Interview

Zavatt, dernière partie

3ème et dernière partie de l’interview de ZAVATT, ex capo des BOULOGNE BOYS 85. Dissolution du groupe, ambiance dans le KOB, fin des tribunes, le présent et le futur du mouvement ultra, tels sont les sujets abordés avec lui.


En 2008, à cause de cette banderole lors de la finale PSG vs Lens, c’est la dissolution du groupe des Boulogne Boys, est-ce que tu te dis que c’est too much ?

C’est too much. Et même si j’ai déjà plus ou moins quitté le groupe, je suis toujours dans les statuts. Un matin, les gendarmes débarquent chez moi pour me signifier la dissolution du groupe. « Oui monsieur, vous êtes vice-président ». Donc on me remet officiellement la décision du jugement. Avec interdiction de recréer une asso. Avec interdiction pour les dirigeants, les membres du bureau, et caetera, d’aller au stade, avec interdiction pour les membres de se revendiquer appartenant aux Boulogne Boys, avec interdiction de porter tout signe ostentatoire des Boulogne Boys, etc… On est dans une aberration totale. Tous les gens qui étaient identifiés appartenant au Boulogne Boys, avoir été encartés au Boulogne Boys, n’avaient pas le droit de recréer une association quelle qu’elle soit, et n’avaient pas le droit de se réunir. Alors que moi c’étaient mes amis. Légalement, je n’avais pas le droit de me réunir avec mes amis proches. Si on était plus qu’un certain nombre, on n’avait pas le droit. C’était hallucinant.

Vous étiez très nombreux aux Boys, que deviennent à ce moment-là tous ces membres ? Que font-ils ?

C’est une période de latence où tout le monde est complètement sonné. Le Parc commence à ne plus ressembler au Parc. Certains continuent à aller au stade. Mais il n’y a plus de bâche. Il n’y a plus d’accès au stade. Il n’y a plus de matos. Il n’y a plus de tambour. Il n’y a plus de méga. Tout le monde devient indépendant. Et c’est à partir de là que ça part en couille. Tu pouvais à titre individuel continuer à aller au stade. Après c’est à ce moment-là où les interdictions de stade ont commencé dans tous les sens.

Et pour dire à quel point les choses vont loin et frôlent l’atteinte aux libertés individuelles, il y a eu des peines exécutées sur le champ, sans aucun moyen de se défendre, car il s’agissait d’interdictions préventives sans avoir besoin de prouver quoi que ce soit. Certains ont été interdits sur la base d’une simple photo où on peut les voir à côté d’une personne ayant elle-même été interdite par la suite, sans aucune preuve… A ce rythme-là, on peut interdire tout le monde.

Quand Pierre-Louis, notre Président, a été interdit suite à la banderole, un jour où nous étions en vacances à 600kms de Paris, il devait aller pointer au commissariat une heure avant un match. Pour ne pas se gâcher la soirée, nous y sommes allés en fin d’après-midi pour demander à pointer « en avance »; étant dans l’incapacité la plus évidente de ne pas pouvoir aller au stade. Refus catégorique. On est vraiment dans une situation des plus ubuesque là ! Je crois même que pour un match lors d’une tournée américaine de pré-saison, certains ont dû aller pointer. Tout était fait pour traiter les supporters comme de vulgaires criminels en leur imposant les pires contraintes personnelles. 

Tu penses que certains se sont radicalisés ?

Peut-être, Je pense que c’est la plus grosse erreur du club, du gouvernement et de tout ce qu’on veut. A un moment donné, avoir dissout les Boys, ça a été l’accélérateur et le premier pied dans l’engrenage qu’on a connu par la suite, dans l’escalade de la violence. La plus grosse erreur c’est que du coup il n’y a plus d’interlocuteur, plus d’association, plus de représentant. Il n’y a plus que des électrons libres. Et, ce que je raconte depuis le début, les Boys qui ont un rôle associatif, d’encadrement, social, avec une ligne directrice, une philosophie, une organisation, tout ça disparait, et du coup tout le reste disparait avec. Et tu te retrouves uniquement avec des des petits groupes qui se forment à gauche à droite. Des gens qui sont frustrés et qui se font influencés plus facilement. Des gens qui en veulent à la terre entière. Aux pouvoirs publics, au club, et même pour certains à Auteuil. Parce que personne n’est dissout à Auteuil à ce moment, mais les Boys eux, sont dissouts. « Pourquoi les Boys et pas les autres ? ». Voilà, ça crée de la frustration, de la jalousie, de l’incompréhension, et de la violence. C’est con, je ne l’approuve pas, mais c’est mon constat.

Continues-tu à aller au stade ?

A cette période non, je ne vais plus au stade. Je suis dégoûté de tout ça. Je suis dégoûté de la dissolution, avant tout. Parce que je vois et je sens que la tribune Boulogne va disparaître et surtout, sans les Boys, elle n’est plus rien pour moi.  Ça m’insupporte. Parce que c’est plus fort que tout pour moi.

ITW Zavatt Virage PSG
Zavatt lance les chants à Monaco – 2001 (c) Collection personnelle

Malgré ce côté extrême-droite, tu as gardé cet attachement à la tribune ?

Alors ça c’est clairement le genre de question que je n’aime pas en fait. « Ce côté extrême-droite ». Cela veut dire quoi ? Je serais plus à l’aise déjà avec le fait de dire « une partie de la tribune, ou certaines composantes de la tribune » à la rigueur. Mais la question est réductrice dans sa formulation et apporte directement un jugement.  Alors oui, cette réputation due à un certain passé, due à certains faits d’une certaine frange est effectivement une réalité. Mais comme je l’ai déjà dit, les Boys ce n’était pas ça. Les Boys, dans notre Bloc B3, étaient aussi une composante de la tribune Boulogne. Et nous étions la composante Ultra, apolitique avec la volonté et l’ambition première de venir au Parc et de se déplacer pour encourager, chanter, agiter des drapeaux, préparer nos tifos. Et nous étions certainement la composante la plus importante de la tribune. Mais comme toujours et de tout temps, une réputation est souvent construite ou montée de toute pièce par les médias qui vont au plus simple sans aller investiguer dans le détail et en fondant leur jugement et leur point de vue sur ce qui fait vendre, ce qui est le plus sulfureux. C’est bien plus croustillant d’insister sur des débordements de certains et des comportements extrêmes, évidemment condamnables, que de relater un déplacement de Boys à Trondheim ou des semaines et des mois passés à réaliser des tifos.  Alors, non, bien au contraire, j’ai toujours eu cet attachement à la tribune, c’est ma tribune. Mais cet attachement est surtout lié à mon dévouement et mon obsession pour mon groupe, les Boys. Et les Boys, je sais ce que c’était et la place qu’ils avaient dans cette tribune. Et j’en suis fier.

A partir de quand reviens-tu de façon plus sereine au Parc ?

En 2010. J’y retourne en tant que supporter du PSG. Parce qu’être supporter du PSG c’est plus fort que tout. Après, j’y retournais avec de l’amertume. Un peu de frustration. Un peu d’appréhension, parce que je re-croisais des gens, des ultras, des anciens. On ne me casse pas trop les couilles, soit parce que les gens savaient au fond qui j’étais vraiment, soit parce qu’ils ne me reconnaissent pas, soit parce qu’on ne s’est pas croisés. Donc j’y retourne avec cette amertume, cette appréhension, ce petit côté anxieux. Quand je suis dans le stade, à cette époque, je suis dépité. Je vois le stade, je suis dé-pi-té. Surtout dans cette période où ce sont les groupes d’Auteuil qui sont auto-dissouts à leur tour. Et là on arrive dans cette période, récente, où il n’y a plus rien, plus de groupe ultra du tout, plus d’ambiance, plus d’âme. Alors là, c’est pathétique… pathétique. Et j’y vais vraiment pour regarder le match. Mais j’y vais très peu. Le Parc est mort et on s’emmerde même si on commence à avoir une équipe de rêve. Mais entre les deux, pour moi, le choix est vite fait.

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« Saint-Denis on s’en fout » – PSG vs Monaco 1995/1996 (c) Collection personnelle

Et puis récemment le CUP, les groupes Ultras qui reviennent à Auteuil. Alors je suis content, parce que je revois naître l’ambiance au Parc. Je suis content parce que je revois l’équipe et le Parc avec de l’ambiance, je revois des tifos, je ré-entends des chants, « nos » chants. Et je suis désolé, ça fait peut-être un petit peu hautain et très prétentieux mais le « Oh Ville Lumière », c’est les Boulogne Boys. Sur un déplacement, où on l’a sorti. C’est un de mes meilleurs amis qui l’a écrit, Il adorait le Flowers of Scotland. Voilà, je ré-entends beaucoup de nos chants, et ça me fait quand même plaisir au fond. Je me dis que quelque part on existe encore à travers ce qu’on voit. Mais je ne comprends pas pourquoi le club ou les autorités ont inlassablement refusé qu’un groupe revienne à Boulogne. Je ne comprends pas pourquoi. Et je pense qu’on en revient à cet amalgame du début. Parce que les Boys, les Gavroches, les Rangers auraient tout à fait leur place aujourd’hui, à Boulogne.

Mais encore une fois, depuis quelques temps, je vois ce petit groupe motivé qui essaie de remettre de l’ambiance au centre du Kop. Lors d’un dernier match, on les a même un peu entendus. Cela n’a pas l’air simple, mais cela peut reprendre. Alors, c’est comme si la boucle était bouclée. Je me revois petit, à regarder inlassablement le Kop pendant mon premier match au lieu de regarder le match et je me mettais à rêver d’un jour, aller dans cette tribune. Plusieurs années plus tard, je l’ai animé pendant plusieurs saisons, faisant de mon mieux pour elle et pour mon groupe. Et je suis là à vous relater tout cela. Et maintenant, je la regarde à nouveau du même endroit, depuis les latérales, avec beaucoup d’amertume et de nostalgie, mais je me prends à rêver, encore une fois, mais cette fois-ci de la revoir chanter, sauter, allumer des fumigènes et agiter des drapeaux…

Pour toi un groupe ne peut pas revenir ailleurs que dans sa tribune ?

Non. C’est ta tribune. On ne peut pas t’imposer de revenir ailleurs que dans ta tribune. C’est ton histoire. Moi, mon histoire, c’est ce premier match, contre Arsenal, à Boulogne. C’est comme si demain le PSG partait au Stade de France, honnêtement, je ne sais pas si je serai encore supporter du PSG. C’est con, pourtant ce serait le PSG, mais je ne sais pas si j’arriverai à être toujours supporter du PSG. Si c’est temporaire ce n’est pas grave. Mais si c’est permanent je ne pourrai plus être supporter du PSG. Pourquoi ? Est-ce que c’est d’abord le club ou d’abord le stade ? Je pense que c’est les deux. Du coup, c’est la même chose. Quand tu es ultra, est-ce que c’est d’abord ton équipe, ton club, ou est-ce que c’est d’abord ton groupe, ta tribune ? Et bien c’est la même chose. Si on me dit « le PSG déménage au Stade de France, est-ce que tu es toujours supporter du PSG ? », je ne sais pas. Donc si on me dit « OK, les Boulogne Boys ré-existent, mais ailleurs », je ne sais pas. Pour moi, il y a très peu de stade en Europe et en France qui ont cette beauté. Marseille, Saint-Etienne, et encore Marseille aujourd’hui c’est pareil avec la dissolution des Yankees au Virage Nord… Il n’y a plus quasiment que le Virage Sud. A Bordeaux il y a que le Virage Sud… Pour moi c’était ça aussi l’identité du Parc des Princes, donc l’identité du PSG, d’avoir ses deux virages, avec leur authenticité, leurs différences, mais avant tout cette ambiance unique que l’on a connue et que l’on ne revoit plus.

C’est aussi ce qui a été à l’origine des problèmes…

Peut-être, mais aujourd’hui nous sommes repartis sur une page blanche. Je comprends qu’il ait fallu trouver une solution car cela avait été bien trop loin, mais ça a été hyper radical. Aujourd’hui on est dans un pays où pour 200 ou 300 personnes qui foutent le bordel, on sanctionne 12 000 personnes. Non, ce n’est pas possible.

C’est possible pour toi aujourd’hui un futur à Boulogne ?

Secrètement, j’en rêve. Deux choses : J’en rêve parce que je suis attaché à Boulogne. J’en rêve parce que c’est une grande partie de ma vie qui a disparu du jour au lendemain. Même si je n’en fais plus partie, j’aimerais pouvoir à nouveau le voir, le contempler, l’admirer, et de temps en temps y aller. Et parce que, le Parc des Princes, pour moi, c’était ça. Le Parc des Princes, c’était Boulogne et Auteuil qui se répondaient, les chants des deux côtés, des tifos magnifiques des deux côtés…

Tu ne crois pas que les anciens de Boulogne seraient contre un retour aujourd’hui ? Ou qu’ils empêcheraient un retour dans la tribune ?

Je ne comprends pas pourquoi. Si demain il y a 300-400 mecs, des anciens des Boys, des anciens des Gavroches, des Rangers, des « indeps » etc, qui reprennent un abonnement et qui vont à Boulogne, qui les empêche de prendre un abonnement et d’aller à Boulogne ? Aujourd’hui ils ne sont pas interdits de stade, ils ne sont plus fichés, qu’est-ce qui les empêche d’y aller ? Et il se passera ce qu’il se passera. Mais si tout le monde se comporte bien, quel est le problème ?

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Craquage chez les Boys – 1994 (c) Collection personnelle

Tu as dit que tu avais eu une interdiction de stade, que s’est-il passé ?

C’est l’année de mes 20 ans. D’ailleurs je crois que je passe mon anniversaire en garde à vue, pour mon anniversaire. C’était en 1997-1998. On est deux-trois à discuter au bureau, dont moi, en tant que leader capo, Guillaume, l’autre capo et Higgins, le vice-Président : « putain, ça fait combien de temps qu’on n’a pas vu de fumigènes au Parc ». Et oui, c’était pour un fumigène. Je n’ai tué personne. Je crois que la décision est prise d’agir pendant un PSG vs Strasbourg. Ça fait trois ans qu’il n’y a pas eu de torche au Parc, ça suffit. Donc on va allumer des torches. On a un tifo qui est prévu, il y a une voile qui va monter. Le plan est simple : on sait qu’il y a des caméras donc on va sous la voile allumer les torches. Et quand la voile redescend, on n’est plus là, et les torches sont par terre. Donc lors du match je suis à la sono, je me montre bien pour prouver que je suis là. Les drapeaux s’agitent. La voile monte. Je disparais. On part au milieu de la tribune. On allume nos torches. On les pose. On les voit sous la voile. La voile redescend. Et là, la tribune qui est rouge. On a allumé une dizaine de torches.

Résumé du match PSG vs Strasbourg, cliquez ICI

Et, malheureusement, ça je le regrette et j’en suis désolé, les stewards qui interviennent, sortent les torches, et un des stewards, en sortant une torche, brûle un jeune à la cuisse. Il a été brulé légèrement et superficiellement, il n’y a pas eu de séquelle, il n’y a pas eu d’opération ou autre, mais il a eu un peu mal. Pour moi, c’est de la faute du steward. Qu’est ce qu’il a besoin de sortir la torche ? Ou alors qu’il la tienne bien. Du coup les stewards et les responsables de la sécurité du PSG viennent nous voir, etc… Quelqu’un nous a dénoncé. On s’est fait choper, à deux. Et puis on a passé 48h en garde à vue. A l’époque, allumer des torches, c’était le plus grand scandale qui pouvait se passer. On a écopé d’une amende et de huit mois ou un an d’interdiction de stade. Sans pointage. Il n’y avait pas de pointage pour ça à l’époque. Donc interdiction de stade… Mais on a fait quelques matchs ! En déplacement.

On essayait d’être casual. On n’allait pas en parcage. On arrivait au dernier moment. Et je me rappelle d’un déplacement à Lens, où on était justement en latérale, on prenait des photos du parcage, et il y a un RG qui m’a cramé. Il est venu me voir. Il m’a fait un clin d’œil. Et il m’a dit : « c’est bon, je n’ai rien vu ». Parce qu’ils savaient qu’on n’était pas des méchants garçons. En 1998, cette année-là on est en finale de Coupe de la Ligue contre Bordeaux et finale de Coupe de France contre Lens, et je ne peux pas y aller.  Je fais les matchs à la télé. D’ailleurs, je me rappelle très bien, pour la petite histoire, que je regarde le match de Lens chez un de mes meilleurs potes, futur leader des Tigris. Juste pour dire que les légendes urbaines Boys-Tigris, tout ce qu’on veut, etc… Et bien mon meilleur ami était leader des Tigris, évidemment avant l’époque plus noire durant laquelle ni lui ni moi n’étions encore actifs. 

Autre anecdote durant cette interdiction de stade. J’avais fait un déplacement à Châteauroux, si je me souviens, bien avec le groupe. Le parcage visiteur donnait directement sur le parking. Du coup, n’ayant pas interdiction d’être sur place, j’ai pris le méga depuis le parking et j’ai un peu capoté comme ça. Plus pour le délire qu’autre chose, mais je ne pense pas que beaucoup l’aient fait de cette manière…

La fameuse photo de bâche Boys et Tigris avec les deux capos qui s’enlacent, c’était vous ?

Ce n’était pas lui, mais oui c’était moi. On était complètement torchés. C’était sur un parking de supermarché, à Guingamp ou à Rennes. Cette amitié, à la base, elle résulte de deux groupes ultras, respectueux, avec des gens qui ont des valeurs d’ultra, qui savent d’où ils viennent, qui savent ce qu’est le mouvement. Pour les leaders des Boys et des Tigris à l’époque, il n’y avait aucune différence, ou presque pas, on était dans la même philosophie. Je me rappelle, quand j’arrivais en parcage, tu avais le capo des Tigris ou le capo des Lutece, c’était « putain Zavatt dépêche toi, on t’attend, prends ta place ». Ils m’attendaient. Il y avait un respect. C’était la première génération. Après il y a eu d’autres générations des deux côtés. C’était particulier, différent. Moi je n’étais pas là. J’appréciais moins. 

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Parcage Boys + Gavroches + Rangers + Lutece Falco (c) Collection personnelle 

Vous n’avez pas réussi à inculquer, ce que peut-être les anciens vous ont inculqués avant ?

Nous, je pense que si. A Boulogne le respect des anciens était super important. 

Il n’y a pas eu des torts partagés ?

Si, forcément qu’il y en a.

Revenons sur ton retour en tribune à partir de 2010. Tu es donc lambda ?

Je reviens en latérale, en supporter du PSG, je viens voir quelques matchs, je déprime en voyant cette ambiance morte.

Tu t’emballes à un moment ou pas ?

Je m’emballe, sur certains matchs. Un PSG vs Chelsea quand on gagne 3 -1, mais bon après on ne va pas rentrer dans l’histoire sportive du club, où ce sont des moments de joie suivis par des déceptions encore plus grosses, systématiques et récurrentes. Mais oui je peux m’enflammer devant ma télé ou au stade, je peux m’énerver.

Donc comme à l’époque ?

Mais tout seul, et c’est plus dur à gérer. A l’époque j’étais au stade, avec mon méga, je pouvais m’énerver, j’étais content quand ils gagnaient, mais c’était peut-être pas la chose la plus importante, où mon attention était accaparée par plein d’autres choses. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Je me rends compte que je suis hyper nerveux, frustré, énervé, anxieux quand je regarde un match du PSG à la télé. Avant je ne savais pas ce que c’était de regarder un match du PSG à la télé. J’étais soit au Parc, soit en déplacement. Ça pouvait m’arriver de temps en temps à la télé mais c’était très rare, ou alors j’étais au pub avec des potes. Mais regarder tout seul chez moi, ou avec des potes, ça me met dans un état que je n’avais pas connu. Je rentre vraiment dans la peau d’un vrai supporter de base, sans le côté péjoratif quand je dis de base, mais c’est vraiment le vrai supporter à fond, et je ne sais pas bien le gérer, même si j’ai pris du recul.

Est-ce que tu penses, de ton expérience du passé et de ce que tu vois aujourd’hui, que le mouvement Ultra peut perdurer, en France et en Europe ? Est-ce que tu penses qu’il peut évoluer, positivement ?

Il peut perdurer, après il va forcément changer de forme. Au fur et à mesure il va s’adapter. Je pense que oui, il peut continuer. Après, ce qui est en train de tuer un petit peu le mouvement ultra c’est la facilité des pouvoirs publics à interdire les déplacements de supporters sous le couvert de la sécurité et du risque zéro. Je n’arrive pas à comprendre comment dans un pays comme la France, connu pour sa liberté d’expression, connu pour sa liberté de mouvement, un pays qui a subi des attentats atroces, un pays qui a connu la révolution, la guerre, comment ce pays n’est pas capable de permettre à 500 ou 1000 supporters d’une équipe adverse de venir assister à un match de leur équipe à l’extérieur ? Ça me dépasse. Je crois que c’est de la simplicité. Ce n’est pas un aveu d’échec, mais c’est un abus des pouvoirs publics. Pour moi c’est une forme d’oppression, et un manque de liberté des gens, de pouvoir se déplacer et d’aller assister comme ils veulent à un match.  

Qu’ils interdisent une tribune, un parcage, déjà j’ai du mal à comprendre mais soit. Mais qu’on en arrive à « si tu es immatriculé dans tel département, si tu portes telles couleurs, etc, etc, tu n’as pas le droit d’aller au match ». Alors ça, ça me dépasse complètement. Et oui, c’est en train de tuer le mouvement ultra. Lors du match PSG vs Nantes au Parc des Princes où il y a 2500- 000 nantais, qui sont pour certains sûrement très chauds, l’ambiance était géniale (Ndlr : Coupe de France, 3 avril 2019). Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu ça. Et il n’y a pas eu de problème. On est bien placé en ce moment pour savoir que pendant des manifestations il peut y avoir des problèmes, est-ce qu’on interdit les manifestations ? Non. On les encadre, on fixe des règles. On sanctionne individuellement. On peut encadrer, fixer des règles pour des déplacements de supporters, on n’est pas obligés de systématiquement les annuler. Qu’il n’y ait pas de marseillais qui viennent au Parc des Princes, ça me fait chier. Je trouve ça nul. C’est nul, il manque quelque-chose.

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Zavatt (en bas à droite, debout) et les siens – Saison 2000/2001 (c) Collection personnelle

Ça ne te donnerait pas envie d’intervenir, d’agir vis à vis des autorités, des clubs, d’associations ? Toi qui a eu cette expérience, qui a cette casquette d’ancien ultra, bien installé professionnellement, avec un certain talent d’orateur, qui a su gérer des équipes ?

Je me suis déjà posé la question par le passé, quand ça m’est arrivé de me poser des questions sur ce que je voulais faire, mes ambitions personnelles, sur mon futur personnel et professionnel. Peut-être que je serais tenter d’aller dans cette direction. Pour voir à quel niveau je pourrai apporter ma pierre à l’édifice, mon expérience, ma compréhension, ma connaissance, mes idées là-dessus. Aujourd’hui je ne peux pas et je ne le veux pas. Et je n’en ai pas le temps. Mais je n’en sais rien, peut-être que si demain je me dis j’arrête tout et je fais complètement autre chose, alors oui pourquoi pas aller discuter avec la Ligue, la Fédé, les pouvoirs publics. Pour créer un rôle, une association, pour faire quelque-chose qui permette effectivement au football professionnel d’évoluer tel que je l’imagine, que j’affectionne et que j’aime. Qui veut dire aussi permettre aux gens d’exprimer leur passion dans un stade, avec les risques et les débordements que ça peut engendrer, mais je pense que des risques et débordements il y en a partout. Tu vas en boîte de nuit ou à des concerts, il y a des risques, des débordements. Tu manifestes en France, ce qui est un droit fondamental et commun du peuple français, il y a des risques et de très gros débordements. Est-ce qu’on interdit une manifestation pour autant ? Il y a plein de choses à faire, mais je pense qu’il faut aller plus haut. Plus haut, c’est au Ministère.

Puisqu’on parle du traitement des supporters, la sortie de la Ministre des Sports sur les insultes dans les stades, sur les propos homophobes et racistes, est-ce que c’est quelque chose qui t’a touché ou pas, quelle est ta réaction par rapport à ça en tant qu’ancien ultra ?

Ça m’a fait marrer. Je me suis dis voilà une Ministre qui débarque dans un stade où elle n’a sûrement jamais mis les pieds. Dans celui-là ou dans un autre. Du coup forcément elle a été choquée par ce qu’elle a entendu. Parce qu’elle ne connait pas, parce qu’elle ne sait pas, parce qu’elle n’a pas tout le background, parce qu’elle n’a pas la connaissance. Et je peux comprendre que quand tu ne sais pas, ça peut choquer. Tu te dis j’arrive au Parc des Princes, c’est un stade feutré, il y a tous les VIP qui viennent. Mais ces mêmes gens vont se pavaner ou prendre en exemple les ambiances incroyables qu’il y a dans les stades en Angleterre… mais ils ne pipent pas un mot de ce que les mecs y disent ! Je peux te dire que les paroles des chants anglais, aussi beaux soient-ils vocalement et au niveau de la symphonie, ne sont pas belles tout le temps. C’est très laid aussi. Je pense qu’elle a été choquée, ok. Mais je pense que ça fait partie du folklore, même si ce n’est pas beau.

On peut se demander à quel point est-elle sincère, et à quel point elle est déconnectée de la réalité si c’est le cas.

Je pense que sa sortie est démago. Il y a des insultes effectivement homophobes, et ce n’est pas beau, mais je pense que lorsque les gens les chantent ça ne l’est pas. Quand on dit « Marseille on t’encule », non on n’a pas envie de le faire… d’aller enculer un marseillais ! C’est une expression, elle n’est pas belle, elle est symbolique, elle sous-entend plein de choses, et pas des belles choses, mais je pense que quand les gens la disent, c’est une expression tombée dans un espèce de langage commun, d’insulte commune, qui ne reflète pas la réalité des propos.

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Zavatt au centre du Bloc, debout au milieu – PSG vs OM 2 septembre 2007 (c) Panoramic

As-tu une anecdote marquante sur l’histoire des Boys ?

Un jour, un peu avant la fin de ma carrière ultra, vers 2002, 2003, je suis à Boulogne, et là il y a un mec qui vient me voir, un ancien. Je vois que c’est un mec cool, mais je vois que c’est un ancien, dans le look, dans le regard, dans la façon de parler, et il me dit « avec mes potes, on veut te voir. A Boulogne ». Je me dis bon, je ne sais pas ce qu’ils me veulent, c’est relou…, « par contre, tu viens tout seul ». Ok, double relou. Mais bon, j’y vais. Les mecs me parlent, « voilà, on a un truc à te dire, les Boys ça revient ce que c’était avant, nous on est des anciens Boys, de la première heure, et on a un truc pour toi. Donc après le match, si tu es ok, on se retrouve et on te donne un truc ». « OK, mais c’est quoi ? ». « Tu verras… ». Donc je les retrouve à la fin du match. Des potes des Boys viennent avec moi. Les gars disent « non, juste Zavatt ». Je suis un peu suspicieux tout de même, on ne sait jamais. Mais bon ils m’emmènent, on remonte toute la Route de la Reine. On discute. Les gars sont plutôt sympas. Et là le mec ouvre le coffre. Il prend une grosse bâche en tissu, rouge et bleu. La fameuse bâche « Toujours Vaincre ». L’authentique, l’originale, qui était l’emblème des Boulogne Boys avant qu’on s’appelle Boulogne Boys. Quand le groupe a commencé à se rassembler et à créer quelque-chose d’ultra, dans la tribune Boulogne, en haut à gauche (Ndlr : en étant dans la tribune face au terrain). Il y avait alors cette banderole « Toujours Vaincre », qui a par la suite a été mise à jour avec cette tête de mort entre le Toujours et le Vaincre, qui est devenue après Boulogne Boys. Du coup on a récupéré cette bâche. Et si ma mémoire est bonne, elle a été ressortie au 20 ans des Boys, sur le PSG vs Lyon, puis après sur quelques matchs, avec la vraie bâche en tissu. 

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« Toujours vaincre » pour les 20 ans des Boys (c) Collection personnelle
Reportage sur les supporters du PSG en 1986, cliquez ICI

La tête de mort, l’emblème des Boys, cela vient d’où ?

Ça vient d’une bande dessinée, américaine si je ne m’abuse. Dans cette bande dessinée, il y avait un personnage, il avait une tête de mort et un chapeau. C’est un copié collé de cette bande dessinée.

Et les mecs de la bâche « Toujours Vaincre », tu sais qui c’était ?

Non, je ne sais pas. C’était des mecs de la première heure.

Y-avait-il un lien entre tous ces Boys de la première heure ?

Non. Même moi personnellement je ne les connaissais pas. Je les ai vus, je les ai croisés au début, j’ai parlé avec certains. Il y a eu le procès de PSG vs Metz avec les centaines de fumigènes. Il y a eu le truc du vol de la caisse etc… Ça a été une rupture totale. Il y avait encore des anciens qui restaient dans la tribune, qui restaient autour des Boys, mais personne du bureau. Il y a eu des personnes un peu transitoires, comme l’ancien Président qui est resté très longtemps, Nicolas, qui connaissait très bien l’ancien bureau, qui était là quand les jeunes sont arrivés et qui est resté très longtemps. Mais sinon c’était très infime.

En tant que personnage connu et reconnu des Boys, as tu déjà été personnellement menacé ?

Oui. J’étais à la fac, donc on devait être en 1999, quand j’ai commencé à recevoir des menaces et des insultes sur le forum, qui était ouvert – on l’a donc fermé après – et j’ai commencé à être menacé par le Commando Ultras, et notamment sa Section Attila de Paris. Là où ça a commencé à être un peu tendu, c’est quand les menaces se sont précisées, sur des éléments assez précis, personnels, d’habitudes, d’adresses, de lieux. Et donc ça a commencé à être un petit peu flippant. D’ailleurs, un jour j’ai été convoqué par les RG, je me suis demandé pourquoi ils voulaient me voir, en fait c’était par rapport à ça. Je jouais au foot à Saint-Leu, et un soir après l’entraînement, je sors tard, il devait être 22h30. J’arrive à ma voiture, et là, deux mecs débarquent, suivis de deux autres mecs, qui m’interpellent. Je marchais, j’entends de loin un « Zavatt ? », donc je me retourne, ils comprennent que c’est moi, et là ils me chargent, me tombent dessus à quatre. J’étais au pied de ma voiture, j’ai pris des coups de chaîne, des coups de barre, et je suis rentré à la maison plutôt bien amoché.

Cela a-t-il été revendiqué ?

Ça a été revendiqué par la suite, haut et fort. Après, ça en est resté là. C’était plutôt gratuit, méchant, sans réelle intention, sans réelle explication.

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Zavatt (3ème en partant de la gauche) dans le parcage à Marseille – Saison 1999/2000 (c) Collection personnelle

Et les membres de ton groupe, quand ils apprennent ça, ils ne deviennent pas fous ?

Ils sont oufs. Mais on ne peut rien faire. La seule chose qui a été faite, c’est lors d’un déplacement de supporters de l’OM, de la section Paris , qui se donnaient rendez-vous à Porte d’Orléans. On a été leur rendre une petite visite. Un matin de départ du Commando Ultra Paris et de la Section Attila… Il y a eu un petit rendez-vous, et du coup ils sont partis un peu plus tard que prévu…

Vos plus gros rivaux marseillais, c’était plus le CU84 ou les South Winners (ndlr : un autre groupe de supporter ultra marseillais du Virage Sud) ?

Pour Boulogne, les Winners, et quand tu rentres plus dans les détails, pour les Boulogne Boys, le Commando Ultra. Parce que le côté vraiment ultra. Parce que 1984 vs 1985, premiers groupes français. Même si le groupe Boulogne Boys c’est officiellement 1985, le groupe existe un peu avant, avec cette bâche « Toujours Vaincre », avec de l’animation en tribune, mais le groupe n’existait pas officiellement. Après les Commando Ultra 84 peuvent certainement argumenter la même chose en disant que le groupe existait de façon non officielle avant. Donc on ne va pas rentrer dans la guéguerre de qui a la plus grosse. Mais nos plus gros rivaux tout court, c’étaient bien les Ultra Marines ! Y’avait pas photo là !

Un dernier mot pour conclure ?

