Romain Mabille Virage PSG

Romain Mabille

par

ROMAIN MABILLE, c’est une longue histoire avec le PSG. Une histoire de famille
pour commencer puis un engagement en tribune chez les SUPRAS, à la K-SOCE TEAM jusqu’à la présidence du CUP (Collectif Ultras Paris) qu’il a quittée en fin d’année dernière. Ses paroles sont précieuses pour mieux comprendre le cheminement
du monde ultra à Paris depuis 2010. Voici son interview exclusive. 

Comment es-tu devenu supporter du PSG et pourquoi ?

C’est la fibre paternelle. Mon père m’emmenait au Parc. Mon grand père soutenait aussi le PSG. Il y a une identité parisienne très marquée dans la famille. On vient de Sevran dans le 93. J’aimais bien le foot déjà de base. Ça s’est fait tout seul. Je suis allé au stade avec mon père jusqu’à environ 13-14 ans. Ensuite il y a eu une petite coupure. Puis je suis retourné au Parc seul à 16 ans.

Quel match t’a fait vriller ?

J’en ai 3 qui m’ont marqués quand j’étais petit. Déjà le PSG-Galatasaray de 1996 (Ndlr : 31 octobre 1996). Puis il y a eu l’AEK Athènes (Ndlr : 6 mars 1997) et Liverpool (Ndlr : 10 avril 1997). Ça a été un vrai tournant pour moi. De voir autant de gens se déplacer à l’extérieur pour un match avec autant de ferveur, de voir l’ambiance explosive du Parc. Depuis tout petit j’avais à la fois un oeil sur le terrain mais aussi sur ce qui se passait en tribune. Et ces 3 soirs-là, ça m’a encore plus marqué.

Tu t’es intéressé au mouvement ultra à ce moment-là ?

Un peu plus tard. A 14 ans je suivais les tifos, j’avais des photos, j’ai commencé à m’y intéresser sérieusement. 

Quand tu arrives à 16 ans en tribune, c’est quoi ton objectif ?

Déjà c’était d’aller à Auteuil. C’était mon seul objectif, et d’aller un peu partout voir ce qu’il s’y passait. Mais je voulais intégrer un groupe sans savoir lequel. Dès mon premier abonnement j’ai eu la chance d’être à Auteuil. J’étais avec mon cousin. On s’est baladé dans le Virage. C’était en 2003-2004. Et la saison 2005-2006 j’intègre les Supras. Et j’y suis resté jusqu’à la fin, jusqu’au dernier jour où on a vidé les locaux.

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Dans la Horde Supras © Collection personnelle

Que retiens-tu de ces années Supras. Ça évoque quoi pour toi ?

Franchement des bons souvenirs et de belles rencontres. Et puis l’apprentissage. Il y avait des personnalités marquantes. J’ai grandi en voyant Boat au méga (Ndlr : Boat, Capo des Supras – voir l’interview dans Supras). C’était la référence. En déplacement on se voyait et on parlait. En tout cas de ces années, je ne retiens que du positif même si ça a mal fini en 2010. J’étais jeune, je découvrais ce qu’il se passait, je participais à des permanences, je venais au Parc en avant match, je faisais les déplacements. J’ai vécu ma passion à 100%. Au détriment de mon parcours scolaire (rires). Le lundi matin je n’allais pas à l’école et tout le monde le savait. Même les profs, mais je me sentais vraiment épanoui. Je revendiquais mon côté supporter dans les attitudes, le style vestimentaire, mon sac à dos était graffé Virage Auteuil, Supras…

Il y a un déplacement période Supras qui t’a marqué ?

Le déplacement au Vélodrome en coupe de France quand on gagne 3-2 avec les buts de Bošković (Ndlr : 10 novembre 2004). On était pas beaucoup. Ça avait été un peu chaud ce jour-là. Ça m’avait fait kiffer. Il y a aussi le déplacement Kayserispor (Ndlr : 18 septembre 2008) où j’avais eu la responsabilité de bâcher. Là aussi on était peu nombreux. Environ 30. On représentait le PSG.

