Mon Phil, ma bataille

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L’Histoire retiendra que la première bombe avait été lâchée
un jour de PSG – Strasbourg. Dans une interview donnée au journal le Parisien,
Fabien Allègre, directeur de la diversification du PSG, a reconnu avoir ouvert les hostilités ce soir-là. Oui, les dirigeants du club Rouge et Bleu avaient fait exprès
de modifier la musique diffusée au Parc des Princes pour l’entrée des joueurs, remplaçant le solo de Phil Collins par du DJ Snake.
Supportrices, supporters, l’heure est grave. Désormais, nous sommes en guerre.

Le dimanche 14 août, une date qui restera marquée par l’infamie, le public du Parc a soudainement été l’objet d’une attaque délibérée par les dirigeants du Paris Saint-Germain. David Opoczynski, envoyé spécial du journal le Parisien au Camp des Loges a rapporté ce matin le terrible aveux : le directeur de la diversification du PSG, Fabien Allègre, confesse que l’absence remarquée du morceau de Phil Collins à l’entrée des joueurs lors du premier match de la saison marquait bien une volonté du club francilien de rejeter notre morceau de musique emblématique.

Dans ses déclarations, monsieur Allègre tente de justifier l’odieuse décision en opposant les dirigeants, partisans de la modernité, à des supporters qu’il présente comme passéistes, voire arriérés : « n’empêchons pas le club de poursuivre sa route, sans renier son passé. Si on avait eu ce même raisonnement pour tout ce que l’on a fait depuis dix ans, à commencer par un des signes les plus importants qui est le maillot, on n’en serait pas là où on en est aujourd’hui. »

Fabien Allègre ne trompe personne en essayant de brouiller les pistes. Il ment, allègrement. Qui conteste que le PSG a pris une autre dimension grâce aux Qataris ? Que le palmarès qu’ils ont construit dépasse les rêves les plus fous des supporters qui étaient en tribune, en 2008 ? Personne. Tous nous savons que pour arriver à cela il faut accepter de changer, voire même d’avaler quelques couleuvres. Après tout, si le dollar est vert, en revanche il n’a pas d’odeur et s’il s’agît d’en passer par la vente aux gogos de maillots « third » n’ayant rien à voir avec l’identité du PSG, ma foi… Contrairement à l’emploi de leur recrue, le salaire des gars qui ont jugé bon de faire signer Rafinha n’ayant rien de fictif, autant les payer en prenant l’argent de ceux qui ne savent visiblement pas trop quoi en faire.

Mais où fixer la limite ? Fabien Allègre est chargé de diversifier, c’est son métier. Très bien, que son équipe et lui diversifient. Les maillots en série limité, trois par an, plus ceux de pré-échauffement, et même les soquettes de post étirement, si ça les amuse, parfait. Qu’ils diversifient même en passant les contrats avec des créateurs de mode, avec les vendeurs de gourdes de « Premium Water », ou les réparateurs de bicyclette (oui, il y en a les soirs de match…), ça les occupera. Mais qu’ils laissent ce qui incarne l’identité même du PSG tranquille.

Alors pas touche au maillot principal. Quoi qu’en dise monsieur Allègre, le PSG doit jouer en Rouge et Bleu, avec la bande Hechter. Que ça n’ait pas été le tout premier maillot de notre histoire importe peu, les choses évoluent doucement. Mais une fois l’identité établie, on la garde. Pas touche au fait que le PSG joue au Parc, dans Paris. Notre âme est là. Et pas touche à la musique d’entrée des joueurs.

Quand le salarié du Paris SG assène au journaliste du Parisien : « J’ai eu beaucoup de retours positifs de gens qui ont apprécié le morceau (de DJ Snake) », il montre qu’il n’a rien compris au débat.

Pour rester sur l’exemple du maillot actuel, pris par Allègre, il faut bien avouer qu’en dehors de toute considération esthétique, il ressemble objectivement davantage à un pyjama NBA qu’à un maillot du Paris SG. C’est un fait, et ce n’est pas être opposé au changement que dire cela. Ni même être opposé à la NBA ou aux pyjamas, d’ailleurs : après tout chacun son kiff. Juste ce n’est pas un maillot du PSG. De la même manière il ne s’agit pas de dire si on apprécie ou pas DJ Snake. Chacun sera très heureux d’apprendre que dans les salons VIP du Parc, Fabien Allègre a réussi à se trouver trois amis qui apprécient la musique du DJ francilien, et qui ont cru bon de le lui signaler, entre deux coupettes… Oui mais voilà, DJ Snake n’incarne pas le PSG.