Je voudrais juste rappeler à beaucoup que le PSG n’est pas devenu un grand club que depuis 2011 ou 2012. D’ailleurs, la dernière demi-finale de Ligue des Champions, la seule à ce jour, c’était en 1995 contre l’AC Milan. Que le PSG a connu sa plus grande apogée européenne entre 1992 et 1997, avec 6 demi-finales européennes consécutives (UEFA, Coupe des Coupes, Ligue des Champions) dont deux finales de suite en 96 et 97 (Coupe des Coupes) une gagnée et une perdue. N’en déplaise à Zlatan par rapport à ses propos de l’époque irrespectueux envers le club, voire synonyme d’une parfaite méconnaissance du football.

Donc, oui comme tout le monde, je rêve que le Club remporte enfin la Ligue des Champions et les attentes sont très élevées et c’est normal que les supporters soient très sévères avec le club notamment lorsque l’inacceptable se produit comme contre Barcelone ou Manchester United. Mais vous savez, quand on a vécu, en tant qu’ultra, à la fois les plus belles pages européennes mais dans le même temps les plus grosses galères en championnat pendant des années, être Champion de France 6 fois lors des 8 dernières années, cela reste incroyable et il faut savoir en mesurer l’importance et en profiter car on ne sait pas de quoi demain sera fait.

Mais si on me demande lequel du PSG d’aujourd’hui ou de celui des années 90 m’a fait le plus rêver, je pense que vous avez la réponse….

Aujourd’hui, nous « rêvons plus grand », mais nous attendons encore. Alors qu’à l’époque c’était « PSG, fais-nous rêver » et avec toutes les émotions gravées dans mes souvenirs, que cela soit de grandes victoires, ce titre de 93/94, celui de 96 en Coupe d’Europe, ces matchs historiques qui ont fait la légende du Club (Real Madrid, 2 fois, Barcelone, Bucarest, Liverpool…), mais aussi et surtout un Parc des Princes aussi bouillant pour des petits matchs, voire encore plus explosif quand la Ligue 2 se rapprochait à grands pas, et bien c’est là que j’ai vraiment rêvé !

Aujourd’hui, l’ambiance est de retour et cela fait du bien. Mais souvent, je dis à ceux qui n’ont pas connu le Parc dans les années 90 / début 2000 « Et bien tu vois, c’était comme ça, mais fois deux ou fois trois ». Cela fait un peu vieux râleur, comme les anciens de mon époque qui avaient la critique facile. C’est maintenant moi l’ancien et il faut savoir accepter que les choses changent et évoluent. Alors j’essaie quand même. Mais aujourd’hui, mesurez la chance que vous avez d’avoir une telle équipe. Mesurez la chance que vous avez, si vous êtes Ultra, de pouvoir vivre votre passion et d’animer les tribunes du Parc, en Ligue 1 et dans toute l’Europe. Mais surtout, ne franchissez pas la ligne rouge qui peut du jour au lendemain tout vous faire perdre. Le monde Ultra a évolué et il faut évoluer avec, mais Paris et son Parc resteront toujours uniques, peu importe l’équipe sur le terrain, tant que les chants résonneront dans cette enceinte magique. 

ITW Zavatt Virage PSG
Boulogne en feu lors du Classico (c) Panoramic

NB : L’interview a été réalisée avec le concours de Fred Ramel


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Zavatt, deuxième partie

Découvrez la suite de l’interview de ZAVATT, ancien Capo des BOULOGNE BOYS.
On évoque avec lui les déplacements à Marseille, à Bastia
et la fameuse bâche des Ch’tis de 2008 face à Lens en Coupe de la Ligue.


Peux-tu nous parler du déplacement mythique au Vélodrome en 2001 ?

C’était après un match de Champions League qui avait eu lieu à San Siro contre l’AC Milan (Ndlr : 14 février 2001). Certains Boys avaient fait le déplacement en Italie. On était un peu en guerre avec le club à cette époque. On ne voulait pas suivre les déplacements organisés par le club. On les organisait nous-mêmes. On était d’accord pour faire des concessions et être escortés en cortège par la police pour aller au stade. On rentre alors dans de grosses négos avec le club où je suis en première ligne. Le but était que le club accepte de nous vendre les places et de nous laisser faire ce qu’on voulait sous condition de donner les plaques de nos bus et de respecter certaines règles. On a été jusqu’à contacter le service de sécurité de l’OM dont le directeur m’a reçu à Marseille. Pour toutes ces raisons, on pensait que ce serait bon mais à deux jours du match, le club refuse de nous vendre les places. Il y a alors une grosse période de tension. On décide de descendre en train. On part de nuit, de Gare de Lyon, sans billet de match. On est environ 150. Une partie du bureau des Boys lui, arrivait d’Italie. Dans le train on décide d’un plan. On descend à Avignon, on rejoint le cortège officiel, et on s’incruste dans les bus. Le bureau refuse ce plan, malgré le fait qu’on ne savait pas ce qu’il risquait de se passer à la gare Saint-Charles à notre arrivée. Bref on va jusqu’à Marseille.

On arrive à 9H et là, pas un bruit dans la rame. On n’était pas très à l’aise. On est accueilli par la police de Marseille, et les RG qu’on connaissait bien : Girafe, Motard et Nounours (Ndlr : surnoms donnés par les ultras aux trois RG parisiens) ! Il y avait aussi le directeur de sûreté publique de Marseille. Il voulait voir le responsable, donc j’y vais. Il me demande « Est-ce que vous avez des places ? ». Je lui dis : « Non ». Lui : « C’est quoi votre projet ? ». Je lui dis qu’en toute transparence on ne vient pas faire de vague, on est là en tant qu’ultras indépendants pour venir voir le match. On vient prouver à notre club qu’on sait se tenir et qu’on ira au stade sans faire de problème. Et là il me dit : « Mais vous n’avez pas de place ». Je lui dis que j’espère que le club nous en donnera ou nous en vendra une fois arrivés au stade. Je m’attends à ce qu’il nous propose de nous emmener au stade encadrés par la police. Et il me dit : « Vous n’avez pas de place, donc pour nous, vous n’allez pas au stade. Messieurs bonne journée ». Nos regards se croisent alors. Je comprends ce qu’il veut me dire et il comprend que j’ai compris…

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Toujours le meilleur accueil – 17 février 2001 (c) Panoramic

On descend alors les marches de la gare, on lance nos chants. Les marseillais nous regardent passer avec de gros yeux. On voit des mecs qui passent en scooter et qui nous insultent mais qui n’osent pas s’arrêter vu le nombre de Boys. On rejoint la Canebière, on passe devant le Vélodrome, on fait le tour, on voit des supporters marseillais partir en courant… Le sentiment il est extraordinaire ! Tu redoutes le moment où ils vont débarquer à 300. On sait que ça va arriver mais à ce moment-là, on se sent tout puissant. On va ensuite jusqu’à la plage du Prado en chantant comme on n’a jamais chanté. Il est quoi, 10H du matin ! Il y a un vent très froid. On est sur la plage et on attend. On ne sait pas si ils vont venir alors on se prépare comme on peut avec les moyens du bord et ce que l’on trouve pour éventuellement se protéger. La journée passe. A un moment on voit des groupes de gars arriver dans notre direction et là on se dit : « les gars c’est parti ». Ils n’arrivent pas ensemble. Et à une centaine de mètres de nous ils s’arrêtent, ils posent leurs affaires. En fait les mecs venaient juste jouer au foot sur la plage ! Des mecs des Boys sont allés jouer au foot avec eux. Une scène assez hilarante. Mais c’était bien aussi comme ça.

Vers 17H ça commence quand même à chauffer un peu et les CRS arrivent pour nous encadrer. Le responsable de la sécurité arrive et me dit que Laurent Perpère et son acolyte veulent me recevoir au stade. Je vais en voiture de police au stade avec Nico, le Président du groupe. En arrivant, le responsable de la sécurité de l’OM me dit de façon très sincère : « Vous avez été admirables ». Il est venu avec moi et c’est lui qui nous a défendus, un marseillais ! Il leur a dit : « Ils se sont très bien comportés, vous ne pouvez pas leur faire ça, vous ne pouvez pas les laisser dehors et faire ça à vos supporters ». On a discuté et Perpère a dit non. Nous revenons avec Nicolas au point de départ et évidemment en apprenant la nouvelle, les esprits commencent à s’échauffer un peu et la tension monte nettement d’un cran. Comme quoi, avec le recul, il est bien plus stupide et irresponsable de laisser des supporters livrés à eux-mêmes lorsque ces derniers sont prêts à collaborer et suivre des instructions pour rejoindre un stade, quand bien même ils se déplacent en indépendants. Du coup ça  part en fight avec les flics. Les flics nous mettent dans des bus et nous emmènent dans le hangar du Parc Chanot à côté du Vélodrome. Là on se dit, c’est gagné ils vont nous laisser rentrer.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Entrée des joueurs – 17 février 2001 (c) Panoramic

Mais ils nous ont parqués de l’autre côté du hangar. On a vu passer les groupes ultras parisiens qui arrivaient. Les mecs nous acclament. Au moment de se faire fouiller pour entrer dans le stade, tous les groupes Auteuil comme Boulogne disent :« On ne rentre pas tant que les Boys ne rentrent pas ». Ça a duré 20 minutes et puis finalement ils sont rentrés et nous ont laissés là. Là on leur en a voulu car s’il y avait eu une vraie solidarité ultra, c’était tout le monde ou personne. Ils étaient environ 800. S’ils avaient vraiment insisté, on serait rentrés. Des Rangers et des Gavroches, qui étaient aussi du déplacement officiel, sont aussi rentrés dans le stade et là on leur en a vraiment voulu.Mais bon, en même temps, cela n’aurait rien changé qu’ils restent avec nous et de toute manière ils ont dû être obligés de rentrer dans le stadeOn a passé le match dans le hangar. On a entendu le but pour Marseille à la fin du match mais on s’en foutait en fait. La police a fait sortir les supporters parisiens et là ça a été compliqué de gérer les gars, ça a chargé entre supporters parisiens. Bref, on a été ramenés à la gare, on a été mis dans les trains et on est rentrés à Paris.

A partir de quand quittes-tu les Boulogne Boys ?

En 2004. Je commençais une vie professionnelle et ça devenait incompatible. Et puis il y avait aussi ma vie de famille. En 2001 j’ai eu ma première fille. Ce qui m’a fait prendre conscience que ça devenait compliqué. Le déclic c’est lors d’un OM vs PSG en 2003, celui du 0-3 avec un doublé de Ronnie (Ndlr : 9 mars 2003). Match chaud. Je suis en bas sur la main courante avec mon méga. On se fait canarder de projectiles pendant tout le match. Les marseillais avaient cassé leurs chiottes pour nous balancer de la faïence sur la tête. (Ndlr : 70 blessés parisiens ce soir-là). Une personne à côté de moi s’est pris une orange en plein visage. Deux minutes après, une autre orange tombe à nos pieds et elle était jonchée de lames de rasoir. Si quelqu’un avait pris cette orange dans le visage il aurait été défiguré…

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Bref, sur le premier but, la main courante se descelle. Tout le monde tombe. Plusieurs mecs partent à l’infirmerie. On apprend plus tard que cette barrière avait été déboulonnée avant le match. Je reprends le mega, et quelques minutes après on se prend une pluie de cailloux sur la tête. J’en prends un dans la nuque. Je tombe, je perds connaissance. Je me réveille dans l’infirmerie du Vélodrome. J’entends quand même qu’on met le deuxième but. L’infirmière me fait des palpations aux jambes et me demande si je sens quelque-chose au touché. Je ne sentais rien… Elle utilisait un crayon et appuyait sur la voute plantaire de ma jambe droite. Je l’avais senti à gauche mais pas à droite. Je ne sentais plus rien non plus dans le bras droit. J’ai vu la tête de l’infirmière et je me suis dit « putain c’est grave ».

On m’a emmené direct à l’hôpital de la Timone. J’ai passé toute la fin du match là-bas. Finalement je m’en suis sorti quasi indemne. Les sensations sont revenues 2-3 heures après. Sauf qu’une fois l’ordonnance donnée et les analyses faites, ils m’ont dit merci et au revoir. J’étais avec mon T-shirt des Boys en plein Marseille, on venait de leur mettre 3-0, j’étais blessé et il fallait que je rejoigne le bus des Boys qui m’attendait car ils avaient été prévenus. J’ai traversé tout Marseille avec Nico qui m’avait accompagné à l’hôpital. On a mis nos T-Shirts à l’envers et on est parti à pied… Pas sereins. Ce soir-là, mon beau-père apprend ce qui s’est passé et pète un câble. Il me dit que je ne peux plus faire ça, j’ai pensé à ma fille, elle avait quelques mois seulement. Ça m’a calmé. J’ai arrêté d’être visible et actif.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
9 mars 2003, Ronnie Et Jérôme régalent (c) Panoramic

Avant de parler de la fin des tribunes, tu as d’autres souvenirs marquants ?

Je peux parler des différents déplacements. Faire un pèle-mêle. Entre la belle période du PSG qui jouait les demi-finales et les finales de Coupe d’Europe. Avec le PSG qui a galéré. Je tiens à dire quelque-chose : les gens oublient aussi que l’année où il y a eu la plus belle ambiance au Parc des Princes, qui a d’ailleurs corroboré avec une des plus belles affluences, c’est l’année où le club a failli descendre en Ligue 2. 2008, l’année où on se sauve, notamment à Sochaux avec le but d’Amara Diané. Cette année-là au Parc des Princes, on était vraiment en galère, c’était des matchs de merde. Mais c’est là où je pense que le club doit son salut à ses supporters et ne descend pas en Ligue 2. Je pense aussi qu’en tant que capo, c’est peut être une des années où j’ai pris le plus mon pied parce qu’il y avait une ambiance extraordinaire à chaque match. Plus la fin de saison arrivait, plus les matchs étaient chauds bouillants, et c’était compliqué, parce qu’on avait une équipe de merde !

Du coup tu as vraiment arrêté de capoter quand ?

J’ai arrêté de capoter en 2006. Puis de temps en temps je revenais, en scred. Des fois j’allais en tribune, et on entendait « tiens, il y a Zavatt », et ça arrivait que les mecs disent « Zavatt au micro, Zavatt au micro, … ». Après moi il y a eu Toinett, Pierre-Louis. Sinon ce que j’adorais aussi, c’était les déplacements. Pour moi, c’était vraiment le moment où l’on vivait un truc fort, avec des amis, et ce n’était pas juste aller voir un match de foot. 

Tu étais capo à tous les déplacements ?

Pas tous, mais presque.

Tu as fait un grand chelem ?

J’ai fait deux ans de suite un très grand chelem, puisque deux saisons de suite j’ai fait championnat – Coupe d’Europe – Coupe de France – Coupe de la Ligue. J’étais à la fac de Droit, j’arrête mes études à ce moment-là. Pour moi des souvenirs indélébiles, c’est par exemple un déplacement en Corse, où l’on part avec les Boys en voiture (Ndlr : 4 mai 2000). J’en ai d’ailleurs des photos, assez rigolotes. On part à cinq voitures, on a loué des bagnoles 7 places, et on part en Corse trois jours. Ce déplacement il est extraordinaire, parce que c’est une vraie aventure humaine, parce qu’on se retrouve à piqueniquer sur la plage à Bastia. C’est compliqué. Mais il n’y avait presque que nous ce jour-là. Au stade, dans le parcage parisien, il y avait 95% de Boulogne Boys. Si les Boulogne Boys ne sont pas là à ce match à Bastia, il n’y a pas de parisien. Et ce match, il est hyper chaud puisqu’il fait suite à la défaite du PSG en Finale de Coupe de la Ligue contre Gueugnon (Ndlr : 22 avril 2000), qui fait que, je ne sais pas par quel truchement, le classement de Ligue 1 ne permet pas à Bastia de se qualifier pour une Coupe d’Europe. Du coup ils nous en veulent, et de surcroît on va gagner là-bas. Donc on est, en plus d’être parisiens, des pestiférés. On est tout seul à Bastia, en voiture, on s’est fait caillasser tout le match. On a été escortés à l’avant-match. Honnêtement, de ma mémoire d’ultra, à part le match à l’AEK Athènes, ça a été le match le plus chaud de ma vie. On est restés dans le stade pendant 4 ou 5 heures après le match.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Boys In the (Corsican) Hood (c) Collection personnelle

Il n’y a pas eu une émeute des corses contre les CRS ce soir-là ?

Mais contre tout le monde. Contre les CRS, contre nous. Les corses essayaient de rentrer dans notre tribune, et on était protégés par les CRS. A la fin du match, on reste dans le stade, et les gendarmes nous proposent de dormir dans le camp de gendarmerie en nous disant « si vous ne dormez pas dans le camp, vous êtes morts … ». Ce qu’on refuse. Après le match on prend les voitures. Et ce soir-là on a été bénis. En fait nos voitures avaient eu l’autorisation d’être garées dans le parking des salariés du club, où le responsable de la sécurité de Bastia m’avait emmené chercher les voitures, et s’il n’avait pas été là, je pense qu’on était morts. On ramène les voitures dans cet enclos au pied du stade, on ressort du stade après le match, toutes les voitures sont défoncées, toutes, sauf les nôtres. Gros coup de bol. Donc on prend les voitures, on se barre, on roule beaucoup, on dort sur la plage et on passe des supers moments. Le lendemain on retourne à Bastia, au port, pour prendre le bateau, et là changement de décor, changement de climat, changement d’atmosphère.

Résumé vidéo du match cliquez ICI

On est au café, et on voit les corses qui viennent nous voir : « ah c’était vous les parisiens hier soir ? Ah la la c’était chaud, hein … » mais plus rien. Et on a passé des supers moments comme ça. Voilà, ma vie d’ultra, pendant huit ans, elle a été rythmée de matchs au Parc, de week-ends à préparer des tifos, de soirées à peindre des banderoles et des voiles. Tes week-ends c’est soit en déplacement, soit en train de préparer des choses. Soit au local. Car à un moment donné, on a eu un local dans Paris, qui nous coûtait très cher d’ailleurs, mais on était toujours 80 – 100 personnes à cotiser pour le faire vivre, qui était aussi pour moi, sans vouloir faire mon South Winners et mon marseillais, un lieu de vie, d’éducation, et pour certains je pense que c’était un point d’ancrage.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
L’Escorte sur le parking de Furiani (c) Collection personnelle

Et je pense que ça a permis à des personnes, je ne vais pas dire de revenir dans le droit chemin, mais d’avoir un contact humain qu’elles n’avaient pas, d’avoir une vie sociale qu’elles n’avaient pas. Parce que dans le groupe il y avait de tout. Il y avait des gens qui étaient salariés. Il y avait des étudiants, des chômeurs. Il y avait des « cassos », faut être honnête. Il y avait des gens qui dépassaient les bornes des fois. Il y avait des gens qu’on a exclu du groupe, parce qu’effectivement il y en avait qui affichaient des opinions politiques, ou qui n’étaient là que pour la violence. Mais ce local nous a permis de tisser un lien et je pense qu’on avait un rôle social en tant que responsables et leaders de l’association. Voilà, moi ce que je retiens de toute cette période de 8 – 10 ans, au-delà des matchs, c’est vraiment ces préparations de tifos au Parc, ces soirées au local, ces déplacements, en semaine…

Je n’oublierai pas évidemment des moments plus tristes, notamment un drame. Le décès d’un Boys, en 2001, lors d’un accident de la route au retour d’un déplacement face à Brescia en Coupe Intertoto. Sébastien est resté plusieurs semaines dans le coma à Lyon. Nous avons été très prochs de sa famille tout le long de cette terrible épreuve afin de les soutenir de la meilleure des façons. Mais que voulez-vous faire dans pareille circonstance ? On se sent tout petit, impuissant, voire même responsable… Un tifo noir et blanc a été réalisé le match suivant son décès et une bâche « Sébastien à jamais dans nos cœurs » ornait l’une des portes d’entrée du bloc Boys et y est restée jusqu’à la fin du groupe. Nous avions aussi fait mettre une plaque à l’entrée de la tribune. Plusieurs fois, lors de déplacements dans le Nord , le groupe s’est rendu sur sa tombe puisqu’il est enterré dans le Nord de la France. C’est aussi dans ces moments terribles que le groupe a un rôle qui dépasse évidemment le cadre du foot et des tribunes.

A refaire, tu referais tout pareil ?

Oui, je referais tout pareil. Complètement. Quand j’y repense… Je n’y étais pas, mais j’ai tout de même des potes qui sont montés à Trondheim en voiture, pour le match Rosenborg vs PSG en Ligue des Champions. C’est 3-4 jours aller de voiture, 3-4 jours retour. A l’époque il n’y avait pas le pont à Copenhague pour passer jusqu’à Malmö. C’était le ferry, et ils y sont allés, puis revenus. Si ce n’est pas de la passion … Comment on peut dire que ces gens-là sont des gens haineux, violents … Non, ce sont des passionnés, qui aiment le club par-dessus tout.

Quand je suis allé à Liverpool cette année, j’ai vu les groupes ultras d’Auteuil aller en car à Liverpool, et je pense que le retour n’a pas du être des plus sympas. Ça a  être pénible entre la fatigue, la longueur du trajet et la défaiteC’est ça être ultra.  Mais voilà, Trondheim en voiture, c’est extrême. Pour aussi situer ce qu’étaient les Boys, parce que les gens oublient, Finale de la Super Coupe d’Europe, on perd 1 – 6 le match aller au Parc, match retour à Palerme, les Boulogne Boys ont fait un car complet (Ndlr : 15 janvier et 5 février 1997). On est cinquante à Palerme. Imagine, aller en bus à Palerme, alors qu’on a perdu 1-6 le match aller ! Les Boys étaient là. S’il faut résumer, les Boys c’était ça, faire un bus d’ultras, qui vont aller porter leurs couleurs, représenter le groupe. A Palerme, où on sait à quel point ça peut être chaud. Alors que tu as perdu le match aller 1-6. 

N’y avait-il pas un slogan « Boys un jour, Boys toujours » qui résumait cette mentalité-là ?

Oui. Il y avait aussi « Toujours Vaincre ». Et il y avait, ce qui montre aussi la culture ultra des Boys, ce cri de guerre « Chi noi siamo ? I Boys ». « Qui sommes nous ? Les Boys », en italien. Au méga ça donnait « Chi noi siamo ? » et ils répondaient « I Boys ». Ça montre aussi cette culture ultra et cette prédominance de la culture italienne des Boys.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
« Qui sommes nous ? Les Boys » (c) Panoramic

Aviez-vous des groupes amis, en France ou en Europe ?

On avait un slogan, c’était « No one likes us, we don’t care ». Personne ne nous aime, tant mieux, on s’en fout. Non, on avait aucun groupe ami. Il n’y avait pas d’alliance. C’est très dans la culture ultra d’avoir des alliances, des jumelages, mais non, on n’en avait pas. Il y a eu des membres Boys qui ont sympathisé, tissé des liens avec certains groupes, Green Angels, Magic Fans, Commando Ultra. Cela restait des démarches individuelles. Des groupes « amis », entre guillemets, ce fut un temps avec la première génération des Tigris, et les Lutece. Voilà c’est tout. Après il y a peut-être eu des rapprochements ou des connivences avec des groupes italiens, mais c’est tout, il n’y a jamais eu d’alliance ou de parrainage, affiché avec une bâche qui est posée au stade. Non, pas les Boys, ça on n’a jamais voulu.

Et à titre privé, quand tu dis à des amis, à ta famille, à des collègues, que tu es ou a été Boulogne Boys, qu’est ce qui se passe ?

Alors, il y en a qui savent, ils sont très à l’aise avec et ils savent très bien de quoi on parle, ce qu’était le Kop, ce qu’étaient les Boys, ce qu’étaient les différentes mouvances, et ce qu’on a subi et la représentation qu’on voulait donner du groupe. La communication du groupe était toujours très claire, c’était un groupe apolitique, et on le disait ouvertement, vous ne venez ici en aucun cas pour montrer ou faire part de vos opinions politiques, quelles qu’elles soient. Nous on ne veut pas le savoir. Bref, nous c’était un mouvement ultra et ceux qui venaient aux Boys pour autre chose n’avaient pas leur place.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Band of Brothers (c) Collection personnelle

Pas trop de mixité quand-même ?

Non, ou très peu c’est vrai. Mais ça c’était la réalité de la tribune Boulogne. Nous, on était apolitique. La politique n’a jamais été notre moteur ou notre position. Tout ce qui était politique, et dans les deux sens, nous ne voulions pas en entendre parler. On n’était pas là pour ça. Après on composait avec les éléments de la tribune Boulogne. Mais oui, quand j’en parlais avec des proches, je faisais attention, je n’en parlais pas à tout le monde. Je ne disais pas à certaines personnes que j’étais de la tribune Boulogne, car je savais qu’ils auraient vite fait l’amalgame, qu’ils n’auraient pas compris, ou qu’ils étaient désinformés. Et je sais à quel point ça peut aller vite. Puisque même les gens qui n’étaient pas aux Boys mais qui étaient peut-être plus dans une mouvance violente, n’étaient pas non plus forcément politisés. Dire qu’ils l’étaient, ce serait faux. Oui il y en avait, mais tous, ce n’est pas vrai.

29 mars 2008, finale de Coupe de la Ligue, PSG vs Lens, la fameuse banderole. Tout de suite les Boys sont accusés, puis ils seront dissouts, alors que c’était plus complexe que ça, non ?

Et bien oui ce n’était pas les Boys. C’est aussi simple que ça. Ce match-là je ne suis pas au stade. C’est marrant parce que c’est une finale PSG vs Lens, et la précédente finale entre les deux clubs, dix ans avant, en 1998, je n’étais pas là car j’étais interdit de stade. Mais cette finale de 2008 je n’y suis pas, je ne suis plus trop dans le truc, et en plus je suis en vacances. Je suis avec des amis, des anciens Boys du bureau. On est au ski, avec les potes, on regarde le match à la télé. On voit cette banderole. Honnêtement, je vois la banderole, je me décompose. Je me dis « putain de merde, c’est quoi ce truc ! ». Je vois le truc venir. Je me marre, oui, comme tout le monde, mais je vois le truc venir. Le lendemain, Pierre-Louis, qui à l’époque est Président des Boys, nous rejoint. Il est parti le soir du match direct, il a voyagé de nuit. Il prend le train, il arrive le lendemain, et là on lui dit « Putain Pierre-Louis, qu’est-ce que vous avez fait ? C’est quoi ce truc ? Cette banderole ? ». Il répond « Quelle banderole ? ». Je vous promets, il n’était pas au courant. On lui dit « La banderole que vous avez mise ». Et il répond « Ah oui, ça. tout le monde est arrivé avec des morceaux de banderole, et ils l’ont mise … » et il ne savait pas ce qui était écrit dessus.

Vidéo de la fameuse banderole, cliquez ICI

Ce qu’il faut juste avoir en tête, c’est que des personnes, sans vous dire qui elles sont, se sont organisées et sont arrivées avec une banderole découpée en dizaine de morceaux. Nous, les Boulogne Boys, avions évidemment la place du milieu en tribune, on avait la grande bâche Boulogne Boys et beaucoup de personnes sont arrivées. Et pour être tout à fait honnête, peut-être que parmi ces personnes il y avait des Boulogne Boys qui avaient un morceau de banderole. Est-ce qu’ils savaient ce qu’était l’intégralité du message, je ne pense pas, et quand bien même c’était peut-être une poignée de personnes. A aucun moment le groupe n’a été à l’origine de ça. Les personnes sont arrivées avec les différents morceaux, ils les ont posés sur le parapet. Sauf que ce que les gens ne comprennent pas, car certains ont dit « Oui mais les Boys, c’est vous qui animez la tribune, qui êtes responsables de la tribune, vous n’auriez pas du laisser faire ça ». Mais comment tu veux empêcher plein de mecs qui arrivent, sur une largeur de tribune de 200 mètres, de mettre des banderoles, quand toi-même tu es dans la tribune et que tu ne vois pas ce qui est écrit ? Parce qu’il faut avoir du recul pour voir ce qui est écrit.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
Le Virage parisien au stade de France en 2008 (c) Panoramic

Après coup, penses-tu que cette banderole a été un prétexte pour dissoudre les Boulogne Boys ?

Cette banderole arrive à un mauvais moment. C’est politique. Je pense que c’est un accélérateur. On est dans une période où il y a de la violence qui revient, il y a des conflits, Boys – Tigris, Boulogne – Auteuil.

Tu penses que c’était calculé ? Et que c’était plus facile de faire de vous des coupables ?

Non, ce n’était pas calculé. Mais c’était une opportunité. Après, est-ce qu’ils ont réellement pensé que c’était les Boys ? Peut-être. Parce que pourquoi pas. Comme on le dit depuis le début, pour les gens et pour le commun des mortels, pour les politiques, et pour tous les gens qui ne sont pas dans le milieu, le Kop de Boulogne c’est les Boulogne Boys, donc la banderole, c’est les Boulogne Boys. Point barre, ils ne réfléchissent pas plus loin.

Et sur le contenu du message, elle aurait pu être de vous cette banderole ?

Honnêtement, je ne pense pas qu’elle aurait pu être des Boys. Parce qu’on en a fait, des cinglantes, mais il y avait toujours une subtilité, un jeu de mot...

« Perpère, mes couilles sur ton nez, ça te fera des Ray-Ban », elle était littéraire cette banderole ? Ce n’était pas de la poésie ça quand même ?

Non, ce n’était pas de la poésie (rire). Mais, regarde, contre Marseille, « Si l’Amazonie est le poumon de la planète, Marseille en est le trou du cul », c’est insultant, mais… le côté pédophile de la banderole de Lens, je ne dis pas que ça m’a choqué, parce que tu connais le Mouvement. Oui, honnêtement j’en ai rigolé, et il faut que les gens soient honnêtes, parce qu’il y a plein de gens qui font genre, ils se sentent choqués, mais qui rigolent aussi, donc faut arrêter. Mais c’est sûr que ce n’était pas beau et je comprends que des gens aient pu être choqués et se sont sentis salis et insultés.

Sinon, est-ce qu’il y a des banderoles que tu as faites et dont tu es fier ?

« Bienvenue dans l’enfer du Kop » (Ndlr : PSG vs Nice 23 novembre 2003). Un tifo, avec un message que j’adore, et je crois même que les marseillais avaient trouvé ça bien, c’était « Vous entrez dans une zone de turbulences » (Ndlr : PSG vs OM 26 octobre 2002) avec cet avion Khalifa Airways, des ballons rouge et bleu qui faisaient 2 ou 3 mètres de hauteur. On les agitait, et visuellement c’était très fort, parce qu’avec ces ballons, ultra, mentalité italienne, on a fait des gestuelles de maboules. Ces ballons sont restés tout le match. C’était génial. Après on en a plein d’autres, évidemment c’est compliqué d’en sortir une du lot. On a aussi plein de chants. Beaucoup de chants que j’entends aujourd’hui me font évidemment repenser à toute cette époque, ce qui me rend souvent nostalgique.

ITW Zavatt, Capo des Boulogne Boys Virage PSG
(c) Collection personnelle

NB : L’interview a été réalisée avec le concours de Fred Ramel


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Zavatt, Capo des Boulogne Boys

ZAVATT est considéré comme l’un des meilleurs capos ayant officié au sein des BOULOGNE BOYS.  Ce groupe emblématique de la tribune Boulogne, créé en 1985,
a souffert d’une réputation parfois sulfureuse et en même temps fantasmée par beaucoup. Respecté dans le monde ultra, craint par le grand public et les medias, souvent incompris, il nous semblait donc intéressant de revenir sur leur l’histoire.
Et qui de mieux que l’un de ses plus grands porte-voix pour en parler.
Retour sur 20 ans de PASSION ULTRA.


Zavatt Virage Boulogne Boys PSG

Pourquoi es-tu devenu supporter du PSG ?

Je le suis devenu à mon insu. Je ne m’intéressais pas trop au foot quand j’étais petit. C’est venu en grandissant. Un jour mon beau père, avec qui je vivais depuis l’âge de 2-3 ans et qui était un grand fan de foot, m’a emmené voir un match au Parc. Et comme pour beaucoup ça été hyper marquant. C’était un PSG vs Matra Racing. On était en tribune latérale et ça s’est soldé par un partout. (Ndlr : 8 avril 1988). Il y a eu deux faits marquants ce soir là. Déjà une charge à l’extérieur du Parc. J’ai vu des mecs courir. Je ne sais pas qui chargeait qui honnêtement. J’avais eu peur évidemment. J’avais 9 ans. Le deuxième événement ce sont les supporters en tribune. Côté Boulogne il y avait ceux du PSG et côté Auteuil c’était ceux du Matra. j’ai passé mon temps à regarder la tribune Boulogne. Plus que le match. Quand le Matra a marqué, j’ai vu des gens se lever autour de moi et je ne comprenais pas. Si je venais au Parc des Princes c’était pour supporter le PSG. La question ne se posait pas. J’ai ressenti une forme de colère et je m’en souviens très bien. Pourquoi étaient-ils pour l’autre équipe ? Et puis il y avait aussi Joël Bats dans les buts parisiens. Quand j’ai commencé le foot je voulais être gardien, je voulais être Joël Bats.

