Viola, dernière partie

par et

3ème et dernière partie de l’interview de Viola, ex capo des Lutece Falco.
On a évoqué avec lui la philosophie d’un groupe ultra
et l’évolution du mouvement aujourd’hui.
Encore un moment rare et enrichissant à partager avec tous les amoureux du PSG.


Tu as fait deux grands chelems, racontes nous ? (ndlr : Le « grand chelem », c’est faire tous les matchs au Parc des Princes sur une saison et tous les déplacements, en France et en Europe).

J’ai fait les saisons 1999/2000 et 2000/2001, deux grands chelems de suite. Le grand chelem a été cassé parce qu’en 2001 on a joué l’inénarrable Coupe Intertoto, et là on a été joué à Jazz Pori en Finlande. J’étais étudiant mais je bossais et ça a été compliqué d’y aller. Ensuite il y a eu Simferopol. A l’époque on était très culture déplacement et grand chelem, et là aucun groupe du Virage Auteuil n’a bâché. Il y avait quelques ‘indeps’ et des Boys qui avaient été là-bas pour représenter les couleurs parisiennes parce que les mecs avaient anticipé avant qu’on joue Pori. Simferopol n’était pas sûr de passer avant leur match aller, mais les gars avaient dit « si c’est Simferopol, c’est l’Ukraine, il faut un visa ». Donc les mecs avaient fait préventivement leur visa et il ont pu aller là-bas, ce qui avait été très malin. J’ai fait le reste du temps deux-tiers et même trois-quart des déplacements.

Faisais tu partie de ceux ayant fait le déplacement en stop de Montpellier à Budapest ? (ndlr : 28/09/2002, Montpellier PSG, suivi le 03/10/2002 de Ujpest PSG)

Non. Mais j’ai été à Budapest, en car Eurolines. C’était une expérience. A l’époque les low-costs n’étaient pas forcément développés comme maintenant. On n’avait pas tous le permis pour se prendre des J9, donc cette année-là on avait fait Ujpest-Budapest et Boavista-Porto en Eurolines.

Un grand chelem c’est déjà pas mal, deux grands chelems d’affilé c’est plutôt énorme.

Oui, deux grands chelems, c’est une fierté. Parce que tu ne fais pas les choses pour toi, y a l’ego-trip, mais c’est aussi un milieu où tu te montres, où tu prouves, et sans se mentir, c’est valorisant. Surtout avec un grand chelem européen, tu vas à Rosenborg, Helsingborg et surtout tu vas à Istanbul, et je suis très fier d’avoir été à Istanbul, au stade Ali-Sami-Yen. On n’était pas beaucoup de parisiens, une cinquantaine, dont Francis Borelli, qui était dans l’avion avec nous à l’aller et en parcage, et où Fernandez, qui venait de reprendre l’équipe, est venu l’embrasser. Ça reste des souvenirs inoubliables. Comme Brescia en Interto, le mythique déplacement au Rigamonti en août 2001. Les déplacements européens et les déplacements à Bastia, à Furiani, ceux où tu es en comité restreint, que des vrais, sans trop d’escorte ou autres, où tu profites de la ville, de la plage, des joies des voyages, où tu ressens aussi de la tension, c’était tout simplement exceptionnel mais l’amour du club, le dévouement au groupe fait que dans un grand chelem tu vas aussi en car à l’Abbé Deschamps ou au stade de l’Aube, ce qui est tout de suite moins exotique.

ITW Viola Virage PSG
Zone agitée (c) Merry Moraux

Revenons sur la vie de Virage. Quelle est l’importance du lien social dans un groupe, dans le sens où l’âge diffère entre les membres et que les plus anciens sont aussi là pour encadrer les plus jeunes ?

