Le Roi NEYMAR Virage PSG

Le Roi Ney

par

Les stars du Paris Saint-Germain contrôlent tout de leur image. Discours préparés la veille, publications léchées par des communicants… Et les journalistes de se débrouiller ensuite avec ça. Un tweet artificiel égal une brève inutile.

Mais sur Virage, pas de contrainte. Alors autant inventer. Autant commencer par le plus célèbre des Parisiens, le plus suivi sur les réseaux. Autant l’imaginer, la véritable fausse vie de Neymar. Et qui sait : peut-être qu’on tombera juste ?


Neymar repose son téléphone. La photo qu’il a prise est sympa : ses jambes dans le pantalon de pressothérapie, ça rend bien. #EnModeRécup, le CM sera content. Nahnni vient de lui déposer sa mangue sur la table de nuit, à portée de main. Découpée en dés bien nets, comme il la préfère. Du coup Neymar est content aussi. Enfin il croit. Parce que tout va bien, non ?

Un coup de zappe sur Movistar et El Dia Después. Neymar sourit. Il n’aura finalement jamais arrêté de regarder ces émissions de football espagnoles. Bizarre quand il y pense, d’ailleurs : autant apprendre l’espagnol aura été facile, autant le français… C’est pas vraiment que c’est plus dur, puisqu’il le comprend. Non, juste ça fait une langue de plus, alors voilà… Autant continuer à suivre El Chiringuito et compagnie, où il y a du fun. Comme la Liga en général d’ailleurs. Davantage qu’en Ligue 1, en tous cas, faut bien avouer.

En revanche le truc qui manque total de fun, c’est ce pantalon de drainage : Neymar se penche pour attraper un dé de fruit mais avec ce truc gonflable autour des cuisses, il a l’impression d’être scotché au matelas, c’est très désagréable. Combien de temps faut la garder cette baudruche déjà ? Neymar ne sait plus trop. Nahnni lui a dit qu’elle reviendrait quand il serait prêt de toutes manières…

Prêt… Elle va le surveiller comme une volaille au four. Comme s’il avait pas toujours été prêt ! Neymar se cale tant bien que mal contre les oreillers. Les images de la Liga défilent à l’écran. Mais lui se revoit débarquant à Barcelone, conquistador de 21ans. Bien sûr qu’il était prêt en 2013 ! Il fallait juste le montrer aux anciens. Mais lui savait.

Le Roi Ney Virage PSG

Le premier jour, dans le vestiaire, il a vu les regards des vieux généraux blaugrana posés sur lui, leurs doutes affichés. Il connaissait le nom de leurs glorieuses batailles. Le pourquoi de leurs cicatrices. Alors il a montré que lui aussi pouvait se battre. Neymar a pris les coups à la Ciutat Joan Gamper, il les a rendus. Ils lui ont fait mal. Il était attendu, alors il a montré aux vétérans. En silence.

Et quand il a fallu aller au feu, à Séville, ou en Ligue des Champions à Glasgow, ce match que Messi ne jouait pas, il ne s’est pas caché… Le petit soldat a pris les commandes du vaisseau et les vieux grognards l’ont soutenu. La première fois qu’il s’est retrouvé projeté au sol par un tacle pourri, Piqué et Mascherano sont venus. Pas pour lui : il s’est relevé seul, mais pour l’Ecossais. Il les a rejoints. Les vétérans, ils ne t’assistaient pas. Ils se battaient à tes côtés, pas à ta place.

Aujourd’hui, à Paris, ils n’osent pas. Neymar remue ses orteils… enfin il remue cette idiotie de pantalon. Ça le gratte. Il ne peut pas bouger, et Nahnni qui ne revient pas non plus… Lui qui aime que ça avance, ce soir il est servi. Pas de mouvement, pas de vitesse, pas de vie. Alors que ce qui est bon, c’est de courir le long de la ligne de touche. Allez, prendre la balle et ne plus réfléchir. Le Camp Nou qui hurle, la lumière qui s’en échappe, et la peur dans les yeux de ton adversaire.

Tu regardes la balle, il regarde tes pieds. Tu pars vers le but, il recule et talonne. Tu dribbles et lui bouffe la pelouse. Neymar est né pour ça. Il l’a toujours su. Dieu lui a offert ce don : éliminer le défenseur. Merci mon Dieu ! Qu’est-ce qu’il y a de meilleur que ça ? Dépasser ton ennemi à terre, le voir au sol, goûter sa détresse et boire ses larmes sous les cris des Culés.

