Si loin déjà, mais toujours là

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Ce texte revient sur le tristement marquant PSG-Montpellier de mai 2010.
Une date qui restera à jamais associée à la fin de nos tribunes historiques et qui ravive ainsi des émotions fortes lorsqu’on s’y replonge. Il est aussi l’occasion de soumettre quelques réflexions pour l’avenir,
afin de se dire que tout n’a pas été perdu ce soir-là.

PSG-Real, PSG-Barcelone, PSG-Steaua, PSG-OM 99, PSG-ASSE 2008 ou encore PSG-Twente : quiconque  s’essayerait à ressortir l’ambiance la plus exceptionnelle vécue au Parc retiendrait très probablement l’un de ces matchs de légende. Il serait bien difficile de lui donner tort quand on repense à ce que furent ces soirées où tribunes et joueurs se mirent au diapason pour écrire l’histoire (plus ou moins grande sportivement, toujours immense émotionnellement). Pourtant plus encore que ces « classiques », un match me parait se détacher lorsqu’il s’agit de parler d’ambiance exceptionnelle au premier sens du terme : un PSG/Montpellier de mai 2010 qui compte tenu de ce qui s’y est joué (bien plus que pour ceux qui l’ont joué) restera en effet éternellement à part.

Habituellement  une ambiance hors normes répond à des causes assez faciles à identifier : des enjeux sportifs importants, une équipe montrant du caractère alors que les supporters donnent tout pour la pousser vers la victoire, un scénario aux multiples rebondissements mais finalement favorable… Or ici rien de tout cela avec ce match que je vous invite à revivre avec moi, avec les supporters, et plus particulièrement ceux du Virage Auteuil.

Il me parait important de préciser, avant de mettre en route la nostalgie que je ne rapporterai qu’un souvenir assez personnel de ce moment si particulier, donc par définition incomplet et orienté. Il est cependant probable (et c’est aussi le but qui me tient à coeur) que d’anciens frères de tribunes puissent s’y reconnaitre partiellement, et revivre par la-même leur 15 mai 2010…

Remontons donc à cet ultime match au Parc d’une bien triste saison 2009/10, qui vit nos tribunes se déchirer de manière dramatique. Il n’est pas question ici de rouvrir ce chapitre funeste de notre histoire, juste de le poser comme contexte. Sans cette dimension tragique, il n’y aurait en effet pas eu de fin de nos tribunes, et le 15 mai 2010 n’aurait été qu’un banal match sans enjeu.

PSG-MHSC 15 mai 2010 – Virage Auteuil © Icon Sport

Le 15 mai 2010 c’est d’abord des images qui me reviennent… Je me revois d’abord rejoindre le cortège d’avant match organisé par les Lutece. S’y verra  notamment sortie cette banderole malheureusement prémonitoire « parisiens à jamais abonnés plus jamais ? » en réaction à ce qui à ce moment précis de l’histoire n’a pas encore été officialisé mais qui ne fait plus de doutes : c’est terminé pour nous, le club ayant l’intention de prendre des mesures très radicales pour répondre à la nécessité dans laquelle il se trouve d’endiguer la guerre des tribunes. Je vais seul à ce rassemblement, mes amis ne me rejoindront qu’au Parc… mais peu importe : même entouré d’inconnus, là à chanter notre amour du PSG et notre rage devant ce qui se profile, je me sens parmi les miens, à ma place. L’appartenance est à son comble. Jamais ailleurs, jamais par la suite je n’ai retrouvé pareil sentiment d’être autant « d’une communauté ».

Une précision s’impose ici : il ne s’agit nullement pour moi de promouvoir cette appartenance sans réserve, tant elle comporte aussi une face sombre. Juste de la souligner et d’adresser un clin d’oeil à tous ceux qui s’y retrouveraient. Paris SG, Virage Auteuil, peu importe ce que cela entrainait comme réactions à l’extérieur, vous étiez ma fierté, et le resterez a jamais. Bien sûr la fin du match me revient également en mémoire. Le craquage massif de fumigènes, les chants qui explosent vers la 75ème, où se mêlent colère (Bazin se verra particulièrement ciblé), revendication identitaire (sur notre place à nous supporters notamment, ainsi que sur notre appartenance viragiste) et fierté de nos couleurs (le dernier « ville lumière » hurlé à pleins poumons, la rage au ventre, les larmes au yeux, se détache clairement dans mes souvenirs).

On assiste à une énième déroute sur le terrain (ultime hommage de nos joueurs à ce que fut notre PSG des années 2000) mais l’essentiel se trouve tellement ailleurs….il s’agit de partir avec fracas, avec éclat, de partir comme nous avons vécu ces années : dans la ferveur, la passion, l’amour, la rage, l’excès…