Oui l’âge diffère vraiment. Tu pouvais te retrouver au Lutece de 15 à 45 ans. Ça fait quand même un gap générationnel. Donc oui ça a un rôle important. Après il ne faut pas tomber dans la caricature comme disait Rachid Zeroual, le capo des Winners, « on est là, on fait du social pour les minots, on les empêche de faire le guet dans les quartiers nord. » Mais oui tu as un rôle social, parce que tu te retrouves déjà toi jeune, où tu viens au Parc en semaine pour préparer les tifos. Tu as un peu un côté MJC, lieu de vie où tu viens travailler pour ton tifo mais aussi t’amuser et c’est bien d’avoir des gens plus vieux qui te cadrent. Tu es jeune au début et tu te dis que ces gens qui t’encadrent, ils t’emmerdent un peu mais aussi ils te forment, ils t’apprennent, tu as de l’échange. Après tu vieillis et c’est toi qui forment les jeunes, tu les éduques à un mouvement ultra. Après on ne va pas faire de l’angélisme, se dire que les mecs sont mieux là au Parc des Princes à faire des tifos plutôt qu’à faire du deal ou des conneries dans leur cité. Parce que quand tu es ultra, des conneries on en a fait, des exactions, des actes violents, essayer d’attaquer le car des joueurs. Ce n’était pas notre délire principal mais tu peux aussi parfois te battre, tu n’es pas non plus un modèle de vertu. Tu as ce rôle social car tu as aussi de moins en moins de corps intermédiaires, de lieux de sociabilisation entre les gens.

Vous aviez cette conscience, pour les plus anciens ?

Oui, car moi j’ai toujours été proche des jeunes. Comme j’ai dit, tu as toujours des frictions, des conflits, mais j’ai toujours réussi à naviguer et à me rappeler de ma jeunesse fougueuse, à aimer et à intégrer les jeunes, devoir les tancer quand il fallait, mais aussi à dire « les mecs se bougent, les mecs viennent en déplacement, les mecs viennent peindre, les mecs rentrent des torches, les mecs disent je vais écrire, ou je vais me casser le cul à aller chez Copy Top faire des photocopies ». Les mecs tu les valorises, tu les intègres, tu essaies qu’ils ne fassent pas n’importe quoi.

Donner ce qu’on t’a donné ?

Exactement. Après tu ne vas pas les empêcher de boire ou autre, mais oui, il y a un vrai rôle social et éducatif. Tu peux trouver dans un groupe ultra une structure, une vertèbre. Si tu ne l’as pas dans ta famille, oui tu peux trouver ça. C’est important. Avec un côté générationnel, hiérarchique, en essayant de rester démocratique, que les choses se fassent au mérite, que chacun ait le droit à la parole. Mais tout en sachant que ce n’est pas un monde égalitaire, qu’il y a des notions de noyau dur, des notions de leaders. Et tu dois gérer entre ce côté démocratique, un égal un, même si dans les faits, un égal pas forcément un.

ITW Viola Virage PSG
Soir de Coupe à la Licorne (c) Merry Moraux

Est-ce que ça t’a aidé dans ta vie, cette expérience de vie ultra, est-ce que ça t’a construit, au delà de la passion ?

Oui ça aide. Sur savoir comment gérer les gens. Le management serait un terme inapproprié à un groupe ultra, mais oui ça aide forcément. Tu es confronté à plein de profils. Sans faire de storytelling à deux balles, le stade en général et les groupes ultras en particulier, ce sont des lieux où tu vas rencontrer des profils générationnels mais aussi socioculturels complètement différents. Des mecs qui sont des petits lascars, des fils de bourges et puis des gens qui ont de vraies situations. Y avait des mecs qui gagnaient très bien leur vie, qui avaient des métiers intéressants. Et puis d’autres mecs qui avaient 35 ans, qui étaient chômeurs, galériens, fumeurs de joints et qui pouvaient venir au Parc tous les jours comme s’ils n’avaient que ça comme vie. Et des gens qui avaient à la fois une vie sociale – familiale – professionnelle. Mais ça pouvait aussi être déstructurant socialement. En terme de famille, vie de couple ou autre, c’est difficile d’avoir une relation. A moins de te maquer avec une meuf de stade. Ce n’est pas évident de gérer un militantisme ultra actif et une vie familiale. Tu vas rater des repas de famille. « Oui, il y a Angers-PSG, je vais à Angers ! » Ou on joue en Coupe de France contre Baumes les Dames à Bonal, il va faire -15°, mais on ira pas tirer les Rois pour l’épiphanie parce que c’est le 1er tour de Coupe de France. Et que tu pars en J9, la route est pleine de givre. Ou que tu vas à Vesoul… Ça peut être déstructurant par rapport à l’extérieur, mais à l’intérieur c’est structurant.