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Déplacement avec les Supras à Saint-Etienne en 2008 © Icon Sport

En 2010, tu fais partie de ceux qui voulaient continuer le combat pour que les ultras restent au Parc ?

Complètement. Je faisais déjà partie de la K-Soce Team (Ndlr : une des entités des Supras). C’était compliqué à l’époque, déjà de part les tensions qui existaient en face (Ndlr : Auteuil face à Boulogne). C’était politique. Ce n’était pas le même PSG qu’aujourd’hui. Mais de toute façon on s’était dit entre nous qu’on ne lâcherait jamais le Parc. On venait au Parc pour supporter le PSG. Il était hors de question de ne plus suivre le club. C’était clair.

Tu as fait partie du mouvement LPA (Ndlr : Liberté pour les abonnés, association montée par des supporters du PSG pour lutter contre la suppression des abonnements en 2010) ?

Non car c’était deux trucs différents. On les voyait d’un bon oeil mais on était pas en contact à l’époque. Déjà parce que LPA ce sont surtout des gens qui n’étaient pas forcément dans le mouvement ultra au début. Nous, on était un peu l’écart. Il faut dire la vérité. On devait s’adapter à chaque fois pour suivre le club malgré tout. Malgré les interdictions et la répression. Nos places étaient annulées en arrivant au stade. On devait ruser pour aller supporter Paris. C’était vraiment compliqué et pourtant on était de bonne foi. Mais on était un peu naïf. Le club avait vraiment fait une croix sur ses supporters. Ça s’est avéré beaucoup plus compliqué qu’on ne l’imaginait au début.

Est-ce que tu as pensé baisser les bras à un moment ?

Je ne l’ai jamais dit mais sur la fin on commençait à être vraiment à bout de souffle. On était de moins en moins. Ça durait depuis 6 ans. On avait essayé beaucoup de choses mais on voyait que rien ne bougeait côté direction, côté club, côté pouvoirs publics. On arrivait dans une impasse et paradoxalement c’est là que les choses ont commencé à bouger. 

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En déplacement à Toulouse en 2011 © Collection personnelle

Tu as vite rencontré des personnalités comme Mika (ex vice-Président du CUP et à l’origine de LPA) et James qui ont été importantes dans ce combat ?

Oui car on se croisait dans les contre-parcages. On ne faisait pas la même chose mais on était aux mêmes endroits avec le même objectif. Il y avait deux franges. D’un côté LPA, Le Combat Continue et les Nautecia, de l’autre la K-Soce, les Microbes et les Parias. Petit à petit on a commencé à se mélanger entre nous, on s’est retrouvé en parcage et ça s’est bien passé. L’idée est née de faire quelque-chose ensemble. Sans quitter son groupe. Mais d’être unis pour avoir plus de poids dans les discussions.

C’est là que tu décides de prendre plus de responsabilité ?

J’étais déjà leader de mon groupe depuis la contestation. J’étais jeune mais j’avais pris mes responsabilités. J’étais aussi le capo de la KST (Ndlr : K-Soce Team). Il fallait que les gens se rapprochent et je voulais apporter ma pierre à l’édifice pour que le mouvement ultra à Paris renaisse. 

Qui s’est engagé avec toi ?

Tous les leaders des groupes. James, Mika, Fabien, Axel, Wissam, Bobo, Lahoucine, Guillaume, Hamza… On était une dizaine. Un jour on en a vraiment parlé concrètement. Et puis on a vite été rejoints par tous les gens abonnés au Parc et pas forcément ultra. Le club essayait de les utiliser contre nous, alors on a décidé d’aller les voir et de leur expliquer notre démarche. Celle de réunir tous les supporters du PSG. De toute façon sans nous c’était impossible d’y arriver. Ils n’avaient pas l’expérience ni la légitimité. Au final ils nous ont rejoints. Et il y a eu un fait marquant ; c’est le jour du titre en 2013 lorsque ils ont lancé « Liberté pour les Ultras » au Parc. On ne leur avait pas demandé et ça nous a fait comme un électrochoc. 