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Tu as continué ensuite à aller au match avec ton beau-père ?

Zavatt dans ses cages (c) Collection personnelle

Oui et vers mes 12-13 ans je le saoulais de plus en plus pour aller au Parc. Et pour avoir des places les plus proches possibles des supporters de Boulogne Bleu pour être au plus près de l’ambiance. Je me souviens que j’allais au Parc avec des rouleaux de PQ dans mon sac. Je voulais faire mes petits tifos. Ça a continué comme ça jusqu’à ce que je puisse y aller tout seul.

C’était à partir de quand ?

Quand j’étais au collège. J’en avais marre d’écouter les matchs à la radio chez moi. J’habitais à côté d’Enghien-les-Bains, j’avais dans les 14 ans. Ce n’était pas facile pour aller au stade car il fallait aller jusqu’à Gare du Nord. Quand on rentrait du match il ne fallait pas rater le dernier train, puis il fallait remonter à pied. Parfois j’y suis allé avec mon petit scooter. Un jour je me suis décidé à aller en virage. Pas forcément à Boulogne ou Auteuil car Auteuil existait à ce moment-là. Pour être transparent, j’avais une petite appréhension pour aller à Boulogne. Avec la notoriété, ce qui s’était passé… J’osais pas trop.

Donc mon premier match en virage s’est passé à Auteuil. Mais mon premier match à Boulogne c’est PSG vs Arsenal. (Ndlr : 29 mars 1994).

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Et sur ce match, je reste persuadé, et c’est sûrement un fantasme personnel lié au choc, que j’ai vu un anglais mort. A côté de la station Total. Et j’ai toujours pensé, et ce n’est sans doute pas vrai, que ça a été caché. J’ai vu une fight monumentale. Ça partait de partout. J’ai eu peur. J’ai vu cet anglais à terre en train de se faire lyncher, mais vraiment lyncher. Et puis il y a une voiture qui est arrivée et qui a stoppé au feu rouge. 3-4 mecs en sont sortis, chaussures coquées, et ils l’ont fini alors qu’il ne bougeait plus. Je me rappelle de sa tête qui était frappée dans tous les sens par ces mecs, déformée comme une poupée de chiffon… Si ce brave homme est encore vivant, il doit son salut au mec de la station service qui est sorti avec un flingue et qui a tiré en l’air… voilà… Et là je dois me diriger vers Boulogne. Je croise un CRS et je lui demande si c’est dangereux d’aller en tribune. Et là il me dit « Non c’est bon ne t’inquiète pas ». Je me rappelle l’entrée dans la tribune, la peur au ventre mélangée à de l’excitation, le béton du Parc qui tremble, je monte les escaliers et je me retrouve par hasard dans le bloc des Boulogne Boys. Ça reste un sentiment dingue. Ce jour-là je suis piquousé. A partir de ce moment je vais régulièrement au stade sans le dire à mes parents. Et je fais quelques déplacements à Strasbourg ou Caen, pas trop loin, en train avec des mecs plus âgés, que j’avais rencontrés.

Certains anciens t’ont pris sous leur aile ?

Pas au début. Mais à un moment, avec des potes du collège, on a commencé à aller ensemble au Parc. Sauf que eux allaient à Auteuil. Quand j’ai donc commencé à m’investir, ça a commencé à Auteuil. Un soir je me suis retrouvé au niveau des tambours dans le bloc des Lutece Falco. Et je sens que je n’accroche pas. Pas à cause des gars du groupe qui étaient super sympas et dont l’état d’esprit et le délire me parlaient vraiment, mais car personne ne veut vraiment m’intégrer. Pendant une demi-saison je navigue entre Auteuil et Boulogne. Et c’est à Boulogne où l’on a commencé à me donner quelques petites responsabilités. Je me sentais hyper fier de distribuer les tracts d’avant match « La voix des Boys », d’aller vendre le fanzine. Je me rendais utile, j’aimais ça, et là j’ai démarré. Je prends ma première carte des Boulogne Boys en 1996. Je fais pas mal de déplacements avec le groupe et notamment pour la finale de Coupe des Coupes à Bruxelles. Sur ce déplacement c’était une très grosse organisation. Il y avait près de 150 bus affrétés. Je suis parti dans ceux des Boys qui en avaient déjà une dizaine à eux tous seuls. Juste pour les encartés ! C’était un moment important car j’étais Boys, dans le car numéro 1 avec le noyau dur.

(c) Collection personnelle

T’es pas au fond du car mais devant, le fond ce sera pour quelques années après. J’ai sympathisé avec des gars, j’ai fait des rencontres. La preuve en est c’est que certaines de ces personnes que j’ai rencontrés sur ces déplacements sont toujours mes amis. On part en vacances ensemble, on est témoins de mariage les uns des autres. Ça marque une vie. Puis j’ai commencé à prendre de l’importance dans le groupe juste après Bruxelles. C’est là que je prends le méga officiellement. Sur la saison 1996-1997 pour les petits matchs lorsque personne n’a envie de le faire. La première fois c’était un PSG vs Nice tout pourri où il n’y avait pas d’ambiance. Le Capo pose le méga car il est saoulé. Je le prends, je me balade dans la tribune avec, je fais le con, je me sens à l’aise, les gens se marrent et l’ambiance part. Et là on me dit de le refaire occasionnellement. La saison suivante je le prends définitivement et je ne le quitte plus jusqu’en 2005. 8 ans, tous les matchs sauf quand je suis interdit de stade.

Et ce surnom Zavatt, il vient d’où ?

On en revient à cette fameuse finale de Bruxelles. Quand on est parti je portais juste un t-shirt et une veste Boulogne Boys. Je me suis fait chier dessus par un énorme pigeon. Cela m’aura porté bonheur du coup… J’ai dû enlever ma veste et la laisser dans le car. On s’est baladé en ville et j’avais du coup plutôt froid. On est passé devant un magasin de souvenirs… Sur ce genre de déplacement, avec l’effervescence et l’adrénaline, ça nous arrivait de nous servir un petit peu… C’était du libre service. J’ai attrapé un blouson avec une tête de clown dessus. Et quand on faisait les cons dans le bus au retour il y en a un qui, en me voyant faire des pirouettes, m’a dit « Putain Zavatta arrête de faire des conneries »… Zavatta est devenu Zavatt… Tout simplement.

Tu t’intéressais à l’époque au mouvement ultra en Europe, notamment en Italie ou en Angleterre ?

Contrairement à d’autres dans le groupe j’étais plus intéressé par la culture anglaise. Le pub, le rock, les chants profonds à texte faisant souvent référence à l’histoire d’une ville, d’un club, d’une région. Des vrais chants avec de fortes significations. J’étais à la croisée des chemins entre la culture anglaise qui me fascinait, et la culture italienne, plus pour les tifos et la gestuelle. Du coup aux Boys j’étais à ma place car il y avait vraiment ce mix.

Comment définirais-tu les Boys dans le mouvement ultra ?

Pour moi en une phrase, c’est le premier vrai groupe ultra français avec le CU84 (Ndlr : Commando Ultra 84, groupe de supporters de l’Olympique de Marseille, fondé en 1984, qui occupe la partie basse du Virage Sud du Vélodrome). C’est le groupe ultra par excellence. Qui a pris naissance dans une tribune qui n’était pas ultra. Mais qui a voulu animer une tribune qui l’était de façon anglaise, en l’orchestrant différemment avec des bâches, des tifos et des gestuelles. Et de leur naissance jusqu’à leur disparition, ils ont gardé un cap, une vision du supporterisme et en ont rarement dévié. Il y a eu des hauts et des bas, le groupe a failli disparaitre plusieurs fois. Quand je suis arrivé avec toute une nouvelle vague de jeunes qui s’est vu intégrée par plusieurs anciens qui ne voulaient pas laisser tomber le groupe, ça a été une période clé. Je pense que, tous ensemble on a sauvé le groupe à ce moment là.

Pourquoi sauver ?

Ceux qui géraient le groupe avaient déjà un certain âge, près de 40 ans pour certains, dans un Parc des Princes pas très garni à l’époque. Et Boulogne était plus connu pour le côté Boulogne que pour le côté Boulogne Boys. Il y a eu des amalgames qui m’énervent encore aujourd’hui. Il y a eu le PSG vs Metz avec les 150 fumis, des procès, des condamnations, des règlements de compte, un des gars du bureau qui s’était barré avec la caisse. Plus personne ne voulait gérer le groupe. Heureusement qu’il y a eu cette relève et plusieurs anciens aux commandes (mais encore jeunes comparés à ceux qui ont arrêté) qui a voulu faire évoluer le groupe et nous ont tous vite et bien intégrés. Mais la culture de ce groupe est restée la même. En plus d’être capo j’ai été vice-président de l’association. J’ai aussi participé à la rédaction de « Clameur » le fanzine du groupe, pas tout seul bien-sûr. Higgins, L’ancien vice-président du groupe en était vraiment le rédacteur en chef. Il avait aussi géré le site web des Boys où tu pouvais notamment retrouver les compte-rendus de match.

(c) Merry Moraux

Quels sont tes meilleurs souvenirs d’ambiance dans le Kop ?

Déjà mon premier match face à Arsenal bien-sûr. Et le fameux match contre le Real Madrid en 1993. Ça reste un souvenir extraordinaire. On ne pouvait même pas maîtriser l’ambiance. A peine le capo marmonnait dans le méga que le Kop prenait feu. Ça chantait tellement fort que ça te résonnait dans les oreilles. J’avais les oreilles qui sifflaient, en saturation ! Mais en fait je me rends compte et me souviens que pour ce match j’étais allé à Auteuil n’ayant pas eu de place à Boulogne. Mais ce soir-là c’était leu feu partout. De façon un peu plus récente il y a aussi eu PSG vs Bucarest (Ndlr : 27 aout 1997). Je suis au méga, ou plutôt à la sono, sur ce match et beaucoup de gens m’ont envié. J’ai été avec le micro pendant 4 heures. On a commencé une heure et demie avant le match et je n’avais jamais ressenti une telle ferveur. A peine je lançais quelque chose dans le micro que les 6.000 personnes de la tribune reprenaient à l’unisson avec une puissance vocale que je n’avais jamais entendue. On a chanté fort comme jamais. Le Kop était plein, Auteuil aussi, deux heures avant le match. Je n’ai plus eu de voix pendant une semaine et quand je suis rentré chez moi, mes oreilles sifflaient tellement que je n’entendais plus rien. Impossible de dormir cette nuit-là, entre l’excitation qui ne retombait pas, le fait de ressasser toutes ces images incroyables, sans oublier ce bourdonnement interminable dans mes tympans. En tant que capo, ce match-là, celui contre le Steaua, celui contre Liverpool en 97, et celui où on prive Marseille du titre en 99 ou celui de 2008 où on évite la relégation, ça reste mes plus beaux souvenirs. Pour te dire à quel point la passion peut te rendre maboule… Le PSG vs. Liverpool de 97 (Ndlr : 10 avril 1997), j’ai 19 ans, je suis au ski. Le match est un jeudi soir. Je ski jusqu’à midi, je monte au Parc en caisse, je suis au méga avec les anciens capo, « on vient on gagne et on s’en va », 3-0, je reprends la bagnole, j’arrive à 6H du mat, à 9H suis sur les pistes… On avait la santé.

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Tu as été à Anfield aussi ?

Oui. Un de mes plus beaux souvenirs de déplacement. L’avant-match extraordinaire avec l’accueil des anglais. La fight qu’il y a eu aussi… Et l’ambiance dans le stade. On se qualifie en perdant 2-0. Anfield était chaud bouillant. On a dû vivre une des plus belles ambiances à Anfield tout en se qualifiant. On gagnait sur tous les tableaux.

Pour revenir sur l’histoire de la tribune Boulogne, étiez-vous le seul groupe revendiqué ultra ?

Oui. Après il y avait aussi les Rangers et les Gavroches. Mais si on doit faire une échelle de l’ultra, les Boys étaient à 10 là où les Gavroches ou les Rangers étaient à 6. En fait ils cochaient certaines cases du mouvement ultra, mais aussi de la mouvance « Indep’ ». Ils étaient à cheval entre les deux. Car dans les « indep’s », il y avait de tout. Ils étaient vraiment au centre de toutes les mouvances dans la tribune. Pour le reste de la tribune, entre les indeps et les hools, la majorité d’entre eux étaient de vrais amoureux du club. Alors certains aimaient se taper mais ils ne venaient pas pour ça au stade. Ils étaient vraiment amoureux de leurs couleurs. Ils ne chantaient pas forcément et ne faisaient pas de tifo car ils avaient cette culture anglaise, mais je les respectais vraiment pour cet amour. En tout cas certains de nos tifos réalisés sur toute la tribune nécessitaient qu’ils acceptent de lever les feuilles ou de tendre les voiles et cela se passait régulièrement dans de bonnes conditions.

Tes tifos préférés en K.O.B (Ndlr : Kop Of Boulogne) ?

Question difficile. Allez il y en a 3. Déjà celui pour les 15 ans des Boys. Puis des 20 ans des Boys car il y a eu énormément d’animations différentes tout au long du match (avant-match, mi-temps, pendant le match…) Et celui contre Metz avec l’Arc de Triomphe. On avait d’ailleurs ressorti la voile pour un PSG vs Marseille uniquement en cas de victoire. C’était en 2002. Avec une banderole qui l’accompagnait « L’heure du triomphe a sonné » et avec le drapeau français qui s’agitait en dessous. Ça n’avait rien à voir avec la réputation de Boulogne et les interprétations qui en ont été faites, ou ce que l’on avait pu entendremais c’était le vrai symbole de l’Arc de Triomphe avec son grand drapeau qui flotte en dessous lors des moments clés de notre histoire et des commémorations. Celui de la République. On a mis 8 mois à préparer ce tifo. Tout a été peint à la main et c’est la première fois qu’un groupe du Parc utilisait le toit et des cordes pour tendre à la verticale une voile faite maison.

(c) Panoramic

C’était difficile d’animer toute la tribune pour toi ?

Oui car à la base le K.O.B  n’est pas une tribune ultra à proprement parler. Les Boys étaient respectés mais pas par tout le monde. Pour faire l’unanimité, il fallait avoir un discours intelligent et adapté à tout le monde. Le fait que j’avais un vrai respect pour la tribune Boulogne m’a aidé car ça se ressentait. Des « indeps », des Rangers ou des Gavroches me l’ont dit : « Quand tu prends le méga tu n’es pas considéré comme un Boys, mais comme un ultra de la tribune Boulogne ». Ça s’est bien passé. Il m’est même arrivé de me déplacer dans la tribune lors des soirées où l’ambiance était compliquée, de ne pas rester au centre du noyau Boys pour me coller aux autres groupes. Alors oui j’ai aussi pris des noms d’oiseaux, on m’a mal regardé, on m’a insulté, mais je suis resté debout et j’ai continué. Ma plus grande satisfaction était de mettre l’ambiance dans toute la tribune. Mon groupe c’était les Boys mais l’important ce n’était pas que ce soit uniquement les Boys qui mettent l’ambiance. Il fallait une tribune en fusion.

Comment vivais-tu les critiques faites à l’encontre des Boulogne Boys ?

Je les comprenais. Il y a eu des quiproquos, des malentendus, le jeu des medias. Le point de départ, c’est que dans le nom du groupe il y avait Boulogne. Du coup les gens qui voyaient ça de loin confondaient Boulogne Boys et Kop de Boulogne. Dès lors qu’il y avait des prises de position, des mouvements ou comportements dans cette tribune c’était directement associé aux Boys. Moi je savais ce que faisait le groupe, sa philosophie, je vivais avec. Je dis pas que 100% des gens du groupe étaient parfaits. Mais à minima je savais que la totalité des messages officiels du groupe correspondait à mes valeurs. Le groupe était apolitique et nous le rappelions régulièrement. Le milieu ultra le savait et le sait encore. Alors ce n’était pas simple tous les jours mais ce qui me blessait c’est que certains n’ont jamais compris que si les Boys n’avaient pas été là, seul le côté radicalisé de la tribune aurait pu prendre le dessus. C’était à cette époque-là plus facile de quitter le K.O.B que de rester et de se battre pour cette ligne directrice et la maintenir.

Il est vrai que vous étiez parfois ceux qui étaient les plus emmerdés par les supporters les plus violents du K.O.B ?

C’est vrai. On pouvait se faire emmerder par certains « indeps » mais en même temps il ne fallait pas toucher aux Boys. C’est là où c’était paradoxal. On était les casse-couilles de la tribune car par moments on était trop dans notre délire ultra. On voulait faire le spectacle en tribune. Les « indeps » par définition ne veulent pas qu’un mec, un capo, vienne leur donner des ordres et je le comprends. Ils veulent supporter comme ils ont envie. Ça je le respecte, c’est dans la culture anglaise. Or, les ultras c’était Auteuil, alors cela arrivait qu’une infime partie nous fasse comprendre que le mega et les tabours c’était en face. Mais notre tribune c’était Boulogne et ce Bloc B3 bleu. Mais oui, cela n’était pas tout le temps facile et il y a eu des moments de tension, voire de menaces avec certains. Mais il fallait soit faire avec, soit quitter la tribune…

Comment tu vivais l’essor du Virage Auteuil ?

Je l’ai très bien vécu, au contraire. En même temps, quand je suis devenu actif aux Boys, Auteuil était déjà bien en place et avait quand même acquis sa réputation de tribune Ultra. Ça m’a motivé à faire encore plus pour mon groupe, car il y avait forcément une petite forme de compétition. Et comme dans toute compétition, tu veux faire mieux que l’autre. Donc cela ne pouvait qu’être bénéfique pour tout le mouvement ultra parisien. C’est ce que je pensais en tout cas. Il y avait quand même un respect mutuel à l’époque, notamment avec les Lutece Falco mais pas que. Egalement avec certains groupes, et les Tigris toute première génération, il y a eu plus qu’une entente, certes éphémère, mais quand même. Lors des déplacements, il y avait des rapprochements, des soirées en commun entre certains des deux groupes. Je me souviens d’un dep’ à Guingamp où les Lutece et les Boys étaient ensemble. Il y avait des potes des deux côtés. Aldo des Lutece était pote avec des Boys. Pas de soucis. Alors oui il y a eu des moqueries, de la jalousie car le club a aidé financièrement et a poussé pour monter le Virage Auteuil. Certains considéraient qu’Auteuil n’existait pas avant, quand le stade était en grande partie vide, qu’ils n’avaient pas été là dans les galères, qu’ils étaient nés pendant l’ère Canal+, une ère favorable. Sauf que 10 ans après leur création ils étaient parfaitement légitimes, autant que nous. Tout a un début, chacun a eu le droit de s’exprimer. Franchement. Et les Boys ont connu leur deuxième essor un peu grâce à ça, à la fin des années 90. On a atteint près de 1000 personnes encartées aux Boys. Peu de groupes ont atteint ce chiffre. Ça nous a rendu encore plus forts.

PSG vs ASSE 2000/2001 (c) Collection personnelle

Vous répondiez aux chants d’Auteuil ?

Ce n’est pas qu’on répondait, mais le fameux échange « Allez Paris » entre les deux tribunes, il vient de nous. Je crois que c’était lors d’un PSG vs Marseille. A l’époque on n’a pas les technologies d’aujourd’hui. On n’a pas les téléphones ni les Talkies. Avant le match je vais voir Gilles alias MacMega (Ndlr : Capo des Lutece Falco) et je lui dis « Ecoute je voudrais qu’on essaye un truc. Le chant Allez Paris, Paris est magique, j’aimerais qu’on se le réponde. Si tu me le permets, j’aimerais le lancer vu que j’en suis à l’initiative ». Gilles a été d’accord tout de suite. On a choisi un moment dans le match. On a trouvé un signal où on agitait un drapeau, où il me répondait avec un autre drapeau pour me dire qu’il avait compris. On faisait tribune morte, silence, et là on a enchainé le truc. Ça a marché du premier coup. Une jouissance. Le stade qui applaudit, les tribunes qui applaudissent… A chaque fois je retourne au Parc et que je l’entends… Ça me fait un truc. J’en parle même à mes filles. Ça me rend nostalgique. Mais il y a un truc qui est resté, il y a une âme qui est là, malgré tout ce qui s’est passé après. Ça a marqué les consciences. Mais tu sais quoi, je rêve d’un truc. Peut être que je ne le ferai jamais. Un jour j’irai à Boulogne, j’irai au milieu du petit groupe que je vois en train d’essayer de se monter. Je leur dirai « Ok les gars c’est pas mal ce que vous faites mais maintenant on va le faire bien. Je vais vous montrer. » Je prends 10 min. de mon temps et j’essaie. Je me remets debout sur une barrière, tant que toute la tribune n’est pas debout il ne se passera rien, je ne lâcherai rien et là on lance un chant, juste un. Si le chant part, c’est bon je peux m’en aller. Mais bon, cela reste un rêve je pense…

Revenons sur la légende des Boulogne Boys. Raconte-nous l’histoire du vol de bâche des Bordelais qui est considéré comme mythique dans le monde ultra français.

Il y a une vraie genèse à cette histoire. Tout commence sur un match de Coupe de France bien pourri en semaine à Pau. Une dizaine de Boys, même pas, descendent. A la fin du match, le bureau des Boys retourne à la voiture avec la bâche, et là, guet-apens… Ils se retrouvent face une bonne dizaine d’Ultras Marine (Ndlr : groupe ultra de Bordeaux) armés. Et ils se font lynchés. Nicolas, le président des Boys, qu’on appelait Nicochef, en faisait partie. Il était non violent, n’était pas un haineux, un vrai ultra à qui le groupe doit beaucoup. Pas un leader dans l’âme, mais avec une volonté de sauver le groupe à l’époque. Utilisant l’art de l’organisation et de la gestion d’une entité juridique. Ce qui imposait le fait d’avoir de fortes responsabilités. Bref une crème et une des personnes les plus importantes que le groupe ait connu. Les Boys c’était toute sa vie. Malgré la violence de l’attaque, il n’a pas voulu lâcher la bâche. Il a fini par céder au bout d’un moment. Doudou, qui était dans le bureau des Boys et qui était l’artiste qui dessinait nos tifos en faisait aussi partie. C’est à ce moment-là que les Ultras Marines sont devenus la haine des Boys, bien avant tout autre groupe de tout autre club.

Lors du match contre Bordeaux au Parc des Princes qui a suivi cet incident, on attendait tous que les bordelais sortent la bâche. On avait tout préparé pour les attaquer avant le match, pour attaquer le parcage, les bus, mais ils n’ont jamais eu les couilles de la sortir. Par contre ils ont sorti une bâche avec écrit dessus « Les Boys on les vole, les Girls on les viole ». Ce qui m’a rendu complètement dingue. Ce jour-là j’ai pété un câble en tribune. A posteriori je ne me reconnaissais plus. A l’époque, j’avais des proches actives aux Girls. Messieurs les bordelais, ce soir là, ça n’est pas passé. Pour la première fois de ma vie je suis devenu violent. Il n’y avait plus rien d’autre qui comptait que de me venger. J’ai laissé mon cerveau dans le vestiaire. C’était plus qu’un bout de tissu. On s’était fait agresser, humilier, insulter et surtout dans des conditions contraires aux règles et respect du mouvement Ultra. Trop facile et sans aucun honneur !

Lors du déplacement suivant à Bordeaux, c’est le match où Jay-Jay Okocha met son but de dingue (Ndlr : 8 août 1998). Mais c’est le premier match de la saison. On voulait absolument monter une opération là-bas mais vas-y pour mobiliser les troupes en plein été. Alors on a pris le listing des adhérents. Il n’y avait pas les réseaux sociaux à l’époque. On les a tous appelés un à un méthodiquement pour leur demander de descendre à Bordeaux. On a fini par réunir une quarantaine de Boys avec comme mission : récupérer la bâche. C’était ambitieux. Mais on avait réussi à récupérer l’adresse du photographe des Ultras Marine. Je ne sais plus comment. Il avait pris lui-même une photo de notre bâche. On se dit que c’est peut être lui qui a la bâche. On part à Bordeaux la veille. Malheureusement des « indeps » étaient arrivés avant nous la veille et avaient retourné Bordeaux. Ils avaient été dans le pub des bordelais où ça a dégénéré. Du coup la ville était en état de siège. Ça a compliqué notre plan, mais le ton était déjà donné. Quand bien même on se dirige à l’adresse indiquée… Et c’était une caserne de pompiers ! C’était un pompier putain ! Autant te dire que c’était mort. Lendemain jour de match. On traîne dans Bordeaux.

Parcage Boys à Bordeaux (c) Collection personnelle

Et là on est au Mac Do. Les bordelais nous envoient des lapins. Pour ceux qui ne connaissent pas cette technique bordelaise, ça consiste à envoyer des mecs qui viennent te chauffer. On est une cinquantaine de gars et on les repère. Ils nous chauffent avec leur look d’Ultras Marine ! Nous, plus de cerveau, on se jette dans la gueule du loup. On les course, on part de la Place de la Victoire, puis dans des petites rues qui mènent à leur local. Ils sont une trentaine armés de barres de fer devant leur local. J’ai encore l’image du match au Parc. Ça chauffe, ni une, ni deux on charge. Et pourtant encore une fois je ne suis pas quelqu’un de violent. Sauf que là c’est un contexte particulier.

La porte du local s’ouvre et là ils sont une petite centaine ! Demi-tour, ils nous chargent. Les troupes s’arrêtent et le leader des Ultras Marine s’avance. Je m’avance. Il était bien plus balaise et violent que moi. Et il me dit « Zavatt c’est toi et moi ». Je lui dis « OK, mais si je te défonce tu rends la bâche. Et même si tu me bats, je te promets tu vas quand même prendre des coups ». Je n’étais plus moi-même. A ce moment là, ces enculés de bordelais, et il n’y a pas d’autres mots, ont fait le tour en petit groupe par derrière, car on était sur un croisement. Ils voulaient me prendre à revers et m’emmener dans leur local. A ce moment là, des Boys ont vu la manœuvre. C’est reparti en baston. Et vu le nombre on s’est barré et on s’est quand même bien fait bouger et certains ont pris pas mal de coups. C’était tôt le matin. L’après midi, tous les parisiens se sont réunis Place de la Victoire. Cette fois-ci on était à nombre égal. C’est reparti en bagarre, et là les bordelais se sont faits défoncer. Mais on n’a jamais récupéré la bâche.

Maintenant le bouquet final. On savait qu’on ne récupérerait jamais notre bâche. Donc il fallait qu’on leur fasse la même chose mais en les humiliant. Sans leur faire un coup de pute même si on a essayé notamment à Auxerre lors d’un déplacement des girondins. On était une cinquantaine de Boys mais ils se sont bien défendus et on n’a pas réussi à choper la bâche principale, juste quelques bâches de sections. Ils ont compris là qu’on ne lâcherait pas. Jamais. Dès qu’ils étaient à portée de distance de Paris ils faisaient très très attention. Sauf qu’ils ne se doutaient pas qu’on le ferait chez nous, au nez et à la barbe de tout le monde.

On a organisé un petit commando. A peine une dizaine de gars. Personne n’était au courant à part cette équipe et le bureau des Boys. Il fallait qu’on soit discret. On a préparé notre plan qui consistait à pouvoir descendre dans la fosse de la tribune F (Ndlr : ancienne tribune des visiteurs) lors du match au Parc face aux Girondins. On devait prendre leur bâche et repartir comme si de rien n’était. Et c’est ce qui s’est passé. Sauf que ça s’est déroulé encore mieux que prévu car on a pu déployer la bâche volée en tribune Boulogne en leur montrant nos culs, alors qu’ils la cherchaient encore. Ce qui est important de souligner c’est que les bordelais sont encore persuadés aujourd’hui qu’on a agi avec la complicité du club et de la sécurité, ce qui est complètement faux !

(c) Collection personnelle

Voici comment ça s’est passé car j’ai fait partie du commando. On devait passer par les coursives du Parc pour rejoindre la tribune F. Pour cela il fallait pouvoir ouvrir les portes qui séparaient Boulogne de la Présidentielle. Ces portes étaient aimantées et cadenassées avec de grosses chaînes. Comme on avait accès au Parc la semaine pour préparer les tifos, on a pété les chaines en question. On les a remplacées la veille de la rencontre par des nouvelles qu’on avait achetées et pour lesquelles on avait les clés. On a mis de la graisse sur les aimants car les jours de non match elles n’étaient pas aimantées. Et surtout on a pris contact avec les leaders des Tigris et des Lutece Falco, qui se trouvaient placés au Parc le plus près de la tribune visiteur. On ne leur a pas dit le but de la manoeuvre.

Mais le jour du match on leur a demandé qu’au moment où ils verraient un drapeau spécifique agité dans le bloc Boys à la mi-temps, il fallait qu’ils chauffent les bordelais et qu’ils leur balancent des trucs sur la gueule. C’était une diversion. Ils leur ont envoyé des bombes à eau, ils sont montés sur les grilles pour les chauffer, sans violence pour que la Police n’intervienne pas. Donc à la mi-temps, on est calmement et discrètement passé dans la tribune présidentielle malgré la résistance de cette porte que l’on a vite refermée pour éviter que trop de personnes qui nous avaient vus nous suivent et fassent échouer l’opération.

Petite anecdote, on est passé devant la buvette où on a vu les RG (Ndlr : Renseignements généraux de la Police) en train de prendre un café, mais ils ne nous ont pas vus. On est arrivé et on a descendu la tribune E pour longer la tribune F. On a forcé le passage avec les stadiers qui nous demandaient nos billets. On était en chemise et casquette pour ne pas se faire repérer. Les Boys en tribune nous ont repérés et ont agité le fameux drapeau au bon moment. Auteuil a donc joué le jeu et là je me suis dis : il faut y aller. Fallait pas trop réfléchir, même si le moment de réflexion avant de sauter m’a paru une éternité. J’y vais, j’y vais pas. J’ai le cœur qui bat à 10.000. On a vu que les bordelais étaient accaparés par Auteuil. On est trois ou quatre à avoir sauté dans la fosse. Un jeune Boys et un mec des Cigognes (Ndlr : groupe indépendant de Boulogne) qui n’était pas prévu dans le plan mais qui avait flairé le coup ! Je me suis retrouvé dans la fosse. J’ai vu la bâche au-dessus de moi et je l’ai décrochée avec le mec en tirant un grand coup dessus et elle est vite venue car elle était juste scotchée. On a aussi essayé d’aller prendre celle des Devils un peu plus loin, mais on commençait à être repérés et les gars la tenaient mieux.

Le plan était que les 2, 3 personnes qui sautaient dans la fosse tirent la bâche et les autres au-dessus du muret devaient la prendre et la rouler. Tout s’est déroulé comme prévu sans que personne ne voit rien. Sauf que les bordelais nous ont finalement repéré dans la fosse. Ils nous ont balancé tout un tas de trucs mais personne des leurs n’est descendu sinon c’était le carnage. Je pense que dans l’adrénaline et comme ils n’étaient pas chez eux ils n’ont pas osé descendre. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi ils n’ont pas sauté. Tant mieux pour nous. Du coup je pars en courant et je me retrouve au pied de la corbeille présidentielle. Tout au bout ! Et je vois enfin une main qui se tend bien plus en arrière, c’était un jeune Boys qui devait justement me remonter. Dans un moment comme ça, on perd vite tous ses repères et tout va très vite. On se barre, on repasse par les coursives, on repasse devant les RG qui étaient toujours à leur café, car tout ça s’est passé en 5 min.

On décide de sortir du stade par la tribune présidentielle. On revient à Boulogne. Les stadiers ne voulaient pas nous faire passer. On était 4. Pas de problème, je peux te dire qu’on est passé. On revient dans la tribune, et quand les gars nous ont vu revenir, car ils avaient vu ce qui s’était passé… un truc de maboule ! Explosion de joie. Sauf qu’on ne savait pas où était le mec qui avait la bâche avec lui. Finalement il arrive. Je crois qu’il s’appelait Matthieu. C’était un petit jeune. Je le vois avec son manteau avec une énorme boule. Il me regarde en souriant et me fait un signe de la tête. Enorme jouissance.