Et puis tu crées une famille, vraiment, des amitiés indéfectibles. Ça cimente les choses. T’as des frères d’armes à jamais, des types sur qui tu peux compter. Des types que tu aimes comme des frères. Alors, bien sur, ce serait hypocrite de dire que tout le monde s’aime au sein d’un groupe ultra, mais tu façonnes des liens et des amitiés vraiment fortes et aujourd’hui même sans le groupe, même sans les Lutece, j’ai toujours ces gens au fond de mon cœur.

Tu penses qu’il faut être jeune pour être ultra ?

Non, je ne pense pas qu’il faut être jeune pour être ultra. Ça c’est aussi un regret de ne pas vivre une vie d’ultra aujourd’hui, de ne pas être encore actif plus âgé. Au Lutece on avait la chance d’avoir des types plus âgés, ça forçait le respect. Alors oui forcément tu ne viens pas à 45 ans en semaine tous les jours mais tu viens de temps en temps, tu fais parfois les déplacements, tu es là dans les moments quand il le faut, tu amènes ton gamin au Parc, il y a un côté très sympa. Tu vois en Italie, les mecs des premières lignes du noyau dur ils ont tous des cheveux blancs. Non, il ne faut surtout pas être jeune pour être ultra. C’est un truc que tu as. Si tu as la chance d’aller au stade tout le temps, l’investissement peut être moindre, décroître, mais il faut être là quand il le faut. Ce n’est surtout pas un délire tout court, c’est un mode de vie. Parce que des gens on en a vu, notamment après la Coupe du Monde 1998 et début des années 2000, quand il n’y avait pas forcément de bons résultats pour le PSG mais le Virage Auteuil commençait à exploser, à faire de bons tifos, à avoir une réputation avec Internet. Des mecs arrivaient pendant un an, deux ans, tu les voyais tout le temps, ils allumaient des torches, puis après c’étaient des comètes, ils disparaissaient parce qu’ils trouvaient un autre délire. Ces mecs ne connaissaient pas forcément le foot. Ce qui m’a toujours hérissé. Parce que oui les tribunes c’est bien, des gens pouvaient parfois avoir se délire « on s’en fout du foot », mais non, on ne s’en fout pas du foot. Tout part de là, de l’amour du ballon rond et après de l’amour du PSG. C’est lié.

ITW Viola Virage PSG
Lutece Ovunque (c) Merry Moraux

Est-ce que tu saurais définir l’ADN des Lutece Falco, ce qui les différenciait des autres groupes du Virage Auteuil ?

Ce qui différenciait c’est d’avoir été fondé par des mecs de Boulogne, plus anciens, ce qui faisait que les rapports avec la tribune d’en face étaient plus souples et moins conflictuels. Un peu plus compréhensifs, en se disant que ces mecs là étaient les supporters historiques du PSG. Il y avait des dérives, des frasques, on pouvait cohabiter, ce qui n’était pas forcément le cas des autres groupes. Ce qui a pu nous différencier aussi c’est qu’on avait un côté festif, on aimait bien l’Irlande, la picole, la bringue, ce qui parfois faisait des choses moins carrées, moins organisées. Ne pas se prendre au sérieux mais être sérieux. Après ce qu’était l’ADN des Lutece Falco, c’était de supporter le PSG, dans le malheur ou dans la gloire, au Parc et à l’extérieur, et puis voilà. On avait un côté aussi non violent, même si on a déjà participé à des choses, y a toujours eu une schizophrénie dans l’aspect non violent mais où des membres actifs du groupe pouvaient quand il le fallait participer au coup de poing s’il fallait se défendre. Mais ce n’était pas la philosophie principale. L’ADN du groupe c’était d’être là pour le PSG, et de le défendre, le défendre par la base en chantant et en animant la tribune, de le défendre aussi de façon syndicale en se faisant entendre de toutes les façons possibles quand ce que faisait l’équipe sur le terrain ou ce que faisait la direction ne nous plaisaient pas. Et puis ce qui nous a vraiment défini c’est un peu ce côté Casque Bleu ou suisse, être capable de faire le lien et le tampon. Enfin c’est d’avoir ce côté familial, pas sectaire mais restreint. On n’a jamais eu l’ambition d’être 3000 membres. Mais on pouvait passer clairement pour un groupe fermé et à la marge. Avec un esprit à nous, qui nous valait aussi bien le respect, l’estime du microcosme ultra, que des inimitiés y compris au sein des supporters parisiens. Mais j’ai eu au sein des Lutece le sentiment de vivre quasi 15 ans une vie de famille intense, avec comme dans toute famille, des supers beaux moments, des embrouilles, des hauts, des bas, le tout dans un virage terrible qui était une référence européenne en terme de soutien, de tifo, et dans la plus belle ville du monde.

