Leandro Paredes Virage PSG

Léandro est paré

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Ligue des Champions en mode cordon sanitaire oblige, il est quasiment impossible
de savoir ce qu’il se passe exactement au sein du groupe parisien.
Mais cela n’empêche pas d’en rêver. De s’imaginer à leur place.
Et qui sait, peut-être que l’on tombera juste ? Aujourd’hui, portrait de Paredes,
l’artisan argentin qui avait cessé de rêver courir vite.


Léandro lève la tête vers la journaliste qui l’interpelle. Il ne croit pas la reconnaître. Une jeune femme masquée, à la blondeur peu naturelle, et au débit bien trop rapide. « Votre entrée en jeu correspond au moment où le PSG a enfin su se montrer efficace. En voulez-vous à votre coach de ne pas vous avoir titularisé ce soir? » Léandro n’est pas très à l’aise quand il faut s’exprimer avec des mots. Le piège est tellement grossier qu’il préfère continuer son chemin, sans relever. S’il essayait de lui expliquer, à sa blonde masquée, il n’arriverait pas à bien se faire comprendre de toutes façons. Alors pendant qu’il marche, d’un pas lent, ses pensées flottent doucement. Les yeux grands ouverts.

Bien sûr qu’il est déçu. Mais il est heureux aussi, follement. Comment expliquer ça ? Une joie énorme, qui recouvre un fond de tristesse mais ne l’efface pas. Paredes retient un soupir. C’est compliqué : s’il dévoilait la plus légère marque de frustration, ce serait interprété comme un reproche à Tuchel. Sauf qu’il n’arrive pas à en vouloir au coach. Ça n’est pas son genre. Il l’a écouté, pris le temps de digérer ses explications et compris ses choix. Et maintenant Léandro ajuste ses écouteurs, puis arpente les longs couloirs qui mènent vers le bus. Pourquoi tournerait-il sa peine vers qui que ce soit d’ailleurs ? L’aventure continue, le groupe va disputer une demi-finale de Ligue des Champions et il n’est pas dit que l’occasion se représente une autre fois dans sa carrière. Ce qu’ils ont vécu après Dortmund, et ce soir, c’était juste un truc dont il n’avait même pas osé rêver. Alors oui, au fond demeure une pointe d’amertume. Mais sa déception elle lui appartient. Il aimerait simplement pouvoir donner plus. Parce qu’il sent qu’il en est capable.

Alors qu’il monte dans le véhicule climatisé, tout le monde le charrie. Paredes, dernier arrivé, comme d’habitude. Lui, il promène ses yeux à la recherche d’une place libre. Dernier arrivé, oui. C’est qu’il n’est pas très rapide. Tout le monde le sait, alors pourquoi s’en agacer ? Il s’assied et sourit, même si personne ne peut le remarquer, sous le masque. Se presser, faire vite, ce n’est pas lui. C’est comme ça, chacun ses qualités.

Leandro Paredes Kylian Mbappe Virage PSG
« Si tu fais marquer Choupo, je te respecte » © Panoramic

Le bus démarre, les autres crient, lui observe les façades. C’est une jolie ville, Lisbonne. Il n’en avait jamais entendu parler à l’école, pourtant c’est très beau. Ou alors on lui en a parlé, et il a oublié. Possible aussi : en classe déjà, il était un peu à la traîne. C’est qu’il n’a jamais trop compris ces histoires de notes, pourquoi c’était important. Lui pense qu’il aurait fallu travailler à plusieurs, faire des projets ensemble, avec les copains. Là, travailler pour soi tout seul, ça ne l’intéressait pas. Mais même si ça lui a pris du temps, il s’en est pas mal sorti. Comme toujours. Pas besoin de s’exciter. Il suffisait de comprendre ce qui le motivait.

Aujourd’hui, Paredes se connait. Le front posé contre la vitre froide, il repense à son match, revoit ce qu’il aurait aimé changer, ce qu’il aurait fallu faire mieux. Pas courir partout, non. Ni toucher plus de balles pour améliorer ses propres stats. Auparavant il rêvait de ça. Distance parcourue, nombre de sprints à haute intensité, pourcentage de transmissions réussies. Mais à quoi bon ? Chacun ses qualités. 

En revanche il revoit cet appel de Neymar, qu’il n’a pas servi. Ça c’est vraiment dommage. Une petite course, plein axe, Léandro aurait pu lui offrir la passe qui fait plaisir. Celles-là, Paredes les apprécie particulièrement. Comme celle donnée à Mbappe en finale contre Saint-Etienne. Un vrai bonheur. Quand on lève la tête, qu’on prend la décision et que le ballon part là où il faut. Pas là où est le coéquipier, mais là où il sera, bientôt. Le cadeau, version sur mesure.

L’Argentin sait ce qu’il a à offrir. Il sait qu’avec lui sur le terrain, c’est le ballon qui courra plus vite, qui se déplacera plus loin, là où personne d’autre ne l’imaginait. Ce sont les passes qui feront des sprints à haute intensité, et plus il jouera, plus il aura d’occasions d’en régaler. Il est prêt pour ça. Pas pour lui, mais pour le groupe. Et parce qu’il trouve ça beau, ces passes qu’il crée lui même.

Leandro Paredes Neymar Virage PSG
« Léo, dans les côtes à mi hauteur, ça fait hyper mal mais ça laisse pas de traces » © Panoramic

Hurlant de rire, Neymar bourre de coups de pieds le dossier de son fauteuil, pour qu’il enlève son casque et participe à la fête. Paredes sourit. Le Brésilien a raison. Neymar, son truc quand il assume, c’est de rigoler, de chanter. D’autres parlent, certains promettent, déclarent… et ensuite ils se cachent. Pas Ney. Pour cela, Léandro respecte son coéquipier. Alors il se marre, ôte ses écouteurs et prend soin de les ranger dans leur étui. Il ne veut pas les abîmer. Maintenant il est prêt. Chacun son truc. Il sait que si le coach fait appel à lui, en demi, en finale, même pour une minute, il sera là. Prêt à trouver en lui la lucidité pour dessiner la belle passe, pour user de son art. Il ne manque pas de vitesse, simplement sa force à lui, c’est de trouver le calme qui permet de faire les choses bien. Comme il faut. Pour qu’elles lui plaisent. 

Qu’on le laisse tricoter le jeu qui pourra faire briller les autres, comme il l’aime, c’est tout ce qu’il demande. Qu’on lui donne l’occasion d’offrir du football à l’ancienne. Sereinement. Voilà. Tout ira bien. Mais surtout qu’on ne vienne pas saccager son ouvrage.

Alors qu’il redresse sa tête et que se croisent leurs regards, Neymar marque une pause, imperceptible, puis lui adresse un clin d’œil. Paredes se demande si le Brésilien n’a pas compris à quoi il pensait. Surtout, une fois qu’il sera sur le terrain, que personne ne vienne abîmer son œuvre. Si on s’attaquait à ceux vers qui ses ballons s’envolent, si on venait gâcher ses cadeaux, en agressant ses coéquipiers Léandro se connait : il pourrait bien s’en agacer. Fort. Neymar hoche la tête, et s’il n’interrompt pas son sourire, quand il pose la main sur son épaule, l’Argentin se dit qu’ils se sont compris. Il ne reste plus que deux matches, et nul ne peut dire ce qu’ils réservent. Mais Paredes est paré.


Arno P-E

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