bon voyage camarade virage PSG

Bon voyage camarade

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Il ne sert à rien de pleurer. CAVANI est parti. CAVANI, c’est fini.
Ce sont quelques lignes sur la toile qui me l’apprennent.
Un communiqué anonyme, rapide, définitif.

Bien sûr, ce n’est pas la surprise du siècle. Tout le monde savait que cet été, l’attaquant uruguayen irait certainement défier les statistiques ailleurs, sous d’autres couleurs. On pourrait blâmer ici ce putain de virus, qui a gâché une saison qui s’annonçait belle et mouvementée. Qui a empêché des adieux vibrants au Parc. Qui a bâillonné notre Histoire. Notre meilleur buteur s’en va. Et c’est comme si cela n’avait pas la moindre importance. C’est le foot, c’est la vie, c’est comme ça.

À l’heure où des ignares revanchards souhaitent diviser et déboulonner certaines statues, j’aurais aimé voir celle d’Edison accueillir les supporters à l’entrée du Parc. Une statue où le Matador aurait, pour l’éternité, visé le ciel avec son fusil imaginaire. Il n’en sera rien. Ce départ anticipé, ce refus de participer à ce tournoi au Portugal, version light et américanisée de la Ligue des Champions, sans matchs aller/retour, sans public, en août, me laissent un goût amer. Un sentiment d’inachevé plutôt désagréable. Frustrant.
 
Edinson a préféré nous quitter avant un éventuel miracle. Pourtant, c’est bien lui que j’aurais aimé voir brandir le trophée aux Grandes Oreilles. Lui avant tous les autres, Marco, Thiago Silva, Marquinhos, Neymar, M’Bappé… Pas seulement parce qu’il a explosé les compteurs. Non. Cavani était un guerrier, un solitaire au service de l’équipe, un mec qui défendait comme il attaquait, avec bravoure et abnégation. Sans calcul. Une gueule d’Indien, des cheveux cascade, un regard qui ne fuyait jamais le vide, un cri, “Vamos”, capable d’enflammer le Parc.
 
Edinson Cavani Virage PSG
« Paris » © Panoramic
 
Je ne parlerai pas d’amour du maillot. Cette expression, que j’ai pourtant utilisée jusqu’à la nausée tout au long de mon existence de supporter, ne veut rien dire si on accepte de s’avouer les choses. Elle est facile et ridicule, elle est un gimmick, un raccourci pratique et sans âme. Cavani, comme TOUS les autres, aimait d’abord jouer au foot, son salaire vertigineux et les privilèges qui allaient avec, collectionner les médailles et les primes. Cela ne l’a pas empêché d’honorer son contrat et l’engagement moral passé avec le public parisien.
 
Cavani, oui, est irréprochable. Certains amis, prophètes de malheur, ont presque applaudi à l’annonce de ce départ. Cavani appartenait déjà au passé, il valsait déjà avec l’oubli. Suivant ! Je ne suis pas d’accord. J’ai beau chercher et je ne trouve pas. Je ne trouve pas dans l’histoire du football moderne un attaquant aussi méprisé par son Club, malgré les records arrachés, malgré les buts salvateurs. Quand je dégaine cet argument, voilà ce qu’on me rétorque : Cavani n’était pas à plaindre, il gagnait très bien sa vie, c’était un individualiste qui cachait bien son jeu, à part son coup-franc contre Marseille en fin de match, il n’aura servi à rien, bla-bla-bla…
 
Parler de Cavani au passé, déjà, c’est triste. Mais faire son procès sans mémoire, sans coeur, je trouve ça déplorable. Remontons le temps. Afin d’éteindre une bonne fois pour toutes ces voix ingrates et amnésiques. Cavani n’est ni un traître ni un cynique. Quand il est arrivé dans la Capitale, je m’en souviens, personne n’a sauté de joie. Moi le premier. Cavani, c’était ce mec de Naples, qui brillait avec Lavezzi dans les surfaces adverses. Mais c’était bien Lavezzi qui portait tous nos espoirs. C’était bien Lavezzi que les ultras napolitains pleuraient à chaudes larmes. Pas Edinson. Lui avait quitté le San Paolo sous les sifflets.
 