De façon générale, qu’est-ce qui à ton époque différenciait la tifoseria parisienne dans le paysage français ?

Viola et Zavatt des Boulogne Boys à Lens (c) Collection personnelle

Déjà le fait d’avoir deux tribunes. Il y en a pas beaucoup dans le même cas. Il y a Marseille avec le Virage DP et le Virage Sud. Mais sinon c’est très rare d’avoir deux tribunes, et deux tribunes avec deux modèles un peu complémentaires mais aussi pas mal opposés, au milieu d’un public du Parc à la fois connaisseur, persifleur, difficile, c’est étrange. On a quand même fêté un titre en 1994, avec la tête de Ricardo lors d’un PSG-Toulouse, où il y avait 34000 personnes au Parc. Mais j’ai la lucidité de savoir que Paris n’est malheureusement pas une ville de football, pas comme le sont d’autres capitales comme Athènes, Rome, Londres ou comme des villes de province en France où il n’y a que ça. Paris est aussi parfois une ville de football où les gens peuvent être versatiles. Presque tout le grand Paris et la banlieue quand on était gamin supportaient l’OM mais maintenant tout le monde est pour Paris. Je trouve ça très bien, parce que les résultats sont là, parce que peut-être aussi, il n’y a plus l’image sulfureuse du Kop de Boulogne. A partir du moment où ce sont des gamins, ce n’est pas de l’opportunisme, ce n’est pas le type qui était supporter de Lyon et qui retourne sa veste parce que les qataris sont arrivés. Paris c’est difficile à définir. On a ce stade magique, le Parc des Princes, cette caisse de résonance. On était capable du meilleur comme du pire.

Le PSG a toujours été détesté, c’est l’équipe de la Capitale, l’image de la violence, maintenant les qataris.

On en revient aux jeunes qui supportent l’équipe qui gagne. Tous les gamins ont des maillots de Neymar, de Mbappé, parce que ce sont des grands joueurs, parce que le PSG gagne, que ce soit dans Paris intra-muros, en banlieue ou en province. Tu vois même maintenant des maillots du PSG fleurir sur la Canebière, ce qui est pour moi une hérésie. Le PSG à l’heure actuelle est détesté par plein de gens, mais aussi aimé, parce que, osons un terme polémique, c’est la franchise qui gagne dans la Ligue 1, pas encore en Ligue des Champions. Mais il y a toujours ce côté très ambivalent. Moi j’aime que le PSG soit un club détesté, je ne veux pas que le PSG devienne un club populaire. Mais d’un autre côté, voir des maillots partout, si c’est en Île de France, ça va. Mais quand je vois des gamins d’ailleurs avec le maillot du PSG, je me dis « Ah merde, tu devrais supporter ton club ».

Cliquez ici pour relire le papier "Je ne suis pas polygame".