Comment tu te retrouves nommé président du CUP ?

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© @alexsphotographie

Au moment où il fallait décider de qui prendrait le poste, on s’est concerté, et personne n’en voulait. Tout le monde s’est dit que ce serait difficile vis à vis des pouvoirs publics. Au final je me propose et tout le monde valide le choix. Mika a pris la vice-présidence, j’avais besoin d’être épaulé sur l’administratif. Je ne voulais pas être lâché seul en pâture, il fallait du monde derrière moi. Donc dès que les statuts de l’association ont été déposés, j’ai été président. 

Quelle est la chose la plus difficile à gérer en tant que président d’un groupe aussi complexe que le CUP ? Réunir plusieurs groupes et mentalités au sein d’une même entité ?

Réunir n’a pas été un problème car on était tous soudés. Quelques soient les groupes. Le plus dur à gérer ça a été l’égo des gens, et l’éducation des nouveaux arrivants. Ils avaient participé à la contestation, mais l’étape suivante c’était de construire une mentalité ultra dans le stade avec tout ce que ça implique.

De plus le CUP à ses débuts à tout de suite était considéré par certains comme une association contrôlée par le club ?

Je peux te dire que ce n’était absolument pas le cas. Il y a eu de sacrées discussions avec le club, mais toujours dans le respect. Quand on a voulu imposer des valeurs ultras en tribune, on a été jusqu’au bout. Le club avait besoin de toute façon de récupérer ses supporters. Tout le monde avait un intérêt dans cette histoire. Certaines personnes au club voulaient qu’on revienne, mais d’autres nous ont mis des bâtons dans les roues. On nous répétait à chaque fois qu’il ne devait pas y avoir de fumigène, pas de violence, pas de politique. Sur les deux dernières on était d’accord car on savait le mal que ça avait fait au mouvement ultra parisien. Mais sur les fumigènes c’était impossible à tenir. En tribune ça bouge, c’est turbulent. Le club était assez ouvert mais ils avaient leur idée du mouvement qu’ils voulaient ramener. Et ce n’était pas la nôtre. C’est normal.

Tu comprends les réactions sur la banderole qui remercie le président Al-Khelaïfi (Ndlr : PSG-Lorient, 21 décembre 2016), comme quoi jamais des ultras n’auraient fait ça avant ?

Là-dessus je peux te répondre complètement car j’en suis l’initiateur et je savais que ça allait poser des problèmes. Et je le comprends totalement. Je savais à quoi je m’exposais mais vu que j’avais participé à toutes les réunions internes, que j’avais vu la réalité de la situation, je trouvais qu’il était important de lui rendre hommage. S’il n’avait pas été là, s’il n’avait pas eu le courage de faire ce geste fort, jamais on ne serait revenu. De voir quelqu’un au club autant prendre le parti des supporters, alors qu’il ne nous connaissait pas, même s’il y a un intérêt, c’était important. Il a fait ce qu’il fallait faire. Par correction on était obligé de le faire. Même si ça nous a un peu décrédibilisé au début. Ça m’a fait du tord aussi à l’intérieur même du CUP. 

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« Merci Nasser » © Icon Sport

Quelles sont tes plus grandes fiertés dans les tâches accomplies par le CUP ?

D’un point de vue Ultra, les tifos. Car on en a fait beaucoup en peu de temps. Les déplacements c’est aussi une fierté : le nombre de personnes qui se sont déplacées, l’engagement qu’on y a mis, on est aujourd’hui pas mal en France si on se compare avec les autres clubs. Ça chante et on anime beaucoup plus les parcages. Au Parc il y a encore du travail, pas sur le visuel mais sur le sonore. On peut faire mieux. Et d’un point de vue humain, ma fierté c’est de voir tous les jeunes participer au mouvement alors qu’ils n’étaient pas là à l’époque. Se bouger pour le club et apprendre les valeurs ultras. Voir aussi les enfants au Parc. 

