras champion de France », j’aurais été fou de joie, je serais allé défiler sur les Champs Elysées (sourires). Et maintenant, on ne parle plus de ça, on parle d’être champion d’Europe. Donc je leur ferais prendre conscience de cela. Je leur ferais prendre conscience du saut qualitatif que l’on a fait. 

Certains diront « oui, c’est le fric ». Oui d’accord mais est-ce que le Real n’a pas de fric ? Liverpool ? Le Bayern ? Manchester ? Chelsea ? Il y a l’argent bien sûr, mais il y a des choix à faire. Ils ont été globalement très bons. Même si je regrette, par exemple, que Coman soit parti. J’aurais aimé que Ancelotti reste plus longtemps. 

Je leur dirais aussi : « Rendez-vous compte que maintenant, vous avez à Paris l’une des meilleures équipes d’Europe ». Il y a tellement d’aléas pour être champion d’Europe. Je leur ferais prendre conscience, s’ils en ont besoin, de l’énorme pas que l’on a fait. 

BORELLI AIMAIT TELLEMENT LES JOUEURS

Je leur dirais aussi du bien de Borelli, et j’ajouterais : « Rendez-vous compte qu’actuellement vous avez à la tête de ce club des managers de haute volée qui ont certes des moyens, mais sont comme l’on dit en anglais très « smart », le président en premier. » Alors c’est moins, comment dire, affectif et passionnel qu’on ne l’était à la création du club. On a lancé le club, on a vu naître un enfant. QSI, ils ont adopté un enfant. C’est différent. Et ils s’en occupent très bien. 

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Le Président Borelli dans ses bureaux © Icon Sport
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Des fleurs pour Luis avant son départ © Icon Sport

En 2007 vous avez décidé de renommer la tribune présidentielle « tribune Borelli ». Quelle relation aviez-vous avec Francis Borelli ?

D’abord, j’aimais beaucoup sa folie, sa passion. Bon, il y a des conseils d’administration, où j’en avais un peu marre, parce qu’on restait de 6h à minuit, on s’engueulait et on décidait 2 choses, qui ne voyaient jamais le jour en général (sourires). C’était surréaliste. Brochand, Aranzana, Talar, Borelli, Taupin et Malvoisin (conseillers et financiers du PSG de la première heure)… des gens très pittoresques, en général au sang chaud et au verbe haut. Francis aimait tellement les joueurs… Il prenait soin des femmes de joueurs aussi, qui recevaient des bouquets de fleurs et des cadeaux. 

Au-delà des anecdotes, qui n’ont peut-être pas beaucoup d’intérêt, Francis Borelli, c’est l’ADN du PSG. Il n’y a aucun doute. La com, la passion, le fait d’embrasser la pelouse, le fait de considérer que rien n’est impossible, le fait d’aimer follement les numéros 10 (comme moi d’ailleurs), d’aimer le spectacle, d’aimer le football champagne, c’est lui ça. Tout ça, c’est vraiment lui au départ. 

Ce n’était pas vraiment un ami intime – Bernard Brochand oui car nous étions à l’école ensemble – mais c’était un homme passionnant et rare. 

Quand Francis a été malade (il souffrait de la maladie d’Alzheimer), je suis allé le voir dans sa maison de retraite médicalisée à Verrières, il me reconnaissait à peine. J’étais venu avec un supporter qui s’appelait Paulo, qui était un supporter de la tribune C à droite de la Présidentielle, et Paulo, c’était une grande gueule, on n’entendait que lui dans la tribune, il parlait toujours à haute voix et il interpellait Francis Borelli : “Eh Francis, il faut faire rentrer X !“ Il était un peu « fou » mais c’était un vrai supporter. Attachant et fidèle. 

Il m’avait dit un jour : « Monsieur Cayzac, il faut venir le voir avec moi, il est très mal ». Je suis allé à Verrières-le-Buisson, dans son EHPAD, je lui ai ramené un maillot. Il m’a à peine reconnu. A un moment, me vient l’idée, pour voir s’il avait un peu de réaction, de murmurer à son oreille : « Tu te rappelles Sušić ? » Et là, son visage s’est éclairé. Pour lui Safet, c’était un amour fou. Il est redevenu conscient un petit peu, à cet instant. C’est incroyable et tellement émouvant.  

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Magic Safet © Icon Sport

Vous étiez le grand ami de Gérard Houllier, vous connaissiez-vous avant le PSG ?

Non. Le Paris Saint-Germain est le point de départ de notre amitié. En 1986 avec mon équipe de foot de la pub, on est allés au Mexique 15 jours, faire des petits matches et surtout assister à la Coupe du monde. A un moment, on se retrouve à un cocktail, il y avait Gérard Houllier. On ne se connaissait pas personnellement. 

On sympathise, je le chambre, j’aime bien plaisanter. Il a dû se dire : « Il a l’air marrant ce type-là ». Donc c’est là, au Mexique, qu’on a commencé à sympathiser. En 1986, après que le PSG soit devenu champion de France, Borelli a un peu « pété les plombs » (sourires), il s’est mis à ne recruter que des avant-centres : Jules Bocandé, Halilhodzic, Xuereb, etc. En 1987, on fait un très mauvais début de saison, Gérard Houllier démissionne, remplacé quelques matches par Mombaerts. 