Mais on sait aussi comment ça se passe. Le PSG sera toujours détesté, ce n’est pas dans l’ADN de la tifoseria mais dans l’ADN du PSG. Il y a un côté club maudit et club à polémique. Malheureusement, il nous tombera toujours des histoires de remontada, de fair-play financier, de fax à la PSG-Steaua, où les mecs ne vont que trois fois dans ton camp et ont trois penalties. Il y aura toujours des histoires et c’est aussi ce qui fait la légende noire de ce club. Mais ça me va très bien que la Province ou les autres clubs européens, les salopes du Barça, ou les donneurs de leçons bavarois en tête, détestent le Paris SG.

ITW Viola Virage PSG
Tribune ultra (c) Merry Moraux

Quel est ton regard sur le PSG qatari ?

Mon regard il est critique, parce que la politique sportive pour l’instant n’est pas arrivée au terme de ses objectifs pour gagner la Ligue des Champions. Mais je suis très content d’avoir enfin une grande équipe de standing européen à Paris. On a toujours voulu ça. C’est une schizophrénie où on est contre le football business mais à l’époque on voulait des grands joueurs, on voulait des investissements, que Canal mette de l’argent et caetera. Ça a toujours existé à Paris où on peut magnifier l’époque Borelli. Mais il y avait déjà un côté bling-bling. Il a acheté Sušić qui était un grand joueur, il a voulu acheter Platini, Cantona, d’autres grands joueurs. Dans le PSG qatari il y a des choses positives et des choses négatives. Par exemple ce qui est très bien c’est que nous restions au Parc des Princes. Ça a été inscrit dans le marbre, il n’y a plus de rumeur de Stade de France, il n’y a plus de rumeur de construire un stade je ne sais où en province ou voire même de détruire le Parc pour y refaire quelque chose. Pour moi c’est quand même la base. Ils parlent avec l’architecte Taillibert. Je pense qu’il y a un respect de ce Parc. On a vu qu’il n’était pas obligé d’avoir des stades de 80000 places pour réussir. Comme par exemple le Juventus Stadium. Des stades de taille intermédiaire avec une bonne ambiance. Ça peut être un bon modèle, à la fois économique, de merchandising et d’ambiance pour un grand club européen. Ils sont bons, il font du marketing, c’est too much mais bon c’est le football moderne. Moi je ne suis pas content des maillots mais nous n’étions déjà pas contents à l’époque, on a fait X contestations de maillots. Les qataris n’ont pas inventé le fait de travestir le design Hechter, ça c’est Nike et ça continue, on ne peut pas jeter cette pierre dans le jardin des qataris. Je vais être pragmatique, réaliste, je ne suis pas ou plus ultra, je veux que le PSG gagne, je sais qu’il y a un environnement économique particulier donc il faut faire des rentrées d’argent. Donc tu peux faire des collabs’, ça peut être intéressant sur un maillot Third. Après ça me fait chier de voir le PSG jouer avec un maillot Jordan et pas avec ses couleurs en Ligue des Champions.

Cliquez ici pour relire le papier "Oh! Rouge et bleu".

Les qataris apportent aussi du professionnalisme. Le centre d’entraînement, ce ne sera malheureusement pas à Saint-Germain, on peut pinailler par principe. Mais ce qu’ils vont faire,  le Milanello du PSG, ça fait depuis que je suis gamin et ado, qu’on en parle. Je me souviens de Denisot dans un France Football début des années 90, « notre objectif est de faire un super centre d’entraînement ». Si tu veux être un grand club professionnel il te faut des structures. Là, la tournée au Qatar, super marketing, super pub, non ça ne me plait pas, mais il faut aussi faire plaisir à l’actionnaire, parce que putain, on voit jouer Neymar et Kylian Mbappé. Tu vois tu as toujours ce côté schizophrène. Pour l’instant ça ne m’a pas dégoûté totalement. Parce que je pense que j’aime trop le foot. Ces gens qui disent « Allez on va aller voir finalement des clubs populaires, ou on va créer un club façon United of Manchester, des alternatives… », ou supporter le Red Star, ce qui est de la trahison, ou supporter le Paris FC, … Oui c’est marrant. Mais au fond non, parce qu’on kiffe tous le PSG. Après je ne suis plus dans une position de leader ultra avec tout ce que cela peut impliquer en terme de cohérence, de radicalité, le côté défenseur des valeurs d’un football populaire, de l’âme d’un club. Donc tu peux être plus souple, ou du moins t’en foutre, la priorité c’est ce qui se passe sur le gazon, des résultats, du beau jeu. Les gens aiment bien blablater sur la géopolitique et le Qatar, souvent avec un fond un peu raciste quand même. J’ai mon avis, il n’est pas question de dire Amen à tout, et le football moderne n’est pas toujours joli et tu peux en faire une critique radicale, de toute cette économie, de tout cet écosystème. Mais ça reste le beautiful game et puis, pour répondre à la question, j’en pense rien du PSG qatari, parce que le PSG il est pas qatari, pas plus qu’il était américain à l’époque de Colony. Le PSG il est parisien, il est au peuple de Paris et à ses fans. Alors bien-sur je préfèrerais que Francis Borelli soit toujours président. Mais on va pas se mentir, je ne souhaite pas du tout un départ des qataris ou je ne sais quoi pour avoir l’impression de me ré-approprier mon club. Parce que c’est mon club, c’est notre club.