Que penses-tu de l’arrivée de nouveaux groupes à Boulogne ?

Sincèrement je pense que c’est un coup d’épée dans l’eau. Car c’est beaucoup trop tôt. Le club et les pouvoirs publics feront en sorte que ça ne se développe pas. Pourtant ils sont bien intentionnés. Ils se bougent, on a discuté avec eux. A partir du moment où il n’y a pas de politique, on peut se mélanger en parcage. On ne peut pas s’opposer à des gens qui sont là pour supporter le PSG. Sauf qu’ils ont commencé à avoir des problèmes entre eux. Des gens peu recommandables ont essayé aussi de récupérer leur truc, donc tout ça mélangé fait que ce sera compliqué. Déjà nous, ça fait longtemps maintenant qu’on travaille sur tout ça et pourtant il va falloir encore quelques années pour que ce soit stable. 

Quel tifo a été pour toi le plus marquant ?

Ce n’est pas un tifo, c’est une animation, c’est le PSG-Bayern de 2017. (Ndlr : 27 septembre 2017). Depuis que je suis au stade j’ai toujours voulu ce genre d’animation. Je trouve ça magnifique. En Italie ils ont fait ça plusieurs fois notamment sur le derby de Gênes. De voir tous ces drapeaux, de toute taille, c’est tout ce que j’aime dans un stade. A retenir, il y a bien-sur de beaux tifos comme le Dragonball Z ou le « De père en fils ». « De Père en fils « ce qui était important c’est le message passé car tous les supporters du PSG pouvaient s’identifier. Ce n’est pas un tifo uniquement pour les ultras.

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PSG-Bayern de septembre 2017 © Icon Sport

Quels sont les points communs entre le CUP 2021 et le Virage Auteuil d’avant 2010 ?

La solidarité. La population qui y est similaire. Le fait de se bouger en dehors du stade pour essayer d’aider les parisiens. Je suis fier de l’association CUP Solidarité. D’avoir réussi à monter cette structure pour développer cette aide collective. Alors même si ce n’est plus le même club ni la même époque, les gens et les comportements restent les mêmes. On s’est juste adapté à l’époque.

Les dernières saisons riment avec le retour de maillots historiques, il se dit que le CUP a eu son mot à dire là-dessus lors de réunion avec le club. Qu’en est-il ?

Totalement. Depuis les premiers rendez-vous avec le club, il n’y a pas une réunion où on n’a pas parlé du maillot historique avec James et Mika. Cyril Dubois (Ndlr : avocat des supporters du PSG et de l’ADAJIS) et Mika ont participé également à la réunion avec les designers de Nike. Cyril a ramené un maillot historique pour que les designers le voient car ils ne connaissaient même pas les couleurs. Donc on est ravi que ce maillot soit revenu. Mais le vrai combat initial c’est à la fois le retour mais surtout la pérennisation. Ce sera le plus dur. L’année des 50 ans on savait qu’on avait une ouverture et que ce serait possible. Mais le garder sur le long terme sera plus difficile. Mais tant que le domicile et l’extérieur respectent notre histoire, ils peuvent se lâcher sur le 3ème et le 4ème maillot.

Comment fait t’on pour gérer sa vie privée et ses relations familiales lorsqu’on est soudainement sous le feu des projecteurs comme ce fut ton cas ?

C’est compliqué. Déjà le CUP est arrivé un an après mon mariage. J’ai eu un petit garçon et je travaille en 3×8. Je devais gérer le CUP et la K-Soce Team en même temps. C’est beaucoup de sacrifices mais j’ai la chance d’avoir une femme compréhensive qui connait bien le personnage… En 4-5 ans j’ai pris 10 ans… C’est usant. Mais je ne regrette pas.

Cette exposition médiatique, notamment lors du procès, n’a pas été difficile à gérer pour ta famille ?

