Rentrée littéraire :
« Je suis supporter
du Paris Saint-Germain »

par

Benjamin Navet attend au pied de la tour Montparnasse,
debout dans la chaleur d’une fin de journée d’été. Les cheveux courts,
il offre ce regard direct, droit, de celui qui n’a rien à cacher. On est venu parler de ses deux livres, « Je suis supporter du Paris Saint-Germain », et d’emblée il pose qu’il racontera tout. Il livrera tout. C’est son passé, mêlé, tissé dans la tapisserie d’un quart de siècle de la vie du PSG qu’il confie dans ces pages.
Son passé qu’il croit offrir. Il se trompe.

Benjamin Navet a 19 ans quand, en 2001, il se lance dans ce qui n’est même pas encore un projet fou : écrire deux volumes sur son histoire du Paris Saint-Germain. Son histoire parce que supporter, abonné au Parc des Princes, Ultra dans l’association des Lutéce Falco, il se définit lui-même comme un monsieur-tout-le-monde… sans l’être tout à fait. Témoin privilégié, acteur de son récit parisien, il grave le quotidien de son club.

« J’ai ressenti la nécessité d’écrire au fil des années sur tous les sujets touchés par le PSG. Je fixais, pour moi, mes impressions après les matchs. Puis j’ai commencé à dresser des comptes rendus de déplacements des Lutèce Falco, pour les membres qui n’avaient pas pu venir supporter le PSG à l’extérieur. Et en 2009, je me suis retrouvé avec une somme de plus de 300 pages Word. Des récits sans lien, sans trame. Une suite de textes qui partaient dans tous les sens. Une masse à organiser. »

© Merry Moraux

Benjamin parle lentement. D’ailleurs il boit sa bière lentement, aussi. Puis il vous regarde, lentement, encore. Et ses phrases marquent la détermination de celui qui sait qu’il arrivera là où il voulait, exactement. Une histoire. Deux tomes. 1000 pages que l’on dévore. Le récit peint en rouge et bleu de la vie d’un Parisien, et d’un club, et les deux. Il a achevé sa tâche. Alors il prend son temps pour expliquer, bien.

« J’avais un gros travail de réécriture à fournir, si je voulais l’exploiter. Je m’y suis attelé… et il y a eu le décès de Yann Laurence. Et le plan Leproux. Et les Qataris. Le PSG que je connaissais venait de basculer, il fallait tout reprendre, tout retravailler. Chercher une ligne pour me diriger. Mais je portais le besoin de raconter ça, ou au moins ce que j’en savais. Ma vérité. »

Le ton est calme. Et l’homme raconte ce détail, l’idée qui lui a permis de réussir à fixer le récit d’une vie et d’un club tellement plus grand qu’une vie : son titre. Les livres s’intitulent : « Je suis supporter du Paris Saint-Germain ». Titre qui explique tout, qui porte tout et qui fait de ces deux tomes un OVNI. Titre qui a donné à Benjamin Navet la force, ou la folie de tenir, de revenir en tribunes après le plan Leproux, puis de continuer à écrire, pour raconter aussi cet autre PSG, qui voulait « dream bigger ». Ce Paris Saint-Germain réinventé.

La gageure est là : au travers de son expérience personnelle, c’est toute l’histoire de son club, et bien plus qu’elle, que Benjamin a couchée sur le papier. Une histoire vraie. Vécue.

« Je ne suis pas journaliste. J’écris sur Virage depuis 2016 mais je ne suis pas journaliste : je revendique mes émotions. Je ne suis pas non plus historien. J’étais le témoin de ce que je rapporte. Et je ne suis pas sociologue. Seulement j’ai parcouru, en immersion, ces années. Les valeurs dont je parle, le vécu de ce qu’un supporter de moins de 30 ans ne peut pas connaître, vous ne le trouverez pas sur Internet. Ce n’est pas une critique, encore moins un reproche. Mais cet état d’esprit des Lutèce Falco, du Virage Auteuil, du Parc des années 1990 et 2000, je pouvais le transmettre. Alors… »

© Collection personnelle

Alors Benjamin Navet réorganise sa biographie, et celle du Paris SG. Cinq parties, chronologiques, qui coulent depuis la coupe du Monde 1982 jusqu’à demain.

« Le foot a accompagné tous les évènements de ma vie. Je suis né en 1982, juste avant le légendaire France – Allemagne à Séville. Ma mère, mon grand-père sont fans de foot. Ma mère était et est toujours supportrice du Paris Saint-Germain, c’est elle qui m’a offert la découverte du Parc des Princes, il y a si longtemps. Je suis devenu supporter au fil de mes jours… et j’avais besoin de partager ce club qui aujourd’hui n’existe plus, autant que de parler du nouveau PSG. Besoin de tout évoquer, les heures les plus noires et celles à venir. Parce que si je critique parfois ce qui a pu se passer, je veux aussi tenter de construire, proposer en partant de l’existant. Le PSG a une identité qui lui est propre, son maillot, son stade, c’est ce qui l’incarne. Pour le comprendre, il faut du temps. Et ça, parce que je l’ai vécu autant d’années, je voulais le transmettre. »

De nouveau. Le même mot. « Transmettre ».

Et la nuit est tombée. Et nous étions venus pour un petit verre mais on aura vécu bien plus qu’un long dîner à raconter ce club. Et Benjamin Navet finit sa dernière bière. La combientième ? Peu importe. Transmettre. Comme on passe un relais. Comme on offre sa mémoire en un cadeau. L’ancien des Lutèce n’ose le dire, mais je le comprends : il a fait de son passé de supporter un présent précieux. Et à son tour il vous l’offre.

Ou croit le faire. Car sur un point précis, Benjamin se trompe. Ce qu’il a couché sur le papier, ce que vous pouvez, ce que vous devez commander (lien ici), et lire, et comprendre, ce n’est pas l’histoire d’un passionné. Ce n’est pas sa vie. C’est plus que ça.

© Collection personnelle

Alors qu’il se lève pour quitter le bar, supporter aux mille victoires et aux plus cuisantes humiliations, ce Parisien laissé miraculeusement indemne par un club qui blesse, qui tue et qui rend fou, je lis la dédicace qu’il a écrite dans mon exemplaire. Il y parle d’autobiographie. Et il se trompe. Le cadeau que vous fait Benjamin Navet, c’est sa patrie.

Son cadeau abrite de lointaines montagnes, des sommets escarpés qui s’appellent Boulogne ou tribune Borelli. Il cache des chroniques de héros du temps passé, quasi légendaires, Ginola, Ronnie, Pauleta… La géographie de ses plages dessine les rivages des clubs de Ligue des Champions que le PSG a affrontés. Son école de village c’est Auteuil, et son université les cars des déplacements.

Lui, qui pour moi portera toujours les baguettes du tambour du Virage Auteuil, une écharpe Rouge et Bleu des LF et le souvenir de tous les stades, même quand il s’habille en civil, il est du Paris Saint-Germain. Comme on peut être Français, Algérien ou Portugais.

Ce livre, en deux volumes, plus que sa vie c’est tout son pays. Il vous le présente. Précieux comme seul l’est un cadeau.

Lisez-le. Précieusement.


Arno P-E

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