Souvenirs

Je peux pas j'ai Parc Virage PSG

Je peux pas, j’ai Parc

Combien de fois n’ai-je prononcé ces quelques mots dans ma vie. Peu importe ce qu’on pouvait me proposer, cela claquait comme une immunité à toute autre activité, aussi jubilatoire pouvait-elle être. Très rares furent les exceptions depuis presque quatre décennies… Il y a bien eu, il y a dix ans l’injuste plan Leproux créant une entaille (qui deviendra une cicatrice à vie) à cette règle de vie.

Aujourd’hui nous sommes de nouveau privés de Parc, mais c’est différent, car cette fois, il n’y a plus de match, la santé avant tout. Un jour proche ou lointain, ce sera la reprise, à huis-clos dans un premier temps, forcément. Et surement pour un bon bout de temps. Ce sera dur, mais c’est le plus raisonnable pour freiner l’épidémie
de cette saloperie de virus.

« Je suis né la même année que PSG », ainsi titrait son livre l’ami Grégory Protche. Ce n’est pas mon cas, mais moi je suis né la même année que la montée du PSG. 1974. Année de la première soirée de folie au Parc avec ce match de barrage contre Valenciennes, le dernier but de Jean-Pierre Dogliani qui nous envoie dans l’ascenseur pour l’élite, pour ne plus jamais la quitter, le malaise de Justo porté en triomphe, le cigare d’Hechter, l’histoire est en marche quelques mois avant que je ne pousse mon premier cri. Il ne faudra pas longtemps pour que j’accompagne mon frère ainé et mon père porte d’Auteuil. Comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit… Quel match ? Aucune idée ? De cette époque, jusqu’à la fin des années Borelli, le PSG grandira comme un enfant insouciant aimant le football offensif, le spectacle, les joueurs techniques, les beaux joueurs (dans tous les sens du terme), les premières joies, les premières déconvenues qui ne sont pas encore des drames.

Pour moi, le parc se vit uniquement pendant les vacances scolaires, le reste du temps ce sera à la radio. « BUUUUT au parc !!! » et ces affreuses secondes de suspens avant de savoir laquelle des deux équipes avait marqué !!! « Le but de Dominique Rocheteau !!! » joie et soulagement. Et oui à cette époque, pas de Canal+, Bein et cie, le foot à la TV était réservé aux matchs internationaux. Pour voir le PSG, c’était soit Téléfoot, soit Stade 2… et parfois au journal de la nuit de France 3 les soirs de match à domicile… C’est pour cela qu’à cette époque le multiplex radiophonique était une institution, pas de journaleux blablateurs ou de consultants imbus d’eux mêmes comme aujourd’hui. Non, des envoyés spéciaux sur les dix stades de première division qui t’informaient et te faisaient vibrer. « BUUUUT extraordinaire de Safet Sušić !!! » La description du but faisait travailler ton imaginaire, tu te refaisais le déroulement de l’action dans ta tête et tu imaginais le plaâÂâat du pied de maître Safet pour faire franchir la ligne fatidique au ballon dans les filets adverses.

La Parc pour moi dans les années 80 c’est déjà Auteuil rouge, parfois bleu ou jaune (oui il y a eu des sièges jaunes), plus rarement Boulogne. Dans les virages ça sent bon l’herbe fraîche, la bière, la sueur, la fumée de cigarette, de cigares, de cigarillos ou de merguez achetées chez le marchand ambulant habitué à fuir les flics en slalomant entre les revendeurs de billets. Pour nous le transport c’est en voiture, puis se garer le long de l’hippodrome, puis marcher et passer devant Euromarché (pas encore Carrefour), puis enfin le Parc qui apparait au fond. Achat au guichet le soir du match sans problème, le Parc est rarement plein. Gratuit pour les enfants. Pas de tribune sectorisée « famille » ou autre. Tout le monde est mélangé. Même parfois des supporters adverses. Des fidèles aussi, comme nos voisins habituels, ce groupe de blacks en costume, la sapologie existait-elle déjà ? Ou étaient-ils des précurseurs, en tout cas ça parle fort, ça blague, ça rigole avec un accent africain à la Michel Leeb, ou plutôt l’inverse. Petite fiole à whisky, ou autre, en poche et ça fait tourner comme 20 ans plus tard tourneront les spliffs au même endroit. Autre génération, même plaisir de partage, même passion du PSG. Pour nous le rituel de la mi-temps ce sont les sandwichs préparés par maman, sandwichs jambon, rillettes, saucisson, pâté, faîtes votre choix…  Chips et cacahuètes…

je peux pas j'ai Parc Virage PSG
K.O.B (c) Panoramic

Deux finales de coupes de France légendaire pour déflorer un palmarès. 12 ans seulement. Puis ma première saison la plus assidue, celle du premier titre. Les Boulogne Boys viennent de naître, pour le meilleur et pour le pire. Le pire avec des dégradations là où Paris va jouer. Lille, Auxerre, etc… Le meilleur pour les chants de soutien. Pour aller dans les deux virages à cette époque, on sent déjà une ambiance différente entre Auteuil et Boulogne. Les média en rajoutent et la province a peur. Le supporter du PSG est déjà assimilé à la violence. 16 ans et déjà montré du doigt. Puis deux saisons décevantes, jusqu’à frôler la relégation à 18 ans. Seulement deux ans après le titre de champion. Paris sera bien toujours Paris. Pour le meilleur et pour le pire comme ses supporters…

Un an après le sauvetage, avec presque le même effectif, Paris fait la course en tête et finira par se faire ravir le titre par l’OM de Tapie et ses nombreuses magouilles… Au parc, peu de changement durant cette décennie, à part bien-sur l’essor du Kop de Boulogne. Le début des années 90 marque la fin d’un chapitre de l’histoire du club. L’argent manque, les recrues sont pour la plupart d’anonymes joueurs de première division, l’effectif est vieillissant malgré encore une poignée de grands joueurs. « Mon équipe est molle » déclarera son entraineur Henri Michel. Difficile de lui donner tort. Paris finit à une anonyme neuvième place et Boulogne chante des « Borelli Démission ». Cruel. Injuste. A 20 ans le PSG semble déjà arrivé au bout de son aventure au sommet. Il n’en est qu’au début, mais le chemin sera long et difficile…

La saison suivante Canal plus arrive, fini le PSG et le Parc que l’on a connu, tout va changer. A Boulogne, un soir de PSG-Caen les CRS se font bouter hors de la tribune. Les images choquent le France entière, des nouvelles lois vont naître. Il y aura un avant et un après. Personnellement, j’ai 18 ans je m’abonne à Auteuil Rouge. Je ne le sais pas encore, mais ce sera encore le cas aujourd’hui, 28 ans plus tard. Et ce le sera jusqu’à ma mort si Dieu veut. Bref, c’est peu de temps après que va commencer l’émergence d’ultras à Auteuil. La décennie sera plutôt joyeuse sportivement, Paris se fait un nom en Europe avec des victoires de prestige, et Graal absolu, une victoire en Coupe d’Europe pour ses 26 ans.  Dans les tribunes tout a changé aussi. Boulogne s’est affirmé, mais pas que dans le positif. Le KOB est connu partout, sa réputation est faîte en France et en Europe. Aidé en cela, il faut bien le dire, par plusieurs reportages télévisuels à charge qui aideront le grand public à associer supporter du PSG à raciste violent. Bien sûr des fachos à Boulogne il y en avait, et il ne faisait pas bon trainer à certains endroits porte de Saint-Cloud si tu n’avais pas la bonne couleur. Malheureusement, la bêtise de cette poignée d’abrutis rejaillira sur tout Boulogne, puis sur tous les supporters rouge et bleu, pendant des années, jusqu’à provoquer la mort… et la fin des ultras aux PSG.

je peux pas j'ai Parc Virage PSG
Remember Twente (c) Panoramic

Mais en cette dernière décennie du siècle, on retiendra surtout dans les tribunes du Parc, la naissance de différentes associations à Auteuil. Sans refaire l’histoire des tribunes,  Auteuil prend de plus en plus d’importance, je ne veux retenir que les belles choses, ces échanges vocaux avec Boulogne, toutes ces personnes de la tribune, ultras, lambdas, mais toujours les mêmes saisons après saisons, des enfants que je verrais grandir et avoir à leur tour des enfants, des groupes de pépés présents depuis la création du club, le chinois connu de tous, des familles entières, le gars qui gueulaient « avancez » pendant 90 minutes dès que Paris récupérait un baIlon, le mytho qui te racontait avoir chez lui le maillot porté par Pelé lors de la finale de la coupe du Monde 1970 « je te jure »,  le pénible qui passe son temps à critiquer nos joueurs « Il est nul ce Bravo (à décliner selon les saisons avec Weah, Raï, Dely Valdes, Loko, et j’en oublie…) », le défaitiste qui dès qu’on se prend un but « et voilà je vous l’avais dit », je ne peux pas tous les énumérer la liste serait bien trop longue….

Que d’émotions partagées pourtant, les embrassades spontanées après un but important contre l’OM ou Twente par exemple, les pleurs après une défaite, la rage après un arbitre, le croisement du regard après un évènement défavorable qui en disait plus long que n’importe quelle parole. Mais revenons un peu en arrière. Il y a une chose très importante qui va également changer complètement la place du football dans la société vers la fin de la décennie, c’est la victoire de la France en Coupe du Monde en 1998. Avant cela, le supporter du foot est majoritairement considéré comme un abruti écervelé. Un beauf. Un mec forcement pas intelligent. On évite dans certains endroits d’afficher son amour pour le foot, afin de ne pas être illico considéré comme l’idiot de la soirée. Pire que tout, c’est d’être un supporter du PSG. L’étiquette raciste s’ajoutant aux autres. On ne se promène pas avec un maillot de foot dans la rue. On affiche ses couleurs uniquement au stade. Tout cela va être balayé par les deux coups de boule de Zidane. D’un seul coup, tout le monde s’intéresse au foot, les Footix © vont commencer à pulluler. On pense que cela ne va pas durer. Erreur.

On rentre dans les années 2000, le PSG a 30 ans, c’est un jeune adulte qui joue les premiers rôles et qui pense que cela va durer longtemps. Erreur. Pour son deuxième titre de champion le PSG avait 24 ans, le suivant il le fêtera pour ses 43 ans… Une éternité. Presque une génération. Dire qu’aujourd’hui certains banalisent les titres acquis sous l’ère Qatarie. Hérésie. Enfants gâtés, footix, supporters opportunistes ou blasés, je ne sais pas. Mais un titre, même une Coupe de la Ligue, ça se prend. Un joueur qui porte notre maillot, ça ne se siffle pas. Des choses pour moi élémentaires.

je peux pas j'ai Parc Virage PSG
V.A. (c) Panoramic

Mais revenons au début de ce siècle, l’ambiance au Parc est exceptionnelle, et l’exceptionnel deviendra normalité. Bien sûr, sur certains matchs, ce sera moins le cas, mais de manière générale qui a vécu cette époque, ne pourra pas l’oublier.  C’est l’époque où des joueurs disent venir à Paris en partie pour l’ambiance mise par le KOB et le Virage Auteuil. Ce qui, de nos jours, sonne comme un discours marketing, sonnait vrai à l’époque. Effet pervers, c’est aussi l’époque ou même certains joueurs portant notre maillot n’arrivent pas à joueur leur football au Parc. Une époque où beaucoup diront venir au Parc plus pour l’ambiance que pour le foot. Une époque où beaucoup d’ultras de maintenant, alors enfants, tomberont amoureux du Parc et du PSG. C’est aussi une époque où le public poussait son équipe et n’avait pourtant bien souvent que les matchs de coupes pour vibrer. Combien de saisons plus ou moins sauvées grâce aux coupes ? Rien ne remplacera la ferveur des matchs de coupe. Ce club et son public étaient fait pour ça. Le PSG n’a jamais été aussi bon que dos au mur.