Vint enfin l’occupation des tribunes. Nous resterons plusieurs heures dans le virage après la fin du match. Officiellement nous attendons qu’un représentant du club vienne nous parler, nous confirmer le sort qui nous attend, qu’un « échange » s’engage. Nous nous doutons bien que ce ne sera pas le cas. Ce qui nous motive à rester c’est aussi et surtout la conscience que c’est fini (« this is the end » comme le disait une banderole sortie ce soir là côté LF). Il s’agit de dire adieu à notre tribune, à notre stade. Quelques chants résonnent encore, mais le silence s’impose de plus en plus. Les gens partent les uns après les autres, l’atmosphère est surréaliste, grave, triste et forte en même temps. Je me revois avec mon ami Momo, immense fan du PSG lui aussi, accoudé à la barrière en haut du bloc Lutece. Le noyau du groupe est encore là, mais plus bas. Nous nous retrouvons ainsi un peu seuls au monde, seuls face à l’histoire qui s’annonce sans nous…dans ma tête plein de souvenirs défilent, les larmes montent…

Je sais alors le moment est venu, je redescends dans les coursive, je touche le béton du Parc autant que je le peux. Je m’imprègne une dernière fois de cette tribune que j’ai rêvée des années durant de rejoindre, que je regardais avec les yeux de l’amour quand mon père m’emmenait en latérales, au point de me détourner du match…Une tribune que j’étais heureux et fier de retrouver à chaque match, pour ce qu’elle assurait comme ambiance, dégageait comme passion, illustrait comme état d’esprit. Une tribune que j’aimais pour sa mentalité contestataire aussi (quand il s’agissait de défendre l’identité du PSG et les droits des supporters). Une tribune qui a aussi pu me décevoir parfois, quand la réalité ne correspondait pas à l’idéal, quand certains s’en montraient même indignes…Mais une tribune qui restera mienne à tout jamais. !

J’ai dit ce soir là au revoir au Parc, je n’y ai pas remis les pieds depuis… à mes yeux cela reviendrait à cautionner ce projet QSI qui le dévaste.

Cette cohérence (critiquable bien sûr) qui s’est imposée à moi ne me rend pas pour autant les choses faciles. Quand je repasse porte de Saint-Cloud, les sentiments remontent, la nostalgie afflue et le coeur se serre. Chaque match à domicile que je ne vis pas au stade, peu importe le temps qui passe, est un non sens, me ramène à tout ce qui m’atteint tant, tant notre club s’en trouve souillé (les conflits qui ont mené au plan Leproux, le plan en lui même, la période QSI).

J’espère un jour pouvoir retourner au Parc, pleinement retrouver le PSG…même si les projets qui s’annoncent autour d’un déménagement me font davantage craindre que ce qui devait être un long au revoir se transforme en adieu définitif. Et cela je ne peux encore le concevoir et l’accepter. Je ne veux pas que cela se termine comme ça. Je serai par conséquent toujours aux côtés de ceux qui lutteront pour rester au Parc, même si cela parait vain.

PSG-MHSC 15 mai 2010 – Boulogne © Icon Sport

Je n’idéalise pas le Parc d’antan. Je ne méconnais nullement qu’à côté de l’ambiance qui y régnait, des exactions inacceptables se produisaient également. Ceux qui en étaient les auteurs salissaient le PSG. Je sais aussi que les conflits internes nécessitaient des mesures fortes, qu’en cela l’idée de plan Leproux se tenait en partie (ce qui ne lui retire rien de son caractère violent et injuste pour tous ceux qui n’avaient rien à se reprocher).

Je pense par contre qu’au delà de la nostalgie, certains aspects du Parc d’avant manquent cruellement de nos jours, et pas uniquement du point de vue des tifos, craquages, chants, gestuelles, que le CUP a su en partie recréer.

Je pense aussi et surtout à tous ces combats que nous avons menés, à la place que nous (j’inclus toutes les tribunes actives) prenions pour faire entendre nos revendications d’un foot plus populaire et d’un club qui respecte son identité et ses supporters : c’était selon moi un élément essentiel du PSG, qui assurait une forme d’équilibre et participait d’un club digne de ce nom.

Aujourd’hui le CUP cherche enfin à renouer avec ces dimensions,  en témoignent les combats menés ces derniers mois. Même si beaucoup de chemin reste à parcourir pour égaler ce qui se faisait avant (le contexte n’amenant pas non plus les mêmes possibilités), et que je ne me retrouve pas toujours dans la manière de faire, je leur suis reconnaissant de s’efforcer d’agir dans ce sens. Tout ce qui par la suite donnera de la place aux supporters, à l’identité, méritera également selon moi des encouragements, tant les enjeux qui en découlent me paraissent forts.

Je voudrais enfin terminer ce texte en adressant un très grand merci à tous ceux qui ont contribué à me rendre fier à l’époque d’être d’Auteuil, fier du Parc… tous ceux qui ont donné de la voix pour ça, tous ceux chez qui mes propos éveilleront une petite résonance… Merci d’être le coeur du club qui est dans le mien !

Mais surtout, pour que ce PSG Montpellier, dans ce qu’il a signifié de plus terrible, reste réellement exceptionnel, pour ne pas connaître à à l’avenir de nouvelles purges de nos tribunes, n’oublions pas ce qui a mené à notre fin. Tirons en l’enseignement de ne pas resombrer encore et toujours dans des conflits internes qui n’apportent que honte et désolation. Soyons fiers d’être parisiens. Ensemble. Mettons notre club et le lien qu’il opère entre nous avant tout ce qui peut nous diviser. Notre club le mérite, notre histoire l’impose.


Leno

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