Zavatt Boulogne Boys Virage PSG
La bâche des UM87 dans le bloc des Boys. Zavatt est positionné au dessus du L. (c) Collection personnelle

On attend que le match reprenne et on déploie leur bâche sur le parapet à l’envers. Avec une rangée de Boulogne Boys cul nu assis dessus… Avec tout le Virage qui se met à chanter, avec Auteuil « Et elle est où, Et elle est où la bâche Ultra ». Auteuil répond « A Boulogne, à Boulogne, à Boulogne… ». Le lendemain on a appelé le local des Ultras Marine en se faisant passer pour la Police. On leur a dit « Police du 16ème arrondissement de Paris, je crois qu’on a récupéré quelque-chose qui vous appartient ». C’était une fille au téléphone et on l’entend hurler « Christophe ! Christophe, ils ont récupéré la bâche ! ». Le type répond et on lui dit « Bonjour c’est le teinturier du quartier qui nous l’a rendu, ce sont les Boulogne Boys qui lui ont confié, il l’a nettoyé à sec, et vous pouvez vous la mettre dans le cul ». Petit chambrage…

Déplacement d’après à Bordeaux. On avait décidé de rentrer avec la bâche et de la brûler dans leur stade. On a réussi à la rentrer. A la mi-temps on sort la leur, on craque une rangée de fumis et on met le feu à la bâche. De source sûre et véridique on a vu des gens du bureau des Ultras Marine pleurer en voyant ce que nous faisions.

Mais ça ne s’arrête pas encore là. Déplacement suivant, on avait donc volé et brûlé la bâche. Mais on s’était pas mis sur la gueule. Les bordelais c’était vraiment devenu notre ennemi et là il pouvait y avoir de la violence. On est parti la veille du match, de Paris dans un double bus accordéon de 100 places. On avait sélectionné ceux qui monteraient dans le bus. Et on avait prévenu personne d’autres. Ceux qui étaient là savaient pourquoi ils partaient. Ce n’était pas forcément des violents de nature mais ils étaient déterminés. Pas d’enfants, pas ou peu de femmes. On a chauffé le bus toute la nuit, pendant les 8 heures de route. Et au matin, à l’arrivée, c’était des chiens enragés ! On a garé le bus, on est parti à pied au stade Lescure.

On savait que les Ultras Marine arrivaient le matin au stade pour préparer leurs tifos à une entrée précise. On était tous disséminés autour de stade par groupe de 3-4. Certains faisaient la garde. On les a vu arriver. Ils étaient une cinquantaine. Et là il y a eu une vraie bonne fight qui a du durer une ou deux minutes. Et je peux te dire que c’est long. C’est parti très haut et j’ai eu peur qu’il y ait un dérapage. A un moment donné j’ai dit stop, on les laisse, on s’en va. Il y avait des mecs à terre parmi lesquels le leader des Ultras Marine dont je vous ai parlé tout à l’heure. Je pense que j’ai fait un transfert et que j’ai vu l’image de cet anglais avant PSG vs Arsenal. J’ai eu peur pour lui et je me suis interposé, je l’ai relevé. Ils sont rentrés dans le stade, ils ont fermé les portes et on est parti. Certains parmi les Boys m’ont reproché d’avoir arrêté le truc mais j’ai eu peur du drame.

Tu assumes à 100% tout ce qui s’est passé ?

Oui. Tout ceci fait partie du monde ultra. Même si ce n’est pas la finalité du mouvement. Mais ça peut arriver dans des circonstances précises. Tu vois, quand aujourd’hui je vais à Marseille, je discute avec les marseillais, on se chambre, on se marre. Bon je ne vais pas au local du CU84, je ne suis pas idiot mais ça se passe bien. Par contre les bordelais, c’était parenthèse « violence ».

Zavvat Boulogne Boys Virage PSG

NB : L’interview a été réalisée avec le concours de Fred Ramel


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Sinik

SINIK fait presque figure de vétéran en 2019 avec déjà 15 ans de carrière et plus de 800 concerts à son actif. Il revient sur le devant de la scène avec « INVINCIBLE »,
son 7ème album et a accepté de répondre à nos questions vu que le football,
et le PSG en particulier, font partie intégrante de sa vie depuis toujours.


Pourquoi revenir sur la scène alors que tu avais annoncé ta retraite ? Tu nous fais une « Zidane », un truc de Kabyle ?

C’est la malédiction des chauves aux yeux verts ! Les grands retours. En vrai c’est la passion, comme Zizou, c’est aussi ça qui l’a fait revenir. Les gens, leur motivation, les rencontres. Donc l’envie de revenir, de se faire plaisir. Il y a eu un long travail car un album c’est plus d’un an de studio. Et puis ça c’est fait en deux temps. Déjà fin novembre 2017 j’ai sorti un petit projet digital qui s’appelait Drône, avec 7 morceaux uniquement disponibles sur les plateformes. C’était une manière de prendre la température. C’était un premier pas de fait en studio. Ça nous a permis de refaire une tournée en France et au Canada. On a récupéré de l’énergie, repris contact avec les gens. Ça a été au delà de nos espérances. Et ça s’est donc enchainé avec ce nouvel album car la motivation était au maximum.

Invincible pourquoi ? C’était avant la défaite au Parc OL ?

J’aurais vraiment aimé te dire qu’on allait faire une saison d’invincible en ligue 1. Pour parler foot et PSG, ça me tenait vraiment à coeur. Maintenant me concernant, ce n’est vraiment pas une question d’égo. On a traversé toutes les époques. Quand on a commencé le rap, c’était vraiment différent d’aujourd’hui. On est toujours là, on fait nos tournées, on développe nos projets et nos artistes. C’est plus ça, le fait d’avoir survécu à tout.

Quand tu dis « on », tu parles de qui ?

Je dis toujours « on » quand je parle de moi car c’est un travail d’équipe. Je m’imagine en studio avec Jay Carré mon DJ, Doums aux manettes, avec mon entourage : La Vista, John Café… On réfléchit, on écoute, on valide à plusieurs.

7ème album comme les 7 titres de champion du PSG. Tu l’as fait exprès avoue ?

Ouais c’était un petit clin d’oeil, exactement (rire).

Interview Sinik Virage PSG
L’assassin est de retour

Tu viens des Ulis. Pas de déception de ne voir aucun joueur du coin au PSG ?

C’est un peu le problème des jeunes issus de la région parisienne. Bizarrement le PSG est le club le plus difficile à atteindre pour eux. C’est ce qu’on a souvent reproché au PSG. Le premier club qui devrait centraliser tous ces talents disponibles en Île de France ça devrait être le PSG. C’est quelque-chose qu’ils ont toujours du mal à mettre en place et c’est parfaitement incompréhensible. C’est illogique surtout avec le pouvoir d’attraction du club aujourd’hui. Tous les jeunes devraient passer avant par chez nous. Et pas ailleurs.

En parlant des Ulis, Patrice Evra en est originaire. Tu n’as pas été déçu par sa communication ces derniers temps ?

Je suis un peu partagé car je connais bien Patrice. C’est pas ce qui le représente le mieux. J’ai un peu de mal à comprendre sa réaction et les videos publiées. Je pense qu’il a été touché par la réaction du PSG ou d’autres suite à son comportement en tribune. Tout ceci est carrément super excessif. En tant que supporter du PSG ça me touche, et je ne valide absolument pas ses propos. C’est complètement déplacé.

Tu nous reçois aujourd’hui dans ton salon de tatouage. C’est une autre de tes passions ?

A la base tout est parti d’une passion. Je ne suis pas tatoueur, mais déjà petit j’étais impressionné par les dessins réalisés sur la peau. Quand je vois ce que font mes gars, ça m’épate encore aujourd’hui, 3 ans après l’ouverture du salon. J’ai été au bout de mon idée. J’ai ouvert mon truc, c’est mon bébé, j’ai tout créé moi même et je suis fier de la réussite du projet.

Découvrez le site du salon WATCH MY TATTOO en cliquant ICI

Toi même, tu as un tatouage lié au club ?

Interview Sinik Virage PSG
« On a Paris dans la peau »

Oui effectivement. Il est là sur ma main. Il est assez discret. C’est juste une partie du logo du PSG. Et le 91, c’est pour l’Essonne. Si tu regardes ma main, tu sais d’où je viens.

Dans ton album tu fais référence à Adrien Rabiot, comme un vrai titi parisien… Pas dégoûté de ces lyrics avec sa situation actuelle ?

C’est super que tu me parles de ça car ça va me permettre de rectifier quelque chose d’important à ce sujet. Quand tu fais un album tu es obligé de le rendre plusieurs mois à l’avance. L’album a été bouclé une semaine avant que les histoires avec Rabiot n’explosent, sa mise à pied etc… Aujourd’hui je ne pense pas grand chose de bien de ce garçon. Comme tous les supporters je me sens un petit peu trahi. Encore plus car je l’appréciais. Car c’est un titi parisien, un jeune qu’on a fait monter, qui a réussi. Et il nous a un peu craché à la gueule en fait. Que tout le monde sâche que si j’avais pu biper son nom, je l’aurais fait si j’avais eu le temps.

 

Pour faire un parallèle avec la musique, tu penses qu’un jeune artiste comme un jeune joueur doit avoir un bon manager pour réussir ?

Bien-sur. Sa mère va devoir arrêter de communiquer, ça va vraiment devenir un handicap pour lui. A chaque fois qu’elle parle, en vrai elle l’enfonce un peu plus. Elle le conforte dans cette image que le grand public a de lui : un fils à maman. Elle se permet de critiquer Neymar. Quand Rabiot aura le niveau de Neymar peut être qu’il aura le droit d’aller en boîte ou d’aller à Rio faire la fête. Certes on excuse pas tout mais ce n’est pas le même calibre, il faut rester les pieds sur terre. On sent une sorte de prétention dans son clan. Comme si Rabiot c’était digne d’un Rakitić, d’un grand milieu de terrain. C’est juste un jeune, qui en plus a été irrégulier au PSG. On se souvient de son match à Madrid où il marchait sur le terrain. Il devrait se re-concentrer un peu.

Tu es supporter du PSG depuis quand et pourquoi ?

Depuis longtemps mais quand tu es jeune tu es moins assidu. Tu suis le foot mais tu as moins cette appartenance. La première fois que j’ai été au Parc c’était en 1988. C’était un PSG Auxerre, avec un score de un partout, et Bats et Martini dans les buts. (ndlr : 14 mai 1988) C’est mon premier souvenir au Parc. C’était jour de fête pour moi.  J’avais intérêt à bien bosser à l’école  toute la semaine pour avoir le droit d’y aller. Mon père avait parfois des places pour aller voir le PSG. J’y suis donc allé avec lui. C’est un peu cliché mais voilà. Je suis issu d’une famille de footeux. Mon père avait 5 frères, ils jouaient tous au foot. J’ai grandi là-dedans. J’ai commencé le foot à 6 ans. On était tous des passionnés. Et puis étant né dans le 14ème à Paris, mon père étant aussi un pur parisien, voilà, le virus il te prend comme ça. Je me souviens que lors de ce premier match j’ai passé la moitié du temps à regarder les tribunes, à apprécier l’ambiance. C’était l’époque où tout le monde montait et descendait du Virage lors d’un penalty, c’était l’anarchie. J’aimais ce bordel organisé. Tu quittes jamais ce truc là après.

Tu as déjà été carté dans un groupe de supporters ?

Non jamais bizarrement. Je n’ai jamais été abonné. J’ai toujours aimé prendre ma place dans un coin du stade. Je crois que j’ai fait toutes les tribunes à part Boulogne. En bas comme en haut, Auteuil, les latérales. J’ai même fait le commissariat du Parc… Et c’est ça que j’aimais bien, changer d’endroit à chaque fois. Je vais toujours au Parc aujourd’hui, de temps en temps, toujours en indépendant, c’est ma manière à moi d’y aller. De toute façon j’ai trop de choses à faire pour m’abonner. Je ne pourrai pas aller à tous les matchs.

Y a un match qui t’a marqué en particulier au Parc  ?

Je peux t’en citer plein. Il y en a qui m’ont traumatisé. Le 6-1, pas celui contre le Barça mais celui contre la Juve au Parc. (Ndlr : 15 janvier 1997). On s’était fait gifler. Je me souviens aussi d’une victoire à Marseille avec Hoarau. (Ndlr : 26 octobre 2008) On sortait d’une saison dramatique où on a failli descendre en ligue 2. Tu peux pas imaginer comme ce match là m’a rendu heureux. J’avais l’impression de revivre. Je suis reconnaissant de cette génération Hoarau, Erding, Sessegnon, Makélélé, Rothen car ils nous ont fait franchir un petit cap alors qu’on venait de sortir de l’enfer. On était pas encore un très grand club mais on venait de tellement bas que taper Marseille au Vélodrome c’était magnifique. J’aurais aussi pu aussi te parler de l’époque de Ronnie avec le 3-0 chez eux.

Interview Sinik Virage PSG
Guillaume le Conquérant (c) Panoramic
Cliquez ICI pour voir le résumé de OM-PSG du 26 octobre 2008

Un joueur que tu citerais parmi tous ceux qui tu as vu évoluer au PSG ?

J’avais le poster de Weah dans ma chambre… J’étais fan de Weah. A la base j’ai toujours joué 9 et j’ai pratiqué le football 20 ans en club. Tu t’identifies au mec qui joue au même poste que toi. George c’était la grande classe. J’ai toujours aimé les mecs qui inventaient un dribble. C’était la première fois que je voyais cette espèce de virgule qu’il faisait, et puis le but contre Oliver Kahn à Münich… C’était un crack.

Parlons des choses qui fâchent, MANCHESTER UNITED. Tu as vécu où et comment ce match retour ?

J’étais tout seul à la maison. Égoïstement. Je ne voulais pas être dérangé. Je sentais que ça pouvait mal se passer alors je ne voulais pas assumer des gens chez moi. Je l’ai très mal vécu. Au bout de 2 minutes on sabote 50% de notre avance. Y a des matchs comme ça où tu sens que rien ne va. Mbappé qui bafouille son football, on n’était pas spécialement dangereux, Buffon qui se rate… Tu le sens à 10 min. de la fin que ce troisième but peut arriver mais en même temps tu n’es pas inquiet car il n’y a rien en face. Mais le scénario du penalty… Même dans un cauchemar je n’aurais pas pu l’imaginer. Cette frappe qui partait dans la tribune qui se transforme en penalty… l’arbitrage vidéo pendant 3 minutes pour nous mettre un péno à la dernière minute, tu ne pouvais pas faire pire, TU NE POUVAIS PAS FAIRE PIRE ! Il n’y a qu’à nous que ça arrive. On mérite de se faire chambrer.

Que faudrait-il changer dans cette équipe pour aller plus loin en Europe ?

Je ne pourrais pas te dire quel joueur il faudrait car c’est de la voyance mais il faudrait prendre 2-3 joueurs, pas forcément des gros calibres, mais avec de la grinta. C’est le boulot qu’on a voulu donner à Dani Alvès mais je le sens fatigué. Il nous manque des chiens. J’ai vu trop de suffisance au match retour. Ce n’est pas normal que nos joueurs n’aient pas eu la bave aux lèvres. Tu joues un 8ème retour dans un Parc plein. Il manque cette envie de plier les matchs. Il y a des joueurs qui arrivent à transmettre ce genre de truc. Ça manque de caractère pour moi.

Puisqu’on parle de caractère, tu penses que Thomas Tuchel est le producteur de nos futurs hits.

Je pense qu’il faut lui faire confiance. Je ne vais pas te mentir, je ne le connaissais pas spécialement quand il est arrivé. Il est fort tactiquement. Il s’adapte très très vite. Emery changeait une ou deux fois son schéma dans le match. Tuchel est beaucoup plus réactif. Il a une bonne façon de manager. Ses joueurs l’apprécient. Mais il faut lui donner des munitions. Cette année il a fait du bricolage, surtout au milieu. L’année prochaine il faut qu’on arrive à partir des huitièmes et des quarts avec une équipe au complet, avec Neymar, avec l’envie, la grinta, et on pourra peut être passer un cap.

Dans ton album il y a des feat. avec de jeunes rappeurs comme Remy. Tu te sens l’âme d’un Tuchel qui veut lancer des jeunes talents ?

J’ai toujours aimé cette étiquette. On a toujours collaboré avec des jeunes comme Leck qui a fait une belle carrière derrière. Il y a eu aussi le feat. de Vitaa. Et j’aime me souvenir que lorsque j’étais jeune, il y a des artistes plus confirmés que moi qui m’ont invité sur leurs albums. C’était une vraie chance, une vraie opportunité donc j’ai toujours aimé renvoyer la balle. OK alors pour être le Tuchel du rap. Tuchel il les fait jouer les jeunes. Dagba, ça joue, Kimpembe c’est devenu normal de le voir, avant les histoires, Rabiot ça jouait, N’kunku, Diaby… Tu vois ce que je veux dire. On a une base de jeunes et même si c’est à eux de prendre leur chance, avec tous les moyens dont on dispose, on les fait quand même jouer.

Tuchel toujours… tu valides ses propos sur les anciens et leur « c’était mieux avant » ? Ça ne te fait pas penser aux mêmes discours que les anciens rappeurs peuvent avoir ?

Ouais c’est l’éternel débat. Je vais pas te mentir je suis plutôt d’accord avec lui. C’est toujours facile de critiquer une fois qu’on n’est plus là. Les anciens devraient être solidaires et savent mieux que quiconque à quel point c’est compliqué, eux qui ont connu des années bien plus difficiles qu’aujourd’hui. Là on galère en Europe mais à l’époque on était ridicule aussi en championnat. On revient de très très loin. Donc je serais eux, je me tairais. Rothen je l’aime bien mais il a pas non plus tout gagner avec le PSG. Y a 10 ans tu mettais le maillot du PSG tu passais pour un guignol. Les gens se foutaient de ta gueule. En hip hop c’est pareil, il y a une espèce d’aigreur. Je pense qu’il faut vivre avec son temps. T’as des jeunes aujourd’hui qui kiffent le chant et l’auto-tune et t’as un autre public qui aime les paroles et le contenu. Pourquoi ils ne pourraient pas cohabiter ? Pourquoi toujours faire des équipes et dire que c’était mieux là ou là. En vrai les deux font le même métier. C’est comme dans le foot.

La victoire contre l’OM t’a réconcilié avec ton club ?

Bien sûr. Ça fait toujours plaisir même si je n’étais pas excité comme d’habitude au début mais au bout de 2 minutes j’étais dedans, c’était un PSG-MARSEILLE ! Et puis il y a cette invincibilité. On veut que ça continue.

Tu as aimé ce match ?

J’ai surtout aimé Di Maria. C’est peut être son meilleur match avec Paris. Entre le coup-franc  de 30 mètres, la frappe enroulée, les dribbles… Je crois qu’il en a réussi 7 sur 8 ! Il s’est amusé tout le match. C’était énorme. Et dans l’ensemble toute l’équipe a été sérieuse. Mais il n’y avait rien en face. Balotelli qui sort au bout de 60 min. un truc comme ça… Le match il est fini. Quelque part ils avaient déjà accepté la défaite.

Comment tu as vécu la célébration de Balotelli qui a montré l’étoile sur le maillot en sortant du terrain ?

Ça m’a énervé. Normal quand tu es supporter. Il savait très bien ce qu’il faisait. A sa décharge cette étoile ce n’est pas lui qui l’a gagnée même si il en a déjà remporté une (Ndlr : avec l’Inter de Milan en 2010). Il est arrivé dans un club depuis 3 mois et il veut faire l’ancien. Il veut faire plaisir aux supporters, c’est de la communication quoi. Mais tout ce que je retiens c’est que dès qu’il a une vraie défense en face de lui il n’y a plus de son, plus d’image.

Tu as du tourner à Marseille dans ta carrière, ça n’a pas été compliqué pour toi là bas avec ton image de parisien ?

Sincèrement à chaque fois que je suis allé là-bas, je n’ai jamais ressenti cette ambiance de foot. Ce sont deux publics différents. D’ailleurs les artistes marseillais sont très bien accueillis à Paris. Il n’y a pas cette rivalité dans le Rap. J’ai toujours été bien accueilli même si dans les coulisses, tu sens que c’est le sujet où ça peut partir en grosse discussion. Mais tant que tu ne viens pas casser les couilles ou faire de la provoc’ ça va.

Interview Sinik Virage PSG
« Ombre et Lumière »

Pour finir on va tenter un espèce de « fast checking » de l’album ou pour chaque titre tu tentes un parallèle avec le PSG. Commençons par « Le réveil » : on a enfin compris ?

Je te dirai ça l’an prochain (rire), à savoir si c’est la suite du cauchemar…

« Power Rangers »

Force Rouge et Bleu.

« Mes Tatouages »

Beaucoup de joueurs du club sont tatoués, ils sont les bienvenus dans ma boutique Watch My Tattoo (Ndlr : 176 rue du Chateau, Paris 14ème). Kurzawa, Neymar… Mbappé, lui je le sens pas trop tatoué, pas sur que son daron le laisse faire.

« L’assassin II »

Mbappé, notre attaque quoi, que des criminels.

« Le silencieux »

Cavani. Je suis un peu dans son délire. C’est un mec qui ne parle pas énormément. Pas de vague. Il vient, il fait le taf, et il se casse.

« 11 heures »… Pour digérer une défaite ?

11 mois même…

« Enfants terribles »

C’est à Marco que je pense. Tout le monde sait qu’il clope, qu’il se butte au whisky. En vrai de vrai c’est le meilleur sur le terrain. C’est pour ça qu’on l’aime. Il n’est pas parfait. Il sort, il s’amuse. C’est un symbole typique du joueur parisien. Il n’est pas le premier à avoir ce comportement mais pour nous supporters, ce qui compte, c’est ce que tu fais sur le terrain. Si ça se voit que tu es bourré on va t’en vouloir. Lui il est toujours au dessus de tout le monde. Contre Marseille il s’est baladé. On avait le même problème avec Ronnie époque Luis Fernandez… Victime de notre ville.

« Différent »

Tuchel, je le trouve différent. Dans sa façon de communiquer. Il est très ouvert dans sa com. J’aime bien.

« Vieux Démon »

Manchester… Barcelone… La liste est longue. Faudrait mettre un S à démon.

« Elle était là »

La coupe. Sous nos yeux. Et on n’en a pas voulu.

« Bousillé »

Le métatarse.

« 21 rue de l’avenir »

Le petit jeune qui joue devant là ? Je suis content qu’on ait un mec comme ça chez nous, pourvu qu’on le garde longtemps.

« Mitraillette »

Ça pourrait être Neymar, ça pourrait être plein de joueurs, mais depuis Marseille c’est Di Maria.

« Toujours »

Supporters. Toujours là avant ou après les Qataris. C’est la passion, ce sont des choses que tu ne maitrises pas.


SINIK en concert le 3 mai à la Cigale et en tournée à travers la France.
Album « Invincible » déjà disponible (Sinik Famous).


Xavier Chevalier

Viola, dernière partie

3ème et dernière partie de l’interview de Viola, ex capo des Lutece Falco.
On a évoqué avec lui la philosophie d’un groupe ultra
et l’évolution du mouvement aujourd’hui.
Encore un moment rare et enrichissant à partager avec tous les amoureux du PSG.


Tu as fait deux grands chelems, racontes nous ? (ndlr : Le « grand chelem », c’est faire tous les matchs au Parc des Princes sur une saison et tous les déplacements, en France et en Europe).

J’ai fait les saisons 1999/2000 et 2000/2001, deux grands chelems de suite. Le grand chelem a été cassé parce qu’en 2001 on a joué l’inénarrable Coupe Intertoto, et là on a été joué à Jazz Pori en Finlande. J’étais étudiant mais je bossais et ça a été compliqué d’y aller. Ensuite il y a eu Simferopol. A l’époque on était très culture déplacement et grand chelem, et là aucun groupe du Virage Auteuil n’a bâché. Il y avait quelques ‘indeps’ et des Boys qui avaient été là-bas pour représenter les couleurs parisiennes parce que les mecs avaient anticipé avant qu’on joue Pori. Simferopol n’était pas sûr de passer avant leur match aller, mais les gars avaient dit « si c’est Simferopol, c’est l’Ukraine, il faut un visa ». Donc les mecs avaient fait préventivement leur visa et il ont pu aller là-bas, ce qui avait été très malin. J’ai fait le reste du temps deux-tiers et même trois-quart des déplacements.

Faisais tu partie de ceux ayant fait le déplacement en stop de Montpellier à Budapest ? (ndlr : 28/09/2002, Montpellier PSG, suivi le 03/10/2002 de Ujpest PSG)

Non. Mais j’ai été à Budapest, en car Eurolines. C’était une expérience. A l’époque les low-costs n’étaient pas forcément développés comme maintenant. On n’avait pas tous le permis pour se prendre des J9, donc cette année-là on avait fait Ujpest-Budapest et Boavista-Porto en Eurolines.

Un grand chelem c’est déjà pas mal, deux grands chelems d’affilé c’est plutôt énorme.

Oui, deux grands chelems, c’est une fierté. Parce que tu ne fais pas les choses pour toi, y a l’ego-trip, mais c’est aussi un milieu où tu te montres, où tu prouves, et sans se mentir, c’est valorisant. Surtout avec un grand chelem européen, tu vas à Rosenborg, Helsingborg et surtout tu vas à Istanbul, et je suis très fier d’avoir été à Istanbul, au stade Ali-Sami-Yen. On n’était pas beaucoup de parisiens, une cinquantaine, dont Francis Borelli, qui était dans l’avion avec nous à l’aller et en parcage, et où Fernandez, qui venait de reprendre l’équipe, est venu l’embrasser. Ça reste des souvenirs inoubliables. Comme Brescia en Interto, le mythique déplacement au Rigamonti en août 2001. Les déplacements européens et les déplacements à Bastia, à Furiani, ceux où tu es en comité restreint, que des vrais, sans trop d’escorte ou autres, où tu profites de la ville, de la plage, des joies des voyages, où tu ressens aussi de la tension, c’était tout simplement exceptionnel mais l’amour du club, le dévouement au groupe fait que dans un grand chelem tu vas aussi en car à l’Abbé Deschamps ou au stade de l’Aube, ce qui est tout de suite moins exotique.

ITW Viola Virage PSG
Zone agitée (c) Merry Moraux

Revenons sur la vie de Virage. Quelle est l’importance du lien social dans un groupe, dans le sens où l’âge diffère entre les membres et que les plus anciens sont aussi là pour encadrer les plus jeunes ?

Oui l’âge diffère vraiment. Tu pouvais te retrouver au Lutece de 15 à 45 ans. Ça fait quand même un gap générationnel. Donc oui ça a un rôle important. Après il ne faut pas tomber dans la caricature comme disait Rachid Zeroual, le capo des Winners, « on est là, on fait du social pour les minots, on les empêche de faire le guet dans les quartiers nord. » Mais oui tu as un rôle social, parce que tu te retrouves déjà toi jeune, où tu viens au Parc en semaine pour préparer les tifos. Tu as un peu un côté MJC, lieu de vie où tu viens travailler pour ton tifo mais aussi t’amuser et c’est bien d’avoir des gens plus vieux qui te cadrent. Tu es jeune au début et tu te dis que ces gens qui t’encadrent, ils t’emmerdent un peu mais aussi ils te forment, ils t’apprennent, tu as de l’échange. Après tu vieillis et c’est toi qui forment les jeunes, tu les éduques à un mouvement ultra. Après on ne va pas faire de l’angélisme, se dire que les mecs sont mieux là au Parc des Princes à faire des tifos plutôt qu’à faire du deal ou des conneries dans leur cité. Parce que quand tu es ultra, des conneries on en a fait, des exactions, des actes violents, essayer d’attaquer le car des joueurs. Ce n’était pas notre délire principal mais tu peux aussi parfois te battre, tu n’es pas non plus un modèle de vertu. Tu as ce rôle social car tu as aussi de moins en moins de corps intermédiaires, de lieux de sociabilisation entre les gens.

Vous aviez cette conscience, pour les plus anciens ?

Oui, car moi j’ai toujours été proche des jeunes. Comme j’ai dit, tu as toujours des frictions, des conflits, mais j’ai toujours réussi à naviguer et à me rappeler de ma jeunesse fougueuse, à aimer et à intégrer les jeunes, devoir les tancer quand il fallait, mais aussi à dire « les mecs se bougent, les mecs viennent en déplacement, les mecs viennent peindre, les mecs rentrent des torches, les mecs disent je vais écrire, ou je vais me casser le cul à aller chez Copy Top faire des photocopies ». Les mecs tu les valorises, tu les intègres, tu essaies qu’ils ne fassent pas n’importe quoi.

Donner ce qu’on t’a donné ?

Exactement. Après tu ne vas pas les empêcher de boire ou autre, mais oui, il y a un vrai rôle social et éducatif. Tu peux trouver dans un groupe ultra une structure, une vertèbre. Si tu ne l’as pas dans ta famille, oui tu peux trouver ça. C’est important. Avec un côté générationnel, hiérarchique, en essayant de rester démocratique, que les choses se fassent au mérite, que chacun ait le droit à la parole. Mais tout en sachant que ce n’est pas un monde égalitaire, qu’il y a des notions de noyau dur, des notions de leaders. Et tu dois gérer entre ce côté démocratique, un égal un, même si dans les faits, un égal pas forcément un.

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Soir de Coupe à la Licorne (c) Merry Moraux

Est-ce que ça t’a aidé dans ta vie, cette expérience de vie ultra, est-ce que ça t’a construit, au delà de la passion ?

Oui ça aide. Sur savoir comment gérer les gens. Le management serait un terme inapproprié à un groupe ultra, mais oui ça aide forcément. Tu es confronté à plein de profils. Sans faire de storytelling à deux balles, le stade en général et les groupes ultras en particulier, ce sont des lieux où tu vas rencontrer des profils générationnels mais aussi socioculturels complètement différents. Des mecs qui sont des petits lascars, des fils de bourges et puis des gens qui ont de vraies situations. Y avait des mecs qui gagnaient très bien leur vie, qui avaient des métiers intéressants. Et puis d’autres mecs qui avaient 35 ans, qui étaient chômeurs, galériens, fumeurs de joints et qui pouvaient venir au Parc tous les jours comme s’ils n’avaient que ça comme vie. Et des gens qui avaient à la fois une vie sociale – familiale – professionnelle. Mais ça pouvait aussi être déstructurant socialement. En terme de famille, vie de couple ou autre, c’est difficile d’avoir une relation. A moins de te maquer avec une meuf de stade. Ce n’est pas évident de gérer un militantisme ultra actif et une vie familiale. Tu vas rater des repas de famille. « Oui, il y a Angers-PSG, je vais à Angers ! » Ou on joue en Coupe de France contre Baumes les Dames à Bonal, il va faire -15°, mais on ira pas tirer les Rois pour l’épiphanie parce que c’est le 1er tour de Coupe de France. Et que tu pars en J9, la route est pleine de givre. Ou que tu vas à Vesoul… Ça peut être déstructurant par rapport à l’extérieur, mais à l’intérieur c’est structurant.

Et puis tu crées une famille, vraiment, des amitiés indéfectibles. Ça cimente les choses. T’as des frères d’armes à jamais, des types sur qui tu peux compter. Des types que tu aimes comme des frères. Alors, bien sur, ce serait hypocrite de dire que tout le monde s’aime au sein d’un groupe ultra, mais tu façonnes des liens et des amitiés vraiment fortes et aujourd’hui même sans le groupe, même sans les Lutece, j’ai toujours ces gens au fond de mon cœur.

Tu penses qu’il faut être jeune pour être ultra ?

Non, je ne pense pas qu’il faut être jeune pour être ultra. Ça c’est aussi un regret de ne pas vivre une vie d’ultra aujourd’hui, de ne pas être encore actif plus âgé. Au Lutece on avait la chance d’avoir des types plus âgés, ça forçait le respect. Alors oui forcément tu ne viens pas à 45 ans en semaine tous les jours mais tu viens de temps en temps, tu fais parfois les déplacements, tu es là dans les moments quand il le faut, tu amènes ton gamin au Parc, il y a un côté très sympa. Tu vois en Italie, les mecs des premières lignes du noyau dur ils ont tous des cheveux blancs. Non, il ne faut surtout pas être jeune pour être ultra. C’est un truc que tu as. Si tu as la chance d’aller au stade tout le temps, l’investissement peut être moindre, décroître, mais il faut être là quand il le faut. Ce n’est surtout pas un délire tout court, c’est un mode de vie. Parce que des gens on en a vu, notamment après la Coupe du Monde 1998 et début des années 2000, quand il n’y avait pas forcément de bons résultats pour le PSG mais le Virage Auteuil commençait à exploser, à faire de bons tifos, à avoir une réputation avec Internet. Des mecs arrivaient pendant un an, deux ans, tu les voyais tout le temps, ils allumaient des torches, puis après c’étaient des comètes, ils disparaissaient parce qu’ils trouvaient un autre délire. Ces mecs ne connaissaient pas forcément le foot. Ce qui m’a toujours hérissé. Parce que oui les tribunes c’est bien, des gens pouvaient parfois avoir se délire « on s’en fout du foot », mais non, on ne s’en fout pas du foot. Tout part de là, de l’amour du ballon rond et après de l’amour du PSG. C’est lié.