Quel joueur d’après toi dans l’histoire du PSG a le plus l’esprit ultra, un joueur qui aurait pu être avec vous en tribune ?

Jérôme Rothen a eu ça, après y a eu un jour une relation conflictuelle où il a jeté un tract avant un match, mais il s’intéressait aux tribunes, il était démonstratif sur ses buts, il a allumé un fumigène devant l’Hôtel de Ville après la victoire contre Marseille en 2006, il reste toujours un peu dans ses commentaires de journaliste assez PSG. Y en a d’autres aussi, Mamadou Sakho il pourrait avoir un esprit ultra, un peu foufou. Un mec comme Pierre Ducrocq qui était un enfant du club, tu sens toujours qu’il est amoureux du PSG. Un mec comme Rabésandratana, les rares fois où j’écoute France Bleu, j’ai même des potes qui l’ont rencontré hors stade, et ses tweets, il a un côté très radical et un peu ultra du PSG dans sa façon d’être.

Cliquez ici pour relire l'interview de Jérôme Rothen et ici pour Eric Rabésandratana
ITW Viola Virage PSG
Dans le parcage Lutece (c) Merry Moraux

Comment vois tu le mouvement ultra évoluer sur les prochaines années ?

Ça dépend de ce que tu appelles la « cause » et où tu mets la graduation. Je pensais par exemple qu’avec les nouveaux stades, des gens comme les Ultramarines à Bordeaux allaient péricliter. Au final ils continuent à vivre, à faire des tifos, des torches de temps à autre. Tu vois des répressions de ouf, des interdictions de stade. C’est assez difficile à dire, mais il y a un moment où je me suis dit que le mouvement ultra pouvait vraiment mourir. Le problème c’est qu’il y a tellement peu de culture foot en France… Alors qui va remplacer les ultras ? Et vu le spectacle proposé par la Ligue 1, il faut remplir les stades. Heureusement que les ultras sont là. Le mouvement ultra en Europe globalement ou dans le monde, je pense que c’est une question de cycle, de mode, et aussi de régions, de géographie. Le mouvement ultra italien qui était notre paradigme dans les années 90 a pris vraiment très cher avec des lois très répressives, la Tessera del tifoso (ndlr : instaurée en 2009 par le Ministre de l’intérieur italien afin d’identifié les supporters, cette carte du supporter a été arrêté en 2012) les interdictions de déplacement. Mine de rien ils continuent à vivre mais difficilement. A côté de ça il y a eu une scène qui a explosé en Allemagne qui est complètement hallucinante, et puis l’Europe de l’est et les pays scandinaves. Quand je suis allé à Munich en 2000, dans l’ancien stade, il y avait un groupe mais c’était rien. Et dans les autres clubs allemands c’était pareil. Maintenant il y a des groupes ultras très structurés, très forts. Les allemands sont très dans le dialogue, il y a une vraie culture club et une vraie culture fans. Les ultras ont réussi à être dans ça et c’est une belle scène que la scène allemande. Je ne te parle pas des pays de l’est, là c’est complètement dingo, pas seulement parce qu’ils se battent dans la rue, mais ils font des tifos de malades, super chiadés, des chorégraphies dignes de la Corée du Nord ou de la RDA de l’époque, des trucs carrés.