Le Roi Ney Virage PSG

Bordel, pourquoi ça ne fait pas pareil au Parc ? Neymar appelle son assistante. Nahnni ne vient pas. On ne peut même plus dire servante, putain. « Assistante ». Neymar éteint la télé. Où est passée la joie sauvage de la frappe de loin ? Il fallait prendre le pouvoir. Il était trop doué. Il en avait trop envie. Il lui fallait la couronne et pour ça, un seul moyen : partir chercher les meilleures stats. Le Ballon d’Or. Merde… À quel moment les stats sont-elles passées avant les courses au bord de la ligne ?

Ils lui avaient promis un trône ici. Une équipe jouant pour lui. Une cour de coéquipiers à son service. Et il l’a eu. Il a tout eu. Ça a compté, Neymar le sait. Une joie incontrôlable. Enfin, c’était lui ! Les banderoles, pour lui. L’arrivée dans Paris en pavois. Le tapis rouge avait compté, les fans avaient compté, et leurs chants, et leur joie. Là, il était le Roi. Neymar Ier, Roi du PSG. Longue vie !

Ce tapis rouge, ils le remettent avant chaque match. Chaque match ! Et voilà… Tout a perdu son éclat. L’or il l’avait déjà. Il ne sait même pas dire combien. Il empile les procès. Pas pour le fric, juste pour que ses crétins d’avocats le lâchent. Neymar voudrait courir. Oui. Retrouver son dribble. Mais même ce don s’est estompé. Il a perdu son don ! Mon Dieu, pourquoi ? Alors qu’il en a le plus besoin !

Maintenant il faut l’exploit. Et l’exploit, de nouveau. Neymar veut être le roi, encore. Alors il faut éliminer toute l’équipe. Faire des millions de vue. Neymar rejoue la scène, il s’imagine : redescendre chercher le ballon bas, se retourner, lever la tête, en avant… Tous les passer, pour marquer. Tous les dribbler, et se cogner dans un mur jaune. Dortmund.

Le Roi Ney Virage PSG

Ses défenseurs lui donnent la balle. Normal, il commande, il ordonne qu’on lui passe la balle, ils exécutent. Alors il lève la tête, devant… personne. Ils attendent. Ils le regardent. Il va y aller, au milieu d’eux, mais seul, de nouveau. Il se dit qu’il est là pour ça. Il va dribbler et… Le mur jaune. Il recommence. Le mur. Encore. Il est par terre. Il a mal. Il ne peut plus bouger. Il sait que Kimpembe et Marquinhos ne viendront pas. Ni l’aider, ni le défendre. Neymar le leur a interdit. Ses jambes ne veulent plus. Il faudrait se relever. Mais il ne sait pas. Comment fait-on, quand on est devenu roi, pour se maintenir debout ? Et comment fait-on pour diriger les siens, quand on est roi, et qu’on n’aime pas son royaume ?

Ici, rien n’a de goût. Ni la mangue, ni le foot. Rien n’existe. Neymar ne connaît pas le nom du gars qui l’a mis par terre, l’autre soir. Ni de son club. Les clubs n’ont aucun nom ici. Et pourtant il a essayé de le balayer, ce connard. Lui ou un autre, d’ailleurs. Tant pis. Il s’en foutait. Pourtant le PSG gagnait. Il s’en foutait. Lui ou un autre. Qu’importe. C’est quoi ce maillot ? Bon sang, la télé ne s’allume plus.

Neymar hurle de rage dans son lit. Qu’on le sorte de là ! Il emploie du monde 24 heures sur 24 et personne ne vient le sortir de ce pantalon. Stupide pantalon de merde qui ne sert à rien. Encore une idée à la con de ce puceau de Silva, ça. Tous ces visages tournés vers lui, sur le terrain et dans sa maison, qui lui demandent ce qu’il veut. Toujours ces gens autour de lui… Alors pourquoi est-il continuellement seul ? Neymar ne sait plus. Plus rien. Ni jouer. Ni bouger. Ni ce qu’il veut. Pitié !

Nahnni a appelé de l’aide. Enfin on s’agite autour de sa majesté. Il crie, demande qu’on le mette à genoux. Là, au pied du lit, Neymar implore son Dieu. Neymar lui demande pitié. Pardon. Il gémit, prostré.

Neymar, l’homme qui voulut devenir roi, mais qui ne savait pas comment on régnait, Neymar est en pleurs.

Photo (c) Luc Braquet / Virage


Arno P-E

Laisser un commentaire

Découvrez les articles de