La dernière bataille

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Les soldats piétinent le dernier champ de bataille, amenés là par toutes les campagnes successives d’une guerre déjà à demi oubliée. Ils sont debout,
au bord du monde, debout là parce qu’ils ont marché sur les chemins pierreux
des défaites honteuses, et parce qu’avant cela ils ont couru porté par les ailes
de la victoire et parce qu’avant encore il y avait d’autres combats dont personne
n’a su dire qui les avait remportés ou pas, ou seul importait pour eux
de s’en être extrait, couverts de sang et de boue et de bleus et de peines
et de cris mais vivants, pour continuer la lutte. Cette guerre a débuté
il y a trop longtemps. Mais aujourd’hui, c’est la dernière bataille.


Inexplicable paradoxe, les chroniques font unanimement remonter la naissance de cette saison à une finale. La coupe de la Ligue, ou la coupe de France, les deux peut-être, ces textes tirés de l’oubli divergent. Qu’importe après tout. Aujourd’hui et pour la dernière fois, le soleil se lève sur la Ligue 1.

Regardez-les, nos vieux soldats abîmés. Il est perdu le temps des immenses armées pavoisées de gueule et d’azur. Alors que les légendes d’avant la Grande Contamination vivent de troupes de milliers de supporters, de cris, d’écharpes et de chants, désormais il ne reste plus qu’eux. La poignée de joueurs survivants. Et c’est eux seuls qui vont mener ce combat, alors oui regardez-les…

On les a dépeints mercenaires sans âme, guerriers barbares incapables de maîtriser notre langue. Pourtant ils portent nos couleurs jusqu’au Finistère et vont batailler. On les a raillés trop fragiles, susceptibles d’abandonner au premier danger. Pourtant ils ont redressé tant de situations désespérées. On les a décrits mal organisés, ne comptant que sur leur force brute, et incapables de livrer une stratégie cohérente. Pourtant ils ont déjà razzié la coupe de France , et demeurent si proches du titre de champion. Combien tueraient pour un tel bilan ? La tristesse des troupes monégasques, défaites au pied de la basilique dyonisienne ne mentait pas : un titre reste un titre, et malheur aux vaincus, condamnés à l’oubli. Les lauriers ne repassent plus. Ils ont triomphé pour nos couleurs, et pourtant depuis le début ces soldats sont seuls.

Il n’y a pas de reproche derrière cette vérité, juste les faits. D’aucuns les ont accompagnés la veille de périlleuses batailles, apportant réconfort, encouragement et soutien : respect à nos ultras. Mais par l’implacable force des choses, toutes les fois où il aura fallu prendre des coups pour défendre le Paris Saint-Germain, les joueurs n’ont pu compter que sur eux-mêmes. Toutes les fois ! Certains comptent les échecs et disent que quoi qu’il advienne, un titre aurait des airs de présent immérité. D’autres s’arrêtent à la campagne d’Europe, où Albion a su éteindre nos espoirs et jugent la guerre déjà perdue. Mais eux qui seuls ont livré tous les combats, qui ont chuté et vaincu puis perdu et gagné tant de fois, eux vont repartir au feu, ce soir encore. Même les moins soutenus.

Bakker PSG Bayern Virage
Entre ici, Mitchell Bakker, avec ton terrible cortège de tacles et de rage. © Icon Sport

Regardez Bakker : quand a-t-il abandonné ? Qui peut juger indigne de porter nos couleurs cet homme qui jamais n’a reculé ? Qui peut oser affirmer mériter mieux que cet homme ? Et sur quel critère ? Bakker a combattu en terres Bavaroises, avec honneur. Qui mieux que lui ? Qui plus Parisien ? Bakker le fruste, Bakker au pied lourd, Bakker est en terre Bretonne, pour défendre l’idée d’un titre du PSG. Honneur à lui.

Regardez Icardi : il a raté des occasions, traversé des champs de bataille comme une ombre, il est resté indisponible de longs mois. Qui mieux que lui ? Qui parmi ses détracteurs aurait fait mouche plus souvent ? Qui, parce qu’il se proclame défenseur du PSG depuis lustres, peut avoir la prétention d’avoir mieux incarné le club, d’avoir réellement apporté davantage ? Icardi et ses kilos en trop, Icardi le fantassin des six derniers mètres, Icardi est à Brest, prêt à se donner pour Paris si on le lui ordonne.

Cette bataille sera peut-être inutile : les troupes lilloises assiègent déjà la citadelle angevine et même hors de vue leur victoire réglerait notre sort. Qu’importe. Les Parisiens vont tout de même mener la lutte. Dagba le trop jeune, Kherer le trop fragile, Ghana l’irrégulier, et Sarabia et Danilo et tous ceux qui ont été assommés de critiques peut-être méritées, tous ils se sont levés ce matin, et tous vont se battre, une dernière fois. Se battre pour l’espoir fragile d’une improbable victoire parisienne. Pour notre palmarès.

Il s’agirait de s’en souvenir. Il reste une ultime bataille à mener. Ils vont la livrer seuls. Allez Paris.


Arno P-E

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