C’est à ce moment-là que nous sommes vraiment devenus amis. Gérard m’avait dit quelque chose comme : « Je suis un peu dans le trou, ça ne va pas, est-ce que tu peux m’aider ? ». Je lui donnais des conseils d’homme de communication et c’est là que notre amitié est née. Nous sommes devenus inséparables. 

Si, une fois, on a failli ne plus jamais se reparler, à cause d’Anelka. C’était sévère là. On ne se parlait plus mais nos femmes ont réussi à nous réconcilier. 

Pouvez-vous nous raconter cette histoire ?

Fin 2001, Anelka, on l’avait prêté à Liverpool. Il avait été bon et Liverpool souhaitait le garder. Je fais un dîner à la maison avec Laurent Perpère, le patron de Liverpool Rick Parry, et Gérard Houllier, pour négocier le transfert. A la fin du dîner, on tombe d’accord sur le chiffre. On se serre la main, aucun problème. Restait à Gérard à négocier avec Nicolas Anelka ses conditions salariales, ce qui ne devait pas poser de problème car ce dernier voulait rester à Liverpool. 

Il se passe une semaine, pas de nouvelle de Gérard. Tout le monde était d’accord, les chiffres ne semblaient pas poser de problème. Mais Gérard ne me répondait plus. Deux semaines, toujours rien. Gérard me dit : « Laisse-moi un peu de temps, je n’ai pas encore vu ses frères, Doug son agent ». Je lui dis : « Ok, mais ne traîne pas trop ». Une semaine se passe, 15 jours, on s’appelle régulièrement. Il me dit : « Je te dis dans la semaine ». Et au bout d’un mois, je pète les plombs : « Gérard, ne m’appelle plus, je ne t’appelle plus, je considère qu’Anelka ne restera pas à Liverpool et on va trouver une autre solution ». 

Et là je vais au camp des Loges, il y avait le tournoi (international) traditionnel des jeunes, je me retrouve assis à côté de Doug. Il me dit : « Monsieur Cayzac, vous n’avez pas compris, ce n’est pas Gérard Houllier qui ne veut pas d’Anelka, ce sont les 2 attaquants, Michael Owen et Emile Heskey. » (On ne saura jamais vraiment). Sur le retour, coup de fil dans la voiture d’un journaliste du Parisien, je décroche et me déchaîne : « Je croyais que Gérard Houllier était un ami ». Je reconnais que ma sortie était pour le moins disproportionnée et un peu idiote. Gérard apprécie peu, c’est le moins que l’on puisse dire et comme je suis un peu rancunier, les jours passent. Un mois et demi après, nos femmes on fait le boulot et on s’est reparlé. Et on s’est tombés dans les bras. 

Alain Cayzac Virage PSG
Avec l’ami Gérard © Icon Sport

Gérard Houllier est devenu comme un frère pour vous ?

Gérard, c’est mon frère choisi. Nous étions inséparables. C’est ce que j’ai dit à son enterrement (21 décembre 2020). Lors de mon discours, j’ai énuméré les défauts de Gérard Houllier, c’est un humour qu’on aimait bien avoir ensemble. Des défauts bien sûr qui étaient presque toujours des qualités. 

Les disparitions dans la foulée de Charles Talar (30 octobre 2020), Jean-Michel Goudard (3 novembre 2020) mon ami et associé (le G de RSCG) et Gérard, ça m’a mis un vrai coup, vous le comprendrez.


*Alain Cayzac se trouvait aux sports d’hiver à Courchevel, plus précisément dans une boîte de nuit, quand il reçoit un coup de téléphone de Sébastien Bazin, en provenance de New-York : « Je vous appelle pour savoir si vous voulez être le nouveau président du Paris Saint-Germain ». Il y avait un bruit si assourdissant qu’ils décident de se rappeler le lendemain. Le jour d’après, Sébastien Bazin, venant de l’aéroport de Roissy, passe prendre Alain Cayzac à son bureau avenue George V pour aller déjeuner avec Matthieu Pigasse – le célèbre conseiller financier de Canal Plus – auquel le bientôt futur président du PSG devait être présenter : « 10 minutes de voiture de mon bureau au restaurant Chez Laurent, pour se connaître et déjà s’apprécier avec Sébastien Bazin », se rappelle Alain Cayzac. 

**1er champion de France avec le PSG (1986), Gérard Houllier a entraîné l’OL entre 2005 et 2007, après 6 saisons à la tête de Liverpool (1998-2004). Alain Cayzac et Gérard Houllier sont des amis de longue date. 

***Le 23 novembre 2006, un supporter -Julien Quemener – est tué par balles Porte de Saint-Cloud, par un agent de sécurité qui protégeait un supporter, après un match de Coupe UEFA contre l’Hapoël Tel Aviv 


Emilie Pilet
Xavier Chevalier

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