Est-ce qu’en Europe de l’ouest l’avenir ce n’est pas justement le dialogue et plus de liens avec les clubs ?

Le lien avec les clubs il a toujours existé, parce que tu peux être en contestation mais tu discutes toujours. Au final c’est quand même mieux quand ça se passe bien. Nice par exemple, la BSN (ndlr : Brigade Sud Nice 85) a souvent été un peu dans l’œil du cyclone médiatique. Ils ont connu une dissolution administrative, mais ils ont toujours eu une bonne relation avec leur responsable sécurité et divers présidents. Ils ont su faire le dos rond et puis revenir, continuer à exister. Je pense que les relations aves les clubs ont toujours existé. Parfois mal, parfois bien. Faire des compromis, discuter avec les autorités, faire moins de torches, des chartes sur la non-violence, c’est des questions, mais de toute façon pour continuer à vivre lorsque tu es un groupe structuré, une association, tu es forcément obligé de faire des concessions. Tu n’as pas le choix, parce que la répression est de plus en plus forte. Mais à côté de ça, oui et non. Qui aurait parié sur le rallumage de fumigènes massif au Parc des Princes. Tu as eu PSG-Real, PSG-Nantes pour l’anniversaire des Parias, c’est des trucs qui rappellent vraiment notre époque. Tu aurais jamais mis un kopeck sur ça.

Et quand tu vois les interdictions de déplacement, souvent abusives ?

Ça c’est terrible. Se dire que la Police française n’est pas capable de gérer le public en déplacements. C’est une solution de facilité. Tu vois quand vous avez été à Belgrade, il y avait des flics partout. OK c’était cadenassé, mais bon vous pouviez tout de même aller à Belgrade en toute sécurité. Mais c’est plus facile pour les Préfectures d’interdire.

ITW Viola Virage PSG
Souvenir de Bonal (c) Merry Moraux

Que penses-tu du tifo de « Père en Fils » (ndlr : Virage Auteuil, PSG – Naples, 24 octobre 2018) ?

C’était pas mal. C’est pas très original, ça a été fait dans pas mal d’endroits, mais c’était très graphique, très beau. Le foot, la transmission, c’est ce que je disais dès le départ, ça devrait être ça. De père en fils. Beaucoup de clubs en Italie l’ont fait. Après je n’ai pas eu la chance d’avoir un papa qui aimait assez le foot pour venir au Parc avec moi et je n’ai pas encore de gamin. Mais aller au stade, en virage ou pas, avec ton gamin ça doit être magique. Tu partages quelque chose de tellement fort, de tellement beau, une passion irrésistible.

J’ai un pote de la section Haute Savoie, David, que j’ai connu dans les années 90. Il a eu un môme super jeune à 18 ans. Le petit venait au Parc, tu le voyais grandir, agiter des drapeaux, chanter. C’est beau ça.  Alors il a pas eu la chance de connaître en tant qu’ado ou adulte le Parc d’avant le plan Leproux. Mais là je l’ai revu l’an dernier à Paris pour la finale du mondial. Il a 18 piges, il est au taquet comme on pouvait l’être avec son père au même âge. La passion du foot, du PSG, des tribunes. Il connait des mecs dans les nouveaux groupes actifs du virage.  Tu te revois à son âge. Alors tu prends un coup de vieux mais ce qui te rassure c’est que tu sens que l’amour du club, la fougue est toujours là en toi et que l’histoire d’amour autour du PSG continue année après année.

Et je souhaite que tous les gamins fans du PSG aient des étoiles pleins les yeux et de la fierté d’aimer ce club unique et magique.  Ça doit quand même être sympa d’avoir 10-12 ans, de porter un maillot du PSG floqué Kylian Mbappé et de demander à son père si on pourra veiller pour les  grandes affiches de Champions League !


Benjamin Navet
Xavier Chevalier

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