Durant cette période je ne me posais même pas la question si cette ambiance allait durer, elle était là, normale. Voix cassée et oreilles bourdonnantes. Normal. Combien de fois j’ai emmené des personnes avec des à-priori sur le foot ou les supporters dans le virage, un certain nombre. Aucune n’a été déçue. Aller au Parc était devenu maintenant un rituel, plus de sandwich à la mi-temps, mais un Macdo sur le chemin du retour. Tout évolue, tout change… Sauf d’être au Parc à chaque match du PSG. Et puis il y eu cette soirée pourrie contre Tel Aviv. Un mort. Et puis ce maudit soir de février 2010. Un mort de plus. La bêtise a pris le pas sur tout le reste. L’ambiance au Parc est devenue nauséabonde. L’année des 40 ans sera triste et sombre. Cause ou conséquence ? Le plan Leproux a mis fin à tout ce que l’on a connu. Il est mort le parc des Princes. The end…

Vont suivre des années de honte, qui verront entre autres, une rafle arbitraire de la police devant le Parc un soir de reprise de championnat, une propagande infecte du club contre ses plus fidèles supporters qui en ont été chassés. L’Élysée, Bazin, Leproux and co ont inventé un nouveau concept. Nous voilà victimes et coupables. Impossible de choisir sa tribune, impossible d’y aller à plusieurs, interdit de se lever pendant le match (ah, on m’informe qu’à part à Auteuil c’est encore le cas actuellement), interdit de fumer, interdit de venir avec des journaux, interdit de venir avec une mini bouteille d’eau, interdit de venir avec un tee-shirt blanc, interdit, interdit, interdit… Juste le droit de venir dépenser ton argent et de la fermer. Le Qatar est arrivé, les abonnements sont revenus, mais pas l’ambiance. Sur le terrain, c’est du très haut niveau, du top mondial, Paris joue bien, gagne des titres, et aligne des joueurs magnifiques. Les années Zlatan seront phénoménales sur le terrain, mais tout le monde pense la même chose. Avec ces joueurs-là, si on avait l’ambiance d’avant on serait imbattable.

je peux pas j'ai Parc Virage PSG
The Last Dance (c) Panoramic

Je ne m’attarderai pas plus sur cette sombre période, la cicatrice est toujours là et d’autres l’ont fait mieux que je ne le ferai, comme Fabrice de Cheverny dans son livre témoignage « Car nous deux c’est pour la vie ». Depuis presque 4 ans, une nouvelle génération d’ultras essaye de redonner vie au Parc. Evidement on est loin de ce que l’on a connu, mais il serait fou de croire que nous revivrons aussi vite les grandes ambiances, si jamais cela arrive de nouveau un jour. Cette nouvelle génération n’a pas ou peu eu la chance de profiter de l’expérience des anciens et ils ont encore des choses à apprendre, mais leur ferveur ne fait aucun doute. Ils ont réussi à ramener un peu de liberté dans le virage et de l’ambiance dans un Parc toujours amputé de Boulogne, même si là aussi certains jeunes veulent faire bouger les choses. Merci à eux tous de tenir bon, on sait que tout cela reste tellement fragile, le combat continue. Ne rien lâcher, toujours encourager…

Cette année le PSG va avoir 50 ans. La fête devait être belle. Elle le sera peut-être quand même, même si cela doit être en 2021. L’inconnu est total, ce fichu virus a tout bouleversé. Quand et comment pourrons nous revenir dans notre deuxième maison ? Nul ne le sait au moment où j’écris ces lignes. Vivement le jour béni où je pourrai de nouveau répondre à une invitation par : « je peux pas, j’ai Parc ».

…à James…

J.J. Buteau

Jerome Leroy Virage PSG

FC Procuration

C’est l’histoire d’une finale de Coupe de France 2007 à laquelle rien ne me prédisposait à assister… une finale pas comme les autres, opposant deux équipes pour lesquelles j’avais à l’époque au mieux de l’indifférence (le FC Sochaux),
au pire du dégoût de longue date (pas besoin de préciser le nom du club
qu’on ne prononce pas – emoji poisson).


Rapide retour sur les éditions précédentes, depuis 2001/2002, Paris gagne la Coupe de France, ou perd face au futur vainqueur. Une défaite incompréhensible en 2002 au Parc par un après midi ensoleillé contre l’équipe B des Merlus, bien que Luis Fernandez avait ce jour-là aligné en 90mn Ronaldinho, Okocha, Alex, Aloisio, Arteta, Fi*rèse, Ogbeche et Jérôme Leroy (spoiler, j’en reparle plus tard).

2003, défaite en finale contre Auxerre, on ne pouvait sans doute pas la gagner avec un Hugo Leal certes buteur, mais qui portait le numéro 9 ce soir-là. Dans le dernier quart d’heure, Djibril Cissé et Boumsong terminent Paname dans ce qui était un peu une classique à l’époque pour le club parisien, la fin de match difficile.

2004 Paris la gagne contre Chateauroux, 2005 les Bourguignons nous kickent une nouvelle fois, en huitièmes, et 2006, plaisir d’offrir, Kalou et Dhorasoo marquent les buts qui permettent à l’OM de rentrer « Droit au bus ». Un but après 5 minutes de jeu ça aide (re spoiler : mais pas à chaque fois).

Jerome Leroy Virage PSG
« Tu vois Jacques, c’est ce truc dont je te parlais que Marseille gagne jamais… » (c) Panoramic

Alors, me demanderez-vous, qu’est ce que je foutais au Stade de France ce samedi 12 mai 2007, qui plus est avec le poto Massaër, le frère d’entre les frères, lui si désespérément supporter du FC Sardines, à voir s’affronter son équipe fétiche et des Doubistes qui avaient eu le culot de taper le tenant du titre en 1/4 de finale ?

La réponse est sans doute partiellement dans l’énoncé, en tous cas cette soirée fut mémorable, et j’en garde aujourd’hui encore un souvenir aussi vivace que certaines des plus belles parties de notre club parisien chéri. Et surtout, un de nos potes commun nous avait gracieusement lâché ses places pour le SdF. Lui qui s’était cogné la finale de Champions Arsenal/Barca la saison précédente n’avait pas la foi pour ça.

Moi de mon côté j’y allais en me répétant comme un mantra: « Marseille ne PEUT PAS succéder à Paris, Marseille ne PEUT PAS gagner ».

Arrivée au Stade de France, c’est plein de plein. 90% du stade bleu et blanc, il reste une partie du virage derrière Teddy Richert qui s’est parée de jaune pour supporter les Lionceaux.

Moment de doute, je n’ai pas l’habitude de prendre le RER pour me retrouver 30mn plus tard au Vélodrome. Doute rapidement levé quand je commence à prendre la mesure de la suffisance collective qui suinte dans tout le stade. Cette impression que le match est déjà joué me donne en quelques secondes la certitude qu’on va bien rigoler.

Jerome Leroy Virage PSG
« Ok donc je dois tout faire moi-même apparemment » (c) Panoramic

Empathie et soutien supplémentaires, s’il en était besoin, pour les petits Sochaliens, coachés cette saison-là seulement par Alain Perrin – ancien entraîneur de Marseille – et menés techniquement par Karim Ziani (futur marseillais dès la rentrée suivante) et l’extraordinaire, l’unique, l’irréductible Jérôme Leroy, revanchard comme pas deux et jamais aussi fort que contre un ancien club… Face à eux, une bonne grosse équipe de marseillais, qui aligne tout de même Ribéry, Nasri, Djibril Cissé et Niang Mama au coup d’envoi.

5ème minute de jeu, premier ballon du match pour Cissé, le gars cale une grosse tête un peu rose, un peu blonde, depuis les 5 mètres 50. Le stade explose, et fait étonnant quand on considère le temps qu’il reste à jouer, entonne direct des chants de victoire. S’il me fallait encore une preuve, je l’avais là, et je prends un plaisir certain à annoncer haut et fort à mon pote que c’est ce qui va précipiter leur chute. Ah oui, précision utile, nous sommes dans une tribune gavée de supporters phocéens, c’est le feu autour de nous, et mon pote me prend déjà de haut, du haut de ses 2 mètres. Il abonde dans le sens de tous les gars qui se voient déjà arrivés après la rouste de la finale précédente, j’ai même des groupes de gamins en survêt’ aux couleurs de leur club, qui ont dû être acheminés jusqu’à la capitale par Téléfoot, qui me matent chelou parce qu’ils ont bien compris que je suis l’intrus de leur tribune. Ah, et quand je dis le stade, il faut en réalité entendre leS stadeS : celui à Marseille est également plein, et regarde le match à distance sur écrans géants !

Quelques minutes plus tard, un sochalien touche la barre après un lob sur Carrasso. C’est à ce moment que je commence le travail de sape, collectif, sur mon pote, sur ces gamins qui auraient mieux fait de rester ce weekend-là en Haute-Loire, sur les darons tout autour de moi qui ont vite capté que j’allais les pourrir tout le match. Le plus beau dans l’histoire est d’avoir pu faire le malin tout ce temps en me reposant exclusivement sur le doute que mon pote inspirait à ces idiots, alors qu’en réalité, je ne suis jamais passé aussi près de me faire jeter sous le bus…

Je me permets tout, graduellement. A 1/0 pour Marseille, je débute par des applaudissements solitaires sur des beaux renversements de jeu de Sochaux. Ils jouent pas mal, donnent l’impression qu’ils pourraient courir après le score pendant deux heures ou deux jours, mais l’espoir est là, et je pousse seul, entouré de sauvages et protégé artificiellement par mon pote qui me maudit déjà.

Jerome Leroy Virage PSG

Les premières fois où je me lève après des misères de Jérôme Leroy sur Taïwo et autres losers de l’arrière garde marseillaise, ça commence à zieuter méchamment autour de moi, c’est si bon. Le mec se permet des transversales de 50m qui atterrissent dans le pied du collègue sur la ligne de touche opposée, je commence à scander son nom, à envoyer des « mais ouais mon Jéjé !! » qui rendent la moitié de ma tribune complètement dingue. Je rigole à plein pot quand Zubar ou Julien Rodriguez se trouent, toujours en me reposant sur la croyance inébranlable dans le fait que mon pote m’aime plus que son club de sardines.

Marseille a du mal en début de deuxième mi-temps, ne donne pas spécialement l’impression de gérer son match mais plutôt de galérer… Leroy, encore lui, est partout, il appelle, aimante les ballons, distribue chirurgicalement, tente un retourné sur un ballon foiré, puis un centre-tir de filou un peu comme celui qu’il avait essayé de caler une année avec Paris contre Runje au Vélodrome. Et surtout, il se déporte le plus souvent sur l’aile droite, là, juste en bas de nos gradins, et je me prends à rêver qu’il m’entende hurler à sa gloire. 

Jerome Leroy Virage PSG
« Ballon, je t’offre à Moumouni, rends-moi fier » (c) Panoramic

66ème minute, ce qui devait arriver arrive, transversale de 50m vers Leroy, qui gratifie le stade d’un contrôle velcro aux abords de la surface à droite. Hurlement de ma part. Taiwo le laisse centrer soyeusement, et Dagano vient égaliser de la tête, le match est relancé et les marseillais accusent le coup. Je fous officiellement la haine à toute une tribune, et je tanne mon pote comme jamais depuis le début du match. Le score n’évolue plus jusqu’aux prolongations, un unique frisson me parcourt entre temps sur une série de dribbles de ouf et enchainement frappe lourde de Niang. Pour le reste, je suis toujours en communion solitaire avec le kop sochalien.

Début des prolongations, Jérôme Leroy use les lignes marseillaises, il les fait courir et déjouer, c’est un pur régal. Mais étrangement, alors que la pression est sochalienne, c’est bien Cissé quelques minutes avant la 100ème qui claque son doublé, en venant placer une nouvelle tronche tout seul à bout portant sur une cloche de Maoulida entré juste avant. Coaching gagnant ? Richert pas complètement remis de la boîte qu’il s’est prise sur l’action d’avant ? Inutile de vous dire que le stade entier entame un nouvel ascenseur émotionnel, et recommence à faire les malins comme une heure et demie plus tôt. Dans la foulée d’une minasse de Ziani sur coup franc, qui fait gants/barre transversale/ouf c’est sauvé, Alain Perrin fait rentrer coup sur coup Anthony le Tallec et un certain Brunel dont j’avais oublié l’existence. Je reste optimiste, tout en commençant à entrevoir la possibilité de « perdre » ce match.

Il reste 5mn de jeu quand Ziani dépose de 35m le ballon sur la tête de Le Tallec, qui lui même dépose Taïwo et l’autre moitié d’une charnière centrale inexistante sur cette action pour égaliser comme un bonhomme une seconde fois pour Sochaux dans le match. Ma prédiction tient toujours, je suis au max, entouré de gars qui n’ont même plus la force de m’insulter. Mon pote semble perdu, sa voix se fait plus aigüe, son regard vague laissant deviner qu’il se prépare au minimum aux tirs au but, avec supplément de stress sauce sochalienne.

Jerome Leroy Virage PSG
Braquage à la franc-comtoise (c) Panoramic

Et en effet, les tirs aux buts ont lieu. Au passage c’est la première fois de ma vie que je me retrouve à vivre une séance en direct dans un stade, et je me rappelle avoir pris conscience ce jour-là de la dinguerie de pression que ça devait mettre sur les épaules des tireurs, à plus forte raison en finale d’une Coupe et devant 80000 personnes.

Ziani, Leroy et les 3 entrants côté Sochaux mettent leur pion, seul le capitaine Jérémy Bréchet se loupe. Côté Marseille, Maoulida tente l’inexplicable en arrêtant sa course et en frappant sans force quasi à l’arrêt, foirade complète. Taiwo, Nasri, Cissé (qui aura tout de même scoré 3 fois dans la soirée) rentrent le leur et laissent le pauvre Ronald Zubar mettre un terme à ce cirque en chiant lamentablement le sien.