Edinson Cavani Virage PSG
« Marseille » © Panoramic
 
À peine arrivé, Cavani, c’était déjà un second choix, un remplaçant de luxe, un titulaire par défaut. Il allait devoir faire ses preuves. Il allait devoir s’effacer devant la girafe suédoise, jouer à droite, se taire et cravacher, en attendant son heure. Si elle se présentait même un jour. Je n’ai pas oublié ces reproches descendus des tribunes un soir de match contre Arsenal, cette infamie populaire parce qu’Edi avait raté plusieurs occasions soi-disant immanquables. Voilà l’amour de Paris pour son buteur. Pas le droit à l’erreur. Pas le droit de douter. Pas le droit de n’être qu’un homme. 
 
Cavani n’est pas un technicien génial. Certes. Et alors ? Paris est-il localisé au Brésil ? Paris n’adore-t-il que les artistes ? Paris peut-il s’offrir le luxe d’être aussi exigeant ? Rêver plus grand ! Hahahahaha, je me marre. Edinson a incarné l’esprit parisien plus que tout autre joueur depuis l’arrivée du Qatar. Il était des nôtres, il était comme nous, malgré les millions d’euros, malgré ces adieux sans fanfare ni écharpes tendues ni larmes de reconnaissance. Il aimait le Parc, c’était une évidence, il a consacré sept années de sa vie au PSG. Pas mal pour un mercenaire apatride et sardonique, non ? 
 
Je ne comprends pas cet acharnement, cette volonté de piétiner ce qu’il a été, simplement parce qu’il a fait le choix de poursuivre son aventure sportive ailleurs qu’à Paris. Ces supporters oublieux sont peut-être déçus, pauvres amoureux se sentant trahis, et ils préfèrent brûler tous leurs souvenirs, exorcisme de pacotille et carrément infantile. Si Edi devait demain nous crucifier en Europe, j’y verrais l’expression lumineuse d’une justice rétroactive. Et, une fois la déception digérée, je l’applaudirai encore et encore, notre Sud-Américain amateur de pêche et de moutons…
 
Edinson Cavani Virage PSG
« 200 » © Panoramic
 
Je repense soudain aux adieux de Pastore au Parc. Cette kermesse indigente, cet ultime salut au rabais. Le PSG ne sait pas honorer ses chevaliers. Il ignore l’art de la gratitude. Il pense qu’un Club, ça se conjugue d’abord au présent, voire au futur. Le passé peut bien aller chanter sa mélodie glorieuse et paradoxale ailleurs. Cavani va me manquer, que l’on gagne toutes les finales des dix prochaines années ou pas. Cavani va manquer à mon fils. Mon fils qui avait compris, sans que je le force, que le Matador était plus qu’un buteur, mais bel et bien l’incarnation d’un certain esprit de résistance. 
 
Cavani n’était pas une diva. Voilà peut-être la principale raison de cette drôle de relation entre lui et les siens. Il n’était pas glamour, pas branché, pas TikTok. Il n’était que lui-même, avec tous ses défauts et ses failles. Il était le seul à avoir sa chanson. C’est cela qui devrait vous mettre la puce à l’oreille, à vous, ses détracteurs, qui jubilez sans attendre. À tous ceux qui pensent que le PSG ne devrait être qu’une collection de stars indiscutables. 
 
Icardi va peut-être rendre cette séparation anecdotique mais à l’heure du grand bilan, il ne faudra pas l’oublier, l’Uruguayen. Jamais ! Et à défaut de l’aimer, ce sublime maillot, il l’a mouillé, il l’a déchiré, il l’a porté sans jamais baisser la tête, sans jamais abandonner. Que peut-on demander de plus à un joueur, sérieusement ? Cavani mérite notre respect et une place à part dans nos coeurs d’enfants trop gâtés. Longue vie à lui ! 
 

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Jérôme Reijasse

Une réflexion au sujet de « Bon voyage camarade »

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