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Lutece Ovunque (c) Merry Moraux

Est-ce que tu saurais définir l’ADN des Lutece Falco, ce qui les différenciait des autres groupes du Virage Auteuil ?

Ce qui différenciait c’est d’avoir été fondé par des mecs de Boulogne, plus anciens, ce qui faisait que les rapports avec la tribune d’en face étaient plus souples et moins conflictuels. Un peu plus compréhensifs, en se disant que ces mecs là étaient les supporters historiques du PSG. Il y avait des dérives, des frasques, on pouvait cohabiter, ce qui n’était pas forcément le cas des autres groupes. Ce qui a pu nous différencier aussi c’est qu’on avait un côté festif, on aimait bien l’Irlande, la picole, la bringue, ce qui parfois faisait des choses moins carrées, moins organisées. Ne pas se prendre au sérieux mais être sérieux. Après ce qu’était l’ADN des Lutece Falco, c’était de supporter le PSG, dans le malheur ou dans la gloire, au Parc et à l’extérieur, et puis voilà. On avait un côté aussi non violent, même si on a déjà participé à des choses, y a toujours eu une schizophrénie dans l’aspect non violent mais où des membres actifs du groupe pouvaient quand il le fallait participer au coup de poing s’il fallait se défendre. Mais ce n’était pas la philosophie principale. L’ADN du groupe c’était d’être là pour le PSG, et de le défendre, le défendre par la base en chantant et en animant la tribune, de le défendre aussi de façon syndicale en se faisant entendre de toutes les façons possibles quand ce que faisait l’équipe sur le terrain ou ce que faisait la direction ne nous plaisaient pas. Et puis ce qui nous a vraiment défini c’est un peu ce côté Casque Bleu ou suisse, être capable de faire le lien et le tampon. Enfin c’est d’avoir ce côté familial, pas sectaire mais restreint. On n’a jamais eu l’ambition d’être 3000 membres. Mais on pouvait passer clairement pour un groupe fermé et à la marge. Avec un esprit à nous, qui nous valait aussi bien le respect, l’estime du microcosme ultra, que des inimitiés y compris au sein des supporters parisiens. Mais j’ai eu au sein des Lutece le sentiment de vivre quasi 15 ans une vie de famille intense, avec comme dans toute famille, des supers beaux moments, des embrouilles, des hauts, des bas, le tout dans un virage terrible qui était une référence européenne en terme de soutien, de tifo, et dans la plus belle ville du monde.

De façon générale, qu’est-ce qui à ton époque différenciait la tifoseria parisienne dans le paysage français ?

Viola et Zavatt des Boulogne Boys à Lens (c) Collection personnelle

Déjà le fait d’avoir deux tribunes. Il y en a pas beaucoup dans le même cas. Il y a Marseille avec le Virage DP et le Virage Sud. Mais sinon c’est très rare d’avoir deux tribunes, et deux tribunes avec deux modèles un peu complémentaires mais aussi pas mal opposés, au milieu d’un public du Parc à la fois connaisseur, persifleur, difficile, c’est étrange. On a quand même fêté un titre en 1994, avec la tête de Ricardo lors d’un PSG-Toulouse, où il y avait 34000 personnes au Parc. Mais j’ai la lucidité de savoir que Paris n’est malheureusement pas une ville de football, pas comme le sont d’autres capitales comme Athènes, Rome, Londres ou comme des villes de province en France où il n’y a que ça. Paris est aussi parfois une ville de football où les gens peuvent être versatiles. Presque tout le grand Paris et la banlieue quand on était gamin supportaient l’OM mais maintenant tout le monde est pour Paris. Je trouve ça très bien, parce que les résultats sont là, parce que peut-être aussi, il n’y a plus l’image sulfureuse du Kop de Boulogne. A partir du moment où ce sont des gamins, ce n’est pas de l’opportunisme, ce n’est pas le type qui était supporter de Lyon et qui retourne sa veste parce que les qataris sont arrivés. Paris c’est difficile à définir. On a ce stade magique, le Parc des Princes, cette caisse de résonance. On était capable du meilleur comme du pire.

Le PSG a toujours été détesté, c’est l’équipe de la Capitale, l’image de la violence, maintenant les qataris.

On en revient aux jeunes qui supportent l’équipe qui gagne. Tous les gamins ont des maillots de Neymar, de Mbappé, parce que ce sont des grands joueurs, parce que le PSG gagne, que ce soit dans Paris intra-muros, en banlieue ou en province. Tu vois même maintenant des maillots du PSG fleurir sur la Canebière, ce qui est pour moi une hérésie. Le PSG à l’heure actuelle est détesté par plein de gens, mais aussi aimé, parce que, osons un terme polémique, c’est la franchise qui gagne dans la Ligue 1, pas encore en Ligue des Champions. Mais il y a toujours ce côté très ambivalent. Moi j’aime que le PSG soit un club détesté, je ne veux pas que le PSG devienne un club populaire. Mais d’un autre côté, voir des maillots partout, si c’est en Île de France, ça va. Mais quand je vois des gamins d’ailleurs avec le maillot du PSG, je me dis « Ah merde, tu devrais supporter ton club ».

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Mais on sait aussi comment ça se passe. Le PSG sera toujours détesté, ce n’est pas dans l’ADN de la tifoseria mais dans l’ADN du PSG. Il y a un côté club maudit et club à polémique. Malheureusement, il nous tombera toujours des histoires de remontada, de fair-play financier, de fax à la PSG-Steaua, où les mecs ne vont que trois fois dans ton camp et ont trois penalties. Il y aura toujours des histoires et c’est aussi ce qui fait la légende noire de ce club. Mais ça me va très bien que la Province ou les autres clubs européens, les salopes du Barça, ou les donneurs de leçons bavarois en tête, détestent le Paris SG.

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Tribune ultra (c) Merry Moraux

Quel est ton regard sur le PSG qatari ?

Mon regard il est critique, parce que la politique sportive pour l’instant n’est pas arrivée au terme de ses objectifs pour gagner la Ligue des Champions. Mais je suis très content d’avoir enfin une grande équipe de standing européen à Paris. On a toujours voulu ça. C’est une schizophrénie où on est contre le football business mais à l’époque on voulait des grands joueurs, on voulait des investissements, que Canal mette de l’argent et caetera. Ça a toujours existé à Paris où on peut magnifier l’époque Borelli. Mais il y avait déjà un côté bling-bling. Il a acheté Sušić qui était un grand joueur, il a voulu acheter Platini, Cantona, d’autres grands joueurs. Dans le PSG qatari il y a des choses positives et des choses négatives. Par exemple ce qui est très bien c’est que nous restions au Parc des Princes. Ça a été inscrit dans le marbre, il n’y a plus de rumeur de Stade de France, il n’y a plus de rumeur de construire un stade je ne sais où en province ou voire même de détruire le Parc pour y refaire quelque chose. Pour moi c’est quand même la base. Ils parlent avec l’architecte Taillibert. Je pense qu’il y a un respect de ce Parc. On a vu qu’il n’était pas obligé d’avoir des stades de 80000 places pour réussir. Comme par exemple le Juventus Stadium. Des stades de taille intermédiaire avec une bonne ambiance. Ça peut être un bon modèle, à la fois économique, de merchandising et d’ambiance pour un grand club européen. Ils sont bons, il font du marketing, c’est too much mais bon c’est le football moderne. Moi je ne suis pas content des maillots mais nous n’étions déjà pas contents à l’époque, on a fait X contestations de maillots. Les qataris n’ont pas inventé le fait de travestir le design Hechter, ça c’est Nike et ça continue, on ne peut pas jeter cette pierre dans le jardin des qataris. Je vais être pragmatique, réaliste, je ne suis pas ou plus ultra, je veux que le PSG gagne, je sais qu’il y a un environnement économique particulier donc il faut faire des rentrées d’argent. Donc tu peux faire des collabs’, ça peut être intéressant sur un maillot Third. Après ça me fait chier de voir le PSG jouer avec un maillot Jordan et pas avec ses couleurs en Ligue des Champions.

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Les qataris apportent aussi du professionnalisme. Le centre d’entraînement, ce ne sera malheureusement pas à Saint-Germain, on peut pinailler par principe. Mais ce qu’ils vont faire,  le Milanello du PSG, ça fait depuis que je suis gamin et ado, qu’on en parle. Je me souviens de Denisot dans un France Football début des années 90, « notre objectif est de faire un super centre d’entraînement ». Si tu veux être un grand club professionnel il te faut des structures. Là, la tournée au Qatar, super marketing, super pub, non ça ne me plait pas, mais il faut aussi faire plaisir à l’actionnaire, parce que putain, on voit jouer Neymar et Kylian Mbappé. Tu vois tu as toujours ce côté schizophrène. Pour l’instant ça ne m’a pas dégoûté totalement. Parce que je pense que j’aime trop le foot. Ces gens qui disent « Allez on va aller voir finalement des clubs populaires, ou on va créer un club façon United of Manchester, des alternatives… », ou supporter le Red Star, ce qui est de la trahison, ou supporter le Paris FC, … Oui c’est marrant. Mais au fond non, parce qu’on kiffe tous le PSG. Après je ne suis plus dans une position de leader ultra avec tout ce que cela peut impliquer en terme de cohérence, de radicalité, le côté défenseur des valeurs d’un football populaire, de l’âme d’un club. Donc tu peux être plus souple, ou du moins t’en foutre, la priorité c’est ce qui se passe sur le gazon, des résultats, du beau jeu. Les gens aiment bien blablater sur la géopolitique et le Qatar, souvent avec un fond un peu raciste quand même. J’ai mon avis, il n’est pas question de dire Amen à tout, et le football moderne n’est pas toujours joli et tu peux en faire une critique radicale, de toute cette économie, de tout cet écosystème. Mais ça reste le beautiful game et puis, pour répondre à la question, j’en pense rien du PSG qatari, parce que le PSG il est pas qatari, pas plus qu’il était américain à l’époque de Colony. Le PSG il est parisien, il est au peuple de Paris et à ses fans. Alors bien-sur je préfèrerais que Francis Borelli soit toujours président. Mais on va pas se mentir, je ne souhaite pas du tout un départ des qataris ou je ne sais quoi pour avoir l’impression de me ré-approprier mon club. Parce que c’est mon club, c’est notre club.

Quel joueur d’après toi dans l’histoire du PSG a le plus l’esprit ultra, un joueur qui aurait pu être avec vous en tribune ?

Jérôme Rothen a eu ça, après y a eu un jour une relation conflictuelle où il a jeté un tract avant un match, mais il s’intéressait aux tribunes, il était démonstratif sur ses buts, il a allumé un fumigène devant l’Hôtel de Ville après la victoire contre Marseille en 2006, il reste toujours un peu dans ses commentaires de journaliste assez PSG. Y en a d’autres aussi, Mamadou Sakho il pourrait avoir un esprit ultra, un peu foufou. Un mec comme Pierre Ducrocq qui était un enfant du club, tu sens toujours qu’il est amoureux du PSG. Un mec comme Rabésandratana, les rares fois où j’écoute France Bleu, j’ai même des potes qui l’ont rencontré hors stade, et ses tweets, il a un côté très radical et un peu ultra du PSG dans sa façon d’être.

Cliquez ici pour relire l'interview de Jérôme Rothen et ici pour Eric Rabésandratana
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Dans le parcage Lutece (c) Merry Moraux

Comment vois tu le mouvement ultra évoluer sur les prochaines années ?

Ça dépend de ce que tu appelles la « cause » et où tu mets la graduation. Je pensais par exemple qu’avec les nouveaux stades, des gens comme les Ultramarines à Bordeaux allaient péricliter. Au final ils continuent à vivre, à faire des tifos, des torches de temps à autre. Tu vois des répressions de ouf, des interdictions de stade. C’est assez difficile à dire, mais il y a un moment où je me suis dit que le mouvement ultra pouvait vraiment mourir. Le problème c’est qu’il y a tellement peu de culture foot en France… Alors qui va remplacer les ultras ? Et vu le spectacle proposé par la Ligue 1, il faut remplir les stades. Heureusement que les ultras sont là. Le mouvement ultra en Europe globalement ou dans le monde, je pense que c’est une question de cycle, de mode, et aussi de régions, de géographie. Le mouvement ultra italien qui était notre paradigme dans les années 90 a pris vraiment très cher avec des lois très répressives, la Tessera del tifoso (ndlr : instaurée en 2009 par le Ministre de l’intérieur italien afin d’identifié les supporters, cette carte du supporter a été arrêté en 2012) les interdictions de déplacement. Mine de rien ils continuent à vivre mais difficilement. A côté de ça il y a eu une scène qui a explosé en Allemagne qui est complètement hallucinante, et puis l’Europe de l’est et les pays scandinaves. Quand je suis allé à Munich en 2000, dans l’ancien stade, il y avait un groupe mais c’était rien. Et dans les autres clubs allemands c’était pareil. Maintenant il y a des groupes ultras très structurés, très forts. Les allemands sont très dans le dialogue, il y a une vraie culture club et une vraie culture fans. Les ultras ont réussi à être dans ça et c’est une belle scène que la scène allemande. Je ne te parle pas des pays de l’est, là c’est complètement dingo, pas seulement parce qu’ils se battent dans la rue, mais ils font des tifos de malades, super chiadés, des chorégraphies dignes de la Corée du Nord ou de la RDA de l’époque, des trucs carrés.

Est-ce qu’en Europe de l’ouest l’avenir ce n’est pas justement le dialogue et plus de liens avec les clubs ?

Le lien avec les clubs il a toujours existé, parce que tu peux être en contestation mais tu discutes toujours. Au final c’est quand même mieux quand ça se passe bien. Nice par exemple, la BSN (ndlr : Brigade Sud Nice 85) a souvent été un peu dans l’œil du cyclone médiatique. Ils ont connu une dissolution administrative, mais ils ont toujours eu une bonne relation avec leur responsable sécurité et divers présidents. Ils ont su faire le dos rond et puis revenir, continuer à exister. Je pense que les relations aves les clubs ont toujours existé. Parfois mal, parfois bien. Faire des compromis, discuter avec les autorités, faire moins de torches, des chartes sur la non-violence, c’est des questions, mais de toute façon pour continuer à vivre lorsque tu es un groupe structuré, une association, tu es forcément obligé de faire des concessions. Tu n’as pas le choix, parce que la répression est de plus en plus forte. Mais à côté de ça, oui et non. Qui aurait parié sur le rallumage de fumigènes massif au Parc des Princes. Tu as eu PSG-Real, PSG-Nantes pour l’anniversaire des Parias, c’est des trucs qui rappellent vraiment notre époque. Tu aurais jamais mis un kopeck sur ça.

Et quand tu vois les interdictions de déplacement, souvent abusives ?

Ça c’est terrible. Se dire que la Police française n’est pas capable de gérer le public en déplacements. C’est une solution de facilité. Tu vois quand vous avez été à Belgrade, il y avait des flics partout. OK c’était cadenassé, mais bon vous pouviez tout de même aller à Belgrade en toute sécurité. Mais c’est plus facile pour les Préfectures d’interdire.

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Souvenir de Bonal (c) Merry Moraux

Que penses-tu du tifo de « Père en Fils » (ndlr : Virage Auteuil, PSG – Naples, 24 octobre 2018) ?

C’était pas mal. C’est pas très original, ça a été fait dans pas mal d’endroits, mais c’était très graphique, très beau. Le foot, la transmission, c’est ce que je disais dès le départ, ça devrait être ça. De père en fils. Beaucoup de clubs en Italie l’ont fait. Après je n’ai pas eu la chance d’avoir un papa qui aimait assez le foot pour venir au Parc avec moi et je n’ai pas encore de gamin. Mais aller au stade, en virage ou pas, avec ton gamin ça doit être magique. Tu partages quelque chose de tellement fort, de tellement beau, une passion irrésistible.

J’ai un pote de la section Haute Savoie, David, que j’ai connu dans les années 90. Il a eu un môme super jeune à 18 ans. Le petit venait au Parc, tu le voyais grandir, agiter des drapeaux, chanter. C’est beau ça.  Alors il a pas eu la chance de connaître en tant qu’ado ou adulte le Parc d’avant le plan Leproux. Mais là je l’ai revu l’an dernier à Paris pour la finale du mondial. Il a 18 piges, il est au taquet comme on pouvait l’être avec son père au même âge. La passion du foot, du PSG, des tribunes. Il connait des mecs dans les nouveaux groupes actifs du virage.  Tu te revois à son âge. Alors tu prends un coup de vieux mais ce qui te rassure c’est que tu sens que l’amour du club, la fougue est toujours là en toi et que l’histoire d’amour autour du PSG continue année après année.

Et je souhaite que tous les gamins fans du PSG aient des étoiles pleins les yeux et de la fierté d’aimer ce club unique et magique.  Ça doit quand même être sympa d’avoir 10-12 ans, de porter un maillot du PSG floqué Kylian Mbappé et de demander à son père si on pourra veiller pour les  grandes affiches de Champions League !


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Viola, 2ème Partie

Découvrez la suite de l’interview de VIOLA, ancien Capo des LUTECE FALCO.
 On revient avec lui sur l’après février 2010
avec la dissolution des groupes et la lutte qui s’en est suivie.


2010, le plan Leproux. Avec le recul penses-tu que tout ceci aurait pu être évité ou pas ?

Non car le conflit Auteuil-Boulogne a toujours été lattant. Il y a eu de rares périodes d’entente, puis des guerres froides, des guerres chaudes. Auteuil a toujours été éduqué dans ça, dans le fait que Boulogne s’est opposé à notre mouvement ultra, même s’il y avait les Boys 1985. Le terme ultras déplaisaitEt en 2003 il s’en sont pris aux Tigris. Et pourtant il y a eu des fronts communs entre les 2 virages lors des contestations contre Larue et Graille. Ou à Auxerre quand on a attaqué le car des joueurs durant la sale période ou le PSG jouait le maintien. Tout le monde était ensemble mais ça a dérapé de plus en plus. Il y avait des gens intelligents et des gens cons. Certains à Auteuil, les plus jeunes, en avaient marre de subir des insultes racistes. Les plus anciens essayaient d’expliquer qu’on pouvait cohabiter sans être amis… Mais ça a été de moins en moins entendu. Et puis la dernière génération Boulogne était très marquée par un retour du nationalisme. Il est vrai que le mouvement nationaliste et identitaire en France a repris du poids à cette époque. Il y avait aussi une responsabilité des pouvoirs publics. Et je ne fais pas partie de ceux qui sont dans la théorie du complot. Mais il y a toujours eu un jeu trouble de la Police dans la gestion du Parc des Princes. Il n’y avait pas de méconnaissance du mouvement ultra car il y avait des services de police qui ne faisaient que ça. Les mecs étaient même contents d’être là. Plutôt que d’être en banlieue, sur du terro, dans la surveillance politique ou syndicale ou dans l’administratif, ils faisaient du renseignement au Parc et ils kiffaient je pense Les RG du Parc, c’était comme un groupe dans le Parc. Ils grenouillaient, ils faisaient leurs trucs, des répressions puis des indulgences, ça a toujours été trouble. Et ils connaissaient tout le monde, ils avaient leurs têtes de turc… A force ça n’a pas forcément aidé. Et puis la France a toujours été très mauvaise en maintien de l’ordre. Le soir du fameux PSG-OM de 2010, au mieux c’était de l’incompétence, au pire du pompier pyromane.

Leproux, je lui voue une haine éternelle, mais très symbolique, parce qu’effectivement le mec n’était pas con et c’était plutôt un pantin. Mais il restera à jamais associé à ce plan. Je vais le maudire sur vingt générations, mais je ne suis pas dupe. Pendant très longtemps c’est la Préfecture de Police de Paris et le Ministère de l’Intérieur qui ont géré le dossier sécuritaire et la politique au PSG. Là il y a eu un retournement de tendance avec le retour du CUP, parce que je ne pense pas que la 3P (ndlr : Préfecture de Police de Paris) soit très contente, mais le PSG a réussi à un peu reprendre la main. Non, je pense qu’il n’y avait rien à faire, je n’ai aucune solution globale à donner. Tu ne peux pas laver les cerveaux, tu ne peux pas effacer les haines, les rancœurs, tu ne peux pas enlever l’histoire. Il y a eu un mort. Qu’est ce qu’ils auraient pu faire ? Après ils ont été très maladroits dans les amalgames, entre agresseurs et agressés, et Leproux a été clairement odieusement insultant envers le Virage Auteuil avec son truc de « tout à fait blanc »… mais au Virage Auteuil on les faisait chier aussi, parce qu’on craquait des fumigènes, on avait ce côté syndical à vouloir se mêler de la politique marketing, tarifaire et de plein de choses, donc ça permettait d’éliminer tout le monde. Le Qatar n’aurait certainement pas acheté le PSG avec ses supporters, c’était quand même un point sensible, médiatique, en terme d’image, c’était difficile. Mais avec le recul, non, il n’y avait pas de solution.

ITW Viola Virage PSG
(c) Merry Moraux

Du coup l’auto-dissolution des Lutece Falco qui découle de tout ça, et la dissolution administratives des autres groupes, tu le vis comment ?

Ce PSG-OM est mon pire souvenir au Parc. Déjà on perd, même si on ne jouait que le ventre mou, tu ne jouais que ton honneur mais c’est toujours important de battre l’OM, mais là à la rigueur on s’en foutait. Il s’était passé ce qui s’était passé avant le match, tu savais que c’était The Final Countdown. Ils sont venus devant ta tribune, on s’est battu avec eux, on les a chassés, on a défendu notre tribune. Moi j’ai toujours détesté les embrouilles internes. J’avais même parfois de bons rapports avec des mecs de Boulogne, ce que certains dans mon virage pouvaient me reprocher, et je disais « c’est de l’embrouille interne, c’est vraiment de la merde ». Mais bon là tu n’avais pas le choix, les mecs ils viennent, et caetera, et malheureusement tu as un mort et tu sais que c’est la fin.

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Là tu as senti que c’était terminé ?

Oui. Tu vois ce match là j’ai eu des larmes de rage qui ont coulé tout le match. Je n’avais pas envie de chanter. Tu savais que c’était terminé, qu’il allait se passer quelque-chose. Soit que ça allait continuer, une guerre nucléaire des supporters, ou alors qu’il allait se passer quelque chose. Ta saison elle est quasiment finie. Tu as eu un mort. Le club n’avait presque plus rien à jouer. On est tombé dans une apocalypse. Tu te dis « tu fais quoi ? Comment ? ». On est dans un climat où on a toujours été en porte-à-faux, on nous appelait les suisses, de façon péjorative, mais à côté de ce côté suisse tu pouvais donner un côté Casque Bleu positif où on a essayé de parfois faire les médiateurs. Ce qu’on nous a parfois reproché, ce qui a pu parfois être appréciable. Rien n’est blanc, rien n’est noir. En tout cas nous on a essayé, on était dans cette doctrine « nous c’est le PSG avant tout », on n’est pas obligé d’être copains mais on peut justement éviter des drames comme ça et puis on pensait à l’intérêt du club et même de nos tribunes parce que quand Boulogne et Auteuil étaient ensemble, par exemple contre Twente, c’était juste incroyable et fantastique, c’était du « haut niveau rue » européen. Encore faut-il s’entendre.

Et là tu dis qu’après, non, ce ne sera plus possible, il s’est passé ça, il y a eu ce côté sacrilège où ils sont venus un soir de PSG-OM. Nous on se battait avec la Police à ce moment là, on a vu les mecs qui arrivaient de dos. Tu es là, tu te bats avec les flics, et les mecs arrivent… Tu te dis c’est terminé. Tu ne peux plus continuer comme ça. Le conflit était très pesant sur les groupes. Les plus jeunes se disaient « il faut arrêter d’être conciliant avec Boulogne et de parler, il faut qu’on rejoigne les autres groupes, qu’on se défende et qu’on prenne partie au conflit ». On commençait à avoir des avis divergents, c’était compliqué. Le plaisir des tribunes devenait rare, pourtant c’était essentiel car hélas le plaisir sportif était rare. Après c’est ça aussi le mouvement ultra, un sacerdoce, avec une part de dureté, de galères, d’embrouilles, mais c’est pesant surtout quand tu consacres 200% de ta vie à ça, à ton groupe, à ton club.

ITW Viola Virage PSG
(c) Merry Moraux

Et puis tu vis dans une pression policière. Tu as une structure associative où les gens qui sont dans le bureau, sont convoqués parce que c’est le bordel au Parc des Princes, ça fait le deuxième mort en cinq ans, entre temps il y a eu X frasques. Ça commence à devenir plus tenable. Là tu dis qu’il faut passer à autre chose, analyser la situation. On était plusieurs à dire que le groupe, en tant que grand groupe, avec une grande banderole, une cohérence et une seule voix, ce n’était plus possible. On ne pensait pas encore qu’on n’allait plus retourner au Parc des Princes la saison suivante. Donc on s’est dit qu’il fallait dissoudre le groupe et continuer à aller dans notre coin de tribune, à l’animer, que chaque petite entité fasse un drapeau, une bâche. C’est ce qui s’appelle le faire à la Véronaise, parce que les supporters de Vérone en Italie pendant les années 90, la Brigate Gialloblù (groupe emblématique), très bon en tifo, et hélas très extrême-droite, a subi une très grosse répression. Les mecs ont dit non. La Brigate, en tant que structure, est trop attaquée, donc on vient comme ça mais on continue à chanter tout le long du match, à l’italienne, et à faire un bâchage un peu à l’anglaise, un mix. Donc on s’était dit pourquoi pas essayer de faire ça, d’animer notre tribune mais ne plus avoir de structure. Les Greens Angels à Saint-Etienne ont fait ça plus tard je crois, en tout cas dissoudre l’asso, se protéger, même si pour eux le groupe existe toujours de façon unique et cohérente. Au finale le groupe Lutece Falco ne sera plus obligé de prendre position par rapport à Boulogne, par rapport à des coups de pression de la Police. Moi je m’étais dit que c’était peut être aussi la fin du modèle du Virage Auteuil, avec de grands tifos, mais même si la créativité était toujours là et qu’on pouvait sortir des idées sur le fond et sur la forme, il y aurait un mode de supportérisme du PSG un peu différent, une nouvelle histoire à créer, un nouveau mode d’animation de tribune, toujours dans le chant et le visuel, mais de façon différente, moins organisée, plus spontanée mais toujours avec cette toile de fond de chanter pour tes couleurs, de donner du mouvement et de la couleur à ton bloc, dans le virage.

Et puis il y avait eu la dissolution administrative des autres groupes à côté donc on allait pas continuer tout seul, par décence vis à vis des Supras et des ATKS (ndlr : Authentiks Paris), mais surtout des Supras, nos voisins de tribune, avec qui on avait des relations constructives, cordiales, amicales, parfois tendues mais comme ça peut être tendu avec des amis. Tout n’a pas toujours été rose mais depuis 1991 les Lutece et les Supras à Auteuil Bleu avaient tout de même fait de belles choses. Et puis même intérieurement on ne pouvait pas. Moi personnellement et pas mal de gens. Donc on avait fait une Assemblée Générale, noyau dur, des gens voulaient continuer mais la plupart ont dit « on arrête ». Après tu pars un peu dans l’inconnu. Toi tu peux imaginer des choses, en te disant qu’on va revenir, chaque bande aura son machin, mais tu ne sais pas comment ça va se passer et on n’a même pas eu le temps de le mettre en oeuvre et d’y penser que le Plan Leproux est arrivé et là tu passes à totalement autre chose.

Et du coup le Plan Leproux, sur le moment ?

Le Plan Leproux tu ne comprends pas. Tu commences à avoir les premières rumeurs. C’était un jour de match au Mans, où j’étais mal d’ailleurs, où tu sens que tout ton mode de vie, ta passion de groupe, sont en train de mourir. Depuis ce fameux PSG-Marseille, la mort de Yann Lorence, tu es interdit d’aller en déplacement. On avait fait avec des potes un match à Saint-Etienne en latérale, en allant en Italie la veille voir Torino-Cesena, et en essayant de continuer à suivre le PSG. Mais tu sens que ton activité ultra est en train de finir, donc ce n’est pas très cool. Et ce n’était pas encore les qataris, c’était Colony Capital. Colony capital, ils étaient clairement plus là pour les actifs immobiliers du 16ème sud, le Parc, le stade Jean Bouin, la piscine Molitor, tisser des bonnes relations avec la Mairie et dans une logique très finance, rationnelle, pas pour faire du Paris SG un grand club de stature européenne, c’était pas des mécènes. La première saison c’était sympa, on a failli jouer le titre mais après… Tu disais « que va devenir le PSG », les tribunes sont en train de mourir, et là tu te pointes et tu te prends le truc sur la gueule. Les premières rumeurs, tu te dis « mais non, ce n’est pas possible », et puis finalement ça arrive. J’étais fougueux, j’avais de l’espoir, j’ai dit « bon, le premier match de la saison il faut qu’on fasse un truc, qu’on aille manifester devant le Parc ». Dans mes rêves les plus fous on aurait été plein et on aurait forcé les barrages de CRS, sachant que ce n’est jamais facile en août, parce qu’il y a les vacances. Et tu te dis « qu’est ce qu’on va faire », il y avait déjà eu le match avant, contre la Roma, un amical et puis tu sais que ça va être difficile parce que tes camarades de tribune, les Supras et compagnie, eux c’était autre chose, ils subissaient une répression policière énorme, il y avait quand même eu un mec qui était mort. Il y a eu de longues gardes à vue, des perquisitions, et eux étaient partis dans le discours « ça suffit », contre le racisme et autre, ce qui n’était pas mon délire mais que je pouvais comprendre parfaitement. Parce que ça avait été beaucoup, beaucoup trop loin. Au bout d’un moment il fallait que ça s’arrête. Deux décès autour du Parc, un climat de guerre civile, le club du PSG qui passait dans les médias pour pire que Daesh ou la Gestapo, des gens qui parlaient de dissoudre le PSG, c’était une période terrible.

Cliquez ici pour voir les images du 15 mai 2010 au Parc

On avait fait une manif le jour du dernier match de championnat contre Montpellier. Parce que le Plan Leproux avait été annoncé. Il n’y avait pas tout le Virage Auteuil mais il y avait tout de même pas mal de monde, des Lutece, des Kriek, des Karsud et puis pas mal de gens gravitant autour de la tribune. On était resté dans le stade très longtemps jusqu’à ce que les stewards nous virent, c’était le 15 mai 2010. Je m’en souviens, parce que c’est mon dernier match à Auteuil, et tu te rends compte que c’est peut être ton dernier match, et tu sors à 2H du matin… Je me suis dit « merde, c’est là, on va sortir et c’est probablement la fin », et oui effectivement c’était la fin parce que je ne suis pas retourné à Auteuil depuis. Et ce match arrive, PSG-Saint-Etienne (ndlr : 7 août 2010). Des gens viennent, comme ils sont venus depuis X années. Premier match de la saison, même si ils savent qu’ils ne vont pas rentrer dans le stade. Moi je tannais les gens, à dire il fallait qu’on appelle à la manifestation, qu’on fasse un truc cadré, organisé, si ce n’est même commando. Mais après il faut des soldats pour aller à la guerre. Donc il y a ça, premier match, on est là, tous un peu hébétés, hagards, on va vers le Parc, en chantant des chants contre le Plan Leproux. Et on se retrouve à se dire qu’on va faire un sitting, pacifique, devant des barrages. Complètement hallucinant.