Sochaux remporte la deuxième Coupe de France de son histoire, 70 ans exactement après la précédente. Et pour l’anecdote, réalise un maginifique doublé ce jour-là en ayant gagné dans l’après-midi sa deuxième Gambardella… aux tirs au but, après avoir égalisé deux fois, leur second ayant été marqué par un entrant en jeu. Belle symétrie dans les victoires.

Pour voir le résumé du match, cliquez ICI

Je n’ai pas eu le temps de partager ma joie avec mon pote au coup de sifflet final. Il s’est levé, m’a instantanément pris 25cm, et m’a intimé, en me pointant son index direct dans ma face, de ne plus lui parler jusqu’au RER. Alors évidemment, eu égard à cette louable admission de défaite de sa part, je me suis exécuté, fair-play, en me contentant de sourire béatement devant ce résultat qui me comblait, et qui voyait Marseille s’asseoir une nouvelle fois sur un titre.

Jerome Leroy Virage PSG
« C’est à moi qu’tu parles ? » (c) Panoramic

Bon ok, j’ai peut-être, sur le chemin de la gare, acheté une main géante gonflable aux couleurs de Sochaux. Et ce n’est pas impossible que je lui aie tapoté la tête avec pendant tout le trajet du retour, sous le regard médusé de supporters des deux équipes, et de voyageurs incrédules. Mais j’ai eu le triomphe modeste, je n’ai pas dit un mot jusqu’à qu’il reprenne le dialogue. Tout en me  délectant de la clim générale qui s’était abattue sur un stade sans joueurs à 800km de là, en me demandant s’il pouvait y avoir pire que de se prendre une veste contre Sochaux par visioconférence.

Cette main est d’ailleurs restée de nombreux mois, un doigt en l’air, comme un totem de la loose marseillaise, dans l’appart du pote parisien chez qui on avait terminé la soirée, gonflée à bloc par le match fou que j’avais vécu à pousser derrière une équipe pour laquelle je n’avais pourtant aucune affection particulière la veille de la rencontre, et comme un symbole de l’incroyable Jérôme Leroy, que j’ai vu jouer ce soir-là pour la dernière fois, et que j’ai aimé comme peu d’autres joueurs.

A propos de mon pote, je le remercie encore aujourd’hui d’avoir toléré mon comportement irrationnel durant et après ce match, sans me donner à manger à la horde qui nous entourait. Je sais que j’ai fait bien pire en d’autres occasions, mais même ça je ne l’aurais pas supporté dans le sens contraire…

Mass, tu auras eu bon presque partout, love you !


Jérome Popineau

Pourquoi je suis supporter du PSG

C’est ma ville et c’est mon club. Certains ont écrit « être nés la même année que PSG« , moi, je suis né un peu avant. Comme dit la pub Nike, c’était la grande année
du foot anglais, celle où Cantona (ce … de Cantona) est né.

J’ai 8 ans quand on est en D1 et 11 ans pour le premier Téléfoot. Avant ça, le foot c’est surtout les équipes en bas de la cité ou dans la cour de récré.
Personne ne lit l’Équipe, personne ne va au stade et le nom des équipes pour nous -à part Saint-Etienne- est un peu vague. Quand on comprend que Paris a une équipe c’est celle-là qu’on aime, forcément ; et le premier nom que l’on scande c’est celui de Mustapha Dahleb. C’est le premier joueur dont je me souviens, c’est le premier qui m’a amené vers Paris, c’est l’idole de nos cités. Mais il m’a fallu très, très longtemps pour aller au Parc voir cette équipe jouer, pour de vrai et j’ai raté Mustapha Dahleb, je ne l’ai jamais vu ce qui, je crois, renforce encore sa présence.

Bon, le Parc, en même temps, c’est loin. Tu dois prendre le 183 à la Mairie de Vitry jusqu’à la Porte de Choisy et après tu peux soit prendre deux PC d’affilée pour aller Porte de Saint Cloud ou bien te lancer dans le métro (ligne 7) jusque Jussieu, changer et là, prendre la 10. Bref, pas simple, surtout pour rentrer. Alors, le Parc, on y va de temps à autre, on n’est pas vraiment assidus.

Par contre, Téléfoot, on n’en rate pas une seconde et les finales de Coupe de France on va les bouffer à la télé. Sainté 82, Nantes 83, les années 80 c’est le vrai début pour moi. J’ai 16 ans quand on prend la Coupe de France, 20 ans quand on est champions, mon club est invincible ! Bats, Pilorget, Luis, Jeannol, Bibard et Safet ! Invincibles je te dis et je te fais cadeau de Rocheteau.

Pourquoi je suis supporter du PSG Virage
L’ange Dominique (c) Panoramic

Mais on ne va pas se mentir, dans ces années-là, les invincibles, ce sont surtout ceux qu’on croise en tribune Boulogne. Déjà, on se faisait mettre à l’amende à République, à Pasteur, à Bonsergent, aux Puces, sur Saint-Michel ou au Gibus mais en plus, on revoyait les mêmes têtes dans cette tribune. Alors, on allait ailleurs. Je ne savais même pas que le meilleur était encore à venir.

Gravelaine, Guérin, le Guen, Raí, Valdo, Fournier, Weah, Bravo, Ginola, Lama, Roche, Ricardo, Kombouaré, Colleter et Francis Llacer ! Tu veux préférer qui dans cette liste à part Francis Llacer ? Le mec il est né ici, il a une gnaque de ouf, un physique … étrange mais il est toujours là. Quand ça chauffe ou quand c’est chaud. Je ne lui en veux même pas pour le 3 avril 1995 (en même temps il n’avait rien fait de mal).

Le 5 avril 1995 justement. Je suis au Parc avec un pote pour PSG-Milan AC, il a récupéré des places par la mairie de Bobigny, on est en demi-finale, c’est blindé. Le match est devenu comme un trou noir pour moi. Je sais qu’on a dominé, que l’arbitre aurait dû siffler sur cette putain de faute, que la transversale de Ginola aurait pu tout changer, tout ça je le sais. Mais j’étais en tribune Paris, en hauteur, et ce putain de contre dans les arrêts de jeu, je le vois venir, je sais qu’on va se le prendre ce but de merde avant même que l’action soit engagée. Un espace s’ouvre, les milanais s’engouffrent et Boban finit le tout. Terminé, on rentre. On croyait que et puis … parfois l’histoire se répète, elle a peut-être commencée là ou alors à La Corogne, qui sait.

Pourquoi je suis supporter du PSG Virage
Valdo et Paolo en 1995 (c) Panoramic
Résumé du match PSG vs Milan AC cliquez ICI

Après, on sait tous ce qui va se passer, on va aller au bout mais de l’autre Coupe, celle dont personne n’arrive à prononcer le nom sans reprendre son souffle. La Coupe d’Europe des Clubs vainqueurs de Coupes. D’ailleurs, qui d’autre que nous ? Nous sommes des vainqueurs de Coupes, depuis toujours et pour toujours.

La décennie 2000, pour moi c’est l’enfer. Je crois que tout est dit dès le match de la Corogne au mois de mars 2001. Si tu gagnes, tu passes un tour en Champion’s League. Ça se présente bien, on mène 3-0… C’est aussi la décennie où on voit Semak nous en coller trois au Parc avant d’être recruté puis de repartir l’année d’après. Je vous remets quand même pour le plaisir de la lecture un petit résumé de la décennie :

2000 – 2001 : 9ème du championnat, 1/16 des deux coupes et deuxième tour de Champion’s
2001 – 2002 : 4ème du Championnat, ¼ de Coupe de France, ½ de coupe de la ligue et 1/16 en UEFA
2002 – 2003 : 11ème du Championnat, finaliste Coupe de France, 1/16 coupe de la ligue, 1/16 Uefa
2003 – 2004 : 2ème du championnat, Coupe de France (mais on bat Chateauroux, hein), 1/16 coupe de la ligue
2004 – 2005 : 9ème du championnat, 1/8 de Coupe de France, 18 de Coupe de la Ligue
2005 – 2006 : 9ème du championnat, Coupe de France (peut-être la meilleure), 1/8 coupe de la ligue
2006 – 2007 : 15ème du championnat, ¼ coupe de France, 1/8 coupe de la ligue, 1/8 Uefa
2007 – 2008 : 16ème du championnat, finaliste Coupe de France, Coupe de la Ligue
2008 – 2009 : 6ème du championnat, 1/8 Coupe de France, ½ Coupe de la Ligue, ¼ UEFA

Pourquoi je suis supporter du PSG Virage
L’indécence porte un nom : Vikash (c) Panoramic

Au milieu de cet enfer, il y a 2006. En 2006 j’ai vu Vikash marquer un but d’anthologie contre Marseille en finale de la Coupe de France. Ce n’est pas un but, c’est autre chose. Le gars est petit et chétif, ses cheveux, ce n’est pas humain, ce n’est pas une coupe, ça le recouvre. On pourrait le pousser qu’il sortirait du terrain. Mais là, il est tout seul dans le rond central, personne ne le voit, personne n’a peur de lui. M’Bami lui passe et là, là…

Le gars ne s’arrête pas, il fonce tout droit avant d’envoyer un genre de missile que Barthez regarde passer. En plus, le sponsor de la Coupe cette année-là, c’est “Pitch”, on a donc un vieux maillot bien pourri (on aurait pu croire celui de Bordeaux), floqué Pitch et le gars qui n’a pas marqué une seule fois de la saison allume les marseillais pour le 2-0 ! Ce n’est pas incroyable, c’est indécent. Les marseillais, on les laisse reprendre le train en pleurant. Merci Vikash. Ce but personne, personne n’a jamais pensé que tu puisses le marquer et jamais personne n’avait pensé que tu allais même marquer un but cette année-là.

Mais cette décennie s’achève sur l’année ou, enfin, Mateja Kežman s’en va. Alors, ma femme et moi on se réabonne ! La même année, on récupère Bodmer, Saka Tiéné et Nenê. Et, tu sais quoi ? On ne savait même pas que le meilleur était encore à venir.


Mega

Se souvenir de Vampeta

Deux jours avant, en boite, il s’est rincé au sky, poudré les nasaux puis fini aux Bois avec un.e compatriot.e. Pourtant, le lendemain, il est arrivé à l’entrainement frais comme un gardon. Et le surlendemain, face à Fabien Cool, il a passé en revue la défense auxerroise, avant de mettre le pion de l’année. 
Vampeta
: numéro 6, 6 mois à Paname, 6 palettes de rhum, 6 soirées par semaine,
6 kg de poudre, 6 MST, 1 but ! Rappelez-vous !


Vague milieu international de l’Inter Milan, Vampeta échoue au PSG après un deal hasardeux, au milieu duquel on trouve un autre Brésilien, jeune et prometteur : Adriano. Ce matin de janvier, lorsque Vampeta s’extrait difficilement de l’avion qui l’a mené jusqu’à nous, c’est le froid parisien qui l’accueille. Celui d’avant le réchauffement climatique, avec du givre et un vent glacial, sec comme un coup de trique. Mais son cœur est brûlant… Dans sa tête, des oiseaux et des palmiers se bousculent, son thermomètre intérieur est dysfonctionnel : samba ! Il esquisse quelques pas de danse au ralenti, persuadé de les exécuter à la vitesse de l’éclair.

A dix heures du mat’, CDG, terminal 2, il fait moins dix, Vampeta est torché. Il s’avance prudemment vers l’escalier de sortie, soutenu par son agent, le fidèle Joao ; quelques pas vers un monde inconnu, recouvert d’un gracieux manteau de neige. Ses yeux mi-clos, encore englués dans la pénombre de la carlingue, convertie en piste de danse pour le maintenir dans son état naturel, sont violemment agressés. Aveuglé par une puissante lueur blanche, le néo-Parisien pose sa bouteille de rhum, subjugué : « Joao, est-ce que nous sommes au Paradis, est-ce que c’est de la poudre ? » « Pas encore mon Vampou, mais presque… »

« Ici, c’est Paris ! Tu vas voir, on s’amuse, les femmes sont belles et, surtout tout le monde, ici, pense que tu as encore du ballon ! » De généreux éclats de rire conjoints se projettent vers le ciel bleu, pur comme une ligne de colombienne sans talc. « Ma carrière de DJ va décoller ! » s’écrie Vampeta, ivre de joie et tout court. Il ajoute, téméraire : « A nous deux, Paris ! » Joao est heureux pour son client. Il se remémore l’arrivée des émissaires du PSG lors de leur première rencontre : des échalas encravatés, avec de beaux diplômes. Chez lui, on ne sait pas faire mieux : des pigeons tout beaux. Ça sentait bon… Ah Maria ! Deus ! Il les a truffés à la brésilienne, avec un grand sourire et du soja transgénique.