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© Collection personnelle

Si. Surtout qu’il y a un media qui s’est pas mal acharné sur moi. Un journaliste en particulier. C’est compliqué d’autant que j’ai encore mes parents, j’ai 3 soeurs, j’ai une belle famille. Tant qu’on écrit sur le mouvement, qu’on soit d’accord avec moi ou pas, pas de problème mais quand on commence à s’attaquer à ma personne, à mes convictions, à ma façon de penser, alors qu’ils ne me connaissent pas, ce n’est pas mérité. Autant on peut me critiquer sur ce que j’ai fait avant, mais depuis que j’ai pris la présidence du CUP je me suis toujours imposé une certaine règle, j’ai toujours essayé de faire du mieux possible pour le CUP et le club. 

Quand tu parles d’avant, tu parles de tes débuts chez les Supras et au sein de la K-Soce Team ? Quand c’était un peu plus « sauvage » ?

Oui mais ce n’était pas le même mouvement à l’époque. Et j’avais 20 ans, je venais de banlieue. Je n’avais pas la même mentalité. Je ne le renie pas. Sauf qu’il faut accepter que les gens changent et prennent de l’âge. Et quand on prend des responsabilités, on les prend à coeur. Alors oui j’ai fait des bêtises, qui n’en a pas fait, mais ce n’est pas pour ça que je suis quelqu’un de mauvais. C’est toujours facile de critiquer, mais c’est plus dur de reconnaitre le bon travail que j’ai pu faire avec le CUP. En tout cas j’ai fait du mieux possible. 

Revenons sur le terrain. Comprends-tu l’attitude de certains supporters du Virage à l’égard de Neymar en septembre 2019 face à Strasbourg ?

C’était paradoxal car j’étais le président mais j’étais le plus modéré. J’ai eu beaucoup de mal à accepter ce qu’il s’est passé. On a été beaucoup trop dur, on s’est acharné. On lui reproche beaucoup de choses qu’on ne reproche pas à d’autres. On n’a pas eu le bon comportement. Les joueurs peuvent faire des erreurs et il n’a jamais insulté le club. Dans le reportage où il parle de la remontada, il parle aussi de deux autres très bons souvenirs pour lui mais tout le monde les a zappés. A Barcelone il est sur le terrain, ça fait partie de l’histoire. L’été 2019, on ne sait pas si il a voulu vraiment retourné en Catalogne, si c’est lui ou son père mais ce que je constate c’est que dans ses déclarations il a toujours respecté notre club. En tant que supporter du club, si on veut qu’un joueur donne le meilleur de lui-même on se doit d’être derrière lui et de le soutenir. Il n’a jamais craché sur le club, craché sur le maillot, ni même répondu aux attaques des supporters en colère. Neymar est un joueur qui marche à l’affectif. En ayant eu ce comportement avec lui, j’ai été assez frustré car j’ai senti qu’on passait à côté de la construction d’une vraie relation. Ça a retardé quelque chose avec lui. C’est un peu du gâchis. 

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Banderole anti Neymar en 2019 © Icon Sport

Il faut dire qu’en France on a du mal avec les superstars.

Et encore plus à Paris, on a une mentalité particulière. Exigeante. C’est ce qui fait notre personnalité. Et je trouve qu’il est un peu comme nous. Il est fier. Ok il gagne beaucoup d’argent mais ce n’est pas le nôtre. On se doit de le soutenir en tant que supporters parisiens. 

Tu ne crois pas que Kylian Mbappé mérite aussi plus de soutien ?

C’est plus compliqué car j’ai l’impression qu’il est plus fermé, moins attaché au club. Pourtant c’est quelqu’un de la région parisienne. Il a grandi à Bondy, c’est à quelques kilomètres de chez moi. Mais je n’ai pas l’impression qu’il a envie d’avoir une relation avec les supporters. Après c’est aussi un peu la responsabilité du club car on n’a aucun contact avec les joueurs. Ils sont dans une bulle. On a aucun moyen de leur faire passer des messages, alors que je trouve que c’est important. Par exemple lors du Final 8 j’ai du passer par les journalistes pour leur envoyer des messages. Je trouve ça catastrophique qu’on ne puisse pas créer de relation avec eux. Dans mon idéal du supporterisme, on a un rôle à jouer et entendre certains mots pour les encourager et montrer qu’on est toujours derrière eux, c’est important. Il y a des gens au club qui empêchent cela. 