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(c) Merry Moraux

Tu avais l’impression d’assister à une scène du G8, où le Parc était blindé de camions, de murs anti-émeute. Je ne pensais pas que le dispositif serait comme ça, et là je me suis dit « ah ouais, ils ne rigolent pas vraiment, ils ne veulent pas qu’on se réabonne, ils ne veulent pas qu’on revienne », tu prends vraiment le truc dans la face. Je voyais les flics, la tenaille, la nasse qui commençait à se mettre en place. Avec les plus âgés on se dit « on se casse » parce que, d’une, ce barrage on ne le forcera pas, et de deux on va rester à chanter comme des cons, à faire les baba cools pacifiquement et on va se faire arrêter quand même. On est parti, et dix minutes après, ceux qui étaient restés, surtout les plus jeunes, ont continué le sitting et ils se sont tous fait rafler, pour rien, ils faisaient juste un sitting pacifique. Les mecs ont fini dans des bus de Police pour aller dans des dépôts à Clignancourt ou autres, passer la nuit, prendre des interdictions administratives derrière, pour n’avoir rien fait si ce n’est chanter et s’asseoir. Et là le match commence, tu entends un peu le speaker, le coup d’envoi, pas d’ambiance parce que le Parc n’était pas tellement plein et il y avait eu l’appel au boycotte. Tu te retrouves à voir la deuxième mi-temps chez un pote, tu te dis voilà, c’est le premier match de la saison du PSG.

Les premiers matchs de la saison, tu étais toujours excité, content de retrouver tes potes, de préparer un premier tifo, ou de partir en car en déplacement, et là tu vois la deuxième mi-temps de ce PSG-Saint-Etienne à le regarder sur un pseudo multiplex de l’Equipe 21, le truc à l’italienne, en fumant des joints et en buvant des bières. Tu te dis merde, tu ne comprends pas, et après j’ai vécu un mois d’août à essayer de réfléchir, à me dire que faire ? Contester ? Il y avait LPA (ndlr : Liberté pour les abonnés) qui s’était créé, je ne savais pas trop comment les jauger, l’idée pouvait être bonne, mais j’étais perdu. Je l’ai ressenti physiquement. A l’époque j’étais quand même encore pugnace. Pugnace mais sous le choc aussi, déprimé, apathique, le manque de Parc, de virage, de bloc Lutèce, de car en déplacement, se faisait douloureusement ressentir. Tu ressens une tristesse profonde, t’es en manque comme Mark Renton ou Sick Boy d’héro dans les romans d’Irvine Welsh.

On avait joué Tel Aviv en préliminaire de Coupe d’Europe, on était parti avec 4-5 jeunes Lutece avec qui je m’entendais bien. On avait fait des stickers, on sticke autour du Parc, et à un moment : voiture de Police. On se fait arrêter, on se retrouve emmenés dans le commissariat sous le Parc, où un mec me dit « ouah, mais Viola, quel plaisir de vous voir », un mec que je ne connaissais pas. Il me dit « mais vous êtes très connu, vos compte-rendus, grand capo », mais je lui dis « vous êtes qui? », c’était un officier de Police judiciaire. Il travaillait au SARIJ, un autre service de Police que les RG. Je me suis dit qu’on allait prendre une interdiction de stade administrative, finalement on n’a rien eu. Mais tu te retrouves arrêté, menotté, amené au commissariat, et là tu te dis « ils ne vont vraiment pas lâcher l’affaire ». Ils sont sur une politique de tolérance zéro. Au sein du groupe on s’était dit « on va essayer de faire des choses, des contestations », tout seul ou avec LPA. Il y avait eu le tirage au sort de l’Europa League que le PSG jouait à Dortmund. On savait qu’il y aurait une mobilisation parisienne un peu massive. Les Supras jumelés avec la Wilde Horde de Cologne ce n’était pas très loin. Et aller en Allemagne ça pouvait intéresser du monde. Ça sentait le traquenard. Mais finalement les allemands ont géré dans le bon sens du terme, parce qu’ils ont fait rentrer toutes les grappes et les bandes de parisiens, partout, dans plusieurs endroits du stade. Il y avait peut être un millier de parisiens, qui normalement ne devaient pas y aller, le parcage était interdit, mais ils sont rentrés. C’est là où la culture allemande du maintien de l’ordre est différente et où les allemands gèrent très bien. Je l’avais vu à la Coupe du Monde 2006, les flics anti-émeute allemands c’est efficace. C’est une main de fer mais c’est aussi un gant de velours.

Cliquez ici pour voir les images du parcage parisien à Dortmund

Donc on n’avait pas fait Dortmund. Mais on avait été à Toulouse en championnat. A Toulouse le stade n’est jamais plein, tu sais que tu peux prendre des places. Et puis on connaissait, on avait un peu sympathisé avec des ultras toulousains qui sont assez cools dans le délire. Il y avait eu l’histoire de Brice Taton. On fait un contre-parcage, on rentre chacun un peu séparé, sans couleur, et puis on se pose. On est 20-30, avec du noyau dur et un peu de sympathisants Lutece. Il y a quelques RG du Parc qui nous font un peu chier mais au final pas trop… C’était régénérant et un gros kif, de revoir un match en vrai, de chanter, mais surtout de se retrouver ensemble, en déplacement, en famille pourrait-on dire, avec une partie du noyau, de retrouver cette joie du déplacement, et du simple plaisir de rentrer dans un stade.

Au final tu lâches un peu l’affaire ?

Non, pas sur la première saison. Je comprends que ça va être compliqué. Je comprends que la lutte va être pour le principe, pour le baroud d’honneur, mais dans ma tête je sais très bien qu’on ne récupérera pas nos abonnements et que le truc est mort. Mais pour continuer à avoir une vie associative de groupe et, entre guillemets, de stade, et pour aller au bout de ses idées, tu le fais. A côté de ça certains avaient essayé de discuter un peu avec le PSG. Moi j’étais assez vénère car je ne voulais pas faire de compromis avec des gens qui venaient de nous mettre dehors. Donc on va à Toulouse. Et on va en Coupe d’Europe. Un déplacement incroyable à Lviv où il fait -20°. On rigole bien, on est torse nu en Ukraine en décembre. Il y a un parcage au Parc en latérale qui est fait aussi contre Monaco. Je trouvais que c’était trop tôt. Depuis le début de la saison le boycotte marchait bien, le stade n’était pas très plein, il n’y avait pas de chant, et donc tu te dis tu vas en latérale, un petit millier, deux milles et puis tu te fais entendre. Chose qu’on a faite, mais ça a été très difficile, de revenir, d’aller en latérale comme ça et de voir le Virage comme il était. Ça m’a fait plus de mal que de bien. Il neigeait pas mal et avant le match je n’avais pas tellement envie de retourner au Parc dans ces conditions. Je me suis dit « putain il faut que ce match soit annulé par la neige ». Finalement on fait ça, et après les contre-parcages continuent, et grossissent d’ailleurs, parce que d’autres entités comme la K-Soce Team ont commencé à le faire. LPA s’est structuré. Donc on a commencé à faire un peu ces contre-parcages, ce qui n’était pas toujours facile. C’était de l’orga, il fallait partir discrètement, il fallait avoir des places en latérales ce qui n’était pas toujours facile. Et puis après se regrouper. Avec le risque d’avoir une interdiction administrative de stade pour avoir chanté contre le PSG, ou insulté Robin Leproux et Sébastien Bazin.

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(c) Merry Moraux

Ça se fait la première saison. Mais je sais très bien au fond de moi que de toute façon il n’y a pas de retour possible. Et puis après les gens sont moins motivés. C’est assez compréhensible parce que c’est usant. J’en voulais aux gens de ne pas continuer et être jusqu’au boutiste mais avec le recul tu te dis que c’est normal aussi. On a continué un peu à contester, à Annecy au début de la saison suivante, où on jouait Evian-Thonon-Gaillard. On a toujours bien aimé la Haute-Savoie, on avait une section là-bas, on s’est fait une espèce de baroud d’honneur. On n’était pas les Lutece Falco parce qu’on était dissout mais on était encore un peu vu comme ça. Au bout d’un moment il faut arrêter car il n’y a presque plus que des coups à prendre avec la répression. Et on l’a vu derrière avec les gens qui ont continué la contestation. LPA et tous les autres groupes qui se sont créés et qui sont au CUP maintenant, ils ont quand même morflés sévère en terme d’interdiction administrative de stade. Ou quand tu te retrouves devant l’entrée d’un stade en déplacement où le Responsable de la sécurité du PSG a suffisamment le bras long pour dire au Préfet ou au Responsable Sécurité du club adverse de ne pas te faire rentrer… donc tu arrêtes.

Certains anciens des virages et des Lutece retournent au Parc, toi tu n’y es pas retourné depuis août 2010 ?

J’ai fait le dernier match à Auteuil de la saison 2009/2010, le 15 mai, et après j’ai fait deux matchs de contestation, ce fameux PSG-Monaco, et un PSG-Brest, où j’ai eu la chance de voir Javier Pastore marquer. J’étais quand-même très content, c’était sympa ! Et depuis je n’y suis pas retourné. Je sais que j’ai plein d’amis qui y retournent, en latérale, parce qu’ils ne veulent pas retourner en Virage. C’est symbolique, la cassure est faite et ils seraient trop malheureux, mais ils vont voir des matchs en mode « bon père de famille ».

Et toi alors ?

Pendant longtemps non, parce que la cicatrice était trop présente. Et puis le Parc des Princes, était un mouroir, il n’y avait pas d’ambiance, il n’y avait pas de chant, des sifflets intempestifs. Même les joueurs s’en plaignaient. C’est aussi pour ça que les qataris ont poussé quand la fenêtre de tir s’est ouverte après l’Euro 2016. C’est une question d’alignement des planètes, rien ne pouvait se faire avant l’Euro 2016, où tu devais forcément avoir une gestion sécuritaire. Et la personnalité d’Antoine Boutonnet bloquait (ndlr : ancien responsable de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme, décédé par suicide en novembre 2017). Après ça s’est rouvert et le CUP a pu revenir. Mais je ne voulais pas aller au Parc avant le retour du CUP car je me suis dit que ça allait tuer ma passion. Mais ma passion pour le PSG elle n’est pas morte. J’ai réussi à faire mon deuil car cette vie d’ultra est terminée, ça n’empêche pas qu’il y a un bel historique, de belles amitiés, une passion qui est là depuis 1988, et ce club je l’aime de toute façon.

Aujourd’hui tu regardes tous les matchs ?

Je regarde tous les matchs. J’ai eu cette période un peu de latence, les deux premiers mois du plan Leproux où je sentais que mon amour du PSG pouvait s’estomper, qu’une sorte d’indifférence poisseuse était en train de poindre. Et puis on a refait quelques matchs de contestations alors ça rebooste et au fond la passion du club était toujours là, groggy mais pas morte. A partir de là je continue à regarder tous les matchs, avec des Lutece et d’autres fans du PSG. Le jour de PSG-Barcelone en poule de Ligue des Champions, quand on gagne 3-2, avec Verratti qui marque de la tête, un mec a voulu m’inviter au Parc. Il connaissait ma passion pour le PSG. Je lui ai répondu non. Je ne me sentais pas prêt. Je craignais de mal le vivre. Pendant longtemps je me suis dit « non, je ne vais pas au Parc ». Le temps a fait son œuvre, et le fait qu’il y ait à nouveau de l’ambiance, là j’aimerais bien aller voir un match, une rencontre de Ligue des Champions en latérale, posé comme un daron. Je kifferai vraiment ça. Mais le problème, c’est les prix. J’aimerais aller au Parc avec ma femme, on n’a jamais été au Parc ensemble, avec son filleul qui est supporter du PSG. Inconsciemment je veux le faire mais je remets toujours le truc au prochain match. Il y a donc l’inconscient et le côté pratique. Une chose est certaine, je ne retournerai jamais dans le Virage. L’idéal serait de pécho des invitations avec open bar Champagne en loges et d’insulter l’adversaire avec le frère de Marquinhos.

Des déplacements, par exemple à Naples, tu n’as pas eu envie ?

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(c) Merry Moraux

Mais je suis partagé, tiraillé entre l’envie d’y retourner un jour et tout le mal que ça pourrait faire, c’est assez étrange, j’ai appris à vivre ma passion de façon différente, hors du stade, dans des rades devenus un peu comme un nouveau coin de tribune, sur un canapé magique, devant un écran de smartphone, dans des salons d’apparts parisiens, devant des grands écrans ou même des trop petites télés, des studios à 15 dedans, des hôtels en Inde, des terrasses en Italie, des bars de stations de ski, des pizzerias à l’ambiance digne d’un virage, des troquets de province hostile au PSG.

Quand mes potes partent en déplacement européen, je suis le premier sur Whatsapp à voir comment ça se passe au stade et même en ville. J’aimais les déplacements européens. On partait  en Low Cost, trois jours à Athènes, à Bucarest et autres, on découvrait la ville, on se faisait des trips, il n’y avait pas que le stade. Oui, ça me manque. J’ai envie de le faire. J’ai fait deux grands chelems de suite, j’ai fait plein de déplacements européens, mais j’étais célibataire, et quand tu as un boulot c’est plus difficile. Je peux moins poser de jours facilement comme avant, j’ai aussi une femme, c’est pas pareil, mais oui, je pense qu’un jour ou l’autre je referai un déplacement européen, ou si il y a une finale j’irai, parce que c’est une finale. Après, même si je ne fais pas de déplacement ou si je ne vais pas au Parc, ça ne m’empêche pas de vivre ma vie de supporter devant ma télé de façon très active. C’est à dire que l’âme d’enfant de supporter, avec mon tatouage sur le bras, elle est toujours là. J’ai de la critique par rapport aux qataris et au football moderne, mais ma passion intrinsèque pour le PSG est toujours là. Je suis excité comme un gosse avant les matchs importants de Ligue des Champions, je mets des écharpes les jours de match et je vis les matchs, pas comme avant, mais il y a quand même un truc. Tu y penses, t’appelles tes potes, tu te fais des apéros d’avant-match, sauf qu’au lieu de rentrer dans le Parc, tu es déjà dans le bar, ou tu changes de bar. J’ai un bar fétiche où je vais assez régulièrement, un bar de quartier dans le 11ème, avec des ex-Lutece et d’autres potes hors stade qui sont fans du PSG, qui n’ont jamais été actifs mais qui connaissent l’histoire du club. Avec qui on peut parler tactique, et après quatre pintes de picons, on peut reparler du 3-5-2 de Luis Fernandez. Y a des mecs originaires de Strasbourg, on parle de José Cobos ou de Godwin Okpara, on a une vraie bande et une vraie vie par rapport à ça, un amour du foot et du club qui s’exprime vraiment et c’est chouette.

Tu vois le sapin de Noël que je n’ai pas encore enlevé (ndlr : dans son salon ou il nous reçoit), les guirlandes ce sont mes écharpes du PSG. Tu peux vivre des bons moments, des explosions collectives qui ne sont pas des explosions de virage. Tu es dans un bar et tu te sautes dessus, tu te renverses de la bière, tu t’embrasses. Par exemple la qualification contre Chelsea après prolongation, le 2-2, on n’était pas dans un bar mais dans l’appart d’un pote. Sur l’égalisation de Thiago Silva, la table, les bouteilles, les verres, l’appartement, tout a explosé, la joie pure. Cette émotion où tu as les larmes, où tu t’embrasses, même avec des mecs qui sont aujourd’hui beaucoup plus critiques par rapport au PSG, à se dire « non je n’aime pas, et caetera, Zlatan c’est un con, et caetera », les mecs redeviennent supporters du PSG. Ce Chelsea-PSG reste dans mes meilleurs souvenirs de match all-time. Comme inversement, le Barcelone-PSG. Tu as beau ne plus être au stade, ne plus être ultra, il est dans mon Top 5, voire Top 3 et peut être même Top 1 de la douleur, de la déception et de la tristesse sportive comme la demi de C3 face à la Juve en 93, la défaite contre le Barça en finale à Rotterdam. Même si la douleur est intrinsèque au PSG, le côté club maudit. Ces émotions tu les vis peut être différemment, mais au fond tu les vis pareil. Je crois que de 7 à 77 ans tu restes l’enfant supporter passionné de ta jeunesse.

Le tatouage représente quoi ?

Le logo du PSG des années 80 avec le Parc en dessous. Le logo avec le berceau bien sûr.


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Viola, Capo des Lutece Falco

VIOLA fut l’un des capi historiques des LUTECE FALCO,
groupe mythique du VIRAGE AUTEUIL des années 1990-2000.
Il est revenu pour nous sur plus de 20 ans de passion et de ferveur pour le PSG.
Une ferveur qui malgré le PLAN LEPROUX de 2010 l’anime toujours.
Son témoignage est rare et précieux. L’entretien a duré plus de 3 heures,
nous avons donc décidé de le découper en 3 parties. 


Comment et pourquoi être supporter du PSG ?

Je considère qu’il y a un côté ancrage territorial. C’est le club de ta ville. Ou le club de ton père. Même si souvent ce n’est pas vrai, car tu deviens surtout supporter du club qui gagne. Pour ma part c’est surtout à partir de 1988 que je suis devenu supporter de foot de façon consciente, l’Euro 88, les hollandais du Milan AC, Gullit, Van Basten mais aussi avec la finale de Coupe de France Metz-Sochaux. J’aimais bien cette équipe de Sochaux, cette équipe de D2 qui perd en finale avec un penalty raté par un tout jeune Michael Madar qui s’est mis à pleurer. Il y avait aussi Stéphane Paille dans cette équipe. Et les deux yougoslaves Baždarević et Hadžibegić… C’est fou je vous parle de Sochaux avant de vous parler du PSG.

Tu habitais où ?

A Blois. Il n’y avait pas vraiment de grands clubs de football aux alentours donc je m’étais entiché de cette équipe de Sochaux. Et surtout de Stéphane Paille avec son port altier, son jeux de tête, son côté cabochard. Mon premier souvenir de foot, c’est de façon très vague le France-Brésil au Mondial 86, puis de regarder les finales de coupe de France, OM-Bordeaux en 87, l’OM qui perd contre l’AJAX en coupe d’Europe et cette fameuse finale avec les lionceaux en 1988.

Alors pourquoi le PSG ?

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Viola et son 1er maillot (c) Collection personnelle

Par Gérard, le mec de ma mère qui était fan du PSG et qui bossait dans la musique. Il connaissait Charles Talar (ndlr : une des figures emblématiques des débuts du PSG avec Daniel Hechter) et donc me disait qu’il fallait aimer le PSG. C’était les débuts du grand OM de Tapie mais déjà je n’aimais pas Tapie. Gérard insistait sur le PSG et a fini par m’emmener au Parc en octobre 1988 pour mon anniversaire. C’était pour un PSG-OM. Je me souviens de l’excitation à l’école le samedi matin sachant que je partais au Parc l’après-midi. Cette saison là, Paris jouait le titre. C’était le PSG de Tomislav Ivić. On a pris le train à Blois pour Paris, puis le métro que j’avais déjà pris car j’avais de la famille à Paris. Puis l’arrivée à Porte de Saint-Cloud pour aller dans un bar avec beaucoup de monde. Je devais à peine atteindre le comptoir où j’avais réussi à prendre un petit programme de match.

Je me souviens du bruit, du tintamarre, des bières… On sort du bar, on tombe sur un pote de Gérard qui n’avait pas de place. Il a pris la mienne car j’avais moins de 10 ans et je suis passé comme ça, sans problème. Et là, l’entrée dans le Parc, l’escalier au milieu de la tribune présidentielle. Il y avait une boutique en coursive. Mon beau-père voulait m’acheter un anorak avec écrit PSG en 3 lettres. Moi je voulais le maillot qu’il a fini par m’acheter. Le maillot blanc adidas avec les 3 bandes, le sponsor RTL, en taille 12 ans. C’est un maillot que j’ai vénéré longtemps. Et qu’hélas ma mère a donné pour un vide grenier… Et donc l’arrivée en tribune face à cette pelouse verte fluo avec le côté béton du Parc. Là j’ai pris le virus. À vie !

Ça a donné quoi ce match ?

Un 0-0 bien viril. Je crois que c’était le retour à l’OM de Klaus Allofs qui avait été longtemps blessé. Mais je me souviens de l’ambiance, des chants à Boulogne, de vouloir rester le plus longtemps possible avant de reprendre notre train. C’est là qu’a commencé ma vie de supporter du PSG en province. A écouter le multiplex France Inter tous les samedis en portant le maillot comme un rituel. J’étais un peu tout seul à Blois à être supporter du PSG. Les gens étaient plutôt supporters du grand OM. A Paris tu avais juste Sušić et Calderón en joueurs stars et le petit Christian Perez, ma première idole, qui commençait à cartonner et à être appelé en équipe de France.

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Le 11 du PSG contre Salonique (c) Panoramic

Puis en 1992 j’ai eu Canal+. Mon premier match ça a été PSG-Salonique, le premier match européen du PSG de l’ère Canal+ (ndlr : 16 septembre 1992). 2-0, avec 2 buts de Weah. J’ai bien-sur vécu le fameux PSG-Real à la télé. Ce soir là, ma mère était en déplacement professionnel. Mes grands parents m’ont gardé. J’ai donc amené le décodeur Canal+ chez eux. Après ça j’ai suivi tous les grands matchs. J’étais supporter revendiqué au collège. Je portais les tenues. Je faisais des dissertations sur Paris, j’avais une fascination pour cette ville et je savais qu’un jour j’y vivrai…Je l’avais dit à mon instit’ en CM2. Pour le foot mais aussi pour la ville, la grande ville, cela me fascinait, le métro, les monuments. J’ai toujours été un urbain dans l’âme même en vivant à la campagne. J’étais destiné pour vivre à Paris. Pour aimer y vivre et chérir son club de football, dans le malheur ou dans la gloire.

L‘ambiance en tribune t’intéressait également ?

J’ai commencé à regarder ça de près en 1993 lors du déplacement à Marseille (ndlr : 30 mai 1993), avec les faits divers le soir de l’affreux but de Boli. Il y a eu des fumigènes balancés dans les tribunes… J’ai vu la fin du match après une boum qu’on faisait dans un garage, comme ça se faisait à l’époque dans la France péri-urbaine. La défaite m’a mis dans une rage… Je fulminais. C’était la perte du titre avec les marseillais qui fanfaronnaient. Je me disais « bien-fait pour eux ces fumigènes ». Le lendemain j’ai revu les images et ça m’a plutôt fasciné, plutôt que de me dire « oh les méchants hooligans qui tirent sur les marseillais ». Il y a eu aussi PSG-Caen contre les CRS. Alors ce n’est pas la violence qui me fascinait mais plutôt l’ambiance. La ferveur. Je voyais qu’il y avait une vie dans les tribunes.

Cliquez ICI pour visionner le résumé du OM-PSG de 1993

En 1995 je découvre Sup Mag avec un best of tribunes, et je vois qu’il y a plein de groupes à Paris. Je me dis qu’il faut que je retourne au Parc. Fin 1995, pendant les vacances de la Toussaint, je suis allé sur mon minitel, j’ai tapé 36 15 PSG et j’ai demandé à ma mère sa carte bleue pour acheter des billets. J’ai pris des places en latérale pour un PSG-Auxerre (ndlr : 22 octobre 1995). On a gagné ce match 3-1 avec un but de Youri Djorkaeff très rapidement et aussi un but de Pascal Nouma. Je refais un match en décembre contre Nantes avec le fameux 5-0 (ndlr : 9 décembre 1995 et le 3-5-2 de Luis Fernandez). Il y avait une ambiance de dingue, même si la tribune G était vide à cause de la grève des Postes qui n’avait pas permis aux places du conseil général d’arriver. Ce match c’est un peu ma Madeleine de Proust, on l’a re-maté il n’y a pas longtemps avec des potes des Lutece, ici à la télé… Puis j’ai fait la demi-finale de coupe d’Europe contre la Corogne (ndlr : 18 avril 1996 / 1-0, but de Loko). Après ça, dans l’euphorie d’après match, j’ai demandé à mon père si on pouvait aller à Bruxelles pour la finale car on avait de la famille là-bas.

Mais quand j’ai été sur mon minitel, je me suis rendu compte que seuls les abonnés pouvaient avoir des places. Donc j’ai regardé la finale à Blois chez moi avec des potes, comme moi, supporters du PSG, et aussi des potes supporters des Girondins qui faisaient eux aussi une belle campagne européenne avec Zidane, Dugarry, Lizarazu et Huard et qu’on avait suivi en parallèle tout en se chambrant… J’ai jamais trop aimé les girondins mais là mes potes étaient contents pour moi sur ce match. Bref ma mère nous a ramené des bières car on avait pas les moyens. Des Amsterdam Navigators qu’elle avait trouvées dans une station service, typique un truc de province. On a été chauds assez vite. Je me souviens de cette finale, de mes écharpes en totem autour de la télé, de cette joie, du bordel qu’on avait foutu après match dans les rues de Blois… Grosse joie, grosse fierté, gros souvenirs même si je n’étais pas au stade ni même à Paris sur les Champs le soir du 8 mai 1996 ou le lendemain. C’était beau, le maillot Hechter sans sponsor, la frappe de N’Gotty, la blessure de Raí, Lama qui soulève la coupe avec son maillot noir à paraments vert-jaune-rouge. Inoubliable.

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La victoire en chantant (c) Panoramic

Tu t’es encarté comment ?

Je passe le pas après le 5-0 contre Nantes. J’ai écrit à plusieurs groupes et les Lutece m’ont répondu assez rapidement. Ce qui est marrant c’est que je ne savais pas que j’aurais pu avoir des places pour la finale de Bruxelles par le groupe… Bref on a commencé à correspondre. Ils m’envoyaient des photos des tribunes, il n’y avait pas internet à l’époque ou très peu. Puis arrive le match fondateur pour moi en tribune Auteuil, PSG-Galatasaray (ndlr : 31 octobre 1996 / 4-0). Mon père nous monte à Paris avec un voisin d’immeuble, plus jeune que moi mais que j’avais converti au PSG. Il nous dépose en fin de matinée à Chatelet Les Halles. Encore un truc de provincial de vouloir aller là bas pour manger au Pizza Hut. Un peu la loose mais il n’y en avait pas à Blois. Je trouvais que ça faisait mec de Paname d’aller traîner aux Halles. En plus j’avais un bombers car c’était la mode. Avec le patch enlevé comme les dealers, donc les gens venaient me demander du shit, c’était marrant.

Puis on a été à la boutique du club à Franklin Roosevelt. On a commencé à voir des supporters, on a trainé sur les Champs puis on s’est dirigé Porte de Saint-Cloud en métro. Et là en arrivant on hallucine. Des turcs partout, il y avait même des stands avec des écharpes de Galatasaray. Tu sentais que l’ambiance était tendue. Arrivé au niveau de la porte G, ça part en couille entre turcs, parisiens et CRS. Je n’ai pas été effrayé, c’était plutôt excitant car tu sentais la pression monter. On s’est dirigé vers la tribune. C’était l’époque des Caterpillars. J’en avais et mon pote aussi mais les siennes étaient usées et on voyait la coque. Du coup il se les est fait confisquer en consigne. Il a passé le match pied nu ! A la Toussaint ! Sympa… Bref je passe à la table Lutece Falco et je me présente timidement. Je rencontre alors Najib. Il avait un an de plus que moi. J’étais en terminal et lui à la Fac à Orléans mais il était originaire de Chartres. Du coup on sympathise. Je prends ma place mais je ne me mets pas dans le bloc des LF (ndlr : Lutece Falco). Inconsciemment je ne me voyais pas aller tout de suite dans le noyau dur. Mais juste participer au tifo c’était déjà kiffant… Et puis le match de légende avec une très grosse ambiance. Et un après match « un peu » animé.

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Après ça j’ai continué ma vie de supporter à distance en correspondant beaucoup avec Najib par de longues lettres. Il y avait un côté un peu épistolaire. Je suis ensuite retourné au Parc pour la demi-finale contre Liverpool (ndlr : 10 avril 1997 / 3-0). Mon père n’était pas trop chaud pour que j’aille en Virage. Pour lui c’était un endroit rempli de hooligans. Mais je ne lui ai pas laissé le choix. On a eu la chance de rentrer avec le groupe avant le match, dans un Parc vide. J’ai fait la petite main dans le bloc Lutece, j’ai obéi aux ordres des leaders du groupe pour préparer le tifo. A l’époque les visiteurs étaient en F. Du coup il y avait beaucoup de supporters des Reds avec qui on a pu discuter, échanger des écharpes. Il y avait une bonne fraternisation. En plus on avait fait une banderole « Welcome to the legendary fans ». Et encore un énorme match du PSG. Leonardo, Cauet et un but de Jérôme Leroy. Ce soir là j’ai aussi acheté ma première écharpe des LF. Que j’ai perdu lors d’un déplacement longtemps après, sans jamais l’avoir lavé. Un pote m’a offert la même plus tard car il savait que cette écharpe était symbolique pour moi. C’était à l’époque ou tu pouvais avoir ce type d’écharpe à 500€ sur le marché des collectionneurs via mouvement.Ultras.com

En tout cas ce soir là tout a basculé. Je suis rentré à Blois et j’ai décidé d’aller à la finale. Bac ou pas bac en fin d’année, j’étais déterminé. J’ai prévenu ma mère, j’étais prêt à saborder le bac si je n’allais pas à Rotterdam. Et puis de toute façon je savais que je l’aurai et j’étais déjà pris en prépa, donc aucun problème. Quelques semaines plus tard je suis remonté en train à Paris pour un PSG-Bordeaux (ndlr : 3 mai 1997 / 2-2), et je profitais enfin de la carte 12-25 ans de la SNCF. Ça ne me faisait pas un gros trajet entre Blois et Austerlitz. Je n’avais plus besoin de demander à mon père de me monter. Et j’avais rencontré des gars en tribune qui sont devenus des amis et qui pouvaient m’héberger.
Arrive le match de Rotterdam (ndlr : 14 mai 1997 / 1-0 pour Barcelone). C’était beau et triste à la fois. J’ai rejoint le Parc avec mon père pour prendre les cars affrétés par le PSG. Même si les groupes géraient les cars de façon autonome. J’ai rejoint un car plutôt calme où j’ai pu discuter avec Pat, un ancien, et Grandé, un des fondateurs des LF. Avec ces mecs j’ai pu parler histoire et tribune. C’était jouissif.

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L’artiste Leonardo (c) Panoramic

Le voyage a été interrompu par la police belge suite à des vols en station service, un classique de déplacement. Mais là il y avait eu un braquage de caisse. Ça a duré. On est arrivé escorté et assez tard dans l’après-midi. On a quand même eu le temps de se balader un peu autour du stade. On a même vu certains VIP comme Joey Starr ou Sophie Davant qui étaient venus soutenir le PSG. Il y avait un gros Virage parisien dans le stade, avec une belle animation représentant la coupe d’Europe. J’ai gardé longtemps avec moi les feuilles métalliques qui ont servi à cette animation. La fin du match a été terrible. On aurait pu égaliser si Leonardo n’avait pas complètement foiré une occasion. Et pourtant j’adorais ce joueur. Le retour en France a été difficile avec un arrêt à la frontière par la police belge qui a fouillé nos cars. Ils étaient encore vénères de l’histoire de vol à l’aller. On arrive à la bourre à Paris. Mon père m’attendait. Je suis arrivé en retard au Lycée, pas lavé, marqué par la défaite et la fatigue. Je me suis embrouillé à l’entre-cours avec des mecs qui m’attendaient là-dessus, certes c’était de bonne guerre. J’ai aussi des potes supporters du PSG qui voulaient que je leur raconte le déplacement. J’étais à la fois fier d’y avoir été mais surtout triste. J’ai été convoqué dans le bureau du proviseur à cause des embrouilles. Il a été très compréhensif. J’étais tellement estampillé PSG au Lycée… Il le savait. Tout le monde le savait, ce qui pouvait générer son lot à la fois de respect et d’embrouilles.

Après le bac je suis parti en Fac de Droit à Blois. A ce moment là je viens à Paris souvent en train. Je commence à faire beaucoup de déplacements dans toute la France. Je suis très actif. Je fais près de 80% des matchs au Parc et plusieurs à l’extérieur. Ça forçait le respect des autres car ça m’obligeait à faire beaucoup de kilomètres à chaque fois. Il y a toute une nouvelle génération de supporters qui sont arrivés en même temps que moi à cette époque. Chez les LF et aussi chez les Tigris Mystic où ils étaient d’ailleurs appelés la génération 97. On était jeune, on voulait organiser nous mêmes les déplacements sans passer par les cars officiels du club, car on trouvait que les mecs étaient plus âgés que nous. Ils n’avaient pas le même style, la même mentalité. C’était un peu une question de génération et d’âge. Bref c’est à partir de cette époque que je deviens un personnage important du groupe.

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Batigoal (c) Panoramic

On t’appelait déjà Viola ?