Vampeta Virage PSG
« Marseille on t’encule ? Intéressant… » (c) Panoramic

Ce Joao est un malin. Vampeta bénéficiait encore à ce moment-là sur le marché des transferts d’une cote supérieure à celle de Dalmat, en échange de qui il avait été vendu… Le fantomatique Dalmat et son regard de lapin pris dans les phares d’un camion. Dalmat, sur qui devait reposer l’animation du milieu de terrain avec Luccin, n’avait pas les épaules pour affronter la vie majuscule de la capitale et la pression mise par l’ampleur du projet de l’époque. Et quel fiasco ! Sur Dalmat, on dirait bien que les dirigeants s’étaient imposé une règle de non-sens : trouver quelqu’un de meilleur pour moins cher. Un pari osé ! Truffé ou être truffé ! Le résultat on le connait : les Italiens ont flairé le coup… Mais quand on observe le parcours de Dalmat, les Italiens aussi ont perdu au change… mais il n’y a pas de quoi s’en réjouir.

A ce moment-là, Vampeta, carbonisé par ses années de teuf et remplaçant à temps plein, a accepté une baisse de salaire pour jouer dans un championnat plus tranquille et dans un club où les Brésiliens jouissent d’une image exceptionnelle. A ce moment-là, en France, le PIB croissait, la Coupe du Monde était à nous, Jospin représentait l’avenir et il y avait de l’emploi. Depuis, il nous est resté la Coupe.

Pourtant, dès le début, il y a eu quelques alertes concernant le roi de la nuit : surpoids, retards à l’entraînement, je-m’en-foutisme lors de ses entrées en jeu. On nous avait vendu un grand milieu brésilien, on s’est retrouvé avec un incurable fêtard doublé d’un DJ improbable. Puis, un soir, l’étincelle… On est au Parc, Guy Roux joue le maintien.

Certes, l’image manque de netteté. C’est filmé sur un 32-10. On n’a pas trouvé mieux. Cette année-là, nous avons fini 9ème, il y a eu ce match contre La Corogne aussi. Encore une belle année comme on en avait à cette époque. Et puis ce soir-là, après une nuit sans alcool, il y a une prise de balle, un crochet et, là, jogo bonito, Mesdames, Messieurs. Chapeau l’artiste, tu nous as bien eu.


Mehdi C.

Ce soir

Mille tragédies pourront nous frapper encore, cette victoire contre le Real de Madrid, personne ne pourra jamais nous l’enlever. Nous avons été bons, beaux, agressifs, inspirés, solidaires, impitoyables, collectifs, courageux.
Nous portions enfin un joli maillot… Nous avons gagné !


Ce n’était qu’un match de poule tempère Xavier alors que Zidane n’a pas encore rejoint la salle de presse. Xavier a peur peut-être qu’une trop grande joie ce soir nous pousse à dérailler de nouveau. Il exorcise, Xavier. Il connait notre grande et tragique et absurde Histoire. Il a raison mais cette grande joie, pour moi en tout cas, n’a, même pas une seule seconde, flirté avec notre futur. À aucun moment, je ne me suis projeté. J’ai préféré suivre l’injonction de Jean Cécé, reçue par texto alors que je regardais déjà en boucles les trois buts : « IL FAUT JOUIR. »

Oui, ce soir, il faut jouir. Embrasser cette douce nuit parfaite. (L’enterrement de la coupe de la ligue, cerise sur mon gâteau européen…). Il y a des jours comme ça. Ils sont rares. Petits saphirs qui déchirent les voiles de nos vies de supporters abonnés au presque irrémédiable. Ce soir, notre trouille atavique, nos tronches de merdes de laitiers, notre anti pressing, ils ne sont pas venus. Restés au vestiaire.

Ce soir, nous avons retrouvé quelques sapeurs, quelques chiens de guerre. Gueye, Sarabia, et tous les autres. Meunier ressemblait au Meunier d’autrefois. Bernat deux passes décisives et encore important quand l’Europe se pointe, Di Maria le fantôme de Strasbourg et le prince du Parc, même Icardi sur le premier pion. Navas voit ses ex ne jamais cadrer du match ! Le Real qui ne cadre pas, c’est Rocco qui ne bande pas. C’est de la science fiction. Ce soir, l’arbitrage a été juste. Simplement juste. Le Var également. MAIS ÇA N’EXISTE PAS !!!

Oui, jouissons parce que ce soir, tout était réuni, absolument tout. Je pense à Grégory Schneider, le curé de Libération qui prophétisait hier un échec parisien. Il était définitif : C’était perdu d’avance !!! Ce soir, je vais pardonner. À lui et à tous les autres qui croisaient les doigts devant leur télé pour voir Madrid manger le PSG. Et ils ont vu, tous, du putain de foot. Livré à la maison par Paname les jalouses, les aigris, les ennemis ! Ahahahah.

Ce soir, c’est tout de suite, maintenant, pour toujours. Ça nous appartient. Ce genre de trophée ne s’achète ni avec du pétrole ni avec de la corruption. On a vu un film ce soir, en Technicolor : Les Onze Salopards. Ou les Onze Mercenaires. Un truc à la fois épique et émouvant. Avec de vrais héros et de la bravoure. Un scénario impeccable. On a vu une équipe. On a entendu non stop les ultras chanter. On a vu tellement de choses que mes yeux me brûlent. « C’était un petit Real, sans Ramos, sans Modrić !!! » hurlent déjà les opposants qui, après n’avoir parlé que de ça ces derniers jours, semblent soudain avoir oublié que ce soir, le petit Real affrontait un immense Paris sans… Cavani, Neymar, Mbappé.

Ahahah ! Le Real gagnera peut-être la Ligue des Champions. Et Paris tombera peut-être encore dès les huitièmes. Et nanani et nananère. IL FAUT JOUIR. Ce soir, je suis fier. Et je vous dis merci Messieurs. Thomas a tenté une sorte de All In. Marqui plus haut, Presnel revient à peine, Herrera sur le banc. J’étais franchement inquiet. Je le sens fatigué notre Teuton à visions. Ce soir, oui, il a misé. Heavy. Et il a gagné. Alleluia ! Nous avons, TOUS, ce soir, gagné. Le joli souvenir. C’était le 18 septembre 2019 putain.

NB : Je viens d’avoir une idée folle : Messieurs, et si vous jouiez tous vos matchs comme ça ? Non ? Pas poss ? … Vous avez peut être raison finalement. Banalisez la jouissance et elle en crève.


Jérôme Reijasse

Merry, l’œil des faucons

Après des premiers pas au Parc à la fin des années 80,
accompagné de son grand père, ce n’est qu’au début des années 2000
que MERRY MORAUX retourne Porte d’Auteuil supporter le Paris Saint-Germain.


Une affaire de famille puisque son père, supporter de toujours, décide lui aussi d’accompagner son fils et finit par s’encarter aux Boulogne Boys.
Merry de son coté, a choisi de rallier la tribune Auteuil. Il rejoint alors les Lutece Falco dont il devient le témoin privilégié pendant 6 ans. Il fera les déplacements et sera un des photographes attitrés des faucons parisiens.

Photographe de formation et passionné par le travail sur le vif, il a suivi le groupe partout et a capturé des instants de vie, d’ambiance et d’animation absolument uniques.
Il revient pour Virage sur ces années ultra par le prisme de 12 clichés pour lesquels il raconte le contexte et l’histoire. Un peu la sienne, mais surtout celle des Lutece Falco.


Merry l'oeil des faucons Virage
Lens vs Paris SG – 12 aout 2007

Suite à ce match à Bollaert, c’est la première fois que je présente des photos prises en parcage extérieur.
La première fois que je les présente, mais pas la première fois que je shoote.
Pour la petite histoire, j’avais déjà shooté à l’extérieur, déjà à Bollaert deux saisons auparavant, en avril 2006.
Malheureusement je me suis fait dérober l’appareil dans lequel était la pellicule, et je n’ai jamais vu ce qu’il y avait dessus.

Une chose était sûre, j’avais pris beaucoup de plaisir à photographier au milieu de la foule, à l’ancienne avec un appareil argentique à mise au point manuelle.
J’ai mis plus d’un an à le refaire, le temps de retrouver un boîtier identique à celui qu’on m’avait volé (Canon AE1), et de me remettre la tête à l’endroit, après une saison 2006-2007 moralement éprouvante pour moi.

Aux prémices de cette saison 2007-2008 je mettais en œuvre ce que j’avais toujours eu en tête depuis que j’avais vu les photos de William Klein à la coupe du monde 98.
Être au cœur de l’action, ne plus photographier les supporters comme un ensemble, mais comme des individualités formant cet ensemble.
Et surtout montrer cette ferveur incomparablement plus grande que ce que l’on voit sur les clichés des gentils spectateurs / supporters de Klein.

Le résultat était pour moi à la hauteur des espérances, avec de beaux portraits peignant toute la panoplie des attitudes que provoque un match.
Des lignes et bokeh choisis, mis en valeur par le grain du traitement argentique noir et blanc que j’affectionne tant.

Merry l'oeil des faucons Virage
Manchester City vs Paris SG – 03 décembre 2008

Le déplacement est essentiel dans la vie du groupe, il sert bien évidemment à suivre l’équipe mais il contribue surtout à forger l’esprit de groupe, de communauté.

Ce qui m’a plu dans l’idée de déplacement au sein des Lutece, c’est qu’on ne voyait pas uniquement le déplacement comme le moyen d’aller supporter le Paris SG aux quatre coins de France et d’Europe.
Non, suivre le Paris SG avec les Lutece Falco c’était voyager de Derry à Kiev, et en même temps redécouvrir le Bogside et visiter Laure des Catacombes.
Jouer l’Europe à Toulouse ou les amicaux de pré-saison, et endosser ce rôle de syndicat des tribunes en revendiquant contre un maillot défiguré ou des abonnements trop chers.
C’était faire acte de désobéissance civile à Brest ou Ajaccio, et y fêter un anniversaire ou découvrir la gastronomie corse.

Cet esprit de découverte, cette touche globe-trotter, ce signe d’ouverture a forcément charmé l’amateur de voyage que je suis et qui exécrait les aller-retour simplistes des déplacements organisés par le club.

Si se déplacer en Europe permet de s’enrichir culturellement, cela nous sort aussi de la zone d’à peu près confort qu’étaient les déplacements dans l’hexagone.
D’autant plus après la fin des associations où le système D était encore plus de mise.
Des déplacements à Lviv ou Tel Aviv auraient pu d’ailleurs bien mal tourner ; mais qu’à cela ne tienne, nous avons pu gravir le mont des oliviers et y poser notre bâche.

Pour Manchester tout était encore à peu près simple, malgré des bobbies exaspérants à vouloir nous asseoir ou à tenter de dissuader les joueurs d’offrir leurs maillots.
La panoplie tient dans un sac à dos, quelques vêtements de change, une écharpe, un passeport, un lecteur MP3 et un petit boîtier argentique avec une seule optique.
Appareil bien suffisant pour immortaliser un pèlerinage à Anfield, et rapporter des souvenirs visuels de la bande dans les travées du bien triste City Stadium.

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Paris SG vs Lorient – 05 aout 2006

Photographier pour un groupe est une chance.
Cependant tel un capo haranguant les troupes durant 90 minutes, le photographe ne voit le match que par procuration, au travers de son viseur dans les yeux des supporters ou via leurs réactions.
L’amateur de football ne voit donc les matchs qu’en rentrant le soir, sur les enregistrements vidéos soigneusement programmés.

Pourtant on n’échangerait cette place pour rien au monde, car avoir toutes les deux semaines la chance de fouler la mythique pelouse du Parc est irremplaçable.

Plonger de la latérale vers le gazon illuminé, déboucher dans ce brouhaha organisé, sentir et entendre cette cuvette bouillonner et littéralement vivre, est une image qui marque quiconque a un jour la chance de descendre des tribunes.

On a un rôle à jouer, des consignes strictes à respecter, mais par colère ou joie il arrive que l’on s’oublie et que la passion prenne le dessus.

Je me suis vu courir comme un dératé derrière Luyindula pour le 4ème but contre Twente, ou a contrario provoquer un début d’embrouille avec je ne sais quel officiel suite à une honteuse simulation de Stéphane M’Bia.

Photographier directement dans les tribunes du Parc (et bien souvent dans tous les stades) est un exercice techniquement périlleux.
La configuration sans recul et le manque de place fait que les bonne positions sont rares et difficiles à dénicher.
Pourtant avec persévérance, et pour peu que la chance et la chorégraphie s’en mêle, on arrive à trouver de bonnes lignes, de bons angles et de bon cadrages.
Comme cette chouette photographie qui illustrera plus tard le livre Paris dans les veines de Damien Dole-Chabourine.
Une grande fierté pour moi, mais n’oublions pas que sans les acteurs majeurs des tribunes, point de photographie, point d’ambiance, point de vie.