Le CUP arrivera t il un jour à avoir plus de liberté dans le virage ?

En terme de liberté je ne pense pas qu’on puisse avoir beaucoup plus que ce que nous avons aujourd’hui. Honnêtement. Sur les craquages, il y a peu de clubs qui ont fait ce que nous avons fait. Madrid, Bruges, Reims… On n’a pas été plus sanctionné que les autres. On a prouvé au club que c’était important dans notre gestion du collectif. C’est peut être sur les banderoles où on pourrait avoir plus. Mais je ne suis pas fans des banderoles insultantes et des stéréotypes, du genre « enculé » tout ça… On est parisien, on peut faire mieux dans la finesse et l’humour. Beaucoup de gens critiquent les banderoles du CUP et honnêtement je trouve que c’est justifié. Dans le monde Ultra les banderoles ce n’est pas qu’insulter. C’est fait pour marquer, réagir, rigoler. Il faut prendre un peu de recul et moins réagir sur le moment. Il faut un peu plus de maturité je pense. 

Tu as quitté la présidence du CUP en octobre 2020. Aujourd’hui tu ne le regrettes pas ?

Non car au niveau personnel j’avais une vraie fatigue, un vrai ras le bol. Ça me prenait trop de temps. J’ai profité de cette année particulière pour arrêter. Mais je suis resté le leader de la K-Soce Team. Je donne toujours mon avis au sein du CUP, je participe aux actions, sauf que je n’ai plus ce rôle central. De toute façon ça me tient tellement à coeur que je n’aurais jamais pu tout arrêter. Quoiqu’il arrive je suis un ultra. C’est mon style de vie. J’irai toujours au stade, j’irai chanter et faire des tifos. Mais pour la présidence j’en étais arrivé à un stade où je n’arrivais plus à gérer. J’ai eu un deuxième enfant. Niveau professionnel, plus de la moitié de mes congés payés, je les ai consacrés au PSG. Dès qu’il y avait un problème je quittais le travail pour le régler. Ça commençait à faire beaucoup. Et puis au niveau du CUP, il y a des choses que je n’arrivais plus trop à supporter. Déjà au niveau du club car je trouve qu’on est beaucoup trop coupé du sportif, on essaye un peu trop de nous cantonner dans un rôle d’entreprise d’événementiel. C’est un peu exagéré quand je dis ça, mais je trouve qu’on nous met dans un bocal. Il y a des gens au club qui ne sont pas supporters du PSG et qui pourrissent notre travail, et je le pense vraiment. Et au CUP il y a trop d’égo. J’ai la ferme conviction que l’identité des groupes est trop présente au sein du CUP. Quand je suis arrivé à mes débuts dans le Virage Auteuil, il y avait déjà ce problème qui a conduit en partie à la fin du Virage. Je n’ai pas envie que ça se reproduise avec le CUP. Même si il est assez solide et qu’il y a plein de gens bien intentionnés. Mais les groupes qui composent le CUP doivent être à son service et pas l’inverse. On sera toujours plus fort dans les négociations si il y a moins d’identité de groupe. On est un peu trop sectaire aujourd’hui alors qu’on est sensés représenter tout le monde.

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En déplacement à Bordeaux en 2019 © Julien Scussel

En te consacrant à 100% à la KST, tu vas pouvoir retourner capoter, retrouver le terrain ?

Tu m’en parles et ça me donne le sourire car avant le confinement, j’avais l’impression d’aller au Parc car j’y étais obligé. J’avais perdu ce côté spontané. J’ai été Capo avant d’être président. Le fait d’être appelé pour gérer des problèmes de billetterie avant le match ou pendant, ça me gâchait mon plaisir. Aujourd’hui je suis pressé de retourner au Parc en étant plus libre. D’y aller avec mon père et mon fils, de prendre juste du plaisir. 

