Non, Mauricio, il ne fallait pas.

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Je revois tes cheveux, cette improbable coupe argentine
dont je n’ai jamais osé te dire le ridicule. Tes maillots flottants des années 2000.
Et ces deux années passées à tes côtés qui m’avaient laissé des souvenirs
pour l’éternité. Pourquoi es-tu revenu Mauricio ?

Je me remémore tes matches, du haut de la tribune bleue. C’est si loin… Je ne sais pourquoi, dans mon esprit il faisait toujours froid. Pourtant, tu as bien dû jouer l’été ? Mais voilà, pour moi il gelait et nous jouions Sedan, ou Lorient, qu’importe, et Luis s’agitait sur son banc. Les supporters réclamaient l’entrée de Ronaldinho, et nous étions menés et le Parc grondait de désespoir. Un tourbillon de froid, de rage, et d’impuissance : voilà qui doit paraître un peu étrange aux supporters trop jeunes, ceux qui ont la chance de ne pas avoir vécu ces années glorieuses. Eh oui, dans mon souvenir nous étions toujours menés. Toujours. Tout est si embrouillé. Ne subsistent que des mirages.

Quand je te revois Mauricio, tu marchais, brassard au bras. Autour de toi, dans la tempête, un Heinze que la trahison n’avait pas encore défiguré, et Cristobal, el viejo. Leur parlais-tu en espagnol ? Détail futile. C’était la guerre, et ils te suivaient. Tu lançais tes commandements en surplombant les blocs ennemis, et là où certains auraient vérifié si le message était bien entendu, toi Mauricio tu continuais de fouler la pelouse du Parc, tête haute.

Puis tu es revenu. Alors il leur faut te présenter. Te raconter, dans les talk-shows, pour ceux qui ne savent pas et voudraient te connaître. Autour de leur table, ils parlent charisme. C’est mignon. Ceux qui ont vécu ces moments en tribune, eux, vingt années plus tard ils en frissonnent encore. Tu marchais, et tes troupes appliquaient les ordres. Pourquoi en aurais-tu douté ? Ils t’auraient suivi jusqu’au bout et nous le savions. C’était ainsi.

Comment expliquer cette aura ? Ils disent que tu étais un modèle… Je t’entends, il y a une éternité, ne répondre aux interviews qu’en phrases trop courtes. Mal à l’aise ? Disons plutôt que tu ne voyais pas l’intérêt de t’épancher avant un match. Seul importait le terrain, le combat. Rien à dire au micro, ou alors des choses si évidentes…


« Mauricio, pourriez-vous nous définir votre rôle, en tant que défenseur ?

– Mon travail c’est que si un attaquant adverse arrive vers mon but avec le ballon, j’empêche que le ballon passe. C’est ça votre question ?

–  Mais le football ne peut pas être aussi simple ! Et si, malgré tout, le ballon passait ?

–  Si le ballon passe ? Alors l’attaquant, lui, il ne passe pas. »


Et voilà. Ils peuvent écrire tous les articles du monde sur tes années d’entraîneur, sur ta « grinta ». Nous, nous étions au Parc, il faisait si froid, et le PSG perdait contre Le Mans, ou Gueugnon, une de ces équipes qui n’existent plus… Nous te connaissions. Nous savions que oui, si le ballon passait, alors l’attaquant, lui, ne passerait pas. Et je nous revois dans la brume, les poumons qui nous brûlent de tant hurler après tes tacles. Tête haute tu replaces ta défense. Et dans la nuit nous, supporters, nous te suivions.

Pourquoi es-tu revenu Pochettino ? Ils vont te salir. Même dans la défaite, même dans l’hiver noir, ces souvenirs sont si beaux…

Ils vont couvrir des pages entières avec ce qu’ils imaginent comprendre de tes tactiques. C’est leur métier, je les plains, il leur faut produire du contenu, jour après jour. Alors ils tenteront de décortiquer ta vision du jeu, la limitant à leurs théories sur le contre-pressing et la relance en 4-4-2. Écrire, imaginer, broder, conjecturer, après chaque match, avant chaque trêve, encore. Ils ne comprendront jamais ce que tu nous as montré. Et un jour, nous perdrons. Tu le sais : le PSG perdra contre Guingamp, ou Munich, c’est pareil. Pourquoi es-tu revenu ? Ce jour-là il leur faudra écrire leurs articles. Que tu ne gères pas les stars. Animer leurs émissions : que tu n’as jamais rien gagné avant. Fourbir leurs analyses, tu n’arrives pas à imposer ta marque. Et nous, ces mots, nous les subirons.

Le présent va briser nos mémoires de toi, Mauricio. Il est trop tard, tu es revenu, et j’aimais tellement ton souvenir… Pochettino, capitaine, tu es de retour. Ils ne le mesurent pas encore, mais cela finira mal. Et pourtant, tu es là. Comme avant. Alors déjà nous n’avons plus le choix. Mauricio, dis-nous seulement : jusqu’où faudra-t-il que nous te suivions ?

Pochettino Virage PSG
Tous derrière et lui devant © Icon Sport

Arno P-E

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