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Valenciennes vs Paris SG – 20 octobre 2007

Le tendu d’écharpes. On a l’habitude de voir ce type de chorégraphie côté face. Plus les écharpes tendues sont nombreuses, plus le rendu est impressionnant. Mais comment le vit-on de l’intérieur?
Comment se sent-on derrière cette multitude d’écharpes identiques qui renforce cette impression d’unité.

L’unité, il en est question ici.
Après un début de saison des plus difficile, Paul Le Guen espère une réaction d’honneur de son groupe en laissant plusieurs cadres au repos, en titularisant un grand nombre de jeunes et en confiant le brassard de capitaine à l’un d’entre eux, le titi Mamadou Sakho.

Au delà des résultats, supporter l’équipe c’est aussi abandonner son confort, sacrifier même parfois la vue du terrain. Debout sur des sièges, serrés les uns contre les autres, enfermés dans d’honteuses cages d’un autre temps comme ici à Valenciennes, se démenant pour offrir une belle gestuelle.
Parfois sous les intempéries, dans le froid sibérien ou sous un soleil de plomb. Les ultras sont toujours présents ensembles pour encourager leurs couleurs.

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Paris SG vs Caen – 31 janvier 2009

Au stade le spectacle n’est pas toujours sur le gazon, et les fumigènes ont cette particularité d’être interdits et décriés par ceux qui ne les connaissent pas, alors qu’ils animent les tribunes et les rendent colorées et festives.
Il est ainsi complètement schizophrène de voir les ligues punir les clubs pour l’usage fait par leurs spectateurs, des engins pyrotechniques, et d’en utiliser les images pour promouvoir le spectacle proposé.
Le vice va encore plus loin quand on entend certains journalistes se dire outrés de leur utilisation au Parc des Princes et d’en pointer leur dangerosité, et entendre ces mêmes commentateurs vanter les mérites du folklore dans d’autres contrées.

Toujours est il que pour le photographe le fumigène c’est un peu le Graal. Et le photographier correctement relève toujours un peu du numéro d’équilibriste, car il a tendance à déboussoler les mesures des appareils photos.
Le photographe s’en remet aussi à ses premiers souvenirs du Parc des Princes, quand il demandait à son grand père pourquoi il y avait des lumières rouges de l’autre côté
« Pour remercier un joueur qui va s’en aller » (Safet Sušić – Paris SG vs Brest – 17 Mai 1991)
Le fumigène fait et fera toujours rêver grands et petits.

Ici, il y a tout sur cette photo, le fumigène, on y comprend la joie pour un but, on y sent la ferveur, la fierté, la victoire au bout du pied.

Tout va très vite en football (on le voit avec la C1 de cette année) et la vérité d’un match n’est pas celle du lendemain.
Alors, d’une année sur l’autre, un même match n’a plus le même sens, la même saveur, les mêmes attentes.
L’année précédente ce Paris SG vs Caen, avec le spectre de la relégation au-dessus de la tête, était un match de la peur, sujet aux crispations.
La tension était des plus palpables, en témoigne l’épisode du tract, que Momo (photographe des Supras) avait donné à Jerôme Rothen, et que ce dernier avait froissé en rétorquant à peu près : « on va en mettre 3, et vous allez la fermer ».

Cette année la dynamique du club est bien meilleure, telle qu’on en arrive à croire au titre, et ce match contre les normands est une nouvelle marche à franchir pour arriver au sommet.

Les deux matchs se solderont avec une défaite pour la saison noire, et une victoire pour celle de l’espoir vain.
On finira donc la saison 2007-2008 sauvés à la dernière journée à Sochaux, comme nous le savons tous, mais avec une coupe de la ligue dans l’escarcelle (et la perspective de retrouver le chemin de l’Europa League).
2008-2009 sera une excellente saison jusqu’à ce que nous trébuchions à domicile face à l’om, pour finir en quasi roue libre, sans titre et sans Europe…

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Sochaux vs Paris SG – 17 mai 2008

On pourrait écrire un roman entier sur ce match couperet qui pouvait envoyer le Paris SG en ligue 2.
Sur l’appréhension avant la rencontre, sur le trajet effectué la boule au ventre, sur cette mi-temps interminable.
Sur les incidents indécents du début de match, quand une partie de Boulogne a décidé de charger la zone où étaient réunis les ultras d’Auteuil et de la G.
Sur la colère générale, sentiment prédominant durant ce jour. Colère contre les joueurs et dirigeants d’en être arrivé à cette situation.
Colère contre ceux de Boulogne qui ont voulu régler leurs comptes ce jour. Je n’oublierai jamais les larmes d’un ami « Ils pouvaient le faire n’importe où, n’importe quand, mais pas ce soir, ils n’avaient pas le droit ».
Pour certains la rupture avait déjà eu lieu, pour d’autres, elle sera pour cette soirée.
Colère aussi contre les journalistes et photographes de vouloir nous « voler » notre soulagement.

Mais de l’autre côté, comment passer outre ces grands moments passés ensemble, en grand contingent.
Comment oublier cette quasi union sacrée (malheureusement rompue par certains) ?
Comment ne pas vibrer en se souvenant de cette joie intense après chacun des deux buts.
Une joie comparable aux buts amenant un trophée.
Comment oublier cette ferveur pour pousser l’équipe jusque dans ses derniers retranchements.
Nous avons tous poussé le ballon d’Amara Diané à la 83ème minute.
Certains diront que c’est le souffle de nos chants qui l’a envoyé au fond des filets.

Pour cette si importante soirée, j’avais choisi de troquer mon habituel AE1 pour un boîtier professionnel, avec le risque d’être refoulé à l’entrée du stade.
J’ai réussi à entrer avec, et avec la complicité des stewards, à me placer juste en dehors du parcage, à peine en dessous des groupes.

Le début de match a surtout été occupé à faire descendre quelques fans compressés sur les barrières par la charge de Boulogne.
Mais une fois ce triste épisode passé, j’ai pu m’en donner à coeur joie, bien que le coeur n’était pas à la joie.

Idéalement placé j’ai pu shooter nombre de clichés. On y voit en couleur et en NB une tension particulièrement palpable, même chez les capos. On y voit les gestuelles sous l’œil protecteur de notre cher faucon.
Les encouragements des meneurs à ne rien lâcher.
Puis la joie tellement communicative et partagée au moment des buts, accompagnée des cascades de Viola.

Un de mes plus beaux souvenirs photographiques.
Mais si la descente a été évitée de justesse, et malgré le soulagement d’avoir sauvé notre place dans l’élite, la tête était ailleurs.
Comme le disait une banderole déployée la saison précédente : « Regardez le classement, ce soir c’est pas la fête ».

Merry l'oeil des faucons Virage
Finale Coupe de France Paris SG vs Lyon – 24 mai 2008

Généralement ces photos de groupe – ou photo bâche – sont réalisées en plus petit comité, lors des déplacements.
On est plus ou moins nombreux selon les destinations. De quelques-uns portant un petit étendard ou deux mats, à de grands contingents à se masser derrière des bâches plus imposantes.

Ici pour la seconde finale de l’année (Lens a été battu en Coupe de la ligue quelques semaines auparavant), le rendez-vous est donné devant l’Hôtel de Ville de Paris pour aller tous ensemble au stade en cortège.
Une très grande partie du groupe est présente, mais la bâche n’est pas là. Qu’importe, l’occasion est trop belle pour ne pas photographier le gros de la troupe avant de prendre la direction du stade de France.
Ça chante, ça crie l’amour du Paris SG devant ce lieu mythique de la ville lumière, lieu où l’on aime se retrouver pour célébrer les quelques trophées glanés ces dernières années.
Ensuite on traverse les rues de la capitale jusqu’à Châtelet au milieu des passants et automobilistes médusés.
Passage par la place carrée où l’on se rappellera aux bons souvenirs d’une fête d’après victoire, un certain 29 Avril 2006.
Malheureusement l’issue ne sera pas aussi favorable pour cette édition.

Merry, l'oeil des faucons Virage PSG
Paris SG vs Monaco – 06 novembre 2005

La plus ancienne des photos présentées.
Je foulais la pelouse du Parc depuis quelques semaines seulement, me sentant tout penaud et tout petit au coeur de ce magnifique stade.

Préposé aux photos du groupe c’est naturellement coté Boulogne que je me posais pour photographier les tifos du Virage dans tout leur ensemble.
A l’époque pas de numérique pour moi, deux zooms pour couvrir le plus de focales possibles et beaucoup d’attention à avoir car shooter avec pellicules s’avère coûteux.

Après avoir fait « le job » de l’animation coté Auteuil, comment résister à cette déferlante de couleurs qui s’abat sur Boulogne.
On fait bien attention à son exposition, et la magie fait le reste, le fumigène par transparence qui met en valeur une des fameuses têtes de mort des Boys.
Une impression de Chaos, d’enfer rougeoyant… le fameux « enfer du Kop » comme on peut le lire sur une des écharpes des Boys.

Les Boys, et plus généralement Boulogne qui cristallise les haines, l’appréhension. On n’aime ou pas, mais on reste rarement indifférent quand il s’agit du KOB.

Pour ma part, l’avis est forcément biaisé, j’y ai de la famille. J’y ai passé quelques matchs.
Je ne suis pas en accord avec tout ce qui s’y passe bien évidemment, mais j’y vois là aussi, quoi qu’on en dise, beaucoup de passionnés, de fans, d’amoureux du club de la capitale comme moi.

J’apprendrai par la suite à y connaître, à y côtoyer certains membres. Ils m’aideront, je ne les oublierai jamais.
Tout comme je n’oublierai jamais le sort odieux réservé à ce groupe mythique que sont les Boulogne Boys, suite à l’affaire d’état de la banderole du stade de France.

Merry l'oeil des faucons Virage
Metz vs Paris SG – 18 aout 2007

Si l’on se fie aux médias conventionnels, quelle est l’image généralement présentée au non-initié du supporter de football ?
Violence, haine, racisme, insulte…

Tout n’est pas toujours rose bien sûr, mais ce que l’on voit dans les travées des stades est bien éloigné de ces lieux communs.
Là où on ne présente souvent que le conflit j’ai voulu montrer d’autres valeurs, d’autres émotions : La passion, la fraternité, le rire, la joie mais aussi la tristesse, l’attente, l’effervescence ou la tension des yeux rivés sur un rectangle vert de 105mx68m.

Pas question pour autant de faire poser les membres du groupe, pas besoin d’artifice.
Les images doivent être le reflet réel et anti-conformiste de ce qui se passe.
L’idée est donc de se faire accepter dans le groupe jusqu’à disparaître. Travailler pour le groupe, vivre le groupe, être le groupe. Ne former qu’un. « On est 1, on est 10.000 ».

Une fois intégré, unis à ces amis, l’appareil photo derrière lequel je suis et que je braque parfois à quelques centimètres du visage n’engendre pas de méfiance ou de changement d’attitude.
La joie montrée est de la joie ressentie.
La tension est palpable.
La tristesse nous arracherait une larme.

Merry l'oeil des faucons Virage
Lille vs Paris SG – 12 avril 2009

Certainement la dernière pellicule en parcage en tant que groupe.

La saison 2009-2010 se déroule sportivement comme avait fini 2008-2009, avec une équipe à la rue sur le terrain.
Mais s’ajoute à cela des tensions de plus en plus palpables au sein de la tifoséria parisienne.

Avant d’arriver à l’impasse du Paris SG – om (décès de Yann Lorence), et à la fin des déplacements décrétée par les autorités, il y aura eu un triste déplacement à Montpellier en tout début de saison, ou un non moins triste Lyon – Paris SG.

Sans le savoir ce Lille- Paris SG sera une des dernières (si ce n’est la dernière) chances de shooter, en parcage, mes compagnons en tant que groupe « officiel ».

A cette occasion, j’avais décidé d’utiliser pour la première fois un petit flash d’appoint sur mon AE1. Flash qui me permettra de déboucher des premiers plans souvent assombris par une lumière des stades absolument pas prévue pour éclairer convenablement les supporters.

Mission réussie avec une belle petite série de portraits avec en toile de fond le groupe dans ses encouragements et gestuelles.
Mission réussie pour la dernière fois…

Merry l'oeil des faucons Virage
Manifestation LPA

5 décembre 2010.
Nous ne sommes déjà plus au stade depuis une demie-saison.
Quelques actions ont déjà eu lieu, et cette manifestation rassemble plusieurs entités caressant de loin le fol espoir de retrouver nos travées.

Espoir vain pour nombre d’entre nous qui avons, soit tourné la page, soit décidé de continuer à suivre l’équipe au maillot rouge (pour cette année anniversaire), mais plus jamais en tant que groupe.