Ça a commencé lorsque j’écrivais dans les Fanzines du PSG. J’aimais bien la Fiorentina des années 90. Je kiffais aussi la ville de Florence, que j’avais découverte en vacances. Et il y avait dans cette équipe Gabriel Batistuta qui était un joueur que j’adorais. A l’époque il fallait être supporter d’un club italien. Quand tu étais ultra c’était un passage obligé. Et donc en 1997 je suis parti en vacances près du lac de Garde avec mon père et aussi à Florence. Là bas j’ai été à un match. Malheureusement pas en Curva Fiesole. Mais l’ambiance était correcte. J’ai aussi pu voir Inter-Fiorentina à Giuseppe Meazza… Ce stade était mon préféré après le Parc. A partir de là j’ai choisi mon surnom d’Alex Viola, Violalex puis Viola. C’est parti comme ça.

Commence concrètement ta vie d’Ultra chez les LF ?

Oui. Avec cette nouvelle génération qui s’opposait parfois, comme dans toute relation de groupe, à l’ancienne. Notamment sur le fait de ne plus percevoir les 5000 francs offerts par le club aux groupes, afin de garder notre indépendance. D’organiser nos propres déplacements. Amar (ndlr : ancien président puis porte-parole des LF) ne voulait plus de ces bus car il y avait eu des caillassages en déplacement. On partait parfois à 50 par nos propres moyens. Puis on s’est dit qu’on pouvait affréter nous mêmes nos propres bus. J’étais dans ce processus de faire progresser le groupe. Pas dans l’idée de grossir le nombre d’adhérents, mais plus dans la qualité des valeurs inculquées et des personnes qui en font partie. Avec la volonté de transmettre des principes sur la façon de supporter l’équipe, de travailler nos animations en tribune. C’est triste à dire mais en 1999 on avait vu ce qu’avait fait le Commando Ultra pour ses 15 ans à Marseille. Une animation en carton retourné pas facile à faire. Ça avait de la gueule même si ce n’était pas parfait. Alors certes les marseillais avaient leurs propres locaux, mais ils étaient organisés. Il s‘agissait donc d’avoir un artisanat efficace, de préparer nos tifos. J’essayais d’apporter ma contribution là-dessus.

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Viola au Mega en déplacement (c) Merry Moraux

Pourquoi les LF plutôt qu’un autre groupe ?

Déjà parce qu’ils ont été les premiers à me répondre et que j’ai tissé vite des relations avec des gens qui sont encore mes amis aujourd’hui, qui étaient à mon mariage. Objectivement par rapport à l’époque et ce qui se faisait en tribune j’aurais pu me rapprocher des Tigris. Mais ils avaient une culture plus Hip Hop. Ça me correspondait moins car je me sentais plus proche de la culture irlandaise qu’avaient les LF. La Guinness, la picole, la culture Pub, le Ska, le rock anglais… J’écoutais Bernard Lenoir sur France Inter, les Blacks Sessions, des trucs dans le genre comme un type fondateur du groupe, Corto qui m’a permis de m’intégrer dans le groupe au début…

Comment as-tu fini par devenir Capo des LF ?

1er octobre 1999, je m’installe enfin à Paris dans le 13ème. A partir de ce moment je fais tous les matchs. Mon pote Najib faisait un peu le capo de temps en temps pour remplacer Mac Méga qui était le capo historique. Perso, ça me plaisait bien, mais pas au Parc. Ça se faisait en déplacement, quand ça ne chantait pas, je me retournais pour haranguer les gars. Et puis un jour on part à Strasbourg. Il n’y avait pas de capo ce soir là. On marque un but, je monte sur la grille et je n’en suis pas redescendu. J’y suis resté toute la fin de match à haranguer le parcage sans mégaphone, tout à la voix. Ça m’a plu et ça a plus aux gens. Et puis en devenant progressivement capo tu sais que tu passes un peu une hiérarchie sociale dans le groupe. Ne va pas qui veux dans le bloc. Tu as des lignes où personne ne va comme le No Man’s Land (ndlr : les deux premiers rangs derrière les barrières en Virage où les groupes rangent leur matériel). Ou en première ligne, où les gars ont la jambe qui pend sur la rambarde, pour tenir les bâches, ou debout à côté du podium, c’est un peu le noyau dur.

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Boat (Supras) et Viola (LF) aux commandes à Saint-Etienne (c) Merry Moraux

C’est un soir de coupe contre Créteil en janvier sous un froid glacial (ndlr : 8 janvier 2000 / 4-3), devant 18000 personnes, que j’ai passé la deuxième mi-temps au mégaphone. Ce genre de matchs était cool car l’acoustique du Parc est différente quand il y a moins de monde. Et tu peux plus t’éclater, te lâcher. Ça n’a pas été un exercice facile d’autant que le méga était très lourd et branché à la sono. Et j’avais des capos plus expérimentés que moi chez les Supras qui me montraient bien que ce que je faisais n’allait pas toujours bien. Mais c’était un acte fondateur pour moi. J’ai continué sans méga à l’extérieur car c’était souvent interdit et puis c’est venu comme ça. Au Parc il y avait Gilles alias Mac Méga qui tenait la sono puis parfois Najib et moi au méga. Ma légitimité s’est aussi construite là dessus. Je me souviens aussi d’un match en 2001 à San Siro contre l’AC Milan (ndlr : 14 février 2001 / 1-1) où Najib était malade et où j’ai fait tout le match à ‘capoter’ devant 2000 parisiens dans une ambiance de malade mental. Puis Gilles a arrêté pendant un moment pour des divergences de point de vue dans le groupe et à cause de son boulot. Il a été un mentor pour moi, un père de tribune. J’ai du le remplacer. Et ça s’est institutionnalisé. J’ai été capo principal des LF pour la tribune. J’étais associé à Stéphane, un très bon capo des Tigris, il y avait aussi Boat des Supras qui était souvent là. A un moment on a même fait un podium central pour rationaliser la tribune.

Ça fait quoi d’être capo et d’être dos au match, et de fait de ne quasi rien voir du match ?

Tu ne peux pas dire que tu ne vois pas le match car tu te retournes inconsciemment. Tu vois le regard des gens, les émotions. Tu te fais un peu des torticolis mais tu regardes. Et j’ai vécu des expériences fabuleuses de but à l’aveugle. Tu es là, tu chantes, tu es presque en transe, et tu vois que la tribune te suis, et tu sens comme un pré-orgasme dans l’attitude des gens, tu sens monter le truc, puis l’explosion. C’est intense de vivre tout ceci de façon indirecte, à travers le regard des gens, de tes amis et de toute cette tribune. Mais j’étais content de regarder les buts à la télé ou sur internet le lendemain, ou dans une émission d’Eurosport en anglais le lundi soir vers 23h.

Toi qui aime la musique, tu fais forcément un parallèle avec une expérience scénique ?

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Viola en suspension (c) Merry Moraux

Oui. J’ai lu des choses sur des mecs super timides qui lâchaient tout sur scène. Après j’étais rarement à jeun quand je montais en tribune. On faisait des gros apéros d’avant-match. C’était un peu ma marque de fabrique. Pas facile quand tu es à 4 grammes d’être audible lors des discours. Car j’aimais beaucoup faire des discours pour motiver les gars. Et puis j’ai toujours été acrobate. J’aimais bien me mettre dans des endroits où personne n’osait aller, surtout à l’extérieur. Une fois je suis monté au deuxième étage sur le filet à Metz, le filet a commencé à craquer et je suis retombé sur les stewards. J’ai vu dans leurs yeux que je n’étais pas passé loin d’un drame. Sur le coup, avec l’adrénaline je n’ai pas pensé au danger. Mais c’était tellement jouissif. Surtout qu’à Auteuil on avait des groupes structurés. Ça suivait vraiment sur les chants en général. Même quand on perdait. C’était un dogme de les faire chanter même dans la défaite. On mettait en pratique ce slogan « Dans le malheur ou dans la gloire ». Mais ce n’était pas toujours facile. C’est plus facile au début du match après les tifos ou lors de grosses affiches, quand tout le monde est excité, du mec du noyau dur jusqu’au mec qui roule ses joints en haut de tribune. Mais on a connu des périodes où les résultats ne suivaient pas. Heureusement qu’il y avait les groupes en Virage pour continuer à chanter. Le PSG-Chelsea (ndlr : 14 septembre 2004 – 0-3) où on se prend une branlée, qu’est-ce qu’on a été fort, qu’est-ce qu’on a été bon ! Tu es fier après ça…

Vous vous briefiez entre capo de groupe pour organiser les chants ?

Non, car on savait globalement quel chant lancer et car il y avait une forme d’habitude, d’exercice entre capi. Il arrivait parfois qu’on ait des problèmes de cohérence, mais c’était rare. On devait aussi choisir les chants en fonction de ce qui se passait sur le terrain, pour être en adéquation. Par exemple lancer un chant punchy ou pas. Et puis tu avais aussi les chants que tu venais de créer avec ton groupe. C’était un petit peu « ego trip ». En tout cas il était important de bien gérer la tribune. Ne serait-ce que pour être cohérent par rapport aux critiques qu’on pouvait faire aux joueurs quand on considérait qu’ils ne faisaient pas les efforts nécessaires. Alors que nous, on chantait pendant 90 minutes, à se péter les cordes vocales, avec notre coeur qui saignait.

Il y a des chants que tu as lancé personnellement ?

C’est toujours un travail collectif mais le Horto Magiko qu’on avait commencé entre nous a ensuite été repris en tribune. De toute façon ce type de chants, tu les commences à l’extérieur, à la mi-temps ou à la fin du match. Après ça prend et le déplacement d’après, tu le reprends avec tout le parcage, la fois d’après ça devient un tube à l’extérieur et là tu te dis « on peut le lancer dans le Virage à Auteuil ». Au fil des matchs tu as 8000 personnes qui le reprennent avec les gestuelles et les paroles…

Tu as un tifo en particulier qui te revient ?

Il y en a plein. Mais le magicien qu’on avait fait avec les Tigris et les Supras pour un PSG-Marseille en octobre 2000 (ndlr : 13 octobre 2000 / 2-0) avait demandé 15 jours de préparation. On avait jamais fait une aussi grande voile en hauteur dans le Virage. Je me souviens, 10-12 jours avant le match, quand on a reçu le tissu cousu, on s’est rendu compte de la tâche qui nous attendait. Je ne me souviens plus si on a amené la voile après ou avant la peinture tracée sur la pelouse du stade entre la porte Molitor et la porte d’Auteuil (ndlr : qui n’existe plus aujourd’hui). L’idée était de voir ce que ça rendait en réel. Un capo des Boys était passé pour voir le rendu. Et il nous avait dit « mais merde c’est immense ce que vous faites ». On passait tous les jours au Parc pour peindre. On est une génération entière de mecs qui ont séché les cours ou qui étaient au chômage et qui venaient pour préparer les animations en buvant des bières, en fumant des joints, en écoutant de la musique et en faisant des barbecues. Et ça de 8H00 du matin jusqu’à 22H00. Et contrairement aux groupes marseillais ou de province, c’était difficile d’avoir des locaux pour préparer ces tifos. On avait de petits locaux au Parc où on entreposait notre matériel mais c’était aussi des lieux de vie. On avait quartier libre et un accès open. Ce qui nous permettait au passage de planquer plein de torches dans des endroits improbables.

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Avenue de la fidélité (c) Panoramic

Un autre tifo t’a marqué ?

ll y a eu aussi le tifo « avenue de la fidélité », une avenue qui n’existe pas. J’avais eu l’idée et j’en étais assez content. Je tenais vraiment à ce tifo. Surtout que c’était face au Milan AC. Et que les deux mats que les Tigris avaient fait en bas avaient de la gueule.
Il y a aussi l’hôtel de Ville pour l’anniversaire de la libération de Paris (ndlr : PSG-Saint-Etienne, 29 aout 2004 / 2-2). Il n’était pas posé sur la foule mais tendu droit. On avait du monter sur le toit du Parc pour le fixer. C’était incroyable. Sur la fin c’était des alpinistes qui faisaient ce travail mais au début le PSG nous laissait faire avec un responsable sécurité. On montait sur le toit du Parc. On avait une vue de Paris et du stade… Et puis on avait pas pu tester ce tifo avant le match, et le jour J tout s’est bien passé. Il y avait une foule de détails dessus, tracés comme on pouvait. On se trompait sans doute, c’était de l’art abstrait mais une fois tendu c’était magnifique… Les tifos anniversaire du groupe, ça marque aussi, tant le jour même que dans tout le processus de création et de réalisation qui peut durer plus d’un an.

Parlons Clasico. Un PSG-Marseille en particulier ?

Je déteste cette expression « canalplusienne » de clasico pour les PSG-Marseille. PSG-Marseille c’est PSG-Marseille, rien à qualifier de plus. Le premier de 88 m’a marqué car c’est le premier mais c’est surtout celui de 2006. C’est je pense mon meilleur souvenir all-inclusive package complet, souvenirs tribunes et footballistique. Déjà il y a la demi-finale de Coupe à Nantes qui est très rapprochée, 10 jours avant (ndlr : 20 avril 2006). On prend le train avec quelques potes, on arrive après le coup d’envoi et je vais direct sur la grille. Je prends le méga, un peu en retard, et on marque assez tard, je crois qu’on gagne 2 buts à 1. Pancrate doit ouvrir le score, Nantes égalise. On avait fait une séance de tirs au but à Nantes deux ans avant (ndlr : 28 avril 2004, demi-finale de Coupe de France, 1-1 et victoire parisienne aux tirs au but). Et là, le grand Pedro Miguel Pauleta, l’idole, Dieu marque… on sait déjà que Marseille s’est qualifié plus tôt dans l’après-midi. C’est jouissif. On est déjà en mode anti-marseillais. Tous les joueurs viennent, jettent leur maillot, il y a une liesse. On est déjà dans la Finale, à se demander quel tifo on va faire. On en parle dans le stade. Les mecs de Boulogne nous disent « on a une vieille Coupe de France. On pourrait la ressortir et faire des feuilles ». Finalement ils ne la retrouvent pas, donc on a du refaire une Coupe de France en peinture géante taillée Stade de France. Mais putain cette victoire c’était un kiff total. Donc après une semaine à ne penser qu’à ça, préparation de tifo, Stade de France. Et puis merde c’est Marseille, parce qu’on pensait que jamais ça n’arriverait. On avait souvent joué Marseille en Coupe quelques années avant. Deux ans de suite dans des tours. On le disait, c’était « boules chaudes – boules froides ».

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Jouer l’OM en finale de Coupe en terme d’ordre public ça n’existe pas, parce qu’ils ne veulent pas et ils ne sauront pas gérer. Et ils n’ont pas su gérer. Heureusement, je dirais. Ça nous a permis de faire un avant match un peu plus sympa. Je me souviens la veille, il y avait un concert de Dropkick Murphys. On était plein de parisiens, tout le monde était déjà au taquet. Après le concert, pub, mais il ne faut pas trop se la mettre parce que demain on se lève tôt. Il y a un tifo à préparer et il y a un peu une ville à défendre. Il y a peut être même des marseillais déjà là. Le matin du match, je me souviens m’être levé en avance avec Vor (ndlr : ancien membre des LF), genre à 6h30, en étant sur le canapé lit d’un pote dans son appart et de faire « Qui ne saute pas est marseillais ». Puis aller chercher le matos, le ramener. Tu sais que les gars en face ils vont aussi être là, faire leur tifo. Et là il y a un car de marseillais qui passe qu’on essaie d’attaquer. Ils ne descendent pas, mais la journée est lancée. Finalement il y a eu assez peu de marseillais dans Paris. On avait fait un rassemblement à l’Hôtel de Ville, puis on avait pris le RER, et un cortège avec les Supras. Un truc massif, Virage Auteuil, à 2000, torches et compagnie, tout le monde surexcité.

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L’aigle tient sa coupe (c) Panoramic

A un moment on croise les mecs de Boulogne qui étaient un peu en chasse, et là entente cordiale, c’est PSG-OM. On arrive sur le parvis, les barrages étaient des gruyères, il y avait des flics mais tu descendais les escaliers, tu passais le long de l’autoroute. Avant match très Rock’n’roll. Bagarres. Paris gagne. Tu avances vers eux, tu les fais reculer. Les flics étaient complètement dépassés et c’était assez magique. Après ça s’est arrêté parce que c’est Paris. Malheureusement il y avait le conflit Boulogne-Tigris, et Boulogne a attaqué les Tigris, mais sans ça on aurait pu passer de l’autre côté et se faire des marseillais dans tous les sens. Parce que c’était la Finale de Coupe de France. Avant-match dans le stade, les marseillais chantent fort. Ils étaient vraiment au taquet. Tu sentais la puissance vocale et tu te dis que ça va être un beau duel des tribunes, vocal,… Parce que même dans les latérales, c’était moitié-moitié et il y avait pas mal de marseillais.

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On l’a eu (c) Collection personnelle

On sort le tifo et les lettres. Tu le vois sur l’écran géant. La Coupe, le « On l’a veut ! ». Tu vois que c’est propre, c’est net, et surtout c’était très cohérent sur les trois étages. Alors qu’eux en face avaient trois tifos un peu différents. Alors qu’ils avaient fait des communications du genre « On va faire un tifo incroyable, Stade de France, etc »… alors que c’était au final des voiles recyclées merdiques. Et là le but de Kalou d’entrée (ndlr : Bonaventure Kalou, 5ème minute) qui permet de lâcher tout le monde. Ça chante, ça chante, tu domines ce match, tu gagnes, et ce but incroyable de Dhorasoo (ndlr : Vikash Dhorasoo, 59ème minute). Cette frappe toute pétée qui va au fond, c’était l’euphorie totale, c’était vraiment absolument incroyable… Devant l’Hôtel de Ville, Rothen qui craque des torches, nuit blanche, tu rentres chez toi au petit matin. Il fait jour, tu allumes les chaînes d’info, tu revois les buts et les images en direct des marseillais arrivant Gare Saint-Charles tous la tête dans le cul en train de pleurer. Incroyable ! Après, en vrai je me rappelle de tous les matchs face aux rats, au vélodrome ou au Parc, en ayant été là-bas en parcage, ou en Virage au Parc, à la radio ou devant la télé. Ouais tous. Les pires, celui au vélodrome en 89 ou j’ai pleuré avec la perte du titre et le but de Sauzée après la vendange d’Amara Simba. 97 au Parc avec le plongeon de Ravanelli. Les terribles défaites au Parc de février 2009 et 2010, la branlée au Vel’ en février 2000 après avoir ouvert le score par Christian, j’étais en tribune Ganay. Des sales souvenirs mais à côté de ça, chaque victoire ou série de victoires face à l’ennemi n’en a été que plus belle.


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

Interview Markus Kaufmann Virage

Markus Kaufmann

Depuis le match contre Manchester United, THOMAS TUCHEL a pris une autre dimension au PSG. Ce n’est pas vraiment une surprise quand on s’intéresse de près à la carrière du technicien allemand. C’est le cas de MARKUS KAUFMANN que nous avons rencontré pour parler de son livre « THOMAS TUCHEL, FAIRE GRANDIR PARIS » dans lequel il revient en détail et avec talent sur la carrière du natif de Krumbach.
Et où il est beaucoup question de PROCESSUS.

Tout d’abord explique nous ton parcours.

Je suis né à Paris. Je suis franco-suédois. J’ai passé la majorité de mon enfance à Saint-Germain-en-Laye, à 10 min. du Camp des Loges en vélo. J’ai joué deux ans au PSG quand j’étais petit. J’allais au Parc quand j’étais ado et durant les années 2000. J’ai fait mon lycée à Moscou, suis rentré à Paris pour mes études et j’ai ensuite fait une prépa à Paris au Lycée Henry IV. Puis j’ai intégré l’Essec pour étudier le management du sport. Avec comme objectif de travailler dans le sport et le foot en particulier.

Tu n’as donc pas une formation de journaliste à la base ?

En fait durant mes études à l’Essec je travaillais à mi-temps pour So Foot. J’ai commencé mon blog « Faute tactique » où je faisais des récits romancés sur le foot, plutôt du côté supporter, et des analyses tactiques. J’ai fait ça pendant 3 ans. A la fin je voulais prendre ma carte de presse et partir en Amérique latine pour écrire une année et travailler sur un livre. Mais ça ne s’est pas fait. Je suis rentrée en Europe, à Londres, pour travailler pour des clubs, et me former au niveau du sportif. Je suis d’ailleurs en train de passer mes diplômes de coach. J’entraine une équipe de jeunes à Londres. Ce sont des moins de 14 ans, dans une académie du Nord de Londres.

Quelle équipe suis-tu en Europe en plus de Paris ?

J’ai vécu en Italie quand j’étais petit et je suis tombé amoureux de l’Inter là bas. Il y avait en plus un lien avec le Paris de l’époque en la personne de Youri Djorkaeff.

Pourquoi avoir choisi Thomas Tuchel pour ce premier livre ?

En fait ce n’est pas moi qui ait choisi. Ce sont les éditions Marabout qui me l’ont proposé. Au départ ça devait être une biographie pour raconter sa personnalité dans le sens où on ne la connaissait pas en France au moment où il est arrivé. Mon premier reflex a été de rencontrer des joueurs et des gens qui l’ont connu. Pour voir si il y avait de la matière pour raconter une histoire. Je m’attendais à ce qu’on me décrive Tuchel comme quelqu’un de très froid, calculateur, manipulateur dans sa façon de gérer le vestiaire. Car c’est ce qui se dégageait de loin quand il était à Dortmund. Mais tous les gens que j’ai rencontrés m’ont dit que c’était un mec en or, très drôle, très différent de celui qu’on voit devant les caméras. En plus il a une histoire intéressante dans le sens où il a eu une carrière de joueur, écourtée par une blessure. Il est sorti du football, il est revenu. Ce n’est pas un personnage très exposé publiquement, mais il a eu une ascension qui se prête très bien à un long format comme ce livre. J’ai eu l’occasion de le rencontrer rapidement et j’ai été aussi surpris par son caractère très jovial.

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Thomas Tuchel à Mayence

Tu as donc du revoir ta façon de construire le livre ?

Oui, ça m’a motivé. Et j’avais aussi envie d’apporter une partie tactique. Pour permettre d’interpréter ses choix au PSG. En analysant comment ses équipes avaient joué à Mayence et à Dortmund. Et voir quels défis tactiques, sportifs ou institutionnels il avait du relever dans sa jeune carrière.

Est-ce que le personnage te fascine et pourquoi ?

Il est fascinant par son parcours. A l’image d’un José Mourinho. Il a commencé de rien. Il n’a pas été invité dans l’élite du football professionnel. Il a gagné sa place au mérite et à la compétence. Son profil raconte aussi l’histoire de tous ces éducateurs qui travaillent dans l’anonymat chaque semaine et qui n’ont pas de reconnaissance. C’est pour ça que sa première partie de carrière, en tant que formateur, lorsqu’il conduit son Audi break un peu partout dans le sud de l’Allemagne, est intéressante. Car beaucoup d’entraineurs vont se reconnaitre dans ce portrait là. C’est l’histoire d‘un type qui essaye de faire son boulot de la meilleure façon possible avec intelligence et avec talent. Et aujourd’hui il arrive à un poste où l’on attendait que des ex-champions du monde ou des entraineurs qui ont déjà gagné la Champions League.

Pourquoi signer à Paris ? Ambition ou curiosité intellectuelle ?

Il y a une histoire de circonstance. Le PSG est arrivé au bon moment, juste après son année sabbatique suite à son départ de Dortmund. Quand on analyse sa carrière avant d’arriver à Paris, soit 7 saisons en tant qu’entraineur, 7 fois il n’a pas eu les conditions qu’il voulait pour mettre en place un schéma de jeu ambitieux. A Mayence il perdait des joueurs chaque été et la construction du nouveau stade prenait le pas sur le recrutement. A Dortmund c’est le « modèle Dortmund » qui a réussi à vaincre ses ambitions lorsqu’ils ont vendu Gündoğan, Hummels et Mkhitaryan au milieu de son projet. Il a du se re-inventer avec une équipe de jeunes joueurs. Il s’est dit qu’à Paris il aurait les moyens de construire quelque-chose de nouveau. Même si pour l’instant on ne lui a pas donné toutes les conditions espérées.

Tu décris Tuchel comme un personnage à la fois perfectionniste, cérébral mais aussi sanguin. Ça rappelle un peu Emery. Qu’est-ce qui les différencie selon toi ?

Ils ont un gros point commun tous les deux quand il arrivent au PSG. Ils sont à un moment de leur carrière où ils ont rempli leurs objectifs sportifs chaque saison avec leurs clubs respectifs. Quand le PSG a recruté Emery, il y avait cette idée d’un entraineur qui va grandir en même temps que le club. Maintenant le mariage entre Tuchel et le PSG est un mariage pertinent. Si on regarde sur les 20 dernières années, les plus grandes dynasties qui associent un club et un entraineur ont été construites avec des entraineurs qui n’avaient pas gagné les titres qu’on aimerait qu’ils gagnent dans le futur. Zidane et le Real, Guardiola et le Barça, Simeone et l’Atletico, Wenger et Arsenal, Ferguson et Manchester. C’est un mariage de compétence et de méthode.

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La récital tactique de Manchester

Beaucoup de ses anciens joueurs disent que Tuchel les a changés. Tu penses qu’il est capable de faire de même à Paris ?

C’est quelqu’un de très humble, très ouvert tactiquement. Il privilégie souvent le groupe et la construction d’un esprit collectif plutôt que la tactique. Il va toujours allié la psychologie et l’analyse tactique pour dresser le profil d’un joueur. Par exemple, Rabiot il l’a décrit comme un 6 parfait techniquement et tactiquement, mais pas psychologiquement. Marquinhos c’est l’inverse. Il a cette vision associée aux compétences d’un formateur. On le voit avec Marquinhos. Il progresse devant la défense que ce soit dans la rotation de son corps et dans sa lecture du jeu. On l’a vu aussi avec Alvès qu’il a mis au milieu du jeu car il sait conserver le ballon, car il a une vraie science de la possession et beaucoup d’expérience. Mais aussi qu’il était vulnérable sur les côtés. Tuchel n’a pas peur de faire ces choix. Comme mettre Draxler au milieu, alors qu’il est arrivé à Paris comme un joueur de dribble, un allier ou un Neuf et demi. Il joue maintenant devant la défense et il a l’air heureux. Tuchel peut faire grandir ces individualités. Et le plus grand défit du PSG aujourd’hui, dans le contexte du Fair-Play financier, est aussi de faire progresser les joueurs moyens de l’effectif pour, soit réaliser des plus-values, soit des grosses performances.

Dans le livre tu décris précisément les ateliers et exercices mis en place dans ses précédentes équipes. Tu penses qu’il a du adapter ses plans à Paris ?

Il est dans un contexte très différent à Paris. A Mayence il avait 5 jours pour préparer ses matchs avec un mix de vétérans n’ayant jamais joué à ce niveau là et de très jeunes joueurs qui avaient envie de signer un jour à Dortmund, Shalke ou au Bayern. Il a créé un environnement positif pour la progression de ses joueurs. A Dortmund il a commencé à jouer tous les 3 jours mais avec un effectif beaucoup plus jeune qui avait envie de progresser. A Paris il a un effectif beaucoup plus difficile à lire et à interpréter. J’imagine que la partie entretien et observation de la personnalité des joueurs a été importante au PSG quand il est arrivé. Le problème c’est qu’on ne lui a pas donné un milieu de terrain digne de la Ligue des Champions. Si Marco Verratti se blesse, il n’a personne pour le remplacer et il devra jouer dès qu’il reviendra de blessure. C’est difficile pour lui d’appliquer les mêmes méthodes que dans ses anciens clubs, en terme de rotation et de confiance.

Il y a aussi le cas unique de gestion d’un joueur comme Neymar.

On parle beaucoup du coté psychologique avec Neymar. Comment il s’occupe de lui en tant qu’artiste. C’est la première fois qu’il a un joueur d’un tel niveau. Et surtout un joueur qui peut faire autant de choses sur le terrain. Il s’est rendu compte qu’il devait construire son projet de jeu autour de Neymar. C’est un peu le drame de ces dernières semaines. Pendant 6 mois il a construit son animation offensive autour de lui. On l’a vu à Naples où le PSG a installé une structure défensive bien en place qui aspirait le pressing napolitain. Mais quand on récupérait le ballon dans le camp adverse, c’est autour du brésilien que quelque-chose se créait.

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Coaching Vocal à Dortmund

Tu utilises souvent le terme de Processus pour parler du système Tuchel. Couplé avec une notion de vision à long terme. Pas facile à mettre en place au PSG ?

Je n’arrive pas à savoir si c’est lui qui essaye de convaincre le PSG de se lancer dans un redimensionnement du projet. En tout cas dans les derniers discours de Nasser, ce dernier parlait d’aller le plus loin possible et de progresser. Peut être que le club est en train de changer dans ce sens là. En tout cas ce qui est important et qui ressort du livre c’est que pour Tuchel, qui a été très bien formé à Stuttgart et qui se range toujours du côté de la compétence et du travail, c’est difficile de voir des collègues à lui ou des amis entraineurs jugés sur des défaites où il y a des joueurs blessés ou des conditions de préparation difficiles. Il a cette méfiance du jugement hâtif. C’est pour ça qu’il parle de processus tout le temps. Il a une étique de travail. J’irai même plus loin. Il aimerait que sa façon de voir les choses dans le foot ait des répercutions dans la vie réelle sur l’éducation et le travail. On a toujours tendance à regarder ce qui a mal fini plutôt ce qui a été mal fait.

Tu penses que le PSG a eu conscience de tout cela en recrutant Thomas Tuchel ?

Je ne suis pas sur. De ce que l’on sait, le choix ne vient pas de la direction du club mais de l’Emir directement. Au départ je pense qu’ils étaient plus dans la logique de recruter le nouveau Guardiola. De jouer le football le plus spectaculaire de la planète. En réalité, si on lit le livre on se rend compte que le football de Tuchel n’est pas toujours très spectaculaire. Il s’adapte beaucoup à son équipe. Son admiration de Guardiola n’est pas basée sur le style de jeu et la possession mais sur le reste du travail de l’entraineur et sur la passion qu’il met dans son métier.

Se pose aussi la question de sa relation avec son directeur sportif, Antero Henrique. On sent qu’il y a divergence de point de vue ?

Tuchel a déjà de l’expérience dans ces batailles institutionnelles. Ce qu’on lit dans la presse c’est qu’Antero aurait caché certains dossiers à Tuchel et refusé certaines de ses pistes. Tuchel a toujours respecté le métier de directeur sportif. Il ne s’interdit pas cependant de proposer des joueurs car il regarde lui aussi beaucoup de football même si il a moins de temps. Il l’a fait à Mayence et à Dortmund. Ça s’est très bien passé à Mayence pendant 5 ans avec Christian Heidel avec qui il est resté très proche. A Dortmund il a du faire face à la stratégie du club mais il a quand même collaboré sur certains dossiers. A Paris il a pu le faire avec quelques joueurs. Je pense à Kehrer ou Choupo-Moting. Paredes était aussi sur sa liste. C’est un choix pertinent par rapport au projet parisien d’aujourd’hui. Mais ça m’étonnerait qu’il trouve à Paris un club avec les pleins pouvoirs. Dans le sens où le PSG a les limites financières qu’on connait et que Henrique a d’autres contraintes que Tuchel…

En cas de disqualification prématurée en C1, tu penses que la direction saura le soutenir ?

Je pense que le club a pris conscience du discours et du processus de Tuchel. Ce dernier parle de la Ligue des Champions comme une compétition de générations. Il faut construire un noyau de joueurs forts pendant des années pour espérer la gagner une fois. Si on analyse froidement les derniers vainqueurs, il y a eu des cycles très importants pour arriver à la victoire. Le United de Sir Alex, l’Inter de Mourinho, le Chelsea de Di Matteo, le Bayern de Heynckes, puis le Real Madrid de Zidane. Il y a eu des années de construction tactique et de groupe pour arriver à gagner. A Paris on a construit un groupe. Ça fait des années qu’on a les mêmes leaders. Mais je pense qu’il manque une culture de l’humilité. Et c’est très difficile à installer en ligue 1 dans la mesure où il y a une telle différence entre le niveau des joueurs et le reste du championnat, mais aussi une différence de niveau en Ligue des Champions. C’est très difficile d’entrainer le PSG entre décembre et janvier. Car il n’y a plus la stimulation de la grosse performance. Tuchel parle de ce besoin de « scène » pour les joueurs. Il évoque le cas d’Ousmane Dembélé à Dortmund qui malgré les ateliers mis en place ne se sentait pas suffisamment challengé. Il fallait qu’il affronte une grosse équipe dans la semaine pour arriver tôt à l’entrainement. Depuis plusieurs saisons il y a ce problème à Paris. On a des joueurs qui viennent d’autres championnats, habitués à jouer la Ligue des Champions et pendant deux mois ils n’ont plus cette stimulation. Si on prend l’exemple contraire de Monaco en 2017 qui va jusqu’en demi-demi-finale de C1, l’effectif était composé de jeunes de ligue 1 ou de joueurs venant de championnats dit « inférieurs » comme celui du Portugal. Jouer en ligue 1 était déjà un défis important pour eux.