Tu penses que cette période d’absence en tribune peut aider le CUP à réfléchir à l’avenir ?

Je ne pense pas. Le confinement les a plus coupé entre eux qu’autre chose. C’est pareil ailleurs dans la société. Ça n’a pas rapproché les gens. Au début du confinement on a fait pas mal d’actions, des aides aux hôpitaux, aux casernes de pompiers, aux ambulanciers. Puis petit à petit ça s’est amoindri car on ne pouvait plus se voir. J’ai peur qu’on perde des gens au CUP par perte de motivation et à cause de l’éloignement. On n’a pas été assez actif pendant le confinement. Pour moi ça fait partie du monde ultra. Il y a plein d’autres façons de supporter que d’aller au stade. Poser des banderoles, faire des communiqués, accompagner l’équipe quand c’est possible. J’aurais aimé qu’on se démarque des autres groupes et au final on a fait comme les autres, on est resté chez nous. 

Comment vois-tu le mouvement évoluer dans les années à venir ?

Je pense qu’on est sur la bonne route, notamment le CUP car on a été obligé de s’adapter. On n’a pas juste été des ultras qui gueulent. Il y a eu la contestation, l’ANS, l’ADAJIS. On doit être plus dans l’administratif. Je regrette qu’il n’y ait pas plus de groupes présents dans l’ANS (Ndlr : Association nationale des supporters). Le CUP est le seul groupe qui ait participé à l’atelier Nivel (Ndlr : cliquez ICI pour découvrir le projet Nivel). On est toujours en train de se plaindre d’être des citoyens de seconde zone mais dès qu’on nous donne l’occasion de participer à des réunions pour défendre nos intérêts, personne n’est là. Ce n’est pas la bonne solution. On devrait tous être présents. On ne peut pas faire bouger les choses en étant extérieur au débat. 

Justement, le fait de quitter la présidence du CUP, toi qui a plus d’expérience aujourd’hui, n’est ce pas une erreur ?

Non car je continue de m’occuper de tous ces aspects-là qui sont importants. Mais dans le fond tu as raison. Et puis la disparition de James m’a fait beaucoup de mal. C’était un vrai soutien, il connaissait les dossiers par coeur. C’était un vrai ultra, un vrai supporter du PSG. J’avais une vraie relation avec lui. Son départ m’a affaibli. Mika aussi.

Mais l’avenir passera pas cette volonté de participer aux débats, aux décisions, la preuve ça a marché avec nous. Il y a eu le retour des parcages à prix unique, il y a plus de liberté qu’avant, sur les fumigènes c’est compliqué mais on avance et rien que le fait que la question se pose prouve qu’on a déjà fait du chemin. Ça passera par là. La discussion. Le fait que beaucoup de groupes n’y participent pas vient peut être du fait qu’ils n’ont pas été dans la contestation en 2010. Ceux qui étaient là ont une certaine avance sur les autres, ce n’est pas une fierté mais une constatation. C’est de l’expérience. Et il ne faudrait pas perdre cette avance, c’est trop important pour les discussions et les combats à venir. Un exemple à te donner. Lors d’un match à Bordeaux, on fait une banderole pour une personne qui est décédée la veille du match. Tu dois prévenir la veille pour les poses de banderole. C’est assez carré. Ce décès n’était bien-sur pas prévu. Personne ne voulait qu’on rentre cette banderole au stade. Je me retrouve face à quelqu’un des pouvoirs publics qui était présent avec moi à l’atelier Nivel. Le fait qu’on se connaisse et qu’on ait discuté ensemble a réglé tout de suite le problème. Il a validé le message. Voilà. Les ultras sont trop catalogués pour ce qu’ils ne sont pas. Le fait de participer à ces réunions, avec un discours apaisé, fera que les ultras seront mieux intégrés dans le paysage footballistique français.


Xavier Chevalier

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