Cette manifestation a permis de se retrouver derrière des revendications communes, on y a croisé les amis, les voisins de tribunes, les « anciens combattants » et les nouvelles figures émergentes.
Peu prise au sérieux et à peine relayée par une presse ayant pris fait et cause pour les dirigeants du club, cette manifestation dans les rues de la capitale s’est pourtant bien déroulée, et a été l’occasion de plusieurs beaux clichés.
On y retrouve les visages d’avant, déterminés mais tristes, les fumigènes, les chants, les slogans, les banderoles, les écharpes et maillots aux couleurs du club.
Tout le stade, sans notre stade et sans le ballon.

Une nouvelle expérience de photographie footballistique dont on se serait bien passé.
Paris c’est nous, mais Paris restera malheureusement sans nous.


Xavier Chevalier

Mon premier match

C’est après réception d’un mail en provenance de notre bien aimé redac’chef
ayant pour objet « FAIS PETER L’ARTICLE SUR TON PREMIER MATCH ! »
que je me décidais enfin à fouiller loin dans mes souvenirs…


En effet, c’est par cette phrase pleine de poésie et de tendresse bordel, telle une supplique digne du petit Prince (Non pas Daniel Bravo, mais l’autre avec le renard – mais pas des surfaces) que je replongeais dans mon enfance, à peine sorti de mon parc à jouets. Et non encore celui des Princes. Suivez un peu…
On a tous une première fois. La mienne est tellement ancienne que je ne m’en souviens plus…

On est fin des 70’s, et à 3 ans j’ai tellement tanné mes parents pour accompagner mon frère (de sept ans mon ainé) et mon père au Parc, qu’ils ont fini par céder… De la même manière qu’ils ont craqué la même année, pour ma première au cinéma, un jour de décembre 1977. Là, par contre je m’en souviens vachement bien, c’était Bernard et Bianca. Et les crocodiles de la méchante Médusa m’ont traumatisé, mais je m’éloigne du sujet… Enfin, comme quoi emmener son enfant à 3 ans au ciné ou au Parc des Princes, au mieux ça ne sert à rien, ou au pire ça traumatise…

Alors plutôt que de m’étendre sur ce match, accélérons un peu les choses.
A l’époque la France est verte, et quand Paris joue Saint-Etienne au Parc, le Parc est vert… Personnellement, je suis encore bien-sur trop petit pour me dire vraiment supporter d’un club… Les diffusions à la TV sont réservées à l’équipe de France et à quelques matchs de coupes d’Europe…
Via mon frère, je connais et j’aime bien Saint-Etienne comme tout le monde, et le PSG. Je connais Bastia et son épopée, trop jeune pour suivre la coupe du monde de 1978, je sais juste que les hollandais étaient beaux et auraient du gagner, et que les argentins ont triché…

Mais je m’égare encore, et revenons à nos moutons (non rien à voir avec le petit Prince), et rentrons à Paris comme chantait Jane. Nous y reviendrons.

Pour certains qui sont nés la même année que le PSG, on peut être fan de Dominique Bathenay, pour d’autres, comme chez nous dans la famille, c’est Dominique Rocheteau.
Or en 1980, l’ange vert décide de quitter le Forez pour venir jouer dans le club de la capitale !

Pour ma part, malgré plusieurs matchs au Parc, je ne suis pas vraiment un supporter assidu vu mon jeune âge, et je n’ai pas encore 8 ans quand la finale de la Coupe de France 1982 fera de moi à jamais un supporter parisien.

Mon premier match Virage PSG
L’ange Rouge et Bleu (c) Panoramic

Mes parents recevaient de la famille ce soir là. Il fait bon en ce soir de juin, tout le monde est dans le jardin. Sauf mon frère qui est devant la TV dans le salon. Jour de finale et jour au combien historique. Au début du match, j’avoue innocemment avoir une légère préférence pour Platini et les verts. Sacrilège ! Mon frère m’explique alors, qu’il est à 100 % pour le PSG, qu’il faut que Paris gagne la Coupe !

Je vous passe le scénario dingue de ce match, l’égalisation de Rocheteau à la dernière seconde, le président qui embrasse la pelouse, le terrain envahi, la séance de tirs aux buts, Pilorget qui transforme le dernier, Bathenay qui brandit la coupe… Notre coupe. La plus belle.
Comment ne pas tomber amoureux du PSG après une finale comme celle là ? Impossible. « car nous deux c’est pour la vie ».
Le geste du président Borelli fera énormément parler. Francis Borelli le passionné, un homme qui aime tellement ce club, que cet amour et cette passion sera communicative pour moi et pour beaucoup de supporters.
Oui ce match et ses acteurs sont pour moi tout ce que représente le PSG.

Mais j’entends déjà notre redac’chef préféré pester : « Ok mais moi je veux un match ou t’étais au Parc et pas devant la TV… »

Bon OK, j’accélère, après cette première coupe, Je m’intéresse alors logiquement à la coupe du monde en Espagne qui arrive rapidement, la France bien sur, l’Algérie de Dahleb, la Yougoslavie de Šurjak (je ne connais pas encore un certain Safet Sušić…), et même le brésil avec ce maillot mythique….
A 7 ans j’ai vécu Séville… Je savais déjà que plus jamais un match de foot ne pourrait être aussi fort émotionnellement… Mais je m’éloigne encore du sujet et Schumacher est bien plus cruel que Médusa et ses crocodiles réunis.

Mon premier match Virage PSG
José Do Brazil (c) Panoramic

Ma vie de jeune supporter continua avec du caviar et la finale de 1983. Le but de Zaramba, celui de José Touré, puis l’exploit de Sušić et la course de Toko après le troisième but avec Rocheteau derrière qui court pour le féliciter, encore une photo qui deviendra historique….

Mais j’imagine déjà notre vénéré redac’chef me demander : « Et t’étais au Parc contre Nantes ? » Ah non…

Bon OK, pour ne pas finir hors sujet, et même si ce n’est pas le premier, il sera un peu plus original. Je vais vous parler d’un autre match qui m’a marqué, et dont personne ne se souvient je pense, il s’agit du PSG vs. Lens du 10 aout 1983.
Pourquoi ce match ? Il représente bien ce qu’était le Parc et le PSG de mon enfance, et il est pour moi tellement représentatif du PSG de cette époque. Du spectacle, des buts, de la folie, des émotions, de la passion…

A Paris au mois d’août comme chantait Charles, c’était match au Parc dans ma famille ! Le match a lieu un mercredi. Peu importe, ce sont les grandes vacances ! L’affiche du jour, les redoutables sang et or qui ont fini 4ème du précédent championnat.
Leur attaque menée par un ancien de la maison, François Brisson, et un futur, Monsieur Xu.

Côté parisien, dans les buts Baratelli sur la fin (c’est ce que je pense à l’époque. C’est cruel un enfant).
L’éternel Tanasi (j’avais l’impression qu’il était là tous les ans depuis toujours et pour toujours. D’ailleurs je me demande s’il ne serait pas encore là ?)
Le futur recordman Pilorget, et la défense se complète avec deux anciens verts qui, à mon sens, n’étaient plus verts depuis longtemps, Bathenay et la décevante recrue Janvion (cruel on vous dit).
Au milieu on a Couriol, Luis, que le Parc adore, même si moi je lui préfère Lemoult (cruel ou un peu con en fait ?)
Le meilleur pour la fin, bien-sur, avec la crème de la crème, Dahleb, Sušić et notre idole Rocheteau.

Mon premier match Virage PSG
Mr Xu, alias Daniel Xuereb ici avec Lens contre Paris (c) Panoramic

On arrive 1 heure avant le début du match, comme toujours, Auteuil rouge comme presque toujours, il fait lourd, on se désaltère avec les bouteilles d’eau et de soda qu’on a emportés dans nos sacs.
Le parfum des matchs de début de saison, période ou tous les rêves sont permis…
A notre gauche, on fait tourner les flasques à whisky, à notre droite ça discute sévère. Un gars raconte qu’il a chez lui le maillot qu’a porté Pelé le jour de la finale de 1970. Le mec y croit vraiment…
Ça sent l’herbe fraîche, la bière, la sueur, ça jure, ça boit, ça fume, ça rit, ça chambre, bref ça pue le foot.

On mange nos sandwichs préparés par la maman. Chips et cacahouètes pendant que la sono crache comme à chaque match « je l’aime à mourir  » de Cabrel . Mais pourquoi ? Pourquoi toujours cette chanson pendant des années avant les matchs ? Si quelqu’un connait la réponse, merci de nous le dire… presque 40 ans que cette question me ronge…

Résumé du match, cliquez ICI

Le match en lui-même ? Que dire ? Mes souvenirs se sont effacés, je me souviens juste d’un beau match, serré et du terrible orage qui s’est abattu sur le Parc, rendant le terrain à la limite du praticable.

A Paris au mois d’août, la gadoue, la gadoue… Jane si tu nous lis…
Et surtout au milieu de cet enfer aquatique, tel un chevalier dans l’orage, Dominique Rocheteau nous ouvre les portes de la victoire avec un deuxième but ! Le Parc exulte ! La soirée bascule dans une ambiance irréelle, des trombes d’eau se déversent sur la pelouse et sur nous, un dernier but de Zaramba clôt le score. Trois buts à zéro, la coupe est pleine… (un peu d’humour, et sans banderole…)

Rocheteau a marqué, le PSG a gagné, on est trempé, on peut rentrer. Vivement le prochain match !


J.J. Buteau

Looking For Nico

1998, génération Footix. La France se découvre un amour pour le football à mesure que Zinédine Zidane piétine l’Arabie Saoudite, dégomme le Brésil
de ses deux plus beaux coups de boule et marche sur l’eau.

1998 Je me découvre un amour immodéré non pas pour le football mais pour un seul et unique club : le Paris Saint-Germain. Alors oui, peut-être que le PSG est cette année-là premier au classement UEFA mais dans la caboche d’un gamin âgé de pas encore dix ans, ça ne compte pas. Non.

En ce samedi soir de l’automne 1998, je suis à table, chez mes grands-parents, 15 rue Léo-Lagrange, 56530 Quéven. Mamy a fait comme d’habitude : pâtes-steack haché (au beurre salé, s’il vous plaît), papy a encore dû râler parce que la moutarde n’était pas posée sur la nappe en toile cirée de la salle à manger. Surtout, à la fin du repas, papy quitte la maison. Qu’il passe ses matinées à chasser ou ses après-midi à taper les cartes dans son ancien bistrot j’avais l’habitude… Qu’il sorte ce soir, c’est impensable. Il me propose de le suivre chez « Papy Jean » (ou je l’implore, sans doute), quelques maisons plus bas, juste à côté de l’école primaire Saint-Méen que nous avons tous fréquenté. Papy Jean est l’ancien boulanger de ce qui n’est pas encore la banlieue pavillonnaire de Lorient. Surtout, Papy Jean a Canal +, et ce soir « y’a du foot ».

Francine, l’épouse dévouée de Papy Jean m’offre mon premier Citror alors que les compositions des deux équipes s’affichent. Je dois avouer que je m’en fous un peu du foot. Le petit gros du fond de la classe est toujours sélectionné en dernier à l’heure du chou-fleur. Je suis un meilleur poteau que gardien de but. Tout bascule quand apparaît le visage d’un homme rasé de frais. Petit épi rebelle, toison pileuse qui dépasse du superbe maillot Hechter : Nicolas Ouédec. Les grands-pères parlent du gamin du village, celui qui a marqué ses premiers buts en poussins à quelques encablures du Rallye Super, liquette rouge sur les épaules, du temps où l’aïeul était président du Cercle Sportif Quévenois Je serai fan du PSG, papy.

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Patrice Loko en liquette rouge et bleu et dreads (c) Panoramic

Après ce match de Division 1 quelconque, face à une équipe quelconque, je suis toujours aussi nul balle au pied mais j’ai enfin ma propre identité. C’est génial. D’autant que la grande majorité de mes petits camarades adulent un club du Sud. Mon esprit de contradiction va pouvoir s’exprimer à merveille. Et tant pis si Nicolas Ouédec ne passe que six mois au club. Tant pis s’il ne marque qu’un but pour l’équipe de la Ville Lumière. Tant pis si son principal fait d’armes a eu lieu contre « mon » équipe quelques années plus tôt, avec ses acolytes Reynald et Patrice. Je fais les carreaux de la BX de mes parents pour cinq francs. L’aspirateur ? Cinq francs. L’extérieur ? Cinq francs. Si on rajoute la R19, ça fait quand même trente francs à claquer en cartes Panini. Je suis dans tous mes états lorsque j’apprends que Patrice Loko signe au FC Lorient. Je vais pouvoir le voir jouer si mes parents veulent bien m’amener au Stade du Moustoir (ça n’arrivera pas). Lui aussi a porté le plus beau chandail du monde. Un jour, les Merlus passent juste devant la maison, le temps d’un footing. Je reconnais les petites locks. J’enfourche mon vélo pour essayer de le rattraper. Malheureusement je suis toujours aussi peu sportif.