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Choupo In Love

Ne doit-il pas dans ce cas lancer encore plus de jeunes franciliens qui ont comme objectif de jouer dans l’équipe Pro ?

Oui bien-sur. Il en a déjà besoin pour concurrencer le reste de l’effectif. Il l’a très bien fait à Dortmund et surtout à Mayence où c’était un besoin vital pour que le club survive. Je pense que la capacité du PSG à repérer des jeunes qui pourront avoir un impact en équipe première est un défis important. Quand on regarde le match contre Bordeaux, beaucoup de supporters ont été déçus des performances de Diaby, Nkunku ou Nsoki. Alors que c’était justement le moment de prouver qu’ils pouvaient prendre une place de titulaire. Si on avait un jeune Verratti formé au Club, capable de concurrencer le vrai, Marco Verratti aurait une autre approche dans son comportement.

Est ce que Tuchel a déjà planifié notre potentielle élimination en C1 cette année pour construire, changer les mentalités des joueurs et de la direction ?

Il est toujours très honnête en conférence de presse. Il sera le premier à féliciter son équipe si elle a bien joué, et si c’est pas terrible il va le dire aussi. La veille des confrontations européennes, il fait toujours passer des messages. Contre Manchester, il a dit que Paris venait pour marquer. Pour mettre la pression sur Manchester tout en précisant que Manchester était favori, car ils avaient une attaque extraordinaire et que ça allait être très difficile pour le PSG. En tout cas il est très lisible dans ses conférences de presse. Il a aussi ajouté qu’on était Paris, qu’on devait avoir un jeu offensif. Ça fait bizarre aux supporters d’entendre un coach étranger dire « on est Paris ». Il utilise ça pour flatter notre égo. Mais aussi pour nous installer parmi les équipes spectaculaires qui jouent un football offensif depuis des dizaines d’années.

Le livre s’intitule « Faire grandir Paris », et non faire gagner. Tout le processus dont tu parles part de là ?

Oui. Tuchel n’a pas l’intention de gagner la Ligue des Champions sur un coup de chance. Le PSG a l’obsession de la remporter alors qu’on devrait avoir l’obsession d’aligner la meilleure équipe possible, pour progresser et ne pas gagner qu’une C1 mais plusieurs. Quand on voit le parcours du Real Madrid, on constate qu’il y a eu beaucoup d’années de construction entre les victoires en C1 et l’arrivée de joueurs clés comme Ramos et Marcelo. Ce n’est pas quelque-chose de complètement inaccessible.

Question piège pour finir : Pourquoi avoir fait venir Choupo-Moting à part le fait qu’ils se connaissaient tous les deux de Mayence ?

Ma lecture de ce joueur c’est que ça rentre dans sa logique de construire un groupe. Dans le sens où c’est quelqu’un qu’il connait très bien, qui apporte une énergie très positive dans le groupe, qui parle le français et l’allemand très bien, qui peut faire le lien, un grand frère pour les jeunes et un relai pour le staff. Choupo a la réputation d’être très sérieux à l’entrainement et de ne jamais se plaindre quand il ne joue pas. Ça permet à Tuchel de traiter certains cas de joueurs se plaignant de leur temps de jeu en leur disant « Regarde Choupo, il s’entraine depuis le début de la saison et pourtant il a moins joué que toi ». Ça rentre dans une logique de gestion, comme Deschamps qui sélectionne Adil Rami plutôt que Aymeric Laporte pour garder cette énergie positive. Ça m’étonnerait qu’il ait pris Choupo-Moting pour jouer à la place de Cavani…

Crédits photos (c) Panoramic & Editions Marabout


Déjà disponible (Editions Marabout)

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Xavier Chevalier
Interview Frederic Scarbonchi & Christophe-Cecil Garnier Virage

Frédéric Scarbonchi &
Christophe-Cecil Garnier

En créant le concept Supps Par Terre, Frédéric et Christophe-Cecil n’imaginaient sans doute pas qu’ils accompliraient ensemble un tel tour des stades en France.
Ils ont fini par en faire un livre qui sortira le 12 février prochain, le bien nommé SUPPORTER. Les deux journalistes se sont intéressés à plusieurs sujets autour du supportérisme. On les a rencontré pour évoquer cette incroyable expérience au coeur des tribunes et pour parler du mouvement ultra en 2019.


Comment vous vous êtes vous rencontrés ?

On a fait nos études de journalisme ensemble, à Cergy.

Comment est né ce projet ?

Christophe-Cécil : C’est toute une histoire. En 2016 j’ai fait un papier pour So Foot sur le club des 92. C’est une espèce de club de gentlemen où l’objectif est de faire les 92 stades que comptent les 4 divisions professionnelles d’Angleterre. Tu peux le faire en plusieurs saisons, mais il faut tenir compte des changements avec les montées et les descentes. Certains en sont à plus de 130 stades dans leur vie. Je fais le papier et on en reparle 6 mois après avec Frédéric. On se rend compte qu’à nous deux on en était à pas plus de 10, c’était ridicule. Du coup on s’est dit que l’on pourrait essayer de faire le tour de France des stades de foot sur la saison 2017-2018. Mais pas en tribune de presse. Avec les supporters en virage. On est journalistes et on peut en profiter pour discuter avec les supporters.

Frédéric : Au départ, on a dealé avec Vice pour collaborer ensemble là-dessus. Mais c’était un peu compliqué à ce moment-là chez eux. Alors on est allés voir les Cahiers du Foot avec qui ça s’est bien passé. On n’avait pas de contrainte de longueur sur nos articles. Jérôme Latta, des Cahiers, nous a alors suggéré l’idée de ce livre. On a été voir plusieurs maisons d’édition. La plupart étaient frileuses car le marché n’est pas simple sur ce créneau. Finalement on a signé avec Amphora qui venait de connaître un beau succès avec la sortie du livre de Paris United.

Ça vous a permis de financer vos déplacements ?

Frédéric : Au départ on faisait ça sur nos fonds propres. On a dû lancer un KissKissBankBank en milieu de saison pour récolter environ 1500€ afin de pouvoir nous en sortir. Mais même avec ça et l’avance de la maison d’édition on n’est pas entrés dans nos frais. Mais bon, ce n’est pas grave. On continue aujourd’hui à faire des déplacements même si le livre est fini. Là on revient de Pontivy pour RMC Sport. On le fait plus pour le kiff en vérité.

Tous ces déplacements vous ont-ils changé par rapport au football et la façon de le vivre ?

Frédéric : Déjà, on n’a jamais été ultra même si on allait au stade supporter nos 2 clubs respectifs. Personnellement j’ai été abonné au Parc des Princes. Ce projet, il nous a changé parce qu’il nous a donné envie de mieux comprendre le supportérisme et les supporters.

Christophe-Cécil : Je crois que tu as tout dit. De mon côté je ne connaissais pas grand chose du monde des supporters à part les grands groupes de Paris, Lyon ou Marseille. J’ai toujours été fan de foot, je suis supporter du FC Nantes. J’habite en Vendée et j’obligeais mon père à nous emmener à la Beaujoire. On se faisait 3-4 matchs par saison. Du coup ça a toujours été un lien à la fois fort et distant. J’ai des potes qui étaient à la Brigade Loire mais je ne connaissais que de l’extérieur.

Présentez nous le livre.

Frédéric : Il y a 250 pages de texte. Ce livre est sans illustration car nous ne sommes pas photographes. Au départ on avait fait 21 articles sur 21 déplacements différents. On a vu un peu de tout : des ultras, des associations, des gens qui s’occupent de blogs à Rennes ou à Caen. Le sujet, c’est  comprendre ce que ce qu’est un supporter en 2018. Du coup le livre est organisé en thématiques avec 8 chapitres. Dont un dédié aux ultras, un autre au rapport à la violence, un dédié aux réseaux sociaux, à l’image du supporter, aux rapports avec les autorités publiques ou le monde du journalisme. On essaye d’expliquer tout ça à partir de ce qu’on nous a raconté lors de nos rencontres.

Christophe-Cécil : Lorsque nous faisions nos articles pour les Cahiers du Foot, il y a certaines choses que nous ne pouvions pas écrire, parce que c’était du off. Le mettre dans un article où les groupes étaient identifiés aurait pu les mettre en difficulté. Là, on a pu ressortir ces discussions « off » pour expliquer ce qu’il se passe chez les supporters.

Comment avez vous fait pour approcher ce milieu assez secret ?

Christophe-Cécil : Les supporters actifs, sans être ultras, n’ont jamais été difficiles à approcher. Un peu comme Génération OL. Concernant les Ultras, on a eu de la chance au début avec Amiens. Les mecs étaient motivés et sympas. Et puis on était conscient que c’était grâce à la qualité de nos papiers que le bouche à oreille entre les groupes jouerait en notre faveur.

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Christophe-Cecil Garnier et Frédéric Scarbonchi à Amiens

Frédéric : Ça a été le cas pour les supporters de Saint-Etienne qui ont appelé les Nantais pour savoir comment ça s’était passé avec nous. Et de même, un groupe montpelliérain a appelé les Stéphanois.

Christophe-Cécil : On a aussi eu de l’aide via nos contacts journalistiques notamment pour les Niçois sur lesquels Vice avait déjà fait un papier. On a eu le contact de Biba, le capo de la BSN. Au-delà de ça, il y a eu beaucoup d’explications, de discussions, de consultations pour les convaincre. Ce qu’on peut comprendre.

Frédéric : Notre idée était aussi de passer quasiment toute une journée avec eux, pas seulement aller au match. Et poser des questions sur tout, leur façon de supporter, de mêler ça avec la vie de famille, le rapport à la violence… Pas que sur les affaires en cours. Leur autre inquiétude était liée à de mauvaises expériences passées avec d’autres journalistes. Et quand le papier sortait ça ne parlait que de leur violence présumée, comme à Nice ou Metz par exemple. Ce n’est pas pour ça qu’on a fait de l’angélisme. Quand on a rencontré les Lillois, quelques semaines après leur envahissement de terrain pour leur retour au stade Pierre Mauroy, ils avaient peur qu’on écrive des bêtises. On a raconté ce qu’on a vu, que ce soit des échauffourées entre supporters ou d’autres qui arboraient des signes de mouvements radicaux. Et ça a été bien accueilli parce qu’on a été factuels. Alors parfois ils ne sont pas contents. C’est arrivé une fois avec un groupe. On a raconté qu’après avoir lancé leur chant, le groupe en face d’eux au stade n’a pas répondu. Et que lorsque ce même groupe a lancé son chant, ils ont répondu par des doigts d’honneur… Mais c’est là où on reste journaliste : lorsqu’on les a rencontrés, on leur a demandé de nous parler de ce fait et ils n’ont pas voulu répondre, ce qui est leur droit. Mais on l’a relaté quand-même, parce qu’on l’a vu.

Il existe des tensions entre groupes de supporters d’une même équipe partout en France, vous confirmez ?

Frédéric : Oui, bien sûr. On a vécu ça à Metz. Mais aussi à Nantes, même s’il n’y a que la Brigade Loire qui est visible. Il y a d’autres petits groupes avec qui il peut y avoir des tensions. C’est comme en politique. Tout le monde veut que le micro soit tourné de son côté.

La philosophie de votre travail se rapproche de ce qui a été fait par Philippe Broussard dans le livre GENERATION SUPPORTER (paru en 1990). Une inspiration pour vous ?

Christophe-Cécil : J’ai relu ce livre la saison dernière. On voulait d’ailleurs proposer la préface à Philippe Broussard. Mais on ne l’a pas fait car on a été un peu débordé. On venait de finir le bouquin et on était rincés.

Frédéric : C’est un grand regret car il n’avait pas l’air fermé à l’idée. On a réussi à le contacter par des amis communs. Mais il voulait lire le livre avant, ce qui est normal. Sauf qu’on a l’a écrit en 2 mois, et on ne voulait pas lui envoyer le brouillon. On voulait que ce soit bien. Donc, le temps de lui remettre la version finale, qu’il la lise et qu’on se mette d’accord pour qu’il écrive sa préface, on ne tenait plus les délais de fabrication imposés par la maison d’édition. Et puis on est des vrais admirateurs du travail qu’il a accompli. On avait un peu peur de le déranger… Mais sinon l’idée même du livre ne vient pas de GENERATION SUPPORTER. Mais on s’est dit qu’il fallait tenir ce niveau d’exigence.

Christophe-Cécil : D’ailleurs les supporters nous en parlaient. Ils avaient eux aussi lu GENERATION SUPPORTER. Mais notre livre parle de plusieurs sujets sans angler sur les groupes. GENERATION SUPPORTER est très axé sur les groupes, ville par ville, équipe par équipe.

Frédéric : Philippe Broussard a choisi des sujets et se sert d’un groupe ou d’un club pour argumenter. Nous, on est parti de plusieurs clubs ou groupes pour argumenter sur un sujet. Il n’y pas l’idée de faire du particularisme.

GENERATION SUPPORTER a été écrit à la fin des années 80. Quelles différences voyez vous entre le mouvement ultra de cette époque et aujourd’hui ?

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Boys In The Hood

Christophe-Cécil : À l’époque de Philippe Broussard, le mouvement ultra en France est quasi-naissant. Le Commando Ultra de Marseille a 5-6 ans, pas plus. Pareil pour les Boulogne Boys. Et il n’y avait pas les réseaux sociaux. Les groupes ultras se sont modernisés, démocratisés. Et puis aujourd’hui, beaucoup se revendiquent du mouvement ultra alors qu’à l’époque c’était très fermé. C’était très contre-culture. Il y a aussi un avant et un après France 98. Aujourd’hui, il y a une autre perception du supportérisme par rapport aux débuts. Quand ça commence, c’est après 1985 et le drame du Heysel, et le mouvement ultra a été associé au hooliganisme. La France des années 80 n’avait aucune conscience et connaissance du mouvement.

Frédéric : Le groupe ultra est devenu un acteur de sa communauté, de sa ville, de son club. Il a son statut. Il est sous loi associative, contrairement à l’époque. Par ailleurs beaucoup de groupes naissent à gauche à droite. Et, grâce à internet, ils voient comment ça se passe ailleurs, comment on fait un tifo, comment on chante… Ils peuvent avoir accès à une base assez solide de la culture ultra. Alors qu’avant il fallait attendre les courriers, les photos, les fanzines.

Christophe-Cécil : Il y a comme une mondialisation de la culture ultra. Mais aussi une normalisation. Les groupes ont également pris de l’ampleur. Par exemple les Red Tigers à Lens. Au début ils étaient en tribune latérale sur un petit côté. Année après année, ils se sont ancrés sur le milieu de la tribune et à présent c’est le LE groupe de la tribune à Bollaert.

Vous avez approché le CUP pour parler du contexte parisien ?

Frédéric : On a rencontré le CUP 1 an après leur retour au Parc. Ce qui nous intéressait c’était de savoir comment on se réattribue une tribune en devant composer avec cette phrase qu’ils entendaient en permanence : « Le Parc c’était mieux avant ». On peut critiquer l’ambiance qu’il y a au Parc mais c’est mensonger de dire qu’aujourd’hui il n’y en a plus. On a le droit de penser que c’était mieux avant. Mais on a souvent tendance à sublimer le passé. Quand j’étais abonné au Parc au début des années 2000, je ne peux pas dire que je me régalais tous les week-ends. J’ai des souvenirs de PSG-Metz où des mecs ont essayé de balancer une buvette sur la tribune, je ne me disais pas : « Incroyable, quelle ambiance ! ». J’ai aussi assisté à des matchs en été lorsque Paris était vide, avec 25000 personnes au Parc. Le CUP a du ré-importer les codes, construire une nouvelle génération de supporters, se faire un nom, mais sans avoir la vocation à devenir un groupe ultra majeur. Ils veulent devenir un groupe de supporters actifs. Ils essayent d’inventer une autre façon de supporter à Paris, en s’inspirant de ce qui se fait en Allemagne. Ça va avec la mondialisation du football. Parmi les fondateurs du CUP il y a des anciens ultras, mais aussi des supporters à l’époque non-cartés, qui veulent vivre leur passion de supporter autrement, emmener leur gamin au stade…

Et il y a ceux, à l’origine du CUP ou non, qui ont continué à supporter le PSG après 2010, à faire les déplacements, à être refoulés au Parc ou à Charléty, ceux qui ont été interdits de stade pour avoir chanté « Liberté pour les ultras »… Ils ont développé un rapport très particulier avec le club. Ils ont pris du bagage sur l’amour de leur équipe sans pouvoir la supporter en tribune. C’est un peu l’exemple de Micka, le vice-président du CUP. Il a été abonné en tribune, puis son abonnement a été sucré en 2010. Il a un casier judiciaire vierge, n’a jamais eu de problème en tribune. Il s’est battu pour retourner au Parc des Princes et maintenant c’est difficile de le voir car il est débordé et ne profite presque pas du moment. Il organise la sono, il se cale avec ses gars… Je pense aussi à un ami de Cyril Dubois, l’avocat des supporters du PSG, qui s’est également battu pour le retour des supporters au Parc. Et une fois que ça a été fait, il s’est juste abonné une saison pour pouvoir ensuite décider de lui-même de quitter le stade, de résilier son abonnement. Il n’avait plus trop le temps et l’envie d’aller au Parc mais le fait qu’on l’ait mis dehors sans lui demander son avis, il ne pouvait pas l’accepter.

Est-ce que les groupes doivent s’ouvrir s’ils veulent survivre dans le futur ?

Christophe-Cécil : Il y a deux points de vue qui s’affrontent entre nous. Moi je pense que non. Il existe des groupes récents avec une mentalité forte qui subsistent. Les Fanatics à Marseille sont reconnus comme les héritiers du Commando Ultra des années 80. Je pense qu’il faut qu’il y ait encore des groupes comme ça, un peu « vénères ». Ça peut cohabiter.

Frédéric : Je pense qu’on est à un tournant sur le football en général. Un tournant entre le football populaire et le football business. Et le supporter est pile-poil au milieu de tout ça. Il y a une étude très intéressante sur le fair-play financier qui vient de sortir. le FPF participe à la gentrification des stades de foot. On veut rendre le football plus propre et on provoque de fait une hausse du prix de la billetterie et du merchandising. Du coup on écarte petit à petit les tranches les plus populaires des stades. C’est maintenant qu’on doit décider si on veut garder des tribunes populaires dans le stade. Le mouvement ultra ne disparaîtra pas mais il peut disparaître des grands clubs. Ces clubs très riches n’ont pas une politique tarifaire pour les moins avantagés. Ça ne veut pas dire que tous les supporters ou ultras sont pauvres. Mais tu élimines de facto des gens qui ont cette culture-là et qui, même s’ils ont les moyens, n’ont pas envie de payer 150€ la place de match. Car ce n’est pas dans leur mentalité. Le CUP a d’ailleurs fait baisser le prix des abonnements pour leurs membres.

Christophe-Cécil : À Dijon, quand ils sont montés en L1, le club a passé le prix en Virage à 300€ annuels. Ce qui en faisait un des clubs les plus chers du championnat. Les supporters leur ont dit qu’en continuant comme ça, le stade serait vide, ce qui a été vite le cas. Du coup ils ont revu leurs tarifs à la baisse la saison d’après. Les supporters ne sont pas complètements cons, à force, ils savent un peu ce que veulent les gens.

Frédéric : Les dirigeants ne peuvent pas demander à leurs supporters d’investir une somme folle pour vivre leur passion. Par exemple lors de Lyon contre l’Atalanta Bergame, la place la moins chère était à 55€. Peu après, il y a Lyon contre Metz et ils font la place à 10€. C’est Uber ! La loi de l’offre et la demande ! Je ne pense pas que ce soit la bonne stratégie si tu veux fidéliser des supporters. Je pense que les dirigeants lyonnais en sont revenus. J’ai le sentiment que les dirigeants de clubs en général ont compris qu’il valait mieux avoir un stade plein avec des places moins chères que l’inverse.

Christophe-Cécil : On ne va pas se mentir, avoir un stade plein donne une bonne image de ton club, et ça te permet de valoriser ton investissement.

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Un club à l’unisson, c’est beau

Frédéric : Xavier Pierrot, le stadium manager de l’OL, nous a dit « C’est comme si les salariés de Carrefour chantaient à l’entrée du magasin pour fêter le fait d’aller au boulot ! Et on ne les paye même pas pour faire ça ! ». Alors ils ne disaient pas ça de façon cynique mais il était admiratif et reconnaissant. Ils ont fait des études auprès des abonnés. Pour connaître leur motivation à venir au match. Et l’ambiance arrive souvent en première, devant la sécurité. Les gens veulent voir des tifos, des chants… Nasser, quand il décide de faire revenir le CUP à Paris, ce n’est pas parce qu’il a le coeur sur la main. Il estime que ça va faire gagner l’équipe et que ça va amener du public au Parc. Sur la dernière saison avec Ibra, on se retrouve avec une équipe qui se ballade sur le terrain, et en même temps, aucune ambiance en tribune. Sous Ancelotti, Je me souviens d’un PSG-Sochaux où on gagne 2-1 et où je suis à deux doigts de m’endormir tellement il ne se passe rien. Du coup tu te dis « mais il est où mon plaisir ? ». Le retour du CUP sert aussi à ça. Et tu constates aujourd’hui qu’il est difficile de trouver une place au Parc, même pour de petits matchs. C’est aussi ça l’apport du retour des Ultras.

Christophe-Cécil : On parle de Paris mais à Nantes c’est pareil. À l’époque de Der Zakarian, l’équipe proposait un jeu dur et heureusement qu’il y avait la Brigade Loire pour que les gens kiffent au stade. Le meilleur souvenir que j’ai en tribune à la Beaujoire, c’est en 2005 lorsqu’on rencontre Metz pour se maintenir en ligue 1. À la 35ème minute, Mamadou Diallo marque pour Nantes. Jusqu’à la 90ème, j’ai le souvenir d’un chant continuel. Ce match là je ne veux plus jamais le revoir car je veux rester dans ce souvenir de bruit, de ferveur. Les gens viennent aussi au stade pour ça.

Frédéric : Mon premier match au Parc c’est contre Liverpool en 1996. Le 3-0. J’aurais pu tomber sur pire. Je ne garde que deux souvenirs : je voyais Bernard Lama qui tirait les 6 mètres et je trouvais incroyable la force qu’il y mettait. J’avais 6 ans alors forcément je trouvais le terrain tout petit quand il tirait. Et le deuxième souvenir c’est l’ambiance en tribune. Au point que je demandais à mon père s’il y avait un toit, tellement c’était fort. Le Parc est fabuleux pour ça.

Revoir Le But de Mamadou Diallo // Revoir PSG-Liverpool 1996

Vous allez continuer votre tour des stades ?

Frédéric : Oui mais on ne fera pas un deuxième volume même si certains groupes nous demandent quand on va venir les voir. Mais on a d’autres projets de bouquins sur le supportérisme. On veut aller dans de tout-petits groupes. Il faut voir l’abnégation de ces gars-là ! Certains en district font des tifos incroyables. On est admiratif. Ils ne lâchent rien. On voudrait aussi faire des déplacements avec les groupes pour vivre le truc avec eux. On a tout mis dans ce premier bouquin. On ne l’a pas fait pour faire de l’argent. C’est juste qu’il y avait trop de choses à raconter pour se contenter d’articles de presse.

crédits photos (c) Panoramic


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Xavier Chevalier
Bernard Lama Virage

Bernard Lama

« Le Chat ». Il est peut être encore, à l’heure actuelle, le meilleur gardien de but
que le PSG ait connu. Son franc-parlé légendaire lui a parfois joué des tours,
mais l’homme est resté intègre toute sa carrière.
C’est en direct de la Guyane qu’il a accepté
de nous accorder un peu de son temps précieux.

Si Brest n’avait pas fait faillite, auriez vous songé jouer un jour au PSG ?

Oui car ça faisait partie d’un plan de carrière. J’ai joué à Lille, à Metz et je voulais finir par jouer dans un grand club. Et le PSG en faisait partie.

Ce pré-contrat que le PSG vous a proposé pour prendre la succession de Joel Bats, vous étiez sûr qu’il serait honoré ?

Oui car c’était signé mais sous réserve d’être performant à Lens où j’ai passé un an avant d’arriver officiellement à Paris. Et à Lens j’ai fait le boulot.

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Il y a eu une des discussions avec l’OM durant votre passage à Lens. Vous n’avez pas été tenté de rejoindre le sud et son climat plus clément ?

C’était déjà le grand OM, qui allait être champion d’Europe. Mais non. On a discuté, mais de toute façon Paris était aussi un grand club. Et pour moi c’était la meilleure destination possible, sportivement et humainement. Car ça ne se limitait pas qu’au football. Paris c’est le pouvoir central, là où la politique se fait, c’est le centre des décisions. Ça allait au delà de ma propre personne. C’était important.

L’arrivée à Paris, facile à gérer ? D’autant que remplacer Bats, ce n’était pas facile.

Pour moi ça a été facile. J’attendais ce moment depuis mon arrivée dans la métropole. C’était mon plan de carrière. Et puis Joël est resté au club dans l’encadrement, et en entraineur des gardiens. On a donc développé une relation à deux qui a été constructive. On s’est développé en même temps. On a vraiment été dans la complicité, ainsi qu’avec les autres gardiens du club, Richard Dutruel ou Luc Borrelli.

Si Bats était resté, vous auriez pu être dans la même situation qu’Alphonse Aréola avec Gigi Buffon. Comment analysez-vous la chose ?

Ils sont tous les deux dans une phase différente de leur carrière. Ils peuvent s’apporter mutuellement des choses. Alphonse doit murir. Il a déjà de l’expérience mais en tant qu’homme et que compétiteur Gigi va lui apporter beaucoup. Il va lui amener un plus et lui faire gagner du temps. Gigi est un compétiteur hors norme. Et c’est pour ça qu’il est venu à Paris. Qu’il a été recruté. Et puis au moins ça a été annoncé clairement dès le départ par le club. Les 2 joueurs savent comment ça va se passer. Ils savent qu’ils doivent faire le boulot, prouver sur le terrain à chaque match.

Vos maillots au PSG sont restés mythiques. Vous aviez votre mot à dire dessus ?

Bernard Lama VirageAbsolument. Déjà j’étais libre de porter ce que je voulais. Et sans vouloir me la raconter je crois avoir révolutionné les tenues de gardien à mon époque. J’avais une influence directe sur toute la tenue, du maillot aux chaussures. Avec Nike on développait des matériaux novateurs. On a aussi travaillé sur la gamme de chaussures Tiempo qui revient à la mode aujourd’hui. J’avais ma propre styliste ! J’avais développé aussi une gamme de gants avec Reusch qui avait des coutures retournées pour que les gants soient plus proches des doigts. Et cette philosophie je l’ai eu dès le début de ma carrière, c’était même dans mon contrat, dès mon arrivée à Lille.

Et si le PSG vous proposait une collab’ ?

Je travaille actuellement sur le lancement d’une nouvelle marque qui sera divulguée en février. pourquoi pas, on va y réfléchir !

En 1997 vous êtes suspendu pour consommation de cannabis lors d’un stage de l’équipe de France aux Pays Bas (lol). Avec le recul vous trouvez que la peine de 5 mois dont 2 fermes était disproportionnée ?

Non. Je n’ai pas de problème avec cette suspension. Je n’ai pas respecté les règles et je l’assume. En tant que professionnel on se doit de montrer l’exemple. Et puis je n’avais pas intérêt à avoir le système contre moi. Déjà ça aurait pénalisé le club mais aussi ma carrière. Après le traitement que j’ai subi de la part de la fédération, c’est autre chose. Disons que ma personnalité forte, le fait que je l’ouvre, que je ne sois pas dans le système, que je ne sois pas du sérail, n’a pas aidé. Quand je suis arrivé en France je me suis fait tout seul, je me suis un peu « incrusté ». Mais en vérité, ça m’a rendu plus populaire au près du grand public. Même à la fédération où beaucoup d’employés étaient de mon côté. Mais surtout au Parc. Ça m’a rapproché des fans, du peuple. Déjà que j’étais un de ceux qui étaient parmi les plus proches des supporters, ça a accentué les choses…

4 mai 2000. Dernier match sous les couleurs du PSG. Victoire 3-0 contre Montpellier. Vous êtes partis la tête haute, porté par vos coéquipiers avec le public qui scandait votre nom. Pas de sentiment d’inachevé ?

Le fait d’être parti entre temps à West Ham et de revenir, c’était déjà une façon de finir proprement mon histoire avec le PSG. J’étais parti dans de mauvais termes la première fois. Là je revenais dans de meilleures conditions. Et pourtant j’ai sacrifié de grosses offres de l’étranger pour re-signer à Paris. Mais c’était le bon choix. Après mon départ en 2000 n’a pas été facile. On m’a fait partir parce que je dérangeais. J’avais une grosse influence sur le groupe. Et les dirigeants me craignaient un peu. Ça les arrangeait que je parte. Dommage car je serais bien resté dans l’organigramme. Dans l’encadrement. Et ceux qui étaient à la tête du club étaient une fois de plus des gens de passage. Lamarche et Bergeroo… Pourtant j’ai fait bouger les choses en revenant. Je leur ai beaucoup apporté.

Résumé du match du 4 mai 2000

J’ai lu que vous aviez pensé finir votre carrière au Brésil. Est-ce vrai ?

Oui. Lors de mon retour à Paris. J’avais une offre du Flamengo mais je suis resté à Paris. J’avais une mission ici. Je voulais finir mon parcours et les chants et la banderole au Parc le 4 mai, c’était ma récompense.

Vous êtes toujours très impliqué dans la politique en Guyane aujourd’hui. Vous n’avez pas des envies électorales comme Mister George ou Salomon Kalou ?

La politique ce n’est pas forcément se faire élire. Ça passe aussi par l’économie, la formation, l’encadrement. C’est ce que je fais avec ma société Dilo, une entreprise d’eau minérale. Et avec mon engagement pour le football guyanais. Il y aussi l’académie Diambars que j’ai créée avec Patrick Vieira et Jimmy Adjovi-Boco entre autres. L’objectif de cette association est de profiter de l’engouement de la jeunesse pour le foot, pour promouvoir l’éducation. Ma famille a toujours été investie en politique dans cette région. Je le fais à présent à ma manière.

Vous n’avez pas pensé à monter une académie PSG en Guyane. On sait par exemple que Kevin Rimane est originaire de Guyane.

Le football français, le PSG inclut, ne travaille pas et n’investit pas assez dans les territoires d’outre-mer. Ils préfèrent travailler avec l’Afrique par exemple. Et à Paris ils sont plus focalisés sur les grosses vedettes que sur la formation. Et pourtant Odsonne Edouard (ndlr : joueur formé au club et jouant au Celtic de Glasgow) est né à Kourou. Mike Maignan (ndlr : formé aussi au club et gardien du Losc) est né à Cayenne. On a de bons jeunes ici. Thomas Lemar, champion du monde, a été formé en Guadeloupe. Il y a encore beaucoup à faire…

Depuis votre départ du PSG, quel gardien vous a impressionné à Paris ?

Bernard Lama VirageIl n’y en a pas. Landreau ou Letizi avaient des profils de patrons mais ça n’a pas été concluant. Franchement aucun.

Même pas Buffon ?

Buffon si tu regardes bien ses matchs, il est très en difficulté quand le ballon est dans ses pieds ou sur les prises de balle. En fait c’est surtout un compétiteur, un mec qui harangue les joueurs. Un gagneur. C’est un grand personnage mais d’autres gardiens sont bien meilleurs que lui. Et puis encore une fois, on sait pourquoi le PSG l’a fait venir.

Vous auriez un message pour les supporters ?

Qu’ils continuent à y croire, à encourager les garçons. L’époque a changé depuis que je suis parti mais une chose est sûre. Malgré les attaques des media, des clubs adverses, des institutions, le PSG est un grand club. Gagner la coupe d’Europe c’est une chose, mais le fait de la disputer chaque année est presque plus important. Et le PSG est le seul club français actuel à pouvoir avoir cette garantie, et surtout à y arriver. Et ça c’est être un grand club.

Crédits photos (c) Panoramic


Xavier Chevalier