Le morceau de Phil Collins, ce n’est pas une histoire du club, un récit que l’on évoque, une légende que l’on porte. Non, c’est ce que les amoureux du PSG ont vécu, vivent, et transmettront. C’est dans leur chair. C’est leur ADN. Que le directeur de la diversification n’ait pas compris qu’avec la musique d’entrée des joueurs il s’attaquait à un symbole, cela montre qu’il serait bien inspiré de vite diversifier ses achats de boules Quiès. Parce qu’il y a de fortes chances qu’il ait divers échos, venus des tribunes un peu plus historiques que celle qu’il fréquente, et qui lui expliqueront ce qu’il en est, dans les matches à venir…

Si le sujet était moins grave, Fabien Allègre pourrait d’ailleurs faire sourire, quand il annonce fièrement que dans sa cellule si gentiment diversifiante, « on est très fier, et tout le monde devrait se réjouir qu’une personnalité comme DJ Snake s’intéresse à ce projet. (…) On est tout autant capables de mettre en lumière de grandes marques internationales ou de jeunes talents dans l’art ou la mode que de participer également à l’expression des talents musicaux du Grand Paris. »

Non mais il parle de DJ Snake là quand-même ! Nous sortir qu’à travers son exemple, le Paris Saint-Germain, grand défenseur de la Culture comme chacun sait, veut détrôner Phil Collins pour défendre les jeunes talents de banlieue, c’est à peu près aussi cohérent que si un brave communicant de Liverpool était venu trouver les fans de la Mersey en leur proposant de remplacer le « You’ll never walk alone » par une chanson des Beatles. Juste histoire de défendre les petits groupes de musique du coin, tu vois ?

Le problème est ailleurs : personne ne veut critiquer DJ Snake, ni même le comparer à Phil Collins. Nombre de supporters du Paris Saint-Germain ont des goûts musicaux qui font qu’à moins de les attacher très solidement sur un fauteuil, il est sans doute impossible de les amener à écouter le moindre morceau du batteur de Genesis. Pire, je vous mets au défi de trouver au Parc des gars capables de donner le titre de cette fameuse chanson. Seulement voilà, ce morceau, le « mais si tu sais : tu-duuuu-tutuuuu », pour nous tous, c’est le PSG. C’est tout ! Cette orchestration, c’est celle que nous avons entendue lors de notre premier match, et c’est celle que certains ont eu la chance de faire entendre à leurs enfants, pour leur premier match au Parc. C’est celle que demain, vous, vous aurez peut-être envie de faire entendre aux vôtres.

Ca, Fabien Allègre ne s’en rend peut-être pas compte, mais c’est une chose pour laquelle beaucoup vont se battre. Parce que c’est un truc qui nous dépasse tous. Cette minute de Phil Collins, ce n’est plus de la musique, c’est le PSG, ce PSG qui est plus grand que chacun d’entre nous. Ce fameux PSG qui est plus grand que ses joueurs. Le PSG qui nous a construits et qu’on essaye de transmettre. Ce PSG-là, les Parisiens ne le lâcheront pas. C’est impossible.

Cette musique, elle résonnait déjà quand une poignée de cinglés acclamaient Amara Simba. Cette musique, à l’entrée des joueurs, elle a vu passer Canal, Colony, elle leur a survécu. Elle a vu des supporters encourager des mecs franchement pas doués, et pourtant le Parc était plein. Cette musique elle a pris à la gorge des Marseillais, des Madrilènes, des Mancuniens, qui tous se sont demandés ce qu’ils étaient venus foutre ici, alors que le peuple des virages hurlait son amour enragé du PSG. C’est cette musique qui fait que des hommes et des femmes, aujourd’hui encore, ont le droit de se mettre debout, à Auteuil et Boulogne, pour crier « Nous supporters, on sera toujours là ! ». C’est un héritage. Un symbole.

Les vieux sont partis. Leurs petits frères aussi. Les générations ont passé. Et pourtant, nous supporters, on sera toujours là. Parce que le Parc est toujours là, parce que Rouge et Bleu reviendra, et parce que Phil Collins doit rester. Il faut se battre pour ce morceau, parce que c’est le PSG. Désormais, c’est « mon Phil, ma bataille ». Jusqu’au bout.


Arno P-E

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