29 février 2000, Ernest Corvenne, mon éminent grand-père, le boucher, le tenancier de bar, le président du CSQ, le puits de culture, le premier téléphone de Quéven, passe l’arme à gauche. J’ai onze ans et je ne retiens aucune larme. Les obsèques sont célébrées quelques jours plus tard et je me rend compte du nombre de personnes pour qui il comptait. Dans mes souvenirs, la queue pour bénir le cercueil est tellement longue qu’elle va jusqu’à la « Gina », la femme-fontaine de bronze que le maire socialiste a fait poser en face du clocher. Peut-être bien que les parents de Nicolas sont de la fête.

« Ni fleurs ni couronnes », avait demandé le vieux teigneux. Pourtant, le cortège en dégueule. Je suis furieux. Je n’ai que onze ans.

Le 16 décembre 2000, j’atteins la douzaine. Micheline Corvenne m’offre ce que je veux : le maillot de Nicolas Anelka. Enfin… un maillot du PSG floqué Nicolas Anelka avec le bon vieux lettrage « 3D » de la Coupe de la Ligue. Mon premier maillot du PSG et pas n’importe lequel, non, déjà celui d’un joueur qui échoue dans la capitale. Comme l’immense Nicolas Ouédec avant lui. Montpellier, Lausanne puis la Chine, bien avant Pocho, en précurseur, en pionnier « à jamais le premier ».

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Le bal des nantais (c) Panoramic

Passent sept années sans saveur, faites de doutes et d’échecs, comme tout bon ado. Mes parents m’offrent de belles vacances que je déteste, comme tout bon ado. En 2004, nous revenons des Pays-Bas. À Dunkerque ils me lâchent une poignée d’euros, comme tous bons parents. Je les claque immédiatement dans un France Football. Le PSG vient de relancer la filière nantaise. Armand, Ateba et Yepes débarquent. Ça y est ! On va de nouveau avoir une « vraie » équipe. Paris va marcher sur la Ligue 1 ! Non. On va simplement concéder un nombre record de pénalties. Les défenseurs prendront des rouges plus vite que « papy Nénesse » comme on en parle encore au village. L’ADN. Ce putain d’ADN. Cette sempiternelle scoumoune.

En 2007 je parviens enfin à mes fins : je vais étudier à Paris ! PARIS ! PARIS ! PARIS ! J’ai 19 ans encore peur de me rendre au Parc des Princes. C’est un nid de fachos ou de racailles. Il y a eu et aura encore des morts.

Et pour la première fois, mardi 18 mars 2008, je pose les pieds en Borelli. Une purge de Coupe de France contre Bastia. Everton, dramatique, est remplacé par Maxime Partouche, acclamé pendant vingt minutes par Boulogne et Auteuil. Strabisme divergent, priapisme. Je tombe une nouvelle fois amoureux d’un « beautiful loser ».

Résumé de PSG vs. Bastia cliquez ICI

Je dois remettre les pieds dans ce stade. Je dois en connaître les composantes. Je dois en comprendre la faune. Je dois y appartenir. Ça tombe très bien, j’étudie le journalisme : je dois apprendre à ne plus avoir peur, je dois apprendre à me fondre dans la masse… et à porter mes couilles en toutes circonstances. Un formateur issu de la chaîne cryptée me chahute lors d’un cours. Les supporters du PSG sont des fachos et des décérébrés, la banderole « Bienvenue chez les Chtis » en atteste. Il nous « commande » des reportages. Rendez-vous en Boulogne, connard.

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« Toujours vaincre » (c) Panoramic

Le Franprix, le « petit Parc », les flashs de Label 5. Me voici au contact des ex-Boys, du Borsalino et de la tête de mort. Des Bac +5 aux Licence 4 qui se rendent chaque semaine aux jeux du cirque. Du sang et de la sueur et des larmes : le virus est inoculé et je postillonne partout. Embarque mes amis, mes exs, mes occasionnelles. Pas politisé pour un sou je traîne mes Dunks en « Boubou », me déplace à Marcel-Picot au lendemain du décès de Yann Lorence. Un match nul. Complètement nul.

Commémorer le décès de Julien Quemener, doubler le 289 en moonwalk pour rentrer m’enquiller du rhum dans ma jolie banlieue ouest. Paris est à moi. Je suis dévoué à Paris. « Paris c’est nous. »

En tribune, je ne suis personne et j’apprends à débarquer au boulot sans voix le lundi matin, gage d’un week-end réussi. Alors que les tensions sont toujours plus fortes entre les virages, c’est un type d’Auteuil qui me dégote trois billets lors d’un nouveau déplacement. Mon track-top Adidas se souvient encore du grillage, comme je me souviens du balourd torse nu, Tour Eiffel rouge et bleue tatouée là où la bière et les hamburgers font des ravages. Je découvre un amour inconditionnel. Celui qui fait lâcher un billet pour des « frangins » en rade à la buvette. Bientôt, il me fera traverser la France et la perfide Albion avec des inconnus chargés d’herbe. Tout ça pour humilier Chelsea en tribune… et pleurer à cause de Demba Ba (et ou d’Edinson Cavani, vous choisirez).

En attendant, j’émigre à Montréal, regarde un ou deux matches sur un mauvais stream diffusé avenue du Parc, siffle de la Molson Dry ou de la Pabst Blue Ribbon devant TV5 Monde. Je m’offre, à mon retour, un maillot de Christophe Jallet ; frétille devant la signature de Biševac, Matuidi et Menez – encore un Breton. J’achète encore France Football.

Nous sommes en 2011 et, hasard (?) du calendrier, je passe une semaine par mois à Montpellier, me régale de la générale contre l’ETG de Dupraz. Je vois la clique à Giroud remporter le titre au nez et à la barbe du plus grand club du monde. Putain d’ADN.

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Jérémy, un soir de mai 2013 (c) Panoramic

Un an plus tard, je suis encore en larmes. Jérémy Menez m’offre le plus beau des cadeaux, Mamadou Sakho pose instinctivement devant le parcage. Écharpe tendue, grand angle. Postérité. Les genoux râpent le parquet flottant de mon appartement. Je pleure – de joie cette fois. Libéré, délivré. Enfin.

Depuis, j’aime toujours Paris. N’en déplaise à Dutronc fils. N’en déplaise aux ultras des réseaux sociaux ou des fascistes qui instrumentalisent le football avec leurs moustaches en rutilisme apparent, aux zouaves en surpoids qui jouent du « one-one » comme moi du pipeau, aux marseillais de Manchester (ou l’inverse).

On a notre ADN. Notre sang. Ma fille, née un sombre soir n’a rien d’un ange et son prénom -Gabrielle – lui donne plutôt le caractère d’un Allemand devenu Sud-Américain que celui de l’annonciateur. Les langes ont laissé place à une dégénérée qui hurle trois fois par jour « Kylian Mbappe » et « Presnel Kimpembe ».

Papa, maman, désolé : si elle porte Augustine pour troisième prénom, ce n’est pas pour la vieille tante, c’est pour l’éminent numéro 10 nigérian. Aussi vrai que si une cigogne m’apporte un fils, il y aura du Ernest et du Nicolas dedans.

Aussi vrai que Presko et Kyky n’étaient alors que des protozoaires quand j’ai rencontré « Nico ». Aussi vrai que nous, admirateurs, supporters, ultras, hooligans parisiens, savons que nous tous, c’est pour la vie. Aussi vrai que le FPF me les brise menu, aussi vrai que je suis trop vieux (et trop papa) pour être de la caste supporteriste supérieure. Je continuerai à croire en mon club comme d’autres croient en un dieu.

Moquez-vous, acharnez-vous. Nous sommes nés et avons évolués dans l’adversité. Jacobins et souvent philistins nous sommes les Parisiens. ET NOUS CHANTONS EN CHŒUR.


Justin Daniel Freeman

Francis Borelli

FRANCIS BORELLI, je l’ai toujours appelé Monsieur Borelli, c’était MON PRESIDENT,
le président du PARIS SAINT-GERMAIN. Aujourd’hui, je me permets de l’appeler Francis car j’ai UNE TENDRESSE INFINIE pour cet homme-là.
Par rapport à tout ce qu’il a fait pour le club et pour moi. Les 2 sont indissociables.

LUI rendre hommage, c’est quelque chose qui me tient à cœur. Francis Borelli est une personne importante dans ma vie professionnelle, dans ma vie d’homme aussi. Il m’a beaucoup apporté sur le plan humain. Il m’a ouvert les yeux sur pas mal de choses.
L’image forte, que les gens retiennent, c’est Francis qui embrasse la pelouse. Dominique Rocheteau égalise (dans les arrêtes de jeu) et là, il se passe quelque chose de magique. C’est sa pelouse qu’il embrasse, dans son stade. Et le public envahit le terrain.

15 mai 1982 : finale de la Coupe de France face à Saint-Etienne (Ndlr : 2-2, 6 tab 5). Ce match était hors-norme. Le plus fou que j’ai jamais joué. Après le penalty*, c’est l’explosion dans le stade. Francis Borelli est la 1ère personne à me sauter dans les bras. Il court vers moi, m’embrasse et me dit : « Merci ». Je lui dis : « Merci ». On s’est dit merci, juste ça. Ce sont des choses qui restent.

Ce 1er trophée, je crois que c’est sa plus grande émotion avec Paris.

Pour visionner le résumé du match ASSE vs. PSG de 1982 cliquez ICI

Cette image de Francis avec sa sacoche, qui ne le quittait jamais, son baisenville, elle est éternelle. Francis était quelqu’un de superstitieux, très très superstitieux. Qu’y avait-il dans sa sacoche ? On ne sait pas, peut-être des grigris. Sûrement. Il avait besoin de choses qui le rassurent.

Donc ça, c’est l’image que les gens retiennent. J’ai côtoyé Francis pendant plus de 10 ans. Il a été un grand président. La chose qui m’a le plus marqué, c’est l’homme. Un homme qui aimait le foot et un homme qui aimait ses joueurs. Ce côté humain, je ne l’ai pas découvert car je le savais mais il est véritablement apparu au grand jour quand j’ai eu mon accident de voiture**. C’était pendant les vacances d’hiver (18 décembre 1983), Francis Borelli était sur le point de partir au Brésil, il a annulé ses vacances. Il a fait venir un avion à Salon de Provence pour me rapatrier à Paris. Je suis resté 18 mois sans jouer.

Francis Borelli Virage PSG
(c) Panoramic

Dans ma chambre à l’hôpital, les médecins ont dit à mes parents que, peut-être, je ne remarcherai pas. Francis m’a toujours fait sentir que j’appartenais au PSG, à l’équipe. Chaque fois qu’il organisait quelque chose avec le club, il n’oubliait jamais de me faire venir. Comme pour me dire : « Tu es avec nous. On est avec toi ». Il a été d’une présence insoupçonnable. Pendant des semaines, des mois, son soutien a été infaillible. Il venait me voir à l’hôpital, il me téléphonait et puis je le voyais quand j’ai pu revenir au Parc.

Je me rappelle d’une discussion, en février 1985. Je n’avais pas encore rejoué. J’enchaînais les séances de kinés. Il me dit : « Jean-Marc, pour la saison prochaine, je pense que je vais prendre un défenseur central.» Ce qui pouvait se comprendre. Il me dit ça et là, je m’en rappellerai toujours, je l’ai regardé, je lui ai dit : « Président, si vous prenez quelqu’un, vous allez le payer à ne pas jouer car c’est moi qui vais jouer ». Il me regarde, il me dit : « Tu es sérieux ? » J’avais encore des séquelles. « Oui, Président, je suis sérieux ». Il n’a pris personne. Cette saison-là, on a été champion (1986). J’ai joué tous les matches. Il me connaissait, il savait que je n’avais pas dit cela en rigolant. Il m’a fait confiance.

Francis Borelli Virage PSG
(c) Panoramic

Francis, c’était avant tout un homme de cœur, un homme de parole même si parfois un peu bluffeur, voire très bluffeur quand il s’agissait de négocier les contrats (sourires). Cela faisait partie de sa personnalité. Il essayait toujours de négocier, à l’extrême. Il était capable de perdre un temps fou pour ce genre de choses.

Pour les prolongations, il nous disait de passer dans ses bureaux, rue Bergère à Paris. Il prenait une feuille de papier, il la pliait en quatre. Dans un coin, il écrivait des noms de joueurs, avec leur salaire à côté. Il disait : « lui, tu as vu ce qu’il gagne, je ne peux pas te donner ça… Et lui tu as vu ? Là non plus je ne peux pas… » C’était théâtral. Mais au final, on y arrivait toujours. Je ne voulais pas me fâcher avec lui.

En 1986, face à l’offre du Matra pour Luis Fernandez : le président qu’il était n’a rien pu faire. Ce fut un crève-cœur pour lui, comme pour Luis. Après le titre (champion de France), on est allés dîner au Pavillon d’Armenonville. J’ai le souvenir de Luis qui me pleure sur l’épaule. Il me dit : « Je veux rester mais je ne peux pas. Je ne veux pas partir mais là je n’ai pas le choix. C’est trop important pour la suite, pour ma famille ». Financièrement, le PSG ne pouvait pas rivaliser.

Francis avait un rituel. On jouait le samedi soir, donc décrassage le dimanche matin. Il venait avec ses potes à l’entraînement. On faisait des 4-4 avec lui et ses amis, c’était marrant. Il y avait à peu près tout le comité directeur du PSG qui jouait. Pour lui, perdre son match le dimanche, c’était presque pire que si on perdait le samedi en championnat (sourires).

C’était un bon joueur et il avait une particularité, c’est le seul qui jouait les 2 mi-temps du même côté : devant la tribune officielle. Il ne jouait jamais de l’autre côté (sourires). Il jouait numéro 10. Je ne sais pas s’il avait une idole ? Ses idoles, c’était ses joueurs. Il aimait vraiment ses joueurs.

Il était tout le temps avec nous, avant le match, après le match. Parfois le coach nous parlait et puis Francis arrivait dans le vestiaire, il prenait la parole. Il pouvait nous dire des choses, pas complètement à l’opposé, mais qui allaient à l’encontre du coach (sourires). Il avait un côté ingérable. Mais tout ce qu’il disait, ça sortait du cœur.

Avant tout, c’est quelqu’un qui aimait les gens. Il aimait bien prendre les joueurs en aparté. Il savait trouver les mots, un peu comme un coach mental.

Je crois que j’aurais aimé être son coach. Il y aurait eu des moments d’engueulades, de stress, de conflits… Cela n’aurait pas été inintéressant. Ça m’aurait plu.

Un jour, il me dit : « Il y a des joueurs qui t’ont impressionné cette année qu’on pourrait peut-être récupérer ? » Je lui dis : « Il y en a un, je n’arrive jamais à défendre sur lui. Il me fait la misère à chaque fois, c’est Oumar Sene », Il était avant-centre à Laval. L’été suivant, il signait au PSG. Ça aussi, c’était Francis. Quant à Safet Sušić, quand il vient le chercher (1982), personne ne le connaît. Il jouait à Sarajevo. Il sentait bien les coups, il connaissait le foot.

Francis Borelli Virage PSG
« Magic » Sušić (c) Panoramic

Dernière chose marquante. Pas gaie, mais marquante. A ses obsèques. Son fils Michel m’a demandé de porter le cercueil. Il y avait aussi Luis (Fernandez), Charles Talar son complice de toujours. Le fait que son fils me le demande, c’est quelque chose qui m’a touché.

Quand il a quitté Paris (1991), cela a été un déchirement. Il aimait ce club passionnément. Le PSG, c’était sa famille. Il avait sa famille, qui d’ailleurs était très très importante pour lui, et qui l’a suivi dans toutes ses années PSG. Et Paris a été l’histoire de sa vie.

Une tribune du Parc porte son nom. Cela me paraît normal par rapport à ce qu’il a fait pour ce club. Il ne faut pas oublier le passé. Il fait partie de gens qui ont fait grandir le club. Même si la vie est différente aujourd’hui, il ne faut pas trop s’éloigner de sa mentalité à lui. Il ne faut pas perdre de vue ce qu’il a fait et comment il était.

Les 3 mots qui me viennent quand je pense à Monsieur Borelli : générosité, amour, et profondément humain.

Francis, merci pour tout.

*Jean-Marc Pilorget inscrit le 6è et dernier penalty, victorieux pour le Paris Saint-Germain, vainqueur de sa 1ère Coupe de France
**Victime d’un grave accident de voiture, Jean-Marc Pilorget rate l’EURO 84 et reste éloigné des terrains durant 18 mois


Jean-Marc Pilorget

Pilorget, la résurrection

De son air détaché mais néanmoins fier comme Artaban,
notre redac’ chef
adoré nous balance comme ça,
« Jean-Marc Pilorget devrait nous écrire un billet sur le site prochainement
et cela de manière régulière… »
.
QUOUUUA ? LE Jean-Marc Pilorget ? On parle bien du recordman du nombre de matchs joués sous nos couleurs adorées ? « Oui, lui-même ».


Pour les plus jeunes, que vous ne connaissiez pas Artaban, bon passons, mais Monsieur Jean-Marc Pilorget vous n’avez aucune excuse.
Alors si vous allez, de suite, confus et honteux sur le net, je suppose qu’on vous parlera surement de son record de matchs avec le PSG, de son penalty victorieux en 1982, (contre le Saint-Etienne du roi Platini) qui permettait de déflorer le palmarès du club.
Une première Coupe à 12 ans, dont une des plus belles (LA plus belle ?) finales de Coupe de France, cela marque les esprits et c’est bien normal.

Mais pour moi Pilorget c’est d’abord cet article dans un programme de match avec cette photo en noir et blanc qui le présentait, lui en compagnie de Justier et François Brisson, comme les futurs mousquetaires du PSG. Un peu les Kimpembé, Rabiot, Nkunku d’aujourd’hui… Ou pas.

Et c’est ensuite et surtout ce terrible accident de voiture quelques mois avant l’EURO 84 en France auquel il aurait du participer et qui sera gagné par la France du roi Platoche. Ce maudit accident qui aurait pu lui couter la vie, ou l’handicaper à vie. Mais après 18 mois , une éternité dans une carrière, il est prêt à redémarrer la saison avec son club, où le nouvel entraineur, Gérard Houllier, n’hésitera pas à lui faire une confiance méritée comme titulaire.

Pilorget Virage PSG
Young Jean-Marc (c) Panoramic

Tout ceci pour nous amener à LA rencontre qui restera à jamais gravée dans ma mémoire dès qu’on me parle de notre légendaire numéro 4.
Ce match marquant (dans mon souvenir) le retour de Pilorget au Parc après son terrible accident. Un an et demi après…
Je vais vous parler d’un PSG-Bordeaux, mais pas n’importe lequel, pas celui de 1999 ou le Parc chantait aussi « allez Bordeaux » mais pour d’autres raisons que ce soir de juillet 1985.

Pour visionner le résumé du match PSG vs. BORDEAUX du 30 juillet 1985 cliquez ICI

En effet, à l’époque, Il arrive souvent que des Bordelais se retrouvent un peu partout dans le Parc, et même à Auteuil. Comme c’est le cas d’ailleurs pour ce match.
Nous sommes le 30 juillet 1985, les Boulogne Boys naîtront officiellement quelques semaines plus tard et les seuls supporters organisés sont à Boulogne et nulle part ailleurs.
Fait très rare à l’époque, surtout en pleine période estivale, le Parc est plein, moi je suis en Auteuil rouge, ce match compte pour la quatrième journée du championnat, mais c’est déjà le sommet du championnat.

Pilorget Virage PSG
Jean & Joël face à face en 1985 (c) Panoramic

D’un côté Bordeaux, qui est l’équipe au top en France, championne en titre, des internationaux à tous les postes (de mémoire l’équipe devait ressembler à quelque-chose comme :

Dropsy (un des meilleurs gardiens d’Europe)
Thouvenel (le mec jouait avec des lunettes ! Et pourtant c’était un des meilleurs en France à son poste)
Battiston (a survécu à Schumacher (non pas le skieur), pour devenir titulaire en équipe de France)
Specht (champion avec Strasbourg, loin d’être une saucisse…Ok c’est nul, on ne peut pas toujours être au top)
Tusseau (un jeune défenseur ultra prometteur, le plus cher de l’époque)
Girard (le boucher gardois, violent et mauvais joueur, oui c’est bien lui qui est devenu l’entraineur que vous avez détesté particulièrement en 2012)
Rohr (si le boucher cité précédemment ne vous avait pas cassé la jambe, le teuton dégarni s’en chargeait avec un sourire sadique)
Tigana (aujourd’hui on dit Ngolo Kante. Deuxième au ballon d’or en 1984 derrière sa Majesté Platini)
Giresse (la classe, le talent, deuxième au ballon d’or en 1982)
Lacombe (meilleur buteur français de l’histoire en ligue 1)
Reinders (prototype de l’avant centre allemand de 2 mètres, pas mauvais de la tête, bourrin, grosse moustache et nuque longue)
Entraineur : Jacquet, ancien grand joueur stéphanois (futur sélectionneur de l’équipe de France –dernier match France 3-0 Brésil – 1998)

Pilorget Virage PSG
Bordeaux vs. Juventus en 1985 (c) Panoramic

Des Girondins qui manqueront de peu la consécration européenne cette année-là en Coupe des Champions (ancêtre de la Ligue des Champions), éliminés en demi-finale par la Juventus de Turin de Platini (et oui encore lui). Malgré la défaite 3-0 en Italie à l’aller, presque tout un pays (médias compris, les temps changent..) croit à l’exploit au retour. Bordeaux l’emportera 2-0 au retour au terme d’un match qui restera dans l’histoire des perdants magnifiques du foot français, un match qu’ils auraient du remporter plus largement… pour se retrouver en finale contre Liverpool.

Qui sait alors, peut-être que la tragédie du Heysel n’aurait jamais eu lieu… Bref on ne le saura jamais et je m’éloigne du sujet…
Pour finir de présenter ce Bordeaux, ils gagneront cette année la Coupe de France en finale contre le petit OM à peine remonté de deuxième division. Une coupe om Bordeaux nous aura éliminés de très peu en demi-finale. Ah ce penalty de Rocheteau sur le poteau…
Bref vous l’avez compris, on peut parler d’ogre bordelais qui se déplace au Parc. Le match parfait pour savoir ce que ce Paris là a dans le ventre.

En face, un PSG très séduisant et leader du championnat, qui a gagné ses trois premiers matchs (10 buts marqués, 3 encaissés)
La compo du PSG est celle qui nous mènera à notre tout premier titre de champion, après avoir battu le record d’invincibilité en première division.
Cette équipe qui sentimentalement restera pour moi à jamais la plus belle.
Je ne vous ferai pas l’affront de vous la présenter, tout le monde doit la connaitre. Même les plus jeunes. Après tout google est votre ami.
Non ? Bon OK si vous insistez…

Pilorget Virage PSG
Luis Attaque ! (c) Panoramic

Bats (le meilleur gardien du monde qui éliminera cette même année un des plus beaux Brésil en Coupe du monde)
Bibard (solide défenseur en provenance de Nantes, l’un des meilleurs clubs français)
Pilorget (enfant du club, enfin de retour sur les terrains)
Jeannol (un défenseur qui vient de Nancy où il a du travailler ses coup-francs avec maître Platini ? et oui encore lui)
Lowitz (il éclatera cette saison)
Poullain (merveilleux milieu de terrain qui aurait mérité lui aussi une autre carrière internationale, mais les places étaient chères)
Luis (capitaine métamorphosé, élu je crois, meilleur joueur du championnat cette année là)
Sušić (génial meneur de jeu, est-il utile de présenter la légende ?)
Vermeulen (Hollandais trop souvent blessé dans mon souvenir, mais qui répondra toujours présent quand il jouera)
Jacques (attaquant qui lui aussi apportera sa contribution au titre)
Rocheteau (LE meilleur attaquant du club, avec les monstres que sont Pauleta, Ibra, Cavani) , dribbleur, buteur, également meilleur buteur du championnat, une star, une icône)
Entraîneur : Houllier, prof d’anglais en provenance de Lens (futur sélectionneur de l’équipe de France – dernier match France 1-2 Bulgarie – 1993)

Pilorget Virage PSG
Le PSG Champion de France 1986 (c) Panoramic

Tout cela pour vous dire simplement que dans ce match de titans, je me souviens d’un grand match, et d’un PSG qui va s’imposer 1–0, mais peu d’autres souvenirs du match en lui-même, à part le but du match. L’action du but est claire dans ma tête comme si c’était hier.
Début du match, après quelques minutes, centre de la gauche de Vermeulen et qui est là au deuxième poteau pour envoyer le ballon de la tête dans le but de Dropsy ? Jean-Marc Pilorget ! Le Parc explose.
L’enfant du club qui marque le but du match pour son retour 18 mois après son accident de voiture.

On sent que tout le monde est tellement heureux pour lui. Ce n’est plus un clin d’œil du destin, c’est presque beau comme un conte de fée, ils se marièrent et eurent beaucoup d’autres matchs et d’émotions.
Ce match en tout cas restera un des plus marquants de cette saison et fera partie de ceux qui enverront le PSG vers ce premier titre tant attendu.
L’histoire est belle et a donc marqué à jamais le gamin de 10 ans que j’étais.
Monsieur Pilorget, bienvenu chez Virage.